Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 25 novembre 2015, n° 13/15429

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 14e ch., 25 nov. 2015, n° 13/15429
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/15429
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bouches-du-Rhône, 19 juin 2013, N° 21001628
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2015

N°2015/933

Rôle N° 13/15429

SA NAPHTACHIMIE

C/

URSSAF DES [Localité 1]

ARIAL ASSURANCE

URSSAF DU [Localité 2]

MNC – MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D’AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

URSSAF DES [Localité 1]

Me Julie JACOTOT, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 20 Juin 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21001628.

APPELANTE

SA NAPHTACHIMIE, ayant son siège social [Adresse 1]

, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

URSSAF DES [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par M. [K] [L] en vertu d’un pouvoir spécial

ARIAL ASSURANCE, membre du groupe AGRR LA MONDIALE, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Julie JACOTOT, avocat au barreau de PARIS

URSSAF DU [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par M. [K] [L] (Inspecteur du contentieux) en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE

MNC – MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D’AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 5]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2015

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA NAPHTACHIMIE qui avait fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF des [Localité 1] portant sur les années 2006, 2007 et 2008 et avait contesté la lettre d’observation du 31 août 2009, puis la notification des 18 chefs de redressement qui avait suivi, a fait appel du jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2013 qui a ordonné la jonction de ses deux recours, a mis hors de cause la société Arial Assurances et l’URSSAF-[Localité 3], puis, après avoir constaté qu’il fallait annuler le 10ème chef de redressement, a annulé, dans son dispositif, le 9ème chef de redressement, a confirmé les autres chefs de redressement et l’a condamnée à payer à l’URSSAF des [Localité 1] la somme de 1.327.210 euros, outre la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats devant la Cour, les parties ont se sont déclarées d’accord sur le fait que le tribunal avait bien décidé d’annuler le 10ème chef de redressement et non le 9ème, et elles ont demandé à la Cour de rectifier cette erreur matérielle.

Par ses dernières conclusions responsives n°3 développées à l’audience de plaidoirie du 21 octobre 2015, la société Naphtachimie a demandé à la Cour d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il avait annulé le 10ème (et non le 9ème) chef de redressement, de condamner l’URSSAF à lui rembourser la somme correspondant à ce 10ème point soit 440748 euros (outre intérêts, produits et pénalités), et, subsidiairement, de condamner la société Arial à la garantir en cas de condamnation à ce 10ème point.

Elle a soutenu que seule la société Arial Assurances pouvait faire l’objet d’un contrôle de l’URSSAF et d’un redressement sur les points 9 et 10.

Elle a demandé la restitution de la somme de 440748 euros par l’URSSAF-[Localité 2] et par la société ArialAssurances.

Elle a demandé la remise des pénalités de retard, a conclu à l’irrecevabilité de l’appel incident de l’URSSAF, au rejet de ses demandes et la condamnation de l’URSSAF des [Localité 1] et de la société Arial à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l’audience, l’URSSAF-[Localité 1] a demandé à la Cour de déclarer l’appel irrecevable sur le 11ème point, d’infirmer le jugement sur l’annulation du 10ème, de confirmer le jugement sur les autres points, de condamner la société Naphtachimie au paiement de la somme de 1.193.146 euros, outre 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait remarquer que l’appelante n’avait réglé aucune somme, pas même les points non contestés du redressement.

Par ses dernières conclusions développées à l’audience par l’URSSAF des [Localité 1] qui en avait reçu procuration, l’URSSAF-[Localité 3] ([Localité 3]) a demandé à la Cour de débouter la société de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l’audience, la société ARIAL ASSURANCES a demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré (sauf concernant l’erreur matérielle), de débouter la société Naphtachimie de ses demandes et de la condamner, solidairement avec l’URSSAF-[Localité 4], à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La MNC régulièrement avisée n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour fait droit aux requêtes et rectifie l’erreur matérielle affectant le jugement déféré: le tribunal a donc bien annulé le 10ème chef de redressement et validé le point 9.

Vu la lettre d’observation du 31 août 2009: 18 chefs de redressement (cotisations: 2 332 511 euros) et 3 observations pour l’avenir ;

Vu l’abandon du 8ème chef de redressement (23693 euros) ;

Vu la mise en demeure du 24 décembre 2009 portant sur la somme de 2.616.818 euros;

Vu la contestation des points 2, 9, 10, 11, 12, 13 et 16 du redressement;

Vu la décision de la commission de recours amiable en date du 19 novembre 2010 confirmant les redressements contestés;

Vu l’acte d’appel reçu le 15 juillet 2013;

I – Les ruptures de contrat en mai-juin 2008: 2ème chef de redressement ( 397254 + 111927 euros):

Ce point concerne les sommes versées aux salariés dans le cadre de « ruptures d’un commun accord » en 2008, (recouvrement URSSAF + régime assurance chômage).

L’appelante a fait valoir que le redressement avait été décidé sans examen des accords conclus avec les salariés, et, sur le fond, elle a contesté le principe même du redressement s’agissant de sommes dont elle conteste qu’elles aient été soumises à cotisations sociales.

L’URSSAF a maintenu que tous les documents avaient bien été examinés lors du contrôle et que les sommes versées aux salariés étaient soumises à cotisations.

La Cour constate que dans sa lettre du 30 septembre 2009, répondant à la lettre d’observation, la société appelante avait précisé, à propos de ce chef de redressement: « Ainsi que nous vous l’avons exposé lors du contrôle… ».

Cette phrase établit que le contrôle a bien été fait et discuté sur la base des documents remis par ses services aux inspectrices, qui en ont pris connaissance et les ont analysés; l’appelante n’évoque d’ailleurs aucune erreur matérielle dans le paragraphe consacré à ce chef de redressement.

La Cour rappelle qu’il importe peu que ces documents ne soient pas expressément mentionnés dans la liste des documents consultés et écarte la critique de l’appelante.

Sur le fond, la Cour constate que la société Naphtachimie mettait à disposition de la société Arkéma certains salariés mais que ces prestations devaient prendre fin au 30 avril 2008. La société Arkéma s’était toutefois engagée à embaucher, à compter du 1er mai 2008, les salariés qui le souhaitaient. Les salariés volontaires ont signé une lettre de démission moyennant le versement d’une indemnité, calculée en fonction de leur ancienneté, en dehors de tout litige, et cette démission a été suivie quelques jours plus tard d’une transaction devant mettre fin par anticipation à tout contentieux et visant expressément leur embauche par la société Arkéma avec reprise de leur ancienneté et dans les mêmes fonctions, ce dont la société Naphtachimie leur donnait acte.

La société Naphtachimie considère avoir été à l’origine de la rupture des contrats en précisant que « les démissions étaient plus qu’équivoques puisque résultant d’un accord et d’une transaction », et que les sommes ainsi versées avaient un caractère indemnitaire, ce qu’avait décidé une autre chambre de cette même Cour, par 130 arrêts rendus en matière prud’homale, le 3 octobre 2014 ([S] et autres).

Dans le présent litige soumis à la Cour, l’employeur conteste donc le redressement en se servant de sa condamnation par la juridiction prud’homale, devant laquelle il soutenait pourtant la validité des actes de démission puisqu’il tentait d’éviter la condamnation pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Aucune autorité de chose jugée n’est opposable à la Cour, statuant sur un litige relatif aux obligations de l’employeur dans ses relations avec les organismes sociaux, litige qui ne concerne donc pas les mêmes parties et qui n’a pas les mêmes fondements juridiques puisque la juridiction prud’homale tranche un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail et opposant l’employeur à un salarié.

La Cour constate que l’accord conclu entre les deux sociétés, juridiquement indépendantes, ne s’inscrivait dans aucun plan de suppression d’emploi, ni dans le cadre strict de la rupture conventionnelle (article L1237-11 du code du travail) et laissait les salariés libres de leur décision.

Ceux qui ont accepté la proposition ont signé deux actes à quelques jours d’intervalle, l’un concernant leur démission avec effet au 31 mai 2008, l’autre signé le 6 juin 2008 organisant une « transaction » par laquelle le salarié annonce qu’il souhaite être embauché par la société Arkéma, mais que, pour « compenser le préjudice moral et matériel résultant de la rupture de son contrat de travail », la société Naphtachimie lui versera une indemnité.

Nonobstant les maladresses rédactionnelles et juridiques de cette opération, il n’en demeure pas moins que la rupture de chaque contrat s’est inscrite dans le cadre d’une démission du salarié et que l’indemnité a bien été versée « pour compenser la rupture du contrat », donc pour accompagner la démission.

Les indemnités versées à l’occasion d’une démission sont intégralement soumises à cotisations, par application des articles L242-1 et 136-2 §I du code de la sécurité sociale.

La Cour valide le redressement et confirme le jugement déféré..

II – La préretraite d’entreprise: 9ème et 10ème chefs du redressement

Les préretraites d’entreprise sont décidées librement, par la voie d’accords collectifs.

Pour l’entreprise, la préretraite implique à la fois des engagements financiers et une gestion juridico-administrative individualisée (paiement des allocations aux préretraités et des cotisations sociales y afférentes) qu’il peut assumer seul ou externaliser auprès de gestionnaires spécialisés tels que les assureurs ou les courtiers. En ce cas, des protocoles sont alors conclus pour délimiter le champ d’intervention du gestionnaire tout au long de la mise en 'uvre de la préretraite.

La société Naphtachimie, dont le siège social se trouve dans le département des [Localité 1], a souscrit un contrat d’assurance avec la société Arial Assurances dont le siège social se trouve dans le département du [Localité 2]. Dans le cadre de ces souscriptions successives, les deux parties ont conclu des protocoles annuels de gestion des préretraites, notamment les 18 avril 2007 et 9 avril 2008.

La période allant du 1er janvier au 31 décembre 2006 qui est incluse dans le contrôle n’est pas documentée, ce qui ne semble pas avoir créé de difficultés dans les relations entre l’assureur et la société assurée, du moins dans la présente instance.

Ces protocoles ayant organisé l’externalisation de la gestion des préretraites de la société appelante, et le litige portant sur deux chefs du redressement qui sont liés, il sera logique d’examiner la question du paiement des cotisations sociales (point 10) avant la contestation concernant le montant de la contribution (point 9).

L’article L243-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur jusqu’en décembre 2010, prévoyait que: « Le contrôle de l’application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques, et par les travailleurs indépendants est confié aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général. ». Ce n’est que postérieurement au contrôle (réalisé en juillet 2009), que les agents de l’URSSAF ont été autorisés à procéder au contrôle de « toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général ('). ».

Ce préalable permet de constater que la société Arial Assurances ne pouvait faire l’objet d’aucun contrôle de la part d’aucune URSSAF quant aux cotisations et contributions dues par la société Naphtachimie de 2006 à 2008.

a) Sur le chef de redressement n°10 ( 440 748 euros)

Au préalable, la Cour constate que la société Naphtachimie n’a présenté aucun argument à l’appui de sa demande tendant à faire déclarer irrecevable l’appel incident de l’URSSAF.

La Cour l’en déboute.

Par application des règles de compétence fixées par les articles L213-1, D213-1, et L243-7 du code de la sécurité sociale, pour la période ayant fait l’objet du contrôle, soit 2006 à 2008 inclus, la part patronale des cotisations sociales dues sur les allocations (ou rentes) devait être déclarée et payée auprès de l’URSSAF du siège social de l’entreprise Naphtachimie et non pas de l’assureur Arial.

L’externalisation décidée entre ces deux sociétés est donc inopposable aux deux URSSAF, notamment à l’URSSAF-[Localité 2] qui, à cette époque n’aurait jamais eu la compétence juridique pour contrôler les paiements réalisés par Arial Assurances (autrement que pour ses propres salariés).

Dès lors, les cotisations sociales (maladie, prévoyance, retraites complémentaires, etc…) et les CSG-CRDS devaient être payées auprès de l’URSSAF des [Localité 1].

Les protocoles versés aux débats s’ils mettent, en effet, à la charge d’Arial Assurances le paiement mensuel à chaque préretraité de ses allocations de préretraite (article 5- F), et le versement des cotisations sociales (article 5- E: sécurité sociale, retraites complémentaires, prévoyance et santé), ne disent nullement auprès de quelle URSSAF les paiements seront faits, et aucun document ne permet de savoir quelles sommes précises ont été payées par Arial.

La circonstance selon laquelle Naphtachimie aurait versé des « dotations » à Arial est inopposable à l’URSSAF.

Ces points constituent sans doute des difficultés d’exécution de ces documents contractuels, mais ces difficultés ne concernent que les deux parties contractantes.

N’ayant trouvé aucune preuve de paiements par la société Naphtachimie, les inspectrices de l’URSSAF des [Localité 1] ont néanmoins pris soin d’interroger, tant la société Arial que l’URSSAF du [Localité 2] pour rechercher si des paiements avaient été faits dans le cadre de ces protocoles: les documents présentés par Arial Assurances étaient des listings établis par elle-même que l’URSSAF du [Localité 2] a commentés en ces termes: « nul ne sait si les charges sociales dues par Naphtachimie y figurent ». La preuve du contraire n’ayant pas été apportée par les deux parties concernées, l’URSSAF des [Localité 1] a procédé au redressement selon les modalités figurant dans la lettre d’observation.

La Cour constate que les documents produits par Arial Assurances dans la procédure sont ces mêmes listings et ne peuvent prouver ni que la totalité des sommes dues par Naphtachimie aurait été payée par Arial Assurances, ni auprès de quelle URSSAF.

En conséquence, la Cour déboute la société Naphtachimie de ses demandes dirigées tant à l’encontre de l’URSSAF-[Localité 3], qu’à l’encontre d’Arial Assurances, et tendant à la restitution de la somme de 440748 euros avec intérêts, renvoie les deux parties cocontractantes à l’article 8 de leurs protocoles et infirme le jugement déféré concernant le chef n°10 du redressement qui doit être validé.

b) Sur le chef de redressement n° 9 (1 279 333 euros)

L’entreprise doit payer une taxe, dite « contribution au financement des préretraites » (article 137-10 du code de la sécurité sociale), qui est calculée sur le montant des avantages de préretraite. Cette taxe est toujours à sa charge, même si elle a externalisé la gestion des préretraites.

L’entreprise doit indiquer l’assiette et le montant de cette contribution sur les bordereaux récapitulatifs des cotisations ainsi que sur le tableau récapitulatif annuel. Les avantages versés en application d’une préretraite ayant pris effet antérieurement au 11 octobre 2007 sont assujettis à une contribution patronale spécifique au taux de 24,15% sous réserve que le dispositif de préretraite ait été mis en place postérieurement au 27 mai 2003.

Pour les avantages versés en application d’une préretraite ayant pris effet à compter du 11 octobre 2007, le taux de la contribution patronale est fixé à 50 %, quelle que soit la date de mise en place du dispositif.

Les protocoles versés aux débats montrent que cette question a été prévue par les parties puisque l’article 5-G (« opérations diverses ») prévoit que « le gestionnaire communique à la contractante (') les informations nécessaires au paiement de la contribution sur les prestations de préretraite prévue à l’article L137-10 du code de la sécurité sociale ».

Les pièces versées par Arial Assurances montrent que ces documents ont bien été transmis mensuellement à Naphtachimie (mails et tableaux pour 2007 et 2008 rassemblés en pièce 3).

Les documents afférents à l’année 2006 n’ont pas été transmis mais cette circonstance, qui ne concerne que l’appelante et le gestionnaire, est inopposable à l’URSSAF, donc indifférente à la solution du litige.

L’appelante a contesté la décision de l’URSSAF d’ « appliquer le taux maximal en vigueur » sur les montants des avantages de préretraites augmentées des sommes dues au titre du « maintien des droits au régime de sécurité sociale », sans avoir respecté ses obligations telles qu’issues des contrats de gestion avec Arial Assurances.

Outre l’inopposabilité des protocoles (cf.supra), la Cour rappelle que c’est à la société à laquelle incombe le paiement de la contribution de rapporter la preuve qu’elle a respecté ses obligations, quand bien même elle aurait externalisé la gestion des préretraites: elle se doit d’obtenir de son gestionnaire des documents suffisamment détaillés pour lui permettre de renseigner convenablement les bordereaux précités. Aucune délégation de responsabilité n’existe à l’égard des tiers aux protocoles les liant.

Par ailleurs, devant la Cour, l’appelante a fait valoir qu’elle serait exonérée des cotisations car tous les salariés (postés et anciens postés) se trouvaient en fin de carrière, en situation de cessation anticipée d’activité dans le cadre du CATS du 30 mai 2002 conclu avec l’UNEDIC ou bien qu’elle aurait droit au bénéfice de taux réduits (17% pour 2006 et 19,5% pour 2007) pour les salariés en préretraite qui « ont bien bénéficié du maintien des droits au régime de sécurité sociale ».

Ces arguments qui n’ont pas été présentés dès la contestation initiale, tendent pourtant au même objet que les moyens initiaux, à savoir l’annulation du redressement, ne constituent pas des « fondements juridiques nouveaux » et sont donc recevables.

L’URSSAF a exactement rappelé que d’une part le dispositif CATS créé en 2002 a été supprimé en décembre 2004, que d’autre part les salariés qui auraient été concernés par ce dispositif ne sont pas nommément identifiables par les documents produits par l’appelante, et enfin qu’à partir du 1er janvier 2005, le dispositif « préretraite d’entreprise » s’est appliqué (et lui seul) aux départs des salariés postés et anciens postés.

La Cour considère que l’appelante n’est pas fondée à se prévaloir de ce dispositif CATS pour tenter de s’exonérer des cotisations sociales, d’autant plus qu’elle adopte une position contraire en prétendant que c’est la société Arial Assurances qui, dans le cadre des protocoles conclus pour la gestion des préretraites serait seule débitrice des sommes dues à l’URSSAF (cf.supra).

Quant au bénéfice du taux réduit (article L137-10 % II du code de la sécurité sociale issu du décret du 20 décembre 2003), il n’est applicable qu’aux cotisations versées dans le cadre de l’adhésion à l’AVV (assurance volontaire invalidité-vieillesse-veuvage) juqu’à la date où le préretraité peut bénéficier du taux plein du régime général, mais à condition que le financement soit assumé par l’entreprise au moins à hauteur du taux de la contribution.

Sur ce point également, la Cour constate que l’appelante ne justifie pas de l’éligibilité des préretraités éventuellement concernés.

Quant à la critique de la « méthode du sondage » qui aurait été utilisée lors du contrôle, elle est d’autant moins fondée que l’appelante n’a produit, ni directement ni par le truchement de la société Arial, aucun document permettant aux inspectrices une identification des salariés concernés ou des sommes annoncées comme ayant été payées, ou la détermination de l’assiette des cotisations prétendûment versées et des taux appliqués.

La Cour rejette les moyens et critiques de l’appelante, qui ne commente pas le fait que cette somme aurait été versée à l’URSSAF en cours de procédure, hors majorations de retard, expliquant le différentiel total restant à payer (cf. infra § VI) , et valide le redressement du point n°9.

III – Sur le chef de redressement n° 11 (18 012 euros):

Dans son acte d’appel, la société Naphtachimie a expressément exclu de son recours le 11ème chef de redressement « primes diverses challenge:18012 euros ».

L’URSSAF considère irrecevable la demande ultérieure concluant à l’annulation de ce point 11.

Lors des débats devant la Cour, l’appelante a admis que ce point avait été exclu de son recours et qu’elle ne le contestait plus.

La Cour lui en donne acte et valide ce point 11 (18 012 euros).

IV – Sur les chefs de redressement n°12 et 13 (5432 et 2056 euros):

Ces points concernent les indemnités de licenciement (12) et l’indemnité de préavis (13) suite au licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse d’une salariée, Mme [W].

L’URSSAF a constaté que la société Naphtachimie n’avait pas réintégré certaines sommes dans l’assiette des cotisations, a procédé à deux séries de redressement qui ont été ultérieurement ajustés pour tenir compte de la décison de la Cour d’appel du 9 septembre 2009 réformant le jugement du conseil des prud’hommes du 1er septembre 2008.

L’appelante a indiqué qu’un pourvoi avait été formé contre cet arrêt: cet argument, déjà invoqué devant la commission de recours amiable en 2010, a été repris devant la Cour courant 2015, mais l’appelante n’en a pas justifié.

La Cour considère que l’arrêt du 9 septembre 2009 a force de chose jugée.

L’appelante a contesté le principe du redressement sur les dommages-intérêts, et également le montant de chacun des redressements.

La décision de la Cour réformant la juridiction prud’homale a condamné la société Naphtachimie à payer à son ancienne salariée les sommes de 60000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (au lieu de 50000 euros), et de 70000 euros à titre de dommages-intérêts « pour manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles »

(au lieu de 180000 euros à titre des dommages-intérêts pour préjudice matériel suite à la perte de salaires).

L’URSSAF a considéré qu ces sommes constituaient des accessoires de salaires, asssujettis aux cotisations sociales et à la CSG-CRDS.

La Cour rappelle que c’est la date d’envoi de la lettre de licenciement qui détermine la législation applicable au régime social des indemnités de rupture du contrat de travail, ou la date de la rupture du contrat de travail en l’espèce juillet 2002 comme constaté par le conseil de prud’hommes dans son jugement du 1er septembre 2008.

Par ailleurs, les limites d’exonération se calculent sur le montant global des indemnités et dans la limite maximale de six fois le plafond de la sécurité sociale (soit 205848 euros pour 2009).

En l’espèce, le montant global des indemnités fixées par la Cour en 2009 s’établissait à (4482+ 36976 + 50000 + 70000 =) 161458 euros.

Le salaire brut annuel de la salariée n’étant pas précisé, il faut appliquer le taux de 50% des indemnités, soit 8729 euros.

L’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale mais assujettie à la CSG-CRDS pour la fraction excédant l’indemnité légale ou conventionnelle (qui était de 36976 euros en l’espèce), soit sur (50000 ' 36976 = ) 13024 euros.

Il en va de même des dommages-intérêts alloués au salarié « pour manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles ».

L’URSSAF était fondé à considérer que les sommes ainsi versées devaient être assujetties aux CSG-CRDS et à procéder au redressement en tenant compte de l’arrêt de la Cour de 2009.

L’appelante n’a proposé aucun autre décompte.

La Cour valide le point 12 (5432 euros).

Quant à l’indemnité de préavis qui a été ramenée à 4482 euros par la Cour en 2009, elle est assujettie aux cotisations et CRG-CRDS et en totalité.

Le redressement a été fixé à la somme de 2056 euros; l’appelante n’a proposé aucun autre décompte.

La Cour valide le point 13 (2056 euros).

Les sommes restant dues, dans ce contexte, s’élèvent à 5432 et 2056 euros.

V – Sur le chef de redressement n° 16 (77 205 euros):

Ce point concerne les indemnités de panier.

Les sommes prises en charge par l’employeur pour compenser les dépenses de restauration des salariés lorsqu’ils sont contraints de se restaurer sur leur lieu de travail sont considérées comme frais professionnels et n’entrent pas dans l’assiette des cotisations si elles n’excèdent pas des seuils fixés chaque année par arrêté. Au-delà de ce seuil, c’est à l’employeur de prouver que les sommes ont été utlisées conformément à leur objet.

En l’espèce, la société appelante a expliqué que certains salariés « postés », pour des raisons de sécurité, ne peuvent absolument pas quitter leur poste de travail (de jour ou de nuit, selon les cas) et bénéficient de plateaux repas, dont une partie du coût restant à leur charge est retenu sur leur bulletins de paye. Ils bénéficient également des primes de paniers telles que prévues par arrêté donc exonérées de cotisations. L’employeur finance le surplus de ces plateaux-repas qu’il considère être « une participation aux frais fixes de restaurant d’entreprise liés à la préparation, au conditionnement, à la conservation et au portage des repas aux personnels postés », et qu’il qualifie d’ « oeuvre sociale ».

Cette explication ne repose sur aucun élément de preuve.

Ces sommes doivent être considérées comme des compléments de salaires et elles entrent dans l’assiette des cotisations.

La décision de la commission de recours amiable qui, à l’occasion d’un précédent contrôle, a fait droit à une contestation similaire de la société Naphtachimie, le 26 novembre 2007, est sans incidence sur le présent litige car elle sanctionnait une irrégularité de forme et non pas de fond.

La Cour valide ce point du redressement.

VI – Concernant le montant des sommes restant dues:

La lettre d’observation du 31 août 2009 avait évalué les cotisations à recouvrer à 2 332 511 euros, avant majorations de retard (18 chefs de redressement).

Du fait de l’abandon du 8ème chef de redressement (23693 euros), il restait dû, au titre des cotisations, la somme de 2 308 818 euros, augmentée de la somme de 307 391 euros au titre des majorations de retard, soit un total de 2.616.818 euros selon décompte mentionné dans la mise en demeure du 24 décembre 2009.

La société Naphtachimie a précisé avoir réglé les cotisations dues sur certains points non contestés du redressement, à hauteur de 114236 euros.

Il restait dû, au titre des cotisations, la somme de 2 194 582 euros.

La somme de 1 279 333 euros aurait été versée en cours de procédure (cf. supra: point 9), soit un solde de 915249 euros au titre des cotisations.

La demande de l’URSSAF porte sur la somme globale de 1 193 146 euros, ce qui laisse présumer que le montant des majorations a été réduit à la différence soit à 277 897 euros.

La société appelante n’a pas remis en cause les sommes réclamées, même à titre subsidiaire.

En application de l’article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, seule l’URSSAF a compétence pour examiner une demande de remise des pénalités de retard.

Cette demande de l’appelante est rejetée.

La Cour déboute la société appelante de ses demandes dirigées à l’encontre de l’URSSAF-[Localité 3] et fait droit aux demandes des intimées fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et en matière de sécurité sociale,

Rectifie l’erreur matérielle affectant le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 20 juin 2013 et constate que le tribunal a annulé le 10ème chef de redressement et non pas le 9ème,

Confirme le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 20 juin 2013 sauf en ce qui concerne le 10ème chef de redressement

Et statuant à nouveau:

Valide le 10ème chef de redressement,

Condamne la SA Naphtachimie à payer à l’URSSAF des [Localité 1]:

1°/ – la somme de 1 193 146 euros,

2°/ – la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Naphtachimie à payer à l’URSSAF-[Localité 3] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Le GREFFIERLe PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 25 novembre 2015, n° 13/15429