Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 27 janvier 2017, n° 14/12871

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 9e ch. b, 27 janv. 2017, n° 14/12871
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/12871
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Martigues, 6 mai 2014, N° 12/1095
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 16 mai 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2017

N° 2017/

Rôle N° 14/12871

[L] [N]

C/

Société LYONDELL BASELL COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 157

Me Déborah ATTALI, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES – section E – en date du 07 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1095.

APPELANT

Monsieur [L] [N], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 157

INTIMEE

Société LYONDELL BASELL COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Déborah ATTALI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Monique FIGUEIREDO, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Novembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2017.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [N] a été embauché par la société SHELL CHIMIE qui est devenue depuis la société COMPAGNIE PÉTROCHIMIQUE DE BERRE. Dans le dernier état des relations contractuelles, le salarié exerçait les fonctions d’ingénieur projet, cadre, position 3B, coefficient 660, en application des dispositions de la convention collective de l’industrie du pétrole et percevait un salaire mensuel de base de 8 361,23 € bruts pour 151,67 heures.

Les relations contractuelles des parties sont régies par la convention collective de l’industrie du pétrole du 3 septembre 1985

Le 30 mars 2012, l’employeur a recueilli l’avis des représentants du personnel sur un projet de réorganisation entraînant 363 suppressions de poste de travail. Dans le cadre de cette réorganisation, un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en 'uvre qui prévoyait notamment un plan de départ volontaire. Le 30 mars 2012, le salarié s’est porté candidat au plan de départ volontaire, mais sa candidature a été rejetée le 6 juin 2012. Il s’en est plaint à l’employeur par lettre du 28 juin 2012 ainsi rédigée : « J’accuse réception de votre courrier du 6 courant par lequel vous me signifiez le refus de l’entreprise de me faire bénéficier des mesures d’âge prévues par le PSE en cours. Vous avez été informée par mes soins du contexte dans lequel j’ai présenté ma demande ainsi que des raisons de cette dernière. Je vous rappelle à cet égard mes courriels des 31 mars 2011 et 10 mai dernier. De manière à ce qu’il n’y ait pas de malentendu, je juge nécessaire de préciser, si cela était besoin, ma position. Indépendamment de la question du dispositif du PSE auquel je souhaitais adhérer, je vous rappelle mon désaccord de fond sur la classification qui m’est attribuée (E Slotting E5). Comme je l’ai exprimé à maintes reprises à ma hiérarchie et à vous-même, il s’agit là d’un « sous-positionnement » flagrant et vexatoire professionnellement. Ainsi, ont été positionnés dans la boîte salariale E6, supérieure à la mienne, des collègues responsables de maintenance dont l’ancienneté, la qualification, la formation et les fonctions exercées sont identiques, voire inférieures aux miennes. A titre d’exemple, il en est ainsi du Responsable Projets (Zone vapocraqueur, PE, PP), dont les fonctions dans le même service sont identiques aux miennes, alors qu’il y a égalité des conditions en termes de formation, de qualification et d’ancienneté, à quoi j’ajoute que j’exerce même des responsabilités parfois supérieures à celles de l’intéressé. Cette situation profondément anormale, outre son caractère humiliant, en ce quelle illustre le dédain pour mes états de services, est à l’origine d’une démotivation et d’une grande souffrance, étant précisé que, désormais, quelles que soient mes performances, tout avenir professionnel est bouché, comme m’est interdit tout espoir d’une progression salariale significative. Je suis ainsi placé dans une position d’infériorité que rien ne justifie par rapport à des collègues de travail qui, au mieux, devraient être mes égaux. À cette situation d’inégalité de traitement s’ajoute l’évolution que connaît le poste d’ingénieur projet « Partenaires » dans le cadre dune réorganisation à l’origine dune modification très sensible du contour et de contenu de la fonction, soit :

' Suppression du poste de mon adjoint technique,

' Réduction très sensible des effectifs de l’ingénierie.

Je vous rappelle que mon adjoint, technicien « maison », maîtrise parfaitement les organisations, la technique, les standards site, la connaissance géographique de celui-ci. Il était par ailleurs doté de prérogatives dans les systèmes informatiques qui ne sont pas attribués aux personnels d’Entreprises extérieures (gestion financière notamment) et assurait en parfaite autonomie la réalisation de petits projets (petites modifications), dans lesquels je n’intervenais qu’exceptionnellement, en cas de problème de coût, de délais ou de nécessité de « réaligner » le projet. Cette suppression se traduit pour moi par une importante et immédiate surcharge de travail caractérisée, notamment, par l’obligation d’assumer des tâches techniques et administratives de moindre niveau, affectant ainsi le c’ur de mon métier, les multiples tâches en question étant cependant indispensables à la bonne conduite du projet. Exemples parmi d’autres, de ces nouvelles missions qui m’incomberont désormais :

' visites de chantiers avec les entreprises,

' recherches & approvisionnement de matériels de tuyauterie,

' recherches documentaires,

' demandes d’achat de matériels et de services,

' lancements de consultations d’études et de travaux, de matériels sur des volumes faibles,

' saisies de services (actes de paiement),

' contrôles et les réceptions de matériels au travers du système de gestion informatique SAP,

' relances des fournisseurs (expediting),

' gestion des bons de sortie matériels du magasin pour les Entreprises de travaux,

' établissement des accueils visiteurs,

' participations aux comités de sécurité, réceptions des travaux,

' suivi et archivage documentaire,

' suivi d’études'

Cette situation, déjà très préoccupante, sera aggravée par la réduction sensible des effectifs de l’ingénierie, puisque l’analyse de l’évolution de l’organisation montre que les postes attachés à ce service, au nombre de 17, seront réduits à 6, situation qui entraînera immanquablement le transfert vers l’ingénieur de projets de tâches supplémentaires d’un niveau « inférieur ». À ce sujet, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser le niveau de boîte salariale correspondant au nouveau poste de « IP partenaire » issu de la réorganisation en cours. Enfin, j’observe que les évolutions très prévisibles du site de [Localité 1], dont certaines sont déjà en cours chez les partenaires ou tiers (Kraton ' unités TR et KG, Infineum Unités Additifs), entraîneront l’intégration de la réalisation des projets chez les partenaires, ce qui aboutira à la suppression de la fonction « d’ingénieur Projets Partenaires », dans la mesure où le volume résiduel des projets sur le périmètre LyondellBasell ne justifiera plus le maintien d’un service Ingénierie qui sera alors réduit à sa plus simple expression. Quand bien même peut-on objecter que la disparition en support commun de la fonction ingénierie, qui sera intégrée dans les unités avec la maintenance, est à venir, cette perspective n’est pas sérieusement discutable. Cet aspect de la situation, qui s’ajoute aux deux précédents, m’importe aussi, dans la mesure où, lorsque cette disparition sera accomplie, j’aurai atteint un âge rendant très problématique mon « employabilité », alors même que j’aurais dû subir une carrière bouchée et un sous-positionnement chronique. Dans ces conditions, vous comprendrez que je ne puisse envisager de poursuivre ma mission dans de telles conditions, sauf à ce que vous soyez en mesure de me proposer des mesures correctives qui mettent fin à l’inégalité de traitement dont je suis victime et assurent suffisamment mon avenir professionnel, qui me paraît très obéré. Soucieux d’éviter un contentieux avec une Entreprise au service de laquelle je travaille depuis 22 ans, je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à la présente ainsi que de votre réponse rapide. »

Le salarié a ensuite pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur par lettre du 10 août 2012 dans les termes suivants : « Mon courrier recommandé avec AR du 28 juin dernier, comme mon courriel de rappel du 17 juillet, sont restés sans réponse. Je vous ai pourtant précisément indiqué les raisons qui, selon moi, devaient conduire à un réexamen fondamental de ma position dans l’entreprise. Votre absence de toute réaction, outre qu’elle est humiliante, ne me laisse aucun espoir que ma requête puisse être entendue, ou même que vous acceptiez que nous échangions à ce sujet. Vous me forcez ainsi à prendre acte de la rupture du contrat de travail de votre seul fait, dans la mesure où je ne peux pas envisager de poursuivre mon activité dans de telles conditions. Bien que cette rupture ne m’oblige pas, comme en cas de démission, à respecter un préavis, je vous informe pouvoir rester à votre disposition jusqu’au 7 septembre 2012, pour autant que vous le souhaitiez et me le fassiez savoir. Il conviendra aussi que vous me transmettiez dans un délai raisonnable mon solde de tout compte ainsi que les pièces attestant de la rupture. »

L’employeur a répondu par lettre du 14 août 2012 ainsi rédigée : « Nous avons bien reçu votre courrier daté du 28 juin 2012, ainsi que votre relance datée du 10 août 2012. Nous avons bien pris en compte votre lettre et tenons à répondre le plus précisément possible sur les points suivants :

1. Refus de votre départ, dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l’Emploi

2. Mise en place de la politique de Rémunération du Groupe LyondellBasell

3. Réorganisation du Pôle Pétrochimique et impact sur l’ingénierie

4. Volonté de continuer votre activité au sein du Groupe LyondellBasell.

1. Refus de votre départ dans le cadre du Plan de Sauvegarde de }'Emploi

Nous tenons à rappeler que le Projet de mise sous cocon de la raffinerie et du dépôt de [Localité 2] s’est matérialisé par :

' un Livre I, recensant le motif économique et les conséquences sociales du Projet, les Mesures d’accompagnement proposées au titre du Plan de Sauvegarde de l’Emploi, les dispositions liées aux licenciements et les modalités d’application du « PSE »

' un Livre II, recensant la nature du Projet et les changements organisationnels afférents.

La totalité de ce projet a été soumis aux CE et CHSCT avec un recueil d’avis lors du CE du 30 mars 2012. À ce titre votre poste de travail n’a pas été supprimé. Toutes les situations individuelles liées à la mise en 'uvre du Plan de Sauvegarde de l’Emploi ont fait l’objet de commissions de suivi entre Organisations Syndicales et Direction pour entériner ou non les demandes de départ.

2. Mise en place de la politique de Rémunération du Groupe LyondellBasell

Lors du CE du 08 mars 2011, la nouvelle politique de rémunération et « slotting » (ré-échelonnement) a été présentée. Cette politique se positionne au niveau médian des entreprises situées dans les familles de métiers similaires à celles de LyondellBasell. Les grades sur une échelle E1 à E8 et les salaires médians ont été présentés dans ce cadre. Le résultat de cet exercice de rééchelonnement des postes et des collaborateurs a eu comme objectif l’alignement des pratiques au sein du groupe LyondellBasell, et ce indépendamment d’une logique par site. À ce titre l’échelon validé au niveau du groupe pour les Ingénieurs Projets est ES pour un niveau senior. Nous vous avons donc attribué le grade correspondant au niveau senior tel que défini dans la politique LyondellBasell. L’échelon légal lié à la convention collective du Pétrole n’a été modifié pour aucun collaborateur dans le cadre de ce projet. Vous restez donc à ce jour à l’échelon 660. Cet échelon reste un moyen de comparaison entre collaborateurs utilisé sur le site, au même titre que le système de grades. Nous vous rappelons que l’opportunité de Bonus variable (STI) afférent à la politique de rémunération LyondellBasell, à l’heure actuelle, est identique pour un collaborateur en E5 et en E6. Votre position par rapport au salaire médian défini en E5, tout comme en E6 au travers d’une projection, reste au-delà du plafond égal à 120 dans la politique définie. Cela a comme incidence une même application de la politique salariale, celle-ci découlant de la négociation obligatoire annuelle réalisée en 2012. En termes d’opportunités de développement de carrières, si le grade E6 n’est pas atteignable dans le cadre du poste Ingénieur Projet, nous vous rappelons qu’un système de Bourse Emploi est à ce jour l’outil privilégié pour gérer la mobilité au sein de la Compagnie Pétrochimique de Berre. Ainsi nous vous invitons à surveiller les offres qui seront affichées à la bourse emplois et de vous porter éventuellement candidat.

3. Réorganisation du Pôle Pétrochimique et impact sur l’Ingénierie

La nouvelle organisation présentée a pour objectif de pérenniser le site dans les années à venir. Ainsi des changements ont eu lieu dans ce sens. En lien avec ce projet de réorganisation, des ajustements nécessaires dans des départements pourraient faire l’objet de réunions de services. Votre hiérarchie reste donc à l’écoute pour gérer cela et vous accompagner vers la mise en place d’une organisation performante.

4. Volonté de continuer votre activité au sein du Groupe LyondellBasell.

Nous tenons à vous réaffirmer notre confiance et notre reconnaissance pour votre travail fourni depuis plusieurs années sur le site et respecterons vos futurs choix d’évolution de carrière, quels qu’ils soient. »

L’employeur s’est enfin prononcé sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail le 26 septembre 2012 dans les termes suivants : « Aux termes d’un courrier en date du 10 août 2012, vous nous avez indiqué vouloir prendre acte de la rupture de votre contrat de travail, avec effet au 7 septembre 2012, pour plusieurs motifs liés à la mise en place de la nouvelle politique de rémunération LyondellBasell et de la réorganisation du pôle pétrochimique. Dans notre courrier du 14 août dernier, nous avons répondu point par point à chacun des motifs que vous avanciez pour justifier votre prise d’acte. En particulier, nous vous avons indiqué en quoi votre classement au grade ES, justifié par les critères définis dans l’exercice d’attribution des grades et lié aux responsabilités d’un Ingénieur Projets, vous offrait les mêmes opportunités qu’un poste évalué en E6 et qu’il était également prématuré, à ce stade de réflexion du projet de réorganisation, d’invoquer le transfert vers votre poste de tâches d’un niveau prétendument inférieur. En ce qui concerne votre poste d’Ingénieur Projets, nous vous rappelons qu’il est aujourd’hui nécessaire à notre organisation et que sa suppression n’est pas envisagée. Malgré les réponses que nous vous avons apportées dans notre courrier du 14 août dernier, nous constatons que vous êtes absent depuis le 10 septembre 2012 de votre poste de travail. Peu avant votre départ, vous avez d’ailleurs clairement indiqué à vos collègues de travail que vous quittiez définitivement notre entreprise et avez en conséquence restitué votre matériel de fonction à votre départ de l’entreprise. Nous considérons donc que la prise d’acte de la rupture de votre contrat de travail relève de votre choix et produit les effets d’une démission depuis le 7 septembre au soir. Nous vous adresserons par courrier séparé vos documents de fin de contrat, à savoir votre certificat de travail, copie de l’attestation destinée au Pôle Emploi et votre solde de tout compte qui seront à nous retourner dûment datés et signés. »

Sollicitant que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. [L] [N] a saisi le 24 décembre 2012 le conseil de prud’hommes de Martigues, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 7 mai 2014, a :

débouté le salarié de toutes ses demandes ;

débouté l’employeur de sa demande reconventionnelle ;

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et que chaque partie conserve ses dépens.

M. [L] [N] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 25 juin 2014.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [L] [N] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

dire que l’emploi occupé relevait de la qualification « E6 » ;

dire que l’employeur a fautivement exécuté le contrat de travail ;

dire que la rupture du contrat de travail dont il a été contraint de prendre l’initiative s’analyse, en ses effets, en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :

' 18 549,86 € à titre de solde d’indemnité compensatrice de préavis ;

' 1 854,99 € à titre d’incidence congés payés sur le solde précité ;

'153 035,98 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

dire qu’à titre d’indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil ;

enjoindre à l’employeur, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt d’avoir à établir et lui délivrer les documents suivants :

'bulletins de salaire comportant les créances salariales judiciairement fixées ;

'attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée de même et mentionnant, pour motif de la rupture du contrat de travail, un licenciement ;

condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :

' 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et inégalité de traitement injustifiée ;

'150 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture imputable à l’employeur équivalente en ses effets à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

' 1 500 € à titre d’indemnité au titre des frais irrépétibles ;

condamner l’employeur aux dépens.

Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles la COMPAGNIE PÉTROCHIMIQUE DE BERRE demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris ;

dire qu’elle n’a commis aucune inégalité de traitement ;

dire que le salarié n’a subi aucune modification de son contrat de travail ;

dire que la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié produit les effets d’une démission ;

dire que le salarié est redevable d’une indemnité compensatrice au titre de la période de préavis non exécutée ;

débouter le salarié de ses demandes ;

le condamner à verser la somme de 16 165,04 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

le condamner à verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner le salarié aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l’inégalité de traitement

Le salarié reproche à l’employeur de l’avoir positionné, en janvier 2011, lors de l’instauration d’une nouvelle grille salariale, dans une « boite salariale » E5 contrairement à ses homologues qui ont été classés E6.

L’employeur répond que le salarié se compare à un responsable maintenance alors qu’il exerçait les fonctions d’ingénieur projet, que le premier a des missions managériales dont le second ne dispose pas et qu’il exerce des responsabilités plus élevées et encore que le salarié était libre de postuler à un autre emploi dans l’entreprise dans le cadre d’une bourse afin d’occuper un poste classé dans une meilleure « boite salariale ».

La cour relève que le salarié ne présente aucune demande de rappel de salaire, ne contestant pas son coefficient 660, mais reproche à l’employeur de l’avoir affecté à une « boite salariale » E5 qui plafonnait à son indice et non à la « boite salariale » supérieure, E6, qui permettait de progresser de l’indice 560 à 770, et ainsi de l’avoir privé de tout espoir de progression salariale. L’employeur justifie que le salarié était, parmi les ingénieurs projets et les responsables maintenance, le seul dont la rémunération annuelle brute dépassait les 100 000 €, il démontre aussi que le niveau d’opportunité de la part variable d’un salarié classé en E5 est similaire à celui d’un salarié classé E6.

Le salarié ne peut reprocher à l’employeur d’avoir classé son poste d’ingénieur projet dans la « boite salariale » E5 alors qu’il classait le poste de responsable de maintenance dans la « boite salariale » E6 dès lors que ces deux emplois sont différents par leur nature. De plus, il ne résulte d’un tel classement aucune discrimination salariale ou de carrière puisque l’évolution du salarié dans l’entreprise n’était nullement bridée et qu’il pouvait accéder à des postes classés dans des « boites salariales » supérieures.

2/ Sur la modification du contrat de travail

Le salarié reproche à l’employeur d’avoir modifié son contrat de travail de manière unilatérale en l’affectant aux fonctions d’ingénieur projet partenaire alors qu’il occupait un poste d’ingénieur projet correspondant d’entité chimie. Il fait grief à son nouveau poste d’être dénué de toute consistance mais aussi d’entraîner une surcharge importante de travail en raison de la suppression du poste de son adjoint technique.

L’employeur explique qu’au jour de la prise d’acte la réorganisation dont se plaint le salarié n’avait pas encore été mise en 'uvre, qu’elle comportait en effet deux sous-projets distincts, la mise sous cocon de la raffinerie de [Localité 1] et du dépôt de [Localité 2] à compter du 1er avril 2012, première étape qui n’avait aucun impact sur l’organisation du personnel, et la réorganisation des activités maintenues au sein des sociétés COMPAGNIE PÉTROCHIMIQUE DE BERRE et COMPAGNIE DES HYDROCARBURES via le transfert des activités de la première société vers deux filiales et la réorganisation des services communs aux différentes unités de production du site, deuxième étape qui ne devait commencer qu’au quatrième trimestre de l’année 2012.

La cour retient que le salarié ne pouvait raisonnablement se convaincre le 10 août 2012 que la réorganisation envisagée réaliserait nécessairement et inéluctablement une modification substantielle de son contrat de travail alors même qu’elle ne devait se dérouler qu’au quatrième trimestre de l’année 2012, que les griefs qu’il articule dans la crainte de cette dernière sont contradictoires, consistant à la fois en une perte de substance du poste et une augmentation de la charge de travail, et qu’un cadre du niveau du salarié doit pouvoir, dans le respect de son contrat de travail, participer activement et loyalement aux nécessaires évolutions de l’entreprise.

3/ Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte des deux points précédents que le salarié, qui ne pouvait se plaindre ni d’une inégalité de traitement, ni d’une modification substantielle de son contrat de travail, ne se trouvait pas empêché de poursuivre l’exécution de ce dernier à raison d’agissements imputables à l’employeur. En conséquence, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d’une démission.

4/ Sur l’indemnité de préavis

L’employeur expose que le délai de préavis fixé par la convention collective est de deux mois concernant les cadres, qu’il expirait le 10 octobre 2012 alors que le salarié a quitté l’entreprise le 7 septembre 2012. Aussi il réclame la somme de (8 361,23 € x 28/30) + 8 361,23 € = 16 165,04 €.

Le salarié ne discute pas le détail de cette demande.

Toutefois, il ressort de la lettre adressée par l’employeur au salarié le 26 septembre 2012, qui a été reproduite, que ce dernier a été absent à compter du lundi 10 septembre 2012 alors que son préavis prenait fin le 10 octobre 2010. Il y a donc lieu de rectifier le calcul proposé par l’employeur qui se trouve entaché d’une erreur manifeste et de fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 8 361,23 €.

5/ Sur les autres demandes

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais par lui exposés et non compris dans les dépens. Il sera en conséquence débouté de sa demande par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [L] [N] de toutes ses demandes et en ses dispositions relatives aux dépens.

L’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Condamne M. [L] [N] à payer à la société COMPAGNIE PÉTROCHIMIQUE DE BERRE la somme de 8 361,23 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

Déboute la société COMPAGNIE PÉTROCHIMIQUE DE BERRE de sa demande relative aux frais irrépétibles.

Condamne M. [L] [N] aux dépens d’appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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