Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 mars 2016, n° 13/23174

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  • Mise en garde

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 31 mars 2016, n° 13/23174
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/23174
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 11 novembre 2013, N° 11/03012

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2016

N° 2016/229

Rôle N° 13/23174

X C Y

C/

SA CREDIT DU NORD

Grosse délivrée

le :

à :BADIE

LASTELLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 12 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03012.

APPELANTE

Madame X C Y

née le XXX à XXX – XXX

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

La SA Crédit du Nord, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis XXX

représentée par Me François LASTELLE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Février 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 2 décembre 2002, Z A a acquis un fonds de commerce de pâtisserie confiserie glacier, sis et exploité à Golfe-Juan, commune de Vallauris (Alpes-Maritimes), moyennant le prix de 88.420 euros.

Ce prix a été réglé, à hauteur de 74.000 euros, au moyen d’un prêt consenti à l’acquéreur par la SA Crédit du Nord, au taux de 5,65 % l’an, remboursable en quatre-vingt-quatre échéances mensuelles de 1.088,14 euros.

En garantie de ce prêt, X Y s’est portée caution solidaire des engagements de l’emprunteur envers la banque pour sûreté de la somme globale de 48.100 euros, incluant le principal à hauteur de 37.000 euros correspondant à 50 % de l’encours en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires y comprit l’indemnité due en cas d’exigibilité anticipée évaluée à 3% du capital restant dû.

Des échéances étant demeurées impayées, par courrier recommandé du 5 février 2004, la SA Crédit du Nord a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure l’emprunteur de régler les sommes dues.

Par courrier du même jour, elle a mis en demeure la caution d’honorer ses engagements.

Par jugement du 5 novembre 2004, le tribunal de commerce d’Antibes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de Z A.

La SA Crédit du Nord a déclaré sa créance au passif de ce dernier pour, au titre du prêt notarié du 2 décembre 2002, la somme de, outre intérêts au taux de 5,65 % l’an, 79.166,02 euros à titre privilégié.

Par exploits des 29 novembre 2004 et 28 février 2005, la banque a fait délivrer à X Y, en sa qualité de caution solidaire de Z A, sommations de payer les sommes dues.

La SA Crédit du Nord a ensuite fait procéder à une saisie des rémunérations de X Y, puis, cette dernière ayant perdu son emploi, s’est désistée de cette procédure.

Le 8 septembre 2010, le liquidateur judiciaire de Z A a délivré à la SA Crédit du Nord un certificat d’irrecouvrabilité de sa créance.

La banque ayant formé une demande aux fins de saisie des rémunérations entre les mains du nouvel employeur de X Y, les parties ont, par courrier du 13 avril 2011, été convoquées devant le tribunal d’instance de Cannes en vue d’une tentative de conciliation.

Aux termes d’un procès-verbal de non-conciliation du 14 décembre 2011, elles ont été renvoyées devant le tribunal d’instance de Cannes.

Entre-temps, par exploit du 27 mai 2011, X Y a fait assigner la société Crédit du Nord devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir constater la prescription de l’action visant à la saisie des rémunérations et l’inopposabilité de l’acte de caution.

Par jugement du 19 avril 2012, le tribunal d’instance de Cannes a sursis à statuer dans l’attente du prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Grasse dans la procédure opposant X Y à la SA Crédit du Nord.

Par jugement du 12 novembre 1013, le tribunal de grande instance de Grasse a :

— dit que le moyen développé et argumenté par X Y, dans ses dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2012, au titre de la prescription de l’action visant à la saisie des rémunérations est irrecevable devant le tribunal de grande instance de Grasse,

— débouté X Y de sa demande tendant à voir juger que les sommes ayant trait aux intérêts seraient prescrites, puisque réglables annuellement, et n’ayant pas donné lieu à l’information préalable de la caution,

— dit qu’aucune nullité ne peut être invoquée par X Y en l’état de son cautionnement donné par acte authentique,

— débouté X Y de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de la société Crédit du Nord et la voir condamner au paiement de la somme de 54.359,31 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’absence de proportionnalité entre son patrimoine et ses revenus, par rapport à l’engagement de caution,

— débouté X Y de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de la société Crédit du Nord et la voir condamner au paiement de la somme de 54.359,31 euros à titre de dommages-intérêts au titre d’un manquement de la société Crédit du Nord à son devoir d’information et de prudence,

— débouté X Y de sa demande tendant à voir déclarer inopposable l’engagement de caution au titre de l’opacité de la mise en 'uvre de la contre-garantie,

— condamné X Y à payer à la société Crédit du Nord la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné X Y aux dépens de l’instance,

— débouté les parties de leurs plus amples demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration du 2 décembre 2013, X Y a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 12 mai 2014, l’appelante demande à la cour de :

— dire que l’engagement de caution était totalement disproportionné à ses ressources et à son patrimoine, et qu’elle était une personne non avertie, le fait qu’elle ait eu des relations autres que du travail avec le débiteur principal étant totalement inopérant,

— par application des articles L.3l3-10 et L.341-4 du code de la consommation, lui dire inopposable l’engagement de caution,

— en toute hypothèse, faire usage du principe de proportionnalité et en conséquence condamner la société Crédit du Nord au règlement d’une somme de 54.359,31 euros, outre accessoires, à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation,

— dire en toute hypothèse que le Crédit du Nord n’a pas respecté son devoir d’information et de prudence à son égard et même à l’égard de l’emprunteur débiteur principal, et en conséquence condamner la banque au règlement d’une somme de 54.359,31 euros, outre accessoires, et prononcer la compensation,

— dire qu’il est fait interdiction au Crédit du Nord de délivrer une quittance subrogative à Sofaris du fait de l’inopposabilité à son égard de l’engagement de la caution,

— condamner le Crédit du Nord au règlement d’une somme de l5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— le condamner au règlement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700,

— condamner la SA Crédit du Nord aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au pro’t de la SCP Badie-Simon-Thibaud & Juston, avocats associés.

Par conclusions notifiées et déposées le 18 avril 2014, la SA Crédit du Nord demande à la cour de :

— débouter X Y des fins de son appel,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

y ajoutant,

— condamner l’appelante au paiement d’une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens d’appel, que Maître François Lastelle, avocat, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2016.

MOTIFS

En cause d’appel, X Y soutient à titre principal la disproportion de son engagement de caution à ses biens et revenus.

A cet égard, se fondant sur les dispositions des articles L.3l3-10 et L.341-4 du code de la consommation, elle invoque en premier lieu l’inopposabilité de son engagement.

Cependant, contrairement à ce que soutient l’appelante, l’article L.341-4 précité, issu de la loi du 1er août 2003, n’est pas applicable à la présente espèce, l’acte de cautionnement ayant été signé le 2 décembre 2002.

Ne sont pas davantage applicables les dispositions de l’article L.3l3-10 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat, l’opération de crédit cautionnée étant un prêt professionnel passé en la forme authentique exclu du champ d’application de ce texte.

Dès lors, la disproportion alléguée ne peut être recherchée que dans le cadre de l’action en responsabilité également poursuivie par X Y qui sollicite à ce titre l’allocation d’une somme de 54.359,31 euros et sa compensation avec celles dues à la SA Crédit du Nord.

La responsabilité de cette dernière peut en effet être engagée en cas de manquement à l’obligation de mise en garde dont la banque qui consent un crédit est tenue envers une caution non avertie au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

A cet égard, il n’est pas établi que lorsqu’elle a souscrit le cautionnement litigieux, le 2 décembre 2002, X Y disposait d’une compétence et d’une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Ainsi, la qualité de caution non avertie doit être reconnue à l’appelante qui fait valoir sans être contredite qu’elle était alors âgée de 21 ans, que, n’ayant pu entreprendre des études, elle ne disposait d’aucun diplôme, et n’avait jamais occupé que des emplois modestes.

Le fait qu’elle soit la compagne de l’emprunteur et que le projet d’exploitation d’un fonds de commerce de boulangerie leur soit commun, ainsi que le soutient l’intimée, est sans incidence sur le caractère non averti de la caution.

Par ailleurs, des pièces produites, il résulte que X Y était, en 2001 et 2002, employée en qualité de vendeuse pour un salaire équivalent au SMIC.

Etant acquis aux débats qu’elle ne disposait d’aucun patrimoine, il apparaît que l’engagement de caution, souscrit dans la limite de 48.100 euros, représentant environ quatre fois le montant de ses ressources annuelles, était, le 2 décembre 2002, disproportionné aux biens et revenus de l’appelante.

Et, la SA Crédit du Nord, qui, au regard de ses capacités financières, était ainsi tenue envers X Y, caution non avertie, d’un devoir de mise en garde, ne justifie pas avoir, au moment de la souscription du contrat, rempli cette obligation.

En raison de ce manquement et compte tenu du préjudice qui en est résulté pour l’appelante, qui, ayant perdu une chance de ne pas contracter, fait l’objet de poursuites en paiement du fait de la défaillance de son ancien compagnon, il convient de fixer à 48.000 euros le montant des dommages et intérêts à lui allouer, lesquels se compenseront à due concurrence avec les sommes auxquelles elle est tenue en vertu de son engagement de caution.

Les autres prétentions consécutives à l’inopposabilité de l’acte de cautionnement ou relatives à la responsabilité contractuelle de la banque n’ont donc pas lieu d’être examinées.

S’agissant de sa demande en paiement d’une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, X Y en sera déboutée, le caractère abusif de la défense opposée par la SA Crédit du Nord dans le cadre de la présente instance n’étant aucunement établi.

Au titre des frais irrépétibles, il sera alloué à l’appelante une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA Crédit du Nord à payer à X Y la somme de 48.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la banque à l’obligation de mise en garde dont elle était tenue eu égard à la disproportion entre l’engagement souscrit et les biens et revenus de la caution,

Dit que la somme ainsi allouée se compensera à due concurrence avec celle dont X Y est tenue envers la SA Crédit du Nord en vertu de son engagement de caution,

Condamne la SA Crédit du Nord à payer à X Y la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SA Crédit du Nord aux dépens, ceux d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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