Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 20 décembre 2018, n° 16/15853

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 20 déc. 2018, n° 16/15853
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/15853
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 7 juillet 2016, N° 15/02716
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 20 DECEMBRE 2018

N° 2018/471

Rôle N° RG 16/15853 – N° Portalis DBVB-V-B7A-7FQL

Y X

C/

SAS MEDITEC PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ALIAS

Me FAUBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n°15/02716 .

APPELANT

Monsieur Y X

né le […] à […]

[…]

représenté par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Hervé GHEVONTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE.

INTIMEE

SAS MEDITEC PROVENCE,

[…]

[…]

représentée par Me Frédéric FAUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 20 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, M. Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Mme Valérie GAILLOT-MERCIER, Conseiller

Mme Anne FARSSAC, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme A B.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2018,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme A B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 8 juillet 2016 ayant, notamment :

— déclaré irrecevable l’ensemble des demandes présentées par M. Y X à l’encontre de la SAS Meditec sur le fondement de la responsabilité contractuelle des experts-comptables,

— condamné M. Y X aux entiers dépens de l’instance, dont distraction,

— condamné M. Y X à payer à la SAS Meditec Provence la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

— ordonné l’exécution provisoire pour le tout ;

Vu la déclaration du 30 août 2016, par laquelle M. Y X a relevé appel de cette décision ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 avril 2017, aux termes desquelles M. Y X demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

— dire que les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en statuant ultra petita sur l’irrecevabilité de sa demande, excédant ainsi les demandes qui avaient été présentées par les parties,

— dire et juger qu’en tout état de cause, son action n’est pas prescrite,

En conséquence, et statuant à nouveau,

— déclarer son action recevable,

— dire et juger que la société Meditec Provence a manqué à ses obligations contractuelles et a commis des erreurs manifestes dans la tenue de sa comptabilité,

— dire et juger que la société Meditec Provence a dès lors engagé sa responsabilité contractuelle,

— condamner la société Meditec Provence à lui verser la somme totale de 7.372 euros correspondant au trop payé d’impôt sur le revenu des années 2008 et 2009 et au trop payé des cotisations RSI pour les années 2008 et 2009,

— condamner la société Meditec Provence à lui rembourser la somme de 3.500 euros versée dans le cadre de l’exécution provisoire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Meditec Provence à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Meditec Provence aux entiers dépens, dont distraction ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2017, aux termes desquelles la SAS Meditec Provence demande à la cour de :

A titre principal,

— confirmer intégralement le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que l’action de M. X est irrecevable, en raison de la prescription qui l’affecte,

— dire et juger qu’elle n’a pas manqué à ses obligations contractuelles et qu’elle n’a causé aucun préjudice à M. X,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

— condamner M. X à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens, dont distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que M. Y X, agent général d’assurances MMA et courtier en assurances, a confié

la tenue de sa comptabilité à la SAS Meditec Provence du mois de janvier 2003 au 31 décembre 2011 ;

Qu’ayant eu recours à un nouvel expert-comptable, M. X a été informé par celui-ci que, dans ses déclarations fiscales de 2003 à 2011, il avait été omis de déduire ses cotisations sociales sur son résultat fiscal et social ; que, de ce fait, il a trop payé d’impôts sur le revenu, ainsi que des cotisations au RSI ;

Que le 30 août 2013, il a présenté une demande de dégrèvement à l’administration, qui lui a été accordée, pour les années non prescrites au regard des règles régissant la prescription en matière fiscale ;

Qu’ayant vainement demandé réparation à son expert-comptable pour les années prescrites fiscalement, à savoir les années 2008 et 2009, M. X a, par acte du 23 février 2015, fait assigner la SAS Meditec Provence devant le tribunal de grande instance de Marseille par acte du 23 février 2015, demandant sa condamnation à une somme totale de 7.372 euros ;

Que le tribunal a, par le jugement entrepris, déclaré l’action irrecevable comme prescrite ;

Sur la prescription

Attendu que M. X, appelant, estime tout d’abord que le tribunal aurait statué ultra petita en déclarant l’ensemble de ses demandes prescrites, alors que la SAS Meditec ne demandait que l’irrecevabilité partielle, limitée au demandes concernant l’année 2008 et non 2009 ;

Qu’il demande à la cour de constater un excès de pouvoir ;

M. X fait valoir que ce n’est qu’en 2011, au moment où il a changé de cabinet d’expertise comptable, qu’il a été informé des manquements concernés ;

Que le fait qu’il ait approuvé les comptes 2008 et 2009, ne saurait constituer le point de départ de la prescription, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges ;

Qu’il note en effet que le document transmis, à savoir les comptes annuels, n’est qu’un état reprenant les soldes comptables du Grand livre, mais que le client n’a pas connaissance de la justification de ces soldes ;

Que contrairement à ce que prétend la SAS Meditec, le fait d’être agent d’assurance n’a pas pour effet de le mettre à même de détecter par lui-même les erreurs commises ;

Que, dès lors, le point de départ de la prescription se situe en 2011, d’où il suit qu’à la date de délivrance de l’assignation, le 23 février 2015, l’action n’était pas prescrite au regard de l’article 2224 du code civil ;

Qu’en réponse, la SAS Meditec fait valoir qu’elle a transmis à M. X, par courrier du 24 juin 2009 ses comptes annuels au 31 décembre 2008, et que celui-ci les a approuvés sans réserve et les a retournés à son expert-comptable accompagnés d’une attestation signée de sa main ;

Qu’ainsi, le délai de prescription quinquennal a commencé à courir au plus tard le 24 juin 2009, d’où il suit que l’action était prescrite à la date de délivrance de l’assignation, le 23 février 2015 ;

Que pour ce qui est des comptes annuels 2009, la société Meditec indique que le point de départ doit pareillement être fixé au 24 juin 2009, de sorte que le délai de prescription était expiré à la date de délivrance de l’assignation ;

Attendu, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. X, le tribunal n’a pas méconnu son office juridictionnel en faisant droit à l’exception de prescription au-delà des termes dans lesquels elle était présentée par la SAS Meditec, et n’a donc pas commis d’excès de pouvoir ; qu’en toute hypothèse, M. X, qui ne sollicite pas l’annulation du jugement, ne tire pas les conséquences du grief qu’il invoque ;

Qu’en second lieu, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l’action était prescrite, s’agissant des comptes clos au 31 décembre 2008, qui ont été transmis à M. X le 24 juin 2009, soit plus de cinq ans avant l’assignation délivrée le 23 février 2015 ; que même si les éléments figurant dans ces états annuels constituent des chiffres globaux, M. X conservait la possibilité, à partir des éléments qu’il avait lui-même transmis à son expert-comptable, de vérifier ou faire vérifier le traitement comptable qu’ils avaient reçu, solliciter un dégrèvement et, le cas échéant, engager la responsabilité de l’expert-comptable ;

Qu’en revanche, en ce qui concerne les comptes clos au 31 décembre 2009, remis en main propre à M. X le 5 juillet 2010, la prescription que sollicite la SAS Meditec devant la cour n’était pas acquise à la date de délivrance de l’assignation ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur le fond

Attendu que M. X, après avoir décrit en détail le mode de calcul des cotisations PRAGA CAMAVAC, qui sont de 3,70 % du montant des cotisations de l’année N-1, fait valoir que ces cotisations doivent être comptabilisées en charges sociales et non en recettes, comme l’a fait par erreur la société Meditec Provence ;

Qu’il rappelle que la société Meditec Provence était tenue contractuellement de réaliser la tenue de son dossier comptable, social et fiscal, et qu’à ce titre, elle devait procéder à la surveillance et la révision des écritures comptables, et l’établissement des comptes annuels ; qu’elle devait également fournir une assistance fiscale, avec notamment la production de la déclaration annuelle 2035, ainsi qu’une assistance en matière sociale, avec notamment le calcul des charges sociales ;

Que, ce faisant, elle a comptabilisé par erreur les retenues retraites et prévoyance faites directement par la compagnie en recettes, sans les avoir comptabilisées en charges sociales ;

Que ces retenues s’élèvent à 9.132,49 pour l’exercice 2009 ; que du fait de cette erreur, M. X indique avoir, en conséquence, payé 2.739 euros d’impôts sur le revenu en trop ainsi que 1.175 euros de charges sociales ;

Qu’il réfute l’argument soulevé par la SAS Meditec, selon laquelle il ne démontrerait pas avoir payé à la compagnie MMA la somme de 9.132,49 euros, que celle-ci aurait préfinancée pour son compte ; qu’il convient que ces cotisations sont préfinancées par les MMA, mais soutient que la SAS Meditec n’aurait pas dû les comptabiliser en recettes, dans la mesure où il ne les a jamais encaissées ;

Qu’en réponse, la SAS Meditec rappelle qu’en matière de cotisations à la caisse de retraite complémentaire CAMAVAC, les cotisations sont réglées, pour partie par un paiement direct de l’agent à la caisse et pour partie par la compagnie que l’agent représente (MMA), qui en demande ensuite le remboursement à l’agent ;

Qu’elle précise que, dans le relevé des commissions que sa compagnie adresse à son agent chaque année pour qu’il puisse déclarer ses revenus, il est mentionné :

— le total des commissions déclarées,

— la quote-part de cotisations versées pour son compte ;

Qu’elle indique que cette quote-part, appelée « règlement CAMAVAC », n’est donc pas perçue par l’agent, mais versée pour son compte aux caisses par la compagnie ; que ce règlement pour compte est appréhendé comptablement comme un avantage en nature, et doit être comptabilisé comme une recette, au plan comptable ;

Qu’ensuite, une fois qu’il est justifié du bon encaissement de la cotisation par la caisse concernée et du remboursement de cette somme par l’agent à sa compagnie, cette recette initiale devient également une charge d’exploitation à comptabiliser sur l’exercice ;

Qu’en l’occurrence, M. X lui reproche d’avoir comptabilisé pendant plusieurs années cet avantage en nature comme une recette, sans l’avoir comptabilisé également sous forme de charge ;

Qu’ainsi, en 2009, il a perçu de sa compagnie 205.758,65 euros de commissions dont 9.132,49 euros d’avantage en nature ;

Qu’il ne justifie pas avoir remboursé à la compagnie les sommes qu’elle avait ainsi préfinancées pour son compte ;

Que, dès lors, il ne saurait être reproché à l’expert-comptable de ne pas avoir comptabilisé ces sommes en charges ;

Qu’en outre, la SAS Meditec considère que M. X ne justifie pas de la réalité de son préjudice ;

Qu’elle note que le seul justificatif produit est un document établi par l’administration fiscale pour l’exercice 2011 ; que, d’autre part, aucun justificatif n’est produit pour les cotisations au RSI ;

Attendu que le document intitulé Montant des commissions à déclarer à l’administration fiscale Année 2009 établi par les MMA, dont il est constant qu’il a été transmis à la SAS Meditec par M. X, comporte l’indication d’un montant total de commissions de 205.758,65 euros, dont 9.132,49 euros au titre de l’avantage en nature ;

Que si l’objet de cet avantage en nature n’est pas précisé, il appartenait à la SAS Meditec d’interroger son client à ce sujet, ce qui aurait conduit à constater qu’il s’agissait en réalité du règlement des cotisations dues à la caisse de retraite complémentaire, effectué par les MMA ; que s’agissant d’un avantage en nature n’ayant pas donné lieu à un flux financier au profit de M. X, la comptabilisation de cet avantage en nature en produits aurait dû être neutralisée par une écriture symétrique en charges déductibles, les cotisations ayant été acquittées pour son compte, ce que la SAS Meditec n’a pas effectué ; que M. X n’avait pas à reverser les sommes correspondantes aux MMA, pour que celles-ci soient à comptabiliser en charges déductibles ;

Que cette erreur a occasionné une imposition dont le montant n’est pas sérieusement contesté, ainsi que des contributions sociales supplémentaires ;

Attendu, toutefois, que M. X a été en mesure, dès la réception de ses comptes, de constater l’erreur commise ainsi qu’il a été vu, et disposait de la possibilité de solliciter un dégrèvement fiscal, ce qu’il n’a fait que postérieurement à l’expiration du délai de prescription fiscale ; que par suite, il n’est pas fondé à réclamer réparation d’une perte d’une chance dont il s’est lui-même privé ;

Qu’il convient, en conséquence, de le débouter de sa demande ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que M. X, qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d’appel ;

Attendu que l’équité ne justifie par de faire droit, en cause d’appel, aux demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a considéré comme prescrite l’action en responsabilité exercée au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2009 ;

STATUANT à nouveau de ce chef,

—  DÉCLARE l’action recevable mais infondée ;

—  DÉBOUTE M. Y X de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la SAS Meditec Provence ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. Y X aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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