Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 septembre 2016, n° 14/19085

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 16 sept. 2016, n° 14/19085
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/19085
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 13 novembre 2014, N° 13/5023

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2016

N°2016/ 505

Rôle N° 14/19085

B J

C/

XXX, venant aux droits de la Société JS BIO

Grosse délivrée le :

à :

— Me Karine HOLLMANN-AGARD, avocat au barreau de PARIS

— Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section E – en date du 14 Novembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/5023.

APPELANTE

Madame B J, demeurant XXX

représentée par Me Karine HOLLMANN-AGARD, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Héloïse AYRAULT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

XXX, venant aux droits de la Société JS BIO, demeurant XXX

représentée par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2016

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2016

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société JS BIO a pour objet l’exercice en commun de la profession de directeur et directeur adjoint de laboratoires d’analyses de biologie médicale, l’exploitation en commun de plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale. Parmi ces laboratoires se trouve le laboratoire LAMAT située à Saint-Laurent du Var, comprenant plusieurs médecins biologistes et dont le responsable hiérarchique est M. X F.

Suivant contrat à durée indéterminée du 6 février 2012, B J a été engagée par la société JS BIO en qualité de Directeur des Ressources Humaines, statut cadre autonome, coefficient 800, moyennant une rémunération mensuelle qui en dernier lieu était de 8066.67 euros brut.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des laboratoires d’analyses médicales extra-hospitaliers de 1978.

Après entretien préalable le 11 octobre 2013, B J a été licenciée par la société JS BIO, représentée par Monsieur AB D administrateur délégué, par lettre recommandée avec accusé réception en date du 15 octobre 2013 dans les termes suivants;

' Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 11 octobre 2013.

Vous avez été engagée par notre société en qualité de Directeur des Ressources Humaines, statut 'cadre autonome', coefficient 800, par contrat à durée indéterminée.

Dans le cadre de vos fonctions de Directeur des Ressources Humaines, vous avez notamment en charge:

'- La définition et l’application de la politique RH en lien avec la stratégie de l’actionnaire de référence,

— L’application des dispositions applicables en droit du travail et en droit de la protection sociale complémentaire,

— Le conseil aux opérationnels et appui au management sur le volet droit social et managérial,

— L’anticipation des impacts humains et sociaux liés. à des changements d’organisation (rachat, acquisition et création … ) et la mise en 'uvre concertée et adaptée,

— La mise en 'uvre de la politique disciplinaire au sein de l’entreprise,

— La proposition et la mise en 'uvre après accord préalable du directeur général associé en charge des RH de procédures relatives à la rupture des contrats de travail.'

Compte tenu des fonctions que vous exercez et de la responsabilité qui vous a été confiée dans le domaine des ressources humaines, vous bénéficiez d’une délégation de pouvoir.

Votre contrat de travail précise que cette délégation consiste dans le respect des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles tant en matière du droit social que du droit de la protection sociale complémentaire.

Nous vous rappelons les termes de votre contrat de travail et notamment ceux de l’article relatif à votre délégation de pouvoir:

« Mademoiselle J est investie de l’autorité nécessaire à l’exercice de ses responsabilités et devra respecter ou faire respecter par les autres salariés l’ensemble des prescriptions légales, réglementaires ou conventionnelles inhérentes à l’objet de la présente délégation.

A cette fin, Madame J est habilitée à prendre, sur autorisation préalable du directeur général associé en charge de la RH, toutes les mesures d’organisation qu’elle jugera utiles à l’accomplissement de sa mission et devra s’assurer qu’elles sont effectivement respectées.

Mademoiselle J bénéficiera d’une délégation en matière disciplinaire, sur aval du directeur général associé en charge des RH, pour faire respecter par les salariés leur obligation. »

Vous avez expressément accepté la présente délégation ainsi que ses éventuelles conséquences en matière de responsabilité pénale.

Or, le 21 septembre 2013, vous nous avez transféré un courriel que vous avez reçu de la part de Madame G R, celle-ci vous adressant un courrier établi par l’avocat de Madame G C-I auquel était annexée une copie d’un courriel que vous avez vous-même envoyé à Monsieur F le 9 septembre dernier.

Madame C- I a pu se procurer et prendre connaissance de ce courriel par lequel elle était directement visée.

Pour mémoire, vous avez écrit:

'Comme je te l’ai dit au téléphone (Y m’a aussi appelé samedi), la décision est prise: il faut faire un exemple et en sortir une. Ce sera G.

Tous les éléments que vous pouvez trouver contre elle sont importants.

L’idée que j’ai pour le moment (à adapter en fonction de ce que nous trouverons) c’est de montrer que son comportement, c’est l’arbre qui cache la forêt de ses manquements professionnels sciemment dissimulés.'

Les deux autres biologistes salariés du LAMAT ont également pris connaissance de ce mail et se sont dit 'choquées’ profondément ' affectées’ par celui-ci ou encore 'déprimées '.

Nous avons également été destinataires d’un courrier de la part de l’avocat de ces deux salariés.

Nous vous avons exposé lors de l’entretien préalable notre position quant à de tels propos, qui sont inacceptables pour plusieurs raisons de forme et de fond.

D’une part, les dispositions de votre contrat de travail rappelées ci-dessus prévoient très clairement que vous êtes investie de l’autorité nécessaire à l’exercice de vos responsabilités de DRH et que vous devez respecter ou faire respecter par les autres salariés l’ensemble des prescriptions légales, réglementaires ou conventionnelles inhérentes à la délégation de pouvoirs que vous avez reçue.

Eu égard aux responsabilités et pouvoirs qui vous ont été conférés, le fait qu’un autre salarié qu’il soit responsable de zone ou autre, soit favorable à une mesure de licenciement arbitraire et injustifiée ne peut et ne doit vous contraindre à agir de la sorte.

Vous devez en effet, lui rappeler les règles applicables en la matière qui ne laissent en aucun cas place au licenciement arbitraire d’un salarié ' à titre d’exemple '.

Poursuivant ce courrier électronique, vous prétendez pouvoir «monter un dossier» contre la salariée choisie à titre d’exemple.

Ce procédé n’est pas non plus et acceptable et conforme aux règles applicables en la matière et ce alors d’autant que contrairement à vos affirmations, vous n’avez pas été en mesure de présenter des éléments correspondant à vos accusations.

Lors de l’entretien préalable, vous avez précisé à ce titre que vous n’aviez pas agi de votre propre chef, que Monsieur Y H vous avait confirmé par écrit qu’il « fallait faire un exemple », que vous avez pris une posture de DRH car la salariée s’était opposée oralement au nouveau planning lors d’une réunion où vous n’étiez pas présente.

Nous estimons que les explications que vous avez données ne sont pas de nature à vous décharger d’une quelconque responsabilité.

Les délégués du personnel ont saisi le CHSCT d’un danger grave et imminent découlant de la prise de connaissance par les salariés du LAMAT et notamment Madame C-I de votre courriel en date du 9 septembre dernier.

Enfin, il vous est reproché d’avoir préparé des courriels de « rappel à l’ordre » adressés par Monsieur F, ces courriers ayant participé à l’installation d’un climat de «défiance», d’avoir utilisé à l’encontre des salariés du LAMAT un « ton péremptoire» et avoir déformé certains de leurs propos alors que vous n’étiez pas présente à la réunion au cours de laquelle ces propos avaient été prononcés.

En cela, vous avez anéanti toute possibilité de dialogue et fait obstacle à la mise en 'uvre par les salariés des mesures de réorganisation définies par la direction.

A ce titre, vous avez précisé lors de l’entretien préalable vous être contentée de préparer les courriers pour Monsieur F comme vous le faisiez pour tous les biologistes dans de tels cas, que vous aviez eu la validation de Monsieur F et de Monsieur H sur ces projets de courriers.

Là encore, le fait que ces courriers aient été adressés ou validés par un autre salarié n’enlève pas à votre responsabilité.

En effet, que ce soit Monsieur F ou Monsieur H, ceux-ci ne disposent pas de la compétence et de l’expérience nécessaire à la gestion de ce type de situation contrairement à vous.

Il ressort clairement de vos missions « le conseil aux opérationnels et appui au management sur le volet droit social et managérial ».

Par ailleurs, il apparaît que vous avez directement adressé aux salariées du LAMAT un mail en date du 9 septembre 2013 dont les termes sont inappropriés et déplacés, et qui a été vécu par les salariées comme une remise en cause injustifiée de leur professionnalisme,. instituant pour le moins un climat peu propice à la discussion.

Or, en votre qualité de professionnel du droit du travail, vous ne pouvez ignorer que tels faits ne peuvent relever d’une telle qualification, ce qui constitue donc une méthode d’intimidation des salariés qui est inacceptable, et qui n’a fait qu’augmenter l’impact de votre comportement et de vos écrits à l’égard des salariés.

Nous vous reprochons également un manque de transparence

En effet, le compte-rendu que vous avez adressé aux membres de la direction reste particulièrement vague sur certains points évoqués lors de cette réunion des délégués du personnel, notamment sur les échanges concernant votre mail et ses conséquences.

Les points évoqués sont pourtant clairement établis et relatés par les représentants du personnel dans leur procès-verbal.

Le fait que les délégués du personnel aient soulevé l’existence d’un danger grave et imminent suite à votre email, pouvant être caractérisé par «une atteinte à la santé physique ou mentale» du salarié et qu’en l’occurrence travailler tous les jours avec la menace d’une direction cherchant la « joute grave» pour en faire sortir «une» pour l’exemple est une forme de harcèlement, n’apparaît pas clairement dans votre compte-rendu.

Lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué que les délégués du personnel se seraient concentrés sur le comportement de Monsieur F.

Vous avez donc maintenu votre position, et persisté dans votre manque de transparence à dessein de minimiser votre responsabilité.

Pourtant ce point ressort tant du compte-rendu établi par les délégués du personnel, que des faits dénoncés lors de la réunion du CHSCT extraordinaire qui s’est tenue le 8 octobre dernier.

En conséquence, eu égard aux faits exposés ci-dessus, vos comportements, vos propos et vos écrits sont inacceptables au regard de vos fonctions, de vos responsabilités et de votre délégation de pouvoir, ceux-ci ayant causé un préjudice important à notre société en générant de graves difficultés vis-à-vis des salariés.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et de leurs conséquences, votre maintien dans la société s’avère impossible.

Nous vous informons que nous avons décidé, en conséquence, de vous licencier pour fautes graves.

Votre licenciement prendra effet dès la présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par conséquent, la période non travaillée du 3 octobre au 15 octobre 2013 nécessaire pour effectuer la mesure d’enquête et la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.

Nous vous informons que vous disposez d’un crédit de 33.86 heures au titre du droit individuel à la formation.

Vous pourrez utiliser cette somme pour financer un bilan de compétences, une action de validation des acquis de l’expérience ou de formation à condition d’en faire la demande auprès du service du personnel au plus tard avant le 15 janvier 2014.

Nous vous rappelons qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise aux conditions détaillées dans la notice d’informations ci-jointe.

Les sommes vous restant dues, votre attestation Pôle Emploi, votre certificat de travail et votre solde du AM compte vous seront adressés par courrier.

Enfin, nous vous délions de toute clause de non-concurrence qui aurait pu être conclue. '

La société JS BIO employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, B J a saisi le 19 décembre 2013 le conseil des prud’hommes de Marseille qui, par jugement du 14 novembre 2014, a:

— dit et jugé que le licenciement de Madame B J repose sur une cause réelle et sérieuse et que les fautes graves qui lui sont reprochées par la SELAS JS BIO, constituées par des manquements répétés à ses obligations rendant impossible le maintien du contrat de travail, sont retenues à rencontre de Madame B P,

— débouté Madame B J de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— débouté Madame B J de ses demandes de dommages intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et pour procédure vexatoire comme étant non fondées,

— débouté Madame B J de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents pour la période de mise à pied conservatoire et de congés payés afférents,

— débouté Madame B J de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— condamné Madame B J à verser à la SELAS JS BIO la somme de 500 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— dit que1es dépens seront à la charge du demandeur,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas exécutoires de plein droit.

Le 27 novembre 2014, B J a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Postérieurement au licenciement, la société CERBALLIANCE PROVENCE procédait à l’acquisition par fusion de la société JS BIO.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, B J demande de :

— constater que le licenciement notifié à Madame J est dépourvu de AM fondement et abusif;

— constater que la société a exercé de manière déloyale les termes du contrat de travail de Madame J;

— constater que la procédure de licenciement diligentée à l’encontre de Madame J était brutale et vexatoire;

— infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Marseille :

— condamner la société au paiement des sommes suivantes:

* 2.688,85 euros au titre de l’Indemnité légale de licenciement;

* 48.400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois)

* 24.200 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail (3 mois);

* 24.200 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire (3 mois) ;

* 24.200 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

* 2.420 euros au titre des congés payés afférents;

* 5.377,78 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire;

* 537,78 euros à titre de congés payés afférents;

* 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société CERBALLIANCE PROVENCE , venant aux droits de la société JS BIO demande de :

Vu les articles 1.1235-5 et suivants du Code du Travail,

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 14 novembre 2014 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

— débouter Madame J de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant injustifiées et infondées.

— la condamner reconventionnellement au paiement d’une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier, et tel est le cas en l’espèce, doit en rapporter la preuve.

Les griefs formulés à l’encontre de B J dans la lettre de licenciement sont les suivants : avoir manqué à ses obligations de veiller à l’application des dispositions applicables en droit du travail, de fournir un conseil aux opérationnels et appui aux managements sur le volet droit social et managérial, en ayant envisagé un licenciement arbitraire d’un salarié 'à titre d’exemple ', et en adressant aux salariés des courriers de rappels à l’ordre inappropriés s’analysant en une méthode d’intimidation et d’avoir manqué de transparence envers la direction dans un compte-rendu adressé aux membres de la direction particulièrement vague sur certains points évoqués lors d’une réunion des délégués du personnel.

L’employeur produit :

— le contrat de travail de B J fixant les missions de celle-ci et prévoyant notamment qu’elle a en charge la définition et l’application de la politique de la RH .. le conseil aux opérationnels et appui au management sur le volet social et managérial et contenant délégation de pouvoirs dans le respect des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles tant en matière de droit du travail que du droit de la protection sociale complémentaire, investissant ainsi B J de l’autorité nécessaire à l’exercice de ses responsabilités , celle-ci devant respecter et faire respecter par les autres salariés l’ensemble des prescriptions légales, réglementaires ou conventionnelles inhérentes à l’objet de la délégation

— un courrier de Me PREVEAU, avocat du Docteur G C-I, en date du 20 septembre 2013 adressé au docteur G R transmettant à cette dernière un courriel émanant de B J en date du 9 septembre 2013, courriel que lui a remis sa cliente

— un email écrit par B J le 9 septembre 2013 à 9h54 à X F en ces termes :

'… Comme je te l’ai dit au téléphone (Y m’a aussi appelé samedi), la décision est prise : il faut faire un exemple et en sortir une. Ce sera G.

Tous les éléments que vous pouvez trouver contre elle sont importants. L’idée que j’ai pour le moment (à adapter en fonction de ce que nous trouverons), c’est de montrer que son comportement, c’est l’arbre qui cache la forêt de ses manquements professionnels sciemment dissimulés.

On n’en discute quand tu pourras, je ferai un minimum d’écrit là-dessus, on est jamais trop prudent.'

— un e-mail de mme le Dr G R en date du 21 septembre 2013 adressé à B J et X F notamment, transmettant en pièce jointe le courrier de Maître PREVEAU

— la réponse donnée par B J le même jour en ces termes : 'pour votre information la boîte mail de X a été piratée par G C I. C’est embêtant mais ça révèle aussi le petit niveau de son avocat''

— un e-mail adressé le 9 septembre 2013 par B J à 12h17 aux trois biologistes salariés du LAMAT suite à leur courrier du 7 septembre 2013 à X F relatif aux modifications de plannings, dans lequel elle écrit notamment : … vos obligations en tant que salariées implique de respecter les directives qui vous sont données. Ainsi s’il a été clairement convenu que le planning demandé par X AA seraient transitoires afin de pouvoir l’adapter si nécessaire ultérieurement, il ne vous appartenait pas de décréter que cette période transitoire serait de deux semaines seulement. Si nous, au niveau de la Direction, avons besoin de faire évoluer ce planning de base, nous vous en informerons en temps et en heure. Pour être clair il n’est pas de votre responsabilité de décider de votre propre chef de votre planning. Aussi jusqu’à nouvel ordre le planning communiqué par X AA vendredi par mail vous est applicable.

— un compte rendu de réunion le 27 septembre 2013 de la DRH et des délégués du personnel

— un e-mail AB D du 27 septembre 2013 à B J en ces termes

'lors de notre réunion du mardi 24 septembre 2013 est en présence de Z E, je vous ai demandé de bien vouloir me produire les éléments factuels de preuve matérialisant le fait que vous avez pris la décision de licencier Madame G C I .

J’ai pris connaissance des documents que vous avez transmis à Z T.

A la lecture de ces derniers, il me semble qu’ils ne constituent pas des preuves permettant de justifier le licenciement de Madame C I pour faute d’exercice de la biologie.

Z me fait part du fait que vous étiez encore dans l’attente de documents complémentaires qu’il s’agisse d’une preuve irréfutable de piratage informatique ou preuves matérialisant une faute d’exercice de la biologie.

Je vous demande vraiment de bien vouloir transmettre à Z mardi 1er octobre tard , les documents complémentaires que vous aurez pu réunir.'

— l’alerte pour danger grave et imminent déposée par le Docteur C I le 23 septembre 2013 entre les mains des délégués du personnel,

— le compte rendu du CHSCT du 8 octobre 2013 avec pour ordre du jour: faits dénoncés par Mme C I et faits dénoncés par d’autres salariés du LAMAT

— le compte rendu de l’entretien de Madame G C I (biologiste LAMAT) par Monsieur E le 8 octobre 2013, dans lequel la salariée considère que la DRH a utilisé un ton péremptoire par mail à mon égard sur le sujet des plannings, que la DRH n’aurait pas cherché à favoriser le dialogue

— le compte rendu de l’entretien de Madame AJ AK ( biologiste LAMAT) par Monsieur E le 8 octobre 2013, dans lequel la salariée déclare avoir être choquée par les termes d’un mail envoyé par la DRH à leur attention dans la mesure où il semblerait que Madame J leur 'reprochait’ leur statut de salarié. Elle considère que la DRH remettait en question son professionnalisme et son aptitude à adapter elle-même ses horaires en fonction des besoins du service.

— le compte rendu de l’entretien de Madame AD AE ( biologiste LAMAT) par Monsieur E le 8 octobre 2013, dans lequel la salariée déclare avoir le sentiment que Madame J tenait un double discours et qualifie le comportement de cette dernière comme étant hypocrite, reprochent à celle-ci le fait d’avoir essayé de lui imposer de passer d’un statut de salarié à un statut TNS.

B J considère que l’e-mail du 9 septembre 2013 qu’elle a adressé n’est en aucun cas fautif, la salariée n’ayant fait que suivre les instructions de Monsieur Y H responsable de zone, et l’envoi de cet e-mail ressortant pleinement de ses fonctions de DRH ; elle ajoute que la salariée Madame C I s’est en outre appropriée cet échange confidentiel de manière frauduleuse.

Elle souligne encore qu’en la laissant gérer l’alerte des délégués du personnel, et donc continuer à exercer sa fonction de DRH, la société, pourtant au courant de l’existence de ce mail, démontre par cette attitude qu’elle n’avait rien à lui reprocher, de sorte qu’elle considère que l’employeur s’est servi de ce e-mail comme prétexte à la rupture du contrat de travail.

Elle souligne produit:

— le compte rendu de l’entretien préalable à licenciement au cours duquel elle a expliqué : avoir agi selon les besoins de la DRH et sous les ordres du responsable de zone Monsieur Y H et du directeur de laboratoire X F à propos du refus de Madame C I d’appliquer son nouveau planning après le 30 septembre 2013, refus exprimé en réunion le jeudi 5 septembre. Les éléments pouvant être constitutif d’une décision de licenciement contre Madame C I étaient en cours d’instruction par X F Y H et B J à cette date, un rendez-vous étant prévu le 10 octobre pour faire le point sur son dossier. Pour preuve aucune procédure n’a été déclenchée par la suite à l’encontre de Madame C I car elle s’est conformée aux directives données et a respecté le planning demandé. Mme J rappelle que le mail objet du litige a été frauduleusement récupéré par Madame C I.

— un échange de mails successifs du 7 septembre 2013 en ces termes :

XXX à X F en copie à B J, relativement à la modification des plannings

.de B J à Y H, lui transmettant le mail précédent, pour information et commentant : à mon avis, ça sent l’avocat ( pas à la mayonnaise, lol)

.de Y H à B J en réponse : non je pense que X stress et qu’il n’a pas les mots ni le style c’est normal c’est une situation qui ne connaît pas pour l’instant on va attendre l’intégration des sites après on interviendra quitte à faire un exemple Y

— l’e-mail de B J à AB D du 27 septembre 2013 ces termes :

comme je l’ai indiqué à Z je suis en attente aujourd’hui de deux éléments : mail du responsable informatique du LAMAT indiquant qu’il ne peut identifier précisément le et la date de l’impression du mail mais validant qu’il a bien été déclenché du poste de travail de X F ainsi qu’un document écrit par lequel X rappelle que la polyvalence au sein de l’équipe des biologistes est obligatoire. Rien d’autre.

— un échange d’e-mails en date du 1er octobre 2013 entre Monsieur D et B J en ces termes :

M. D à B J : … je vous rappelle que vous devez apporter à Z ce jour les éléments irréfutables prouvant le contenu de votre mail et relatif aux preuves de piratage informatique aux fautes graves d’exercice de la biologie à Nice. B, comme vous le savez les accusations que vous avez portées à l’encontre de cette personne sont très graves et lourdes de conséquences…

B J à D : .. Une nouvelle fois , dans le cadre du dossier C AN, mon mail du 9 septembre s’inscrivait dans un contexte où la salariée refusait d’appliquer les instructions de X F en termes de nouveau planning au-delà du 30 septembre. Comme je l’indiquais il fallait étayer le dossier et à l’époque deux pistes avaient été évoquées par X F à savoir la non validation du CMV et la non validation systématique par l’intéressée des résultats des électrophorèses. Je n’avais pas les éléments en main que j’ai récupéré mercredi 25 septembre et que j’ai remis le 26 à Z. Depuis G AM AN s’est conformée au nouveau planning. Je n’ai par ailleurs pas porter d’accusation mais pris une posture selon laquelle il fallait faire un exemple suite au refus exprimé en réunion le 6 septembre dernier, position également exprimée par Y H et validée par X F.

Au vu de ces éléments, B J ne peut, pour s’exonérer de la responsabilité qui est la sienne dans son intention annoncée de licencier Mme C I, se retrancher derrière des instructions qui lui auraient été données, notamment par Monsieur H, d’une part parce que l’e-mail de ce dernier du 7 septembre 2013 ne peut s’analyser en directives précises demandant à la DRH de procéder au licenciement de cette salariée 'pour l’exemple’ de manière arbitraire, et d’autre part parce que, comme les premiers juges l’ont relevé à bon droit, son rôle de sachant en droit social était de rappeler aux dirigeants quelle que soit leur volonté les règles applicables en la matière, et ce, conformément à la délégation de pouvoir qui lui a été consentie aux termes de son contrat de travail; l’argument développé par elle pour contester cette délégation au motif qu’elle n’avait pas de pouvoir décisionnel, comme le lui rappelait M. A, président de la société JS BIO, dans un mail du 27 mai 2013, n’apparaît pas sérieux et doit être écarté, dans la mesure où son contrat de travail fait expressément état de cette délégation, avec la précision sur ce point de ce qu’elle bénéficiera d’une délégation en matière disciplinaire, sur aval du directeur général associé en charge des RH, pour faire respecter par les salariés leurs obligations.

B J ne peut davantage reprocher à l’employeur de s’appuyer sur un e-mail obtenu en fraude (e-mail du 9 septembre 2013), la cour confirmant sur ce point les justes motifs énoncés par le conseil des prud’hommes qui relève que l’existence de ce courriel n’est pas contestée par la salariée (la cour observant que la salariée par ses mails postérieurs des 27 septembre 2013 et 1er octobre 2013, en a confirmé les termes), et que la circonstance qu’il soit parvenu par quelque moyen que ce soit entre les mains d’une salariée directement concernée par son contenu ne pouvait en aucune manière en affecter la portée.

C’est encore très pertinemment que les premiers juges ont souligné au vu des pièces produites qu’au moment où B J a exprimé dans son courrier électronique du 9 septembre 2013 la nécessité de faire un exemple vis-à-vis de Madame C I, elle ne disposait pas de toutes les informations concernant une situation dans laquelle elle déclarait que la décision était prise à l’égard de la directrice adjointe du LAMAT Madame C I, l’appelante reconnaissant ne pas avoir les éléments en main à cette date (cf mail du 1er octobre 2013), cet élément étant corroboré, comme le constate la cour, par ses demandes le 9 septembre 2013, cette dernière écrivant ' Tous les éléments que vous pouvez trouver contre elle sont importants. L’idée que j’ai pour le moment (à adapter en fonction de ce que nous trouverons )…'

Il est par ailleurs à bon droit rappelé par le conseil des prud’hommes que les missions du DRH sont de gérer un conflit individuel ou collectif et d’apporter son conseil aux opérationnels et son appui au management. Il ressort des témoignages des trois salariés biologistes destinataires du mail de la salariée relatif aux modifications de planning discutées par les salariés, le sentiment de défiance ressenti par ces dernières, de sorte que les premiers juges ont pu estimer effectivement que l’intéressée avait par cet écrit remis en cause l’engagement professionnel des salariés en des termes excessifs et inappropriés de nature à faire obstacle à toute possibilité de dialogue, et s’être elle-même placée en contradiction avec ses obligations contractuelles.

En contradiction avec les missions qui lui étaient confiées contractuellement, B J, par la volonté exprimée par elle de sanctionner pour l’exemple une salariée sans disposer de l’intégralité des éléments du dossier, et en adressant des écrits aux salariés, en des termes inappropriés faisant obstacle à toute possibilité de dialogue, a eu un comportement fautif que de manière très juste les premiers juges ont déclaré grave, une telle attitude rendant à elle seule impossible son maintien dans l’entreprise, et justifiant sa mise à pied conservatoire, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des griefs.

La cour confirme en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement de B J reposait sur une faute grave et a débouté la salariée de ses demandes en paiement au titre des indemnités compensatrices de préavis et congés payés afférents, d’ indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale

B J soutient que la société ne l’a jamais placée en mesure d’exercer ses missions librement, qu’elle devait systématiquement faire valider l’ensemble de ses décisions par la direction de l’entreprise, et a eu ainsi un comportement déloyal à son égard.

Elle demande à la cour de constater qu’elle n’avait aucune liberté d’action et d’expression.

Le conseil des prud’hommes relève à juste titre que B J a été la seule rédactrice des courriels du 9 novembre 2013, qu’elle ne peut invoquer l’aval donnée par Messieurs H ou F pour soutenir avoir dû agir conformément aux décisions de l’employeur, ces personnes ne pouvant être qualifiées de 'direction’ au même titre que Monsieur D qui lui, a demandé à Mme J de justifier les faits rapportés dans ses écrits mettant en cause des salariés.

Elle ne peut donc arguer d’une absence de liberté d’action ou d’expression telle qu’alléguée.

Il a été également souligné à bon droit par cette juridiction que le contrat de travail de l’intéressée stipulait que la proposition et la mise en 'uvre des procédures relatives à la rupture des contrats de travail nécessitaient l’accord préalable du directeur général associé en charge des ressources humaines.

Il convient donc de confirmer la décision querellée qui rejette cette demande à défaut pour la salariée d’établir une exécution déloyale par son employeur de son contrat de travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire

B J tire argument de sa convocation remise en main propre le 3 octobre 2013 pour un entretien préalable prévu le 11 octobre 2013 avec mise à pied conservatoire immédiate, pour affirmer avoir fait l’objet d’une procédure de licenciement dans des conditions vexatoires.

L’employeur rappelle qu’un droit d’alerte avait été exercé par les salariés, ce qui est établi, et expose qu’il convenait de procéder à une enquête et que la mise à pied conservatoire de la salariée s’imposait ; il objecte à bon droit que l’appelante ne démontre nullement que son licenciement pouvait trouver une autre cause liée à l’annonce de l’ouverture de discussions en vue de la vente du groupe chez JS BIO, ce que sous-entend cette dernière.

Les témoignages produits par la salariée qui font état de l’étonnement et de l’incompréhension de plusieurs salariés face à cette mesure prise à l’encontre de B J et louant ses qualités professionnelles, sont inopérants au regard de la procédure d’alerte engagée par les salariés du LAMAT le 23 septembre 2013, qu’il appartenait à l’employeur de traiter dans des conditions de parfaite sérénité. La cour relève que par deux fois Monsieur D a interrogé B J sur les motifs ayant présidé à cette décision de licencier Madame C I (mail 27 septembre 2013 et 1er octobre 2013) et que cette dernière a été placée en position d’y apporter réponse (mails des mêmes jours). Il ne saurait être considéré dans ces conditions que la procédure a été engagée de manière brutale et vexatoire comme allégué.

La cour confirme en conséquence le rejet de ces prétentions.

Sur le rappel de salaire lié à la mise à pied conservatoire

Le licenciement pour faute grave étant justifié, la demande tendant au paiement du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire n’apparaît pas fondée. La cour confirme le rejet de ses prétentions décidées par les premiers juges.

Sur les autres demandes

La cour confirme la décision querellée s’agissant des frais irrépétibles. L’appelante succombant supportera les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement rendu le 14 novembre 2014 par le conseil des prud’hommes de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne B J à payer à la société CERBALLIANCE PROVENCE une somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne B J aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 septembre 2016, n° 14/19085