Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5 mars 2015, n° 13/22703

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 5 mars 2015, n° 13/22703
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/22703
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulon, 23 octobre 2013, N° 2012F0058

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 05 MARS 2015

N° 2015/ 84

Rôle N° 13/22703

Z A Y

C/

XXX

Grosse délivrée

le :

à :

Me LE LOUER

Me LAROQUE (Paris)

Décision déférée à la Cour :

Contredit à l’encontre d’un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULON en date du 24 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F0058.

DEMANDEUR EN CONTREDIT

Monsieur Z A Y

né le XXX à XXX,

XXX

représenté par Me Francois LE LOUER, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE SUR CONTREDIT

XXX et C/O IMS XXX,

XXX

représentée par Me Hervé LAROQUE de la SCP LAROQUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Aurélie DUQUESNE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur X, conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre X, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2015,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DE L’AFFAIRE

Par contrat du 23 février 2010, M. Y, citoyen des États-E d’Amérique a été embauché par la société CHAKIBEL ASSOCIATES ayant son siège aux Iles Vierges britanniques en qualité de capitaine sur un navire dénommé AMOHA.

Par courrier du 12 juillet 2011, et alors qu’il supervisait les travaux du navire dans un chantier de Saint-Mandrier, il a été avisé de son licenciement.

Par ordonnance sur requête du 14 octobre 2011, le président du tribunal de commerce de Toulon a autorisé M. Y à faire procéder à une saisie conservatoire du navire précité dans l’enceinte du chantier naval IMS de Saint-Mandrier, pour sûreté et conservation sa créance évaluée à la somme de 90 000 €.

Par ordonnance de référé du 14 décembre 2011, le président du tribunal de commerce de Toulon s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de rétractation formée par la société CHAKIBEL ASSOCIATES.

Par arrêt de la présente cour du 24 janvier 2013, l’ ordonnance précitée a été infirmée et la société CHAKIBEL ASSOCIATES a été déboutée de ses réclamations

Par acte du 27 octobre 2011, M. Y a fait assigner la société CHAKIBEL ASSOCIATES devant le tribunal de commerce de Toulon pour avoir paiement de la somme de 98 477,35 euros, outre les intérêts de droit à compter la mise en demeure du 2 septembre 2011, au titre de diverses indemnités qui lui étaient dues correspondant au paiement du mois de préavis, de salaires et de congés payés.

Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal s’est déclaré incompétent au motif que le contrat liant les parties était régi par le droit anglais, et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

M. Y a formé un contredit sur cette décision en invoquant l’article 7-1 de la Convention Bruxelles du 10 mai 1952, et soutient que les tribunaux de l’État dans lequel la saisie a été pratiquée sont compétents pour statuer sur le fond du procès si le demandeur a sa résidence habituelle ou son principal établissement dans l’Etat où la saisie a été pratiquée, ou si la créance maritime est elle-même née dans l’État contractant dont dépend le lieu de la saisie.

Il soutient qu’il dispose de sa résidence habituelle à Antibes, et que la créance est née en France, en l’espèce au chantier naval de Saint-Mandrier, puisqu’il lui est reproché dans une lettre du 11 août 2011 de pas avoir exécuté avec tout le soin nécessaire les opérations de supervision de la délivrance du certificat de l'« american bureau of shipping», visite réalisée au chantier de Saint-Mandrier au début de l’année 2011.

Il ajoute que la lettre de licenciement lui a été remise le 12 juillet 2011 au chantier IMS de Saint-Mandrier qui est le lieu où il a accompli son travail.

Le contredisant prétend que la convention internationale a une valeur supérieure au texte de droit interne et doit s’imposer. Il soutient l’inopposabilité de la clause de compétence du contrat dans la mesure où cette clause ne prévoit qu’une compétence non exclusive des juridictions anglaises et qu’une clause de juridiction au profit d’un tribunal étranger insérée dans un contrat de travail est réputée non écrite en application des dispositions de l’article L 1211-5 du code du travail.

Réfutant l’argumentation adverse, il soutient que par application des articles L721-3 et L 110-2 du code de commerce, la juridiction commerciale est compétente pour statuer et nullement le Conseil des Prud’hommes d’Antibes.

En conséquence, il estime que le tribunal de commerce de Toulon est compétent pour statuer.

Invoquant une plénitude de juridiction de la présente cour, il demande l’évocation de sa demande.

La société CHAKIBEL ASSOCIATES rétorque que M. Y, dont le domicile est situé aux D-E, a fait l’objet d’un embarquement à Phuket (Thaïlande), et qu’il n’y a aucun élément de rattachement avec la France autre que le lieu de la remise de la lettre de licenciement et le lieu où se trouve le bateau lors de la saisie.

Elle conclut au rejet du contredit formé par M. Y puisque les juridictions françaises sont incompétentes pour statuer.

A titre subsidiaire, cette société prétend que, s’il devait être fait application du droit français, ce qu’elle conteste, et par application des articles L 5542-48, L1311-1 et L 5541-1 du code des transports, le juge judiciaire est compétent en droit du travail qui régit les rapports entre armateurs et tous les marins et que l’article L 1411 du code du travail donne compétence aux conseils des prud’hommes pour juger des relations de travail entre employeurs et salariés.

Elle soutient donc la compétence du Conseil des Prud’hommes d’Antibes.

La cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions de parties à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 7.1.c de la Convention de 1952, les tribunaux de l’Etat dans lequel la saisie d’un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès lorsque la créance maritime est née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite.

La Convention précitée énumère, en son article 1er, les créances maritimes permettant de saisir un navire à titre conservatoire et notamment les salaires des Capitaine, Officiers ou hommes d’équipage.

Il est constant que par contrat du 23 février 2010, M. Y, citoyen des États-E d’Amérique, a été embauché par la société CHAKIBEL ASSOCIATES ayant son siège aux Iles Vierges britanniques en qualité de capitaine sur un navire dénommé AMOHA ayant comme port d’attache George Town aux îles Cayman.

M. Y a embarqué sur le navire à XXX) et courant 2011, le bateau a été remisé aux chantiers naval IMS à Saint Mandrier pour la visite technique des cinq ans. Cette vérification a été effectuée avec la collaboration du capitaine.

Si le contrat de travail dont bénéficie M. Y prévoit que cet accord est régi par le droit anglais, aucune disposition ne spécifie la juridiction compétente pour statuer sur l’exécution du contrat. Il est en effet précisé que «les parties soumettent à la compétence non exclusive des tribunaux anglais tout litige se rapportant à ce contrat».

Les indemnités dont M. Y réclame le versement, correspondent au paiement du mois de préavis, à des salaires et à des congés payés, et présentent indubitablement le caractère d’une créance maritime qui, en outre, est née sur le territoire français où il a été procédé à son licenciement, et où réside le contredisant qui justifie par la production de l’avis de taxe d’habitation, résider habituellement à XXX).

Les juridictions françaises sont donc compétentes pour statuer sur le présent litige.

L’article L 5541-1 du code des transports prévoit que « Le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d’armement maritime et des entreprises de cultures marines ainsi qu’à leurs employeurs’ ».

L’article L 5542-8 précise que « Tout différend qui peut s’élever à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire ».

Ces articles ne prévoient pas une compétence spécifique de la juridiction prud’homale pour statuer sur un litige entre un capitaine de navire de son employeur.

L’article L. 5542-42 indique que « Les conditions d’application au marin des dispositions du titre III du livre II de la première partie du Code du travail, (qui concernent la rupture du contrat de travail à durée indéterminée), relatives au licenciement pour motif personnel et au licenciement pour motif économique, sont fixées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret en Conseil d’État ».

Les décrets précités n’ont pas été promulgués.

Si l’article L 1411-1 du code du travail mentionne que « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient », l’article 1411-4 ajoute que « Le conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi’ ».

Dès lors, en application de l’article L 110-2 – 6e du code de commerce qui indique que « La loi répute pareillement actes de commerce :

6° Tous accords et conventions pour salaires et loyers d’équipages », le tribunal de commerce de Toulon est compétent pour statuer.

En conséquence, le jugement déféré est infirmé et il n’y a lieu de procéder à l’évocation du litige du fait qu’il ne serait pas d’une bonne justice de ne pas permettre aux parties de faire valoir leurs moyens devant la juridiction du 1er degré.

Il est équitable de condamner la société CHAKIBEL ASSOCIATES à payer à M. Y une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Déclare le tribunal de commerce de Toulon compétent pour statuer sur les demandes présentées par M. Y,

Dit n’y avoir lieu à évocation,

Condamne la société CHAKIBEL ASSOCIATES à payer à M. Y une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne la société CHAKIBEL ASSOCIATES aux dépens de première instance et d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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