Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 7 septembre 2017, n° 16/06751

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 10e ch., 7 sept. 2017, n° 16/06751
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/06751
Décision précédente : Tribunal de grande instance, TGI, 22 février 2016, N° 12/04776
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2017

N°2017/324

Rôle N° 16/06751

Société PORTALP

C/

C X

SAS ERTECO FRANCE

MAIF

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL ABEILLE

l’L M-N/BOUSQUET,

Me Alain DE ANGELIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04776.

APPELANTE

Société PORTALP,

dont le siège social est : […]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aziza ABOU EL HAJA, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame C X

[…] […] e p r é s e n t é e p a r M e B é a t r i c e G A S P A R R I – L O M B A R D d e l ' A S S O C I A T I O N M-N/BOUSQUET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS ERTECO anciennement ED MARSEILLE OLIVES anciennement EUROPA DISCOUNT,

dont le siège social est : […]

r e p r é s e n t é e p a r M e A l a i n D E A N G E L I S d e l a S C P D E ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE

MAIF,

dont le siège social est : […]

r e p r é s e n t é e p a r M e B é a t r i c e G A S P A R R I – L O M B A R D d e l ' A S S O C I A T I O N M-N/BOUSQUET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2017 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, et Madame Anne VELLA, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame E F.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017.

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame E F, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 novembre 2010, dans l’enceinte du magasin ED du 13e arrondissement de Marseille, Mme C X a été victime d’une chute. Elle expose que lorsqu’elle est sortie du magasin dans lequel elle avait fait ses courses, la porte vitrée automatique s’est refermée sur elle en la faisant chuter.

Par actes du 23 mars 2012, Mme X et son assureur la Mutuelle assistance des instituteurs de France (Maif) ont fait assigner la société Europa Discount ED devant le tribunal de grande instance de Marseille pour la voir condamner, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du code civil, devenu l’article 1242 du même code, à indemniser la victime de l’intégralité des préjudices subis à la suite de la chute.

Le docteur GGuyen, désigné par protocole d’accord amiable a établi son rapport.

Par acte du 30 octobre 2012, la société Europa Discount a appelé en garantie la société Portalp qui avait la charge de la maintenance des portes automatiques.

Selon jugement du 23 février 2016, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a :

— condamné la société Europa Discount à payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement à Mme X la somme de 18'815€ en réparation de son préjudice corporel et celle de 1300€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société Europa Discount à payer à la Maif la somme de 1456,11€ correspondant au remboursement des prestations versées à la victime ;

— condamné la société Europa Discount aux entiers dépens avec distraction ;

— condamné la société Portalp à relever et garantir la société Europa Discount des condamnations prononcées à son encontre.

Il a considéré que la preuve de l’intervention de la porte automatique dans la chute de Mme X est rapportée et que la société Portalp, qui a pour mission la maintenance des portes ne s’est pas vue, de ce fait, transférer leur garde, celle-ci étant dévolue à la société Europa Discount.

Il a évalué de la façon suivante le montant des préjudices de Mme X :

— dépenses de santé : 286,11€ pris en charge par la Maif et 231,80€ pris en charge par la Mgen,

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % : 990€

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 825€

— souffrances endurées 3/7 : 5000€

— déficit fonctionnel permanent : 12'000€.

Il a indemnisé la Maif d’une somme de 1170€ correspondant aux frais d’aide ménagère.

Il a relevé que le contrat conclu entre la société Europa Discount et la société Portalp comprend des opérations de maintenance corrective et préventive des portes automatiques et l’obligation d’assurer le fonctionnement continu des installations, cela à une fréquence de deux visites annuelles au cours desquelles les spécialistes procèdent à la vérification et au réglage des éléments de motorisation et de guidage des organes d’équilibrage, des vantaux, sections et lames, des éléments de logique de commande, des organes de sécurité et plus généralement de tous les équipements concourant à la sécurité du fonctionnement. Il a jugé que la norme européenne EN 13241-1 applicable depuis le 1er mai 2015 pose le principe d’une obligation de sécurité de résultat qui incombe au prestataire de services qui est donc présumé responsable dans le cas du non-respect des performances promises ce qui est bien le cas en l’espèce puisque la cliente a chuté en raison de la fermeture intempestive des portes lors de son passage. Aucune cause d’exonération Gétant alléguée par la société Portalp, elle doit garantir la société Europa Discount des condamnations prononcées à son encontre.

Par déclaration d’appel du 12 avril 2016, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées la société Portalp a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions du 11 juillet 2016, la société Portalp demande à la cour de :

' réformer le jugement qui l’a condamnée à relever et garantir la société Europa Discount de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

' constater qu’elle Ga commis aucune faute dans l’exécution de sa prestation contractuelle;

' constater qu’elle est débitrice d’une obligation de sécurité de moyens ;

' constater que la norme européenne EN 13241-1 alléguée par le tribunal de grande instance ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce ;

' constater l’incertitude sur la matérialité des faits et l’instrument à l’origine du dommage ;

' juger que sa responsabilité ne saurait être engagée ;

' débouter la société Europa Discount de l’intégralité des demandes formulées à son encontre ;

' débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes ;

' condamner la société Europa Discount à lui payer la somme de 2000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle rappelle qu’elle a souscrit en 2007 auprès de la société Europa Discount, un contrat de maintenance des portes automatiques du magasin situé à Marseille. Aucune demande de dépannage Ga été formulée de sorte que seules les prestations de maintenance préventive pourraient avoir un lien avec le prétendu accident. Cette maintenance préventive consiste à assurer les visites deux fois par an ; le contrôle des installations ayant été réalisé en l’espèce le 24 février 2010 et le 30 août 2010. À la suite de cette dernière visite, une anomalie sur une des portes automatiques a été signalée et c’est la raison pour laquelle le rapport conclut à la non-conformité. Elle a donc soumis à la société Europa Discount un devis auquel cette dernière Ga pas souhaité donner suite. Pas plus, elle ne peut être considérée comme gardienne des portes automatiques. Sa responsabilité ne peut pas être engagée. C’est la société Europa Discount qui a décidé de ne pas suivre les recommandations de la société de maintenance tendant à la réparation du sandow.

La responsabilité contractuelle à laquelle elle est soumise ne comporte qu’une obligation de moyens. Il est possible que la société Europa Discount ait fait appel à une autre entreprise prestataire qui serait intervenue sur les portes automatiques et en tout état de cause, elle Ga pas été sollicitée pour inspecter les portes après l’incident allégué par Mme X. Elle rappelle enfin que la société Europa Discount peut, seule, modifier les réglages des portes. Le fait qu’elle aurait été défaillante dans sa prestation de maintenance Gest absolument pas établi.

Elle fait valoir qu’il existe une incertitude qui entache la matérialité des faits et l’instrument à l’origine du dommage dont se prévaut Mme X, les circonstances précises de l’accident, sont inconnues. Il Gy a pas de témoignage objectif. Elle ne présente aucun hématome.

La norme européenne à laquelle le premier juge s’est référé ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce puisqu’elle Gest prévue que pour les portes industrielles et non pas pour les portes piétonnes comme celles du supermarché Europe Discount. Les portes piétonnes mises en service avant 2014 se trouvent régies par l’arrêté du 21 décembre 1993 en son article 9, obligeant le propriétaire des portes sur les lieux de travail, à souscrire un contrat d’entretien intégrant une visite d’entretien semestriel. Depuis 2014 pour ces portes piétonnes la norme européenne EN 16003 trouve application et remplace le texte précédent, mais en tout état de cause le sinistre que Mme X invoque est survenu en 2010 à un moment où l’arrêté du 21 décembre 1993 était seul applicable et selon lequel aucune obligation de résultat ne pèse sur le prestataire de services.

Par conclusions du 29 juillet 2016, la société Erteco France anciennement dénommée Europa Discount demande à la cour, de :

' juger que le rapport d’expertise du docteur GGuyen, désigné par l’assureur de Mme X ne lui est pas opposable, en l’état de sa partialité et à tout le moins au regard du non-respect du contradictoire ;

' débouter Mme X et la Maif de l’ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre;

' prononcer sa mise hors de cause ;

à titre principal

' réformer le jugement entrepris ;

' constater que Mme X et la Maif ne rapportent pas la preuve de sa qualité de gardien de la chose instrument du dommage ;

' juger que les conditions d’application de la responsabilité du fait des choses ne sont pas réunies à son encontre ;

' rejeter en conséquence la demande de condamnation formulée par Mme X et la Maif à son égard ;

à titre subsidiaire

' constater le transfert de la garde de la chose, instrument du dommage ;

' juger que la société Portalp, ayant conservé l’usage, la direction et le contrôle des portes automatiques, demeure en sa qualité de gardienne, seule responsable des conséquences dommageables ;

' en conséquence la condamner à la relever la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

' de même rejeter les demandes présentées par Mme X et la Maif à son encontre ;

à titre encore plus subsidiaire dans l’hypothèse ou la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre :

' confirmer le jugement ;

' constater que la société Portalp est débitrice d’une obligation de sécurité de résultat envers elle ;

' juger que la société Portalp ne peut dès lors s’exonérer de sa responsabilité par la seule démonstration d’une absence de faute ;

' constater que la société Portalp ne démontre pas que la porte coulissante à l’origine du dommage était affectée d’une non-conformité ;

' en conséquence juger que la société Portalp a engagé sa responsabilité sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat, et la condamner à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcée à son encontre, frais irrépétibles et dépens inclus ;

' en tout état de cause, condamner Mme X et la Maif, parties succombant à lui payer la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Les conclusions de l’expert médical lui sont inopposables.

Elle estime qu’elle ne garde pas au quotidien un pouvoir d’usage sur les portes contrairement à ce que le premier juge a énoncé. Elle Gest donc pas gardienne de la porte instrument du dommage. En effet c’est la société Portalp qui en est la gardienne au terme d’un contrat de prestation de services de maintenance conclu avec elle le 19 décembre 2007. Seule cette société est habilitée à assurer la manipulation des éléments litigieux. L’accident invoqué est susceptible d’impliquer seule, la société Portalp en sa qualité de gardienne des portes automatiques, du fait du transfert opéré de la garde.

À titre subsidiaire, elle demande que la société Portalp, la garantisse de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans la mesure ou il pèse sur elle une obligation de sécurité de résultat conformément aux termes d’un arrêt rendu le 1er avril 2009 par la Cour de Cassation qui a dit que celui qui est chargé de la maintenance et de l’entretien complet d’un appareil est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité. Le débiteur de cette obligation ne peut s’en dégager que par la seule démonstration de son absence de faute. En effet seule la force majeure pourrait être opérante.

À la lecture des pièces et devis, on s’aperçoit que le magasin ED dispose de trois portes coulissantes dont une seule aurait, a priori, dû faire l’objet d’une intervention sur le sandow et la société Portalp ne démontre pas d’une part, que le sandow litigieux est en rapport avec la fermeture anormale mais d’autre part et surtout que le sandow à changer serait un accessoire de la porte qui s’est refermée sur la victime.

La société Portalp ne fait pas la démonstration de ce que la norme EN 16005 applicable en l’espèce, Gimposerait pas une obligation de sécurité de résultat aux prestataires de services et ne fait pas non plus état d’une obligation d’un prestataire de services qui serait une obligation de moyens. Pas plus l’arrêté du 21 décembre 1993 ne mentionne une obligation de sécurité de moyens à la charge des prestataires de services.

Selon conclusions du 11 août 2016, Mme X et la Maif demandent à la cour de :

' confirmer le jugement ;

' juger que la responsabilité de la société Erteco France dans l’accident que Mme X a subi est incontestablement engagée ;

' juger que son droit à indemnisation est entier compte tenu des circonstances de la chute ;

' statuer ce que de droit sur les mérites de la demande en garantie formulée à l’encontre de la société Portalp ;

' condamner les requis au paiement de la somme de 18'815€ en réparation du préjudice subi par Mme X et les condamner à verser à la Maif la somme de 1456,11€ en remboursement des prestations médicales servies ;

' condamner la société Portalp ou la société Erteco France à leur verser la somme de 1300€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et en y ajoutant celle de 1500€ supplémentaire sur le même fondement, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de son conseil.

Elles font valoir que la société Europa Discount Ga jamais contesté la matérialité de l’accident et le lien de causalité entre le dommage de Mme X et le mauvais fonctionnement des portes de l’établissement. Elle conteste uniquement le fait qu’elle serait gardienne de la chose ayant occasionné le désordre. Le débat porté par la société Portalp qui entend s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle leur échappe.

Le comportement anormal de la porte ne fait aucun doute et la société Europa Discount ne peut échapper à sa responsabilité fondée sur l’article 1384 du code civil et quelle que soit la réponse apportée à la question de la garantie recherchée de la société Portalp.

Elles font valoir que le courtier de l’assureur de la société Europa Discount Ga pas estimé utile de prévenir son client du déroulé de l’expertise. Quoi qu’il en soit tout rapport d’expertise amiable peut valoir preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties. En l’espèce ce rapport est en partie fondé sur des éléments médicaux versés aux débats. L’argument selon lequel il serait inopposable à la société Europa Discount ne peut prospérer.

Mme X demande l’indemnisation de ses préjudices corporels qu’elle chiffre de la façon suivante :

— déficit fonctionnel temporaire partiel sur la première période : 990€

— déficit fonctionnel temporaire partiel sur la seconde période : 825€

— déficit fonctionnel permanent 12 % : 12'000€

— souffrances endurées : 5000€.

La Maif est fondée en ses demandes de remboursement de sommes qu’elle a versées au titre du paiement d’une aide ménagère à hauteur de 1170€, et du remboursement des frais 1286,11€.

L’arrêt est contradictoire, conformément à l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité fondée sur l’article 1242 du code civil

L’article 1384 alinéa 1 du code civil, devenu l’article 1242 al 1er du même code, depuis la réforme du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il Ga fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime ; lorsque la chose est par nature immobile, la preuve qu’elle a participé de façon incontestable et déterminante à la production du préjudice incombe à la victime qui doit démontrer que la chose, malgré son inertie, a eu un rôle causal et a été l’instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité ou sa position.

Le gardien, défini comme celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose au moment du fait dommageable, est responsable de plein droit, le propriétaire étant présumé gardien. Le contrat d’entretien conclu entre la SAS Erteco France et la SAS Portalp, qui prévoit conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur au moment des faits, une visite semestrielle portant sur la sécurité et le bon fonctionnement des portes coulissantes automatiques, ne peut avoir opéré un transfert de garde du propriétaire du magasin vers le prestataire de services. La SAS Erteco France est donc gardienne des portes automatiques du magasin qu’elle exploite.

Si la chose est en mouvement, comme c’est le cas en l’espèce d’une porte automatique d’un magasin d’alimentation qui se referme inopinément, la victime doit seulement prouver l’intervention matérielle de la chose, la causalité étant présumée. Alors seule la cause étrangère, présentant les caractères de la force majeure, peut exonérer la SAS Erteco France, qui a la qualité de gardien.

Mme X verse aux débats un 'constat amiable d’accident survenu à un tiers' établi à l’entête de l’enseigne ED, et signé par les deux parties, le 8 novembre 2010 pour l’employé du magasin ED et le 10 novembre 2010 par Mme X. Mme I Y, adjoint chef du magasin y relate les circonstances de l’accident en indiquant que 'la porte du SAS s’est refermé sur la dame. Les pompiers sont intervenus. Bras gauche fracturé.' La phrase qui expose les conditions dans lesquelles l’accident s’est produit émane bien de Mme Y et non de Mme X, puisqu’il y est bien dit que la porte s’est refermée 'sur la dame' et non pas, si Mme X en avait été la rédactrice 'sur moi'. Le décalage dans les dates de signatures rend parfaitement compatible l’accident qui a conduit à l’intervention des pompiers le jour même, sans que Mme X soit en état de le signer.

D’autre part, Mme X communique le certificat médical de constatations de blessures initiales, rédigé par le docteur Z, médecin urgentiste à l’hôpital privé Beauregard à Marseille, le 8 novembre 2010 à 16h57, qui constate une fracture comminutive de la tête humérale gauche, autre élément venant conforter les termes manuscrits du constat amiable et contradictoire établi le même jour.

En conséquence, Mme X établit bien l’intervention matérielle de la porte automatique du magasin et les dommages corporels dont elle a été victime, la causalité étant présumée.

Pour s’exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle, la SAS Erteco France se limite à invoquer l’absence de la preuve de la matérialité des faits, ainsi que la garde des portes défectueuses qui lui ne lui incomberait pas. Elle ne soutient pas l’existence d’une cause étrangère.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement qui a retenu que la responsabilité de la SAS Erteco France était engagée au titre des conséquences dommageables subies par Mme X.

Sur le préjudice corporel

Tout rapport d’expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties et ce, alors même qu’il Ga pas été contradictoirement établi. Cependant si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties.

En l’espèce, outre le certificat médical initial de constatations des blessures et l’expertise déposée le 22 juillet 2011 par le docteur GGuyen, mandaté par la Maif, son assureur, Mme X, qui est née le […], verse aux débats un certificat médical du 2 février 2011 du docteur J K

B, qui relate qu’elle a été 'victime d’une chute de sa hauteur ayant généré le 8 novembre 2010, une fracture céphalo tubérositaire gauche à 3 fragments à haut déplacement' et qui ajoute qu’au jour de la rédaction du certificat médical si 'la cicatrisation osseuse est obtenue' il ne peut attester de la consolidation des lésions dans la mesure où la récupération fonctionnelle était alors en cours à raison de trois séances de kinésithérapie par semaine. Mme X produit par ailleurs un autre certificat médical du 23 mars 2011 de ce même praticien qui évoque à quatre mois et demi, un résultat fonctionnel ayant tendance à stagner ainsi que la présence d’un 'conflit sous acromial dû au cal vicieux qui s’est formé aux dépens du trochiter qui a consolidé en position ascensionnée' induisant 'une marche d’escaliers importante' gênant 'de façon considérable la récupération fonctionnelle de l’épaule' qui cependant, dit-il, ' Gest pas trop mauvaise'. Il évoque la possibilité d’une acromioplastie qui Ga cependant pas recueilli l’approbation de la patiente.

La cour dispose donc d’autres éléments médicaux que le seul rapport d’expertise, pour évaluer les postes de préjudice pour lesquels Mme X sollicite une indemnisation.

Il ressort des éléments médicaux versés aux débats ainsi que de l’expertise du docteur A que Mme X, à la suite de son passage aux urgences de la clinique Beauregard, a fait l’objet d’une immobilisation du coude au corps pendant 3 mois, et qu’elle a suivi une rééducation fonctionnelle comportant 40 séances jusqu’au mois de mai 2010. Elle a été régulièrement suivie par un chirurgien, le docteur B.

Sont donc retenus les éléments contenus dans le rapport d’expertise du docteur A, à la fois compatibles et cohérents avec les constatations initiales mais aussi celles relatées par le docteur B dans les deux comptes-rendus de visite produits aux débats, venant étayer notamment la nature du dommage et les souffrances qu’il a pu engendrer, ainsi que la durée de la gêne temporaire, et les séquelles consécutives à une fracture comminutive de l’humérus chez une personne née le […], et était donc âgée de près de 90 ans lors de l’accident, soit :

— un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 8 novembre 2010 au 11 février 2011

— un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25% du 12 février 2011 au 8 juillet 2011

— une consolidation au 8 juillet 2011

— des souffrances endurées de 3/7

— un déficit fonctionnel permanent de 12%

— un besoin d’assistance de tierce personne de 4h par semaine du 15 novembre 2010 au 11 février 2011.

Il y a lieu de tenir compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

—  Dépenses de santé actuelles 286,11€

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la Maif soit 286,11€, alors que la créance de la Mgen, visée par le premier juge pour 231,80€ Gest pas versée aux débats ; la victime Ginvoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Assistance de tierce personne 1170€

Le docteur A a précisé que Mme X avait eu besoin d’une aide de 4h par semaine du 15 novembre 2010 au 11 février 2011.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable au regard de l’âge de la victime et de la fracture comminutive de la tête humérale gauche dont elle a été victime.

Cette aide humaine a été prise en charge par la Maif, qui en demande le remboursement, dont il est justifié pour 1170€.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

—  Déficit fonctionnel temporaire 1815€

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence et le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 650€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

— déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 8 novembre 2010 au 11 février 2011, soit sur 3 mois et 3 jours la somme de 990€,

— déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25% du 12 février 2011 au 8 juillet 2011 pendant 5 mois la somme de 825€

et au total la somme de 1815€

—  Souffrances endurées 5000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme, de l’immobilisation pendant trois mois et des séances de rééducation ; évalué à 3/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 5.000€.

permanents (après consolidation)

—  Déficit fonctionnel permanent 12.000€

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.

Évalué à 12%, après que le docteur A ait pris en compte un état antérieur, ce poste est évalué à 12.000€ pour une femme âgée de 90 ans à la consolidation.

Le préjudice corporel global subi par Mme X s’établit ainsi à la somme de 20.271,11€ soit, après imputation des débours de la Maif pour 1.456,11€, une somme de 18.815€ lui revenant qui, en application de l’article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 23 février 2016.

La SAS Erteco France est condamnée à payer à la Maif la somme de 1.456,11€.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles alloués à la victime et à la Maif sont confirmées.

Aucun critère d’équité ne justifie d’allouer à la SAS Erteco France une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, ce même critère d’équité commande d’allouer à Mme X et à la Maif, une somme de 1500€ pour les frais exposés devant la cour.

Sur la nature de l’obligation de sécurité de la société Portalp

La SAS Erteco France soutient que la SAS Portalp, prestataire de service aux termes d’un contrat d’entretien, est débitrice d’une obligation de résultat, tandis que la SAS Portalp oppose qu’elle Gest soumise qu’à une obligation de moyens.

Le débat s’est instauré en première instance sur la détermination de la réglementation applicable à l’entretien des portes coulissantes équipant des entrepôts et/ou des magasins ouverts au public. Devant la cour, ni la SAS Erteco France ni la SAS Portalp ne rapporte la preuve irréfutable de la nature de l’obligation à laquelle cette dernière serait soumise en application de la réglementation en vigueur en novembre 2010.

Il est habituellement retenu que si une obligation comporte un aléa, elle s’avère de moyens et si à l’inverse son exécution est avec certitude possible, elle est de résultat. Il en va ainsi notamment d’un contrat d’entreprise au cours duquel l’entrepreneur conserve la totale maîtrise de l’opération dépourvue de tout aléa, à l’instar des installations, réparations d’appareils et équipements. Dès lors dans le cadre des dispositions contractuelles du contrat de maintenance qui incombe à la SAS Portalp, elle serait tenue à une obligation de résultat.

Toutefois et avant toute chose, qu’elle soit de moyens ou de résultat, la preuve de l’inexécution de l’obligation contractuelle doit être rapportée.

La lecture de ce 'contrat de maintenance des portes automatiques, porte lève rapide’ conclu entre la société Europe Discount et la SAS Portalp stipule à l’article 6 intitulé 'descriptions des prestations prévues’ une maintenance préventive avec à la charge de la SAS Portalp un respect scrupuleux de la périodicité des interventions sur place deux fois par an à une date convenue en amont avec le responsable du site. Au chapitre 'information et conseil’ le prestataire s’engage à informer son contractant de tous travaux nécessaires pour le bon fonctionnement de l’installation et à proposer toute amélioration technique permettant de supprimer les anomalies constatées au cours des interventions d’entretien. Il est indiqué que le contrat Gimplique aucunement l’exclusivité du prestataire sur les travaux de réparation des installations sous contrat, mais que si lors d’une visite d’entretien ou à l’occasion d’un dépannage, le prestataire préconise des travaux, qui doivent obligatoirement faire l’objet d’un devis, la SAS ED s’engage, s’ils s’avèrent justifiés à les faire effectuer et il est ajouté 'à défaut, la responsabilité du prestataire se trouverait dégagée en cas de panne suite à la non-réalisation de ces travaux.'

En l’espèce, la SAS Portalp communique aux débats les rapports de son intervention du 24 février 2010, qui dresse la liste de tous les éléments et équipements contrôlés et la conclusion de la conformité de chacun d’entre eux et mise à jour du carnet d’entretien.

Elle verse également les rapports d’entretiens du 30 août 2010 qui mentionnent sur l’équipement n° 1300775/002 un état défectueux de 'l’état du sandow’ avec une croix dans la rubrique 'devis à faire’ et une case 'résultats test sécurité satisfaisant’ renseignée avec la mention 'Non'. Un devis à la même date du 30 août 2010 a été établi pour intervenir sur le sandow, moyennant une somme TTC de 154,32€. Sur le certificat de vérification, il est indiqué que l’installation 1300775/002 'est non satisfaisante'.

A la lecture de ces pièces, il apparaît que la SAS Portalp a respecté ses engagements contractuels et qu’aucune inexécution de l’un d’entre eux Gest caractérisée.

Il appartient à la SAS Erteco France qui soutient qu’il Gest pas établi que le dysfonctionnement à l’origine des blessures occasionnées à Mme X, correspondrait à l’équipement défectueux signalé par la SAS Portalp, d’en administrer la preuve, ce qu’elle ne fait pas.

En conséquence, la responsabilité contractuelle de la SAS Portalp Gétant pas engagée, le jugement qui l’a condamnée à relever et garantir la SAS Erteco France des condamnations prononcées contre elle, est réformé.

L’équité commande d’allouer à la SAS Portalp une indemnité de 2.000€ au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens mis à la charge de la SAS Europe Discount sont confirmées.

La SAS Erteco France qui succombe dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

— Confirme le jugement,

hormis sur la condamnation de la SAS Portalp à relever et garantir la SAS Erteco France de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— Dit que la responsabilité contractuelle de la SAS Portalp Gest pas engagée ;

— Condamne la SAS Erteco France à payer à la SAS Portalp la somme de 2.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et devant la cour ;

— Condamne la SAS Erteco France à payer à Mme X et à la MAIF la somme de 1.500,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour,

— Condamne la SAS Erteco France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 7 septembre 2017, n° 16/06751