Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 2 juillet 2020, n° 19/05252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 2 juill. 2020, n° 19/05252
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/05252
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 21 mars 2019, N° 18/02139
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2020

N° 2020/150

N° RG 19/05252

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEBJ5

B Z A

C/

Organisme FONDS DE GARANTIE , F.G.T.I.

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Juliette BOUZEREAU

-SCP CHABAS & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Décision rendue le 22 Mars 2019 par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales près du Tribunal de Grande Instance de Draguignan enregistrée au répertoire général sous le n° 18/02139.

APPELANT

Monsieur B Z A

né le […] à Draguignan

de nationalité Française,

demeurant […]

représenté par Me Juliette BOUZEREAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Organisme FONDS DE GARANTIE , F.G.T.I.,

demeurant […]

représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES de la SCP CHABAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

Les parties ont indiqué expressément qu'elles acceptaient que l'affaire soit jugée selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020.

COMPOSITION DE LA COUR

La Cour lors du délibéré était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 janvier 2015 au Muy (Var), M. Z A a été victime de violences volontaires exercées par MM. X et E F G. Une ITT de 42 jours lui a été délivrée.

Par jugement correctionnel du 9 mars 2017, le TGI de Draguignan a statué sur l'action publique, a reçu M. Z A en sa constitution de partie civile et a réservé ses droits.

Par ordonnance du 14 septembre 2016, le juge des référés du TGI de Draguignan a commis les docteurs Y et Werklé aux fins d'expertise judiciaire, et condamné M. X au paiement d'une provision de 4000 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel, outre 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance.

Le rapport d'expertise a été déposé le 2 novembre 2017.

Par requête du 26 mars 2018, M. Z A a saisi la CIVI du TGI de Draguignan aux fins de réparation de son préjudice corporel.

Par jugement contradictoire du 22 mars 2019, la CIVI de Draguignan a déclaré la requête recevable et bien fondée et, statuant au visa de l'article 706-3 du code de procédure pénale, a alloué à M. Z A les sommes suivantes':

- 15430 € en réparation de son préjudice corporel, ventilées comme suit':

' dépenses de santé futures': 4950 €

' incidence professionnelle': demande non chiffrée

' déficit fonctionnel temporaire': 3480 €

' souffrances endurées'3/7': 6000 €

' préjudice esthétique temporaire'1/7 : 1000 €

' déficit fonctionnel permanent'3'% : 0 € (5400 € absorbés par la créance de la CPAM de 50424,14 €)

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et laissé les dépens de l'instance à la charge du Trésor Public.

Par déclaration du 1er avril 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, M. Z A a relevé appel de la décision de la CIVI, en ce qu'elle a alloué à M. Z A la somme globale de 15430 € en réparation de son préjudice corporel sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, outre une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2019, M. Z A demande à la cour de':

- recevoir M. Z A en son appel, le déclarer fondé,

Statuant de nouveau,

- condamner le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions à verser les sommes suivantes à M. Z A':

* déficit fonctionnel temporaire': 15000 €

* souffrances endurées : 15000 €

* préjudice esthétique temporaire : 4500 €

* déficit fonctionnel permanent : 7000 €

* préjudice professionnel : 8000 €

* préjudice professionnel consistant en l'absence d'avancement : 5000 €

* dépenses de santé futures : 50000 €

* préjudice de jouissance (retard dans les travaux de construction de sa maison) : 10000 €

- statuer ce que de droit sur les dépens.

M. Z A fait grief au premier juge de n'avoir pas réellement pris la mesure de l'étendue de son préjudice corporel et conclut de façon générale à une revalorisation du montant des sommes allouées poste par poste.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 juin 2019, le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions demande à la cour de':

In limine litis,

- débouter M. Z A de sa demande de condamnation du fonds de garantie,

- rappeler qu'il n'appartient pas à la CIVI ou à la cour d'appel de condamner le fonds de garantie à verser ces indemnités et que le fonds de garantie ne peut qu'être tenu au versement des indemnités ainsi fixées, sans condamnation prononcée à son endroit,

Sur le fond,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter M. Z A de toutes demandes contraires aux présentes et précisément, poste par poste :

* préjudices patrimoniaux temporaires

' dépenses de santé actuelles': constater que l'expert ne retient pas de dépenses de santé actuelles, qu'aucune somme n'est en tout état de cause sollicitée pour ce poste et que la cour n'est saisie d'aucune demande sur ce point, confirmer la décision dont appel, débouter M. Z A de toutes demandes,

' pertes de gains professionnels actuels': constater qu'aucune somme n'est en tout état de cause sollicitée pour ce poste et que la cour n'est saisie d'aucune demande sur ce point, confirmer la decision dont appel, débouter M. Z A de toutes demandes, rappeler au besoin que de ce poste doivent en tout état de cause être déduites les indemnités journalières versées par la CPAM,

* préjudices patrimoniaux permanents

' dépenses de santé futures': confirmer le jugement dont appel, débouter M. Z A de toutes demandes contraires et supérieures,

' incidence professionnelle': débouter M. Z A de toutes ses demandes au titre des deux « préjudices professionnels » invoqués, rappeler que les experts n'ont pas retenu de préjudice professionnel, constater que M. Z A ne démontre pas la perte de revenus invoquée, préciser en tant que de besoin que doivent s'imputer sur toute perte de revenus alléguée les arrérages et le capital représentatif de la rente accident de travail versée par la CPAM à M. Z A, constater que M. Z A ne démontre pas plus la perte de chance invoquée, préciser que devraient s'imputer sur ce poste les arrérages et le capital représentatif de la rente accident de travail versée par la CPAM à M. Z A,

' préjudice de jouissance': débouter M. Z A de sa demande au titre du préjudice de jouissance se doublant d'un préjudice financier,

* préjudices extra-patrimoniaux temporaires

' déficit fonctionnel temporaire': confirmer le jugement dont appel en tous points, M. Z A sera débouté de sa demande supérieure sur ce point,

' souffrances endurées 3/7': confirmer le jugement dont appel en tous points, M. Z A sera débouté de sa demande supérieure sur ce point,

' préjudice esthétique temporaire 1/7': confirmer le jugement dont appel en tous points, M. Z A sera débouté de sa demande supérieure sur ce point,

* préjudices extra-patrimoniaux permanents

' déficit fonctionnel permanent : confirmer le jugement dont appel en tous points, M. Z A sera débouté de sa demande supérieure sur ce point, rappeler que la CPAM du Var verse à M. Z A une rente et que l'état des débours est tel que les arrérages échus sont de 2654 € et le capital est de 47770,14 €, soit un total de 50424,14 € si bien qu'il ne peut rien revenir à M. Z A de ce chef,

En tout état de cause :

- rappeler que la créance de la CPAM du Var au titre de la rente accident de travail doit être imputée sur les postes PGPF, l'incidence professionnelle et sur le déficit fonctionnel permanent au titre des arrérages échus et du capital représentatif, si bien que, l'état des débours étant tel que les arrérages échus sont de 2654 € et celui du capital à 47770,14 €, soit un total de 50.424,14 €, il ne saurait rien revenir à M. Z A pour ces trois postes,

- rappeler que les indemnités journalières doivent être déduite du poste PGPA,

- rappeler que les sommes et provisions déjà perçues doivent également être déduites des sommes allouées à M. Z A,

- débouter M. Z A de toutes demandes contraires aux présentes,

- débouter M. Z A de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- laisser les dépens à la charge de l'État en application des articles R.91 et R.93 II du code de procédure pénale.

Le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions fait valoir les observations suivantes :

Le fonds de garantie n'entend pas contester le droit à indemnisation de M. Z A, ni contester le rapport d'expertise judiciaire quoiqu'il n'ait pas été associé aux opérations d'expertise.

Il souligne néanmoins qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre, il est seulement tenu au versement des indemnités fixées par la CIVI ou la cour d'appel, conformément aux articles 706-4, 706-9 et R.50-24 du code de procédure pénale.

Sur le fond, le FGTI considère les demandes indemnitaires de M. Z A comme étant mal qualifiées, non conformes aux exigences de la nomenclature Dintilhac, inadaptées aux conclusions

des experts, incohérentes et contradictoires entre les motifs et le dispositif et en tout état de cause parfaitement disproportionnées.

* * *

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 décembre 2019, le ministère public à qui la procédure a été transmise s'en rapporte à justice concernant l'évaluation du préjudice corporel de M. Z A.

* * *

La clôture a été prononcée le 21 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur le droit à indemnisation'du préjudice corporel :

En vertu de l'article 706-3 du code de procédure pénale toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, notamment lorsqu'elles ont entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois. La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime.

L'admission du droit à réparation de M. Z A est donc tributaire de plusieurs conditions,'que l'article 706-3 énumère successivement :

- les faits doivent présenter le caractère matériel d'une infraction pénale,

- le cas échéant, le dommage invoqué doit présenter un caractère de gravité suffisant et avoir entraîné une incapacité totale de travail d'une durée minimale d'un mois ou, à défaut, une incapacité permanente, et

- le cas échéant, le dommage invoqué ne doit pas avoir pour origine une faute du requérant victime.

Il n'est pas contesté que M. Z A n'est en rien à l'origine des violences volontaires qu'il a subies, et que celles-ci présentent le caractère de gravité requis par l'article 706-3'' l'expert judiciaire retenant en effet une incapacité permanente partielle. Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par M. Z A n'est donc pas contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur le montant de l'indemnisation'du préjudice corporel :

Le rapport des docteurs Y et Werklé du 2 novembre 2017, contre lequel aucune critique médicalement fondée n'est formulée, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Données médico-légales :

M. Z A présentait les lésions suivantes à la suite de son agression du 20 janvier 2015, un hématome et une ecchymose jugale droite, une fracture sous-condylienne basse mandibulaire ayant

entraîné une anesthésie labiale supérieure droite, une fracture de l'os zygomatique droit et une anesthésie labiale supérieure. Le docteur Werklé précise que les lésions dentaires sont imputables à l'agression dans leur totalité.

- arrêt de travail': du 20 janvier 2015 au 31 août 2015

- pas d'état antérieur

- pas de complication ultérieure

- état séquellaire : le décalage dentaire au moment de la cicatrisation a créé une béance incisive (des douleurs condyliennes droites)

- déficit fonctionnel temporaire total': 20 janvier 2015

- déficit fonctionnel temporaire partiel 50 %': 21 janvier au 20 février 2015

- déficit fonctionnel temporaire partiel 25 %': 21 février au 20 mai 2015

- déficit fonctionnel temporaire partiel 10 %': 21 mai 2015 au 3 juillet 2017

- date de consolidation : 4 juillet 2017

- déficit fonctionnel permanent': 3'% en raison de la légère anesthésie labiale supérieure et du décalage dentaire au moment de la cicatrisation qui a créé une béance incisive post consolidation

- aide par tierce personne temporaire : 3 heures par semaine pendant un mois uniquement pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 %

- dépenses de santé futures : 4950 € pour les frais de restauration dentaire

- perte de gains professionnels futurs : aucune

- incidence professionnelle': aucune

- souffrances endurées : 3/7 en prenant en compte les souffrances morales

- préjudice esthétique temporaire : 1/7 jusqu'au 31 août 2015

- préjudice esthétique permanent : aucun

- préjudice d'agrément : aucun

État stabilisé

Absence de tout autre dommage médico-légal en relation directe et certaine avec l'accident

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident, de son activité (responsable de chantier), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 706-9 du code de procédure pénale et 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

La victime a subi un dommage corporel : elle doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Données chronologiques :

Date de naissance': 11/08/1986

Date du fait générateur : 20/01/2015

Date de la consolidation': 04/07/2017

Date de la liquidation': 02/07/2020

Date du départ en retraite': 11/08/2051

Durée en années de la période avant consolidation : 2,453

Durée en années de la période consolidation / liquidation': 2,995

Age'lors du fait générateur : 28

Age'lors de la consolidation : 30

Age'lors de la liquidation : 33

Age'lors du départ en retraite : 65

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. Z A doit être évalué comme suit.

[…]

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': poste réservé

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. Z A indique que «'son salaire était en moyenne de 1800 €, il verse aux débats ses bulletins de salaire et demande à être indemnisé de l'incidence professionnelle durant les huit mois non travaillés et ce à hauteur de 1000 € par mois, soit 8000 €'», somme dont il sollicite l'allocation au titre du préjudice professionnel.

La période concernée courant du 20 janvier au 31 août 2015, elle est antérieure à la consolidation': la

demande se rattache donc au poste perte de gains professionnels actuels, que l'expert judiciaire a indexé sur la durée de l'arrêt de travail.

M. Z A soutient qu'il gagnait en moyenne 1800 € nets par mois au moment de l'accident. En réalité, le salaire mensuel net payé en 2014 est de 1711,06 € si l'on se fonde sur les seuls bulletins des premier et second quadrimestre qu'il a produits. Aucun bulletin du troisième quadrimestre n'est produit, cependant. L'absence en particulier du bulletin de paie du mois de décembre 2014 ne permet pas de connaître précisément le salaire net annuel perçu en 2014, ni le montant du salaire net mensuel qui était le sien à la date du 20 janvier 2015. M. Z A ne produit pas non plus sa déclaration fiscale de revenus 2014.

Le salaire mensuel net de référence que la cour retiendra sera fixé à la somme de 1711 €, qui correspond exactement au salaire brut mensuel de 2223,05 € stipulé par le contrat de travail du 2 janvier 2013 de M. Z A, diminué de 23'% de charges pesant sur le salarié.

La perte de gains de M. Z A s'établit ainsi à la somme de 1711 € x 7,34 mois (du 20 janvier au 31 août 2015), soit 12558,74 € pour la période d'arrêt d'activité retenue par l'expert.

Cependant, les indemnités journalières servies par l'organisme payeur de la victime s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation à réparer. En l'occurrence, M. Z A ne communique ni relevé des indemnités journalières versées ni attestation selon laquelle aucune indemnité journalière ne lui a été versée.

Ce poste de préjudice, sur lequel il n'a jamais été statué ' le premier juge ayant relevé à juste tire que «'s'il est évoqué dans les conclusions déposées une perte de salaire sur huit mois, aucune demande chiffrée n'est présentée de sorte que la commission n'est saisie d'aucune demande précise'» ' sera réservé. Il reviendra à M. Z A de saisir le premier juge d'une demande chiffrée et documentée concernant ce poste de préjudice.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF) : 4950 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

L'expert judiciaire Werklé indique que les lésions stomatologiques de M. Z A (fracture sous-condylienne basse mandibulaire droite, et fracture de l'os zygomatique droit non fermée non déplacée), consécutives à l'agression du 20 janvier 2015, entraînent pour l'intéressé une béance incisive du côté gauche par décalage et une anesthésie cutanée labilae supérieure droite incomplète. Le docteur Werklé conclut que la réparation de ce dommage implique un traitement orthodontique Invisalign d'un montant de 4950 € hors nomenclature. Cette somme reste donc à la charge personnelle de M. Z A.

La demande de 50000 € de M. Z A concernant des frais d'orthodontie à venir n'est adossée à aucun argumentaire chiffré et ne saurait prospérer.

Incidence professionnelle (IP) : rejet

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance

professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, ou enfin de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.

Ce poste de préjudice doit également faire l'objet d'une estimation pour les jeunes victimes qui ne sont pas encore entrées dans la vie active.

L'incidence professionnelle est indemnisée selon une somme fixée globalement même si différents éléments sont pris en considération, et non à partir d'une perte annuelle de gains professionnels déterminée puis capitalisée selon un barème choisi.

L'argument de M. Z A selon lequel l'absence d'avancement serait un préjudice professionnel lié à son agression du 20 janvier 2015 n'est adossé à aucun élément objectivé, et l'expert médical judiciaire l'a écarté. Aucune somme ne saurait être allouée au titre de l'incidence professionnelle.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 3480 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

L'impossibilité pour M. Z A de s'adonner au karaté ou au krav maga est couverte par l'indemnisation de ce poste de préjudice, comme relevé à juste titre par le premier juge.

Il sera réparé sur la base de 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 30 € par jour pendant la période d'incapacité totale, et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle.

Soit une somme totale de 3480 €, ventilée comme suit':

- déficit fonctionnel temporaire total': 1 jour = 30 €

- déficit fonctionnel temporaire'classe 3 à 50'%': 30 jours = 450 €

- déficit fonctionnel temporaire'classe 2 à 25'%': 90 jours = 675 €

- déficit fonctionnel temporaire'classe 1 à 10'%': 775 jours = 2325 €

Souffrances endurées (SE) : 6000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison d'une insensibilité au niveau de l'hémilèvre supérieure et de la gencive droite, d'une diesthésie dans le territoire du V, d'une difficulté et douleur lors du tirage vers l'avant d'un objet retenu entre les dents. L'expert judiciaire constate aussi une arnoldalgie droite, et note l'anxiété résiduelle avec état de vigilance et reviviscence. M. Z A ressent toujours une légère anesthésie cutanée labiale supérieure droite. Évalué à 3/7 par l'expert (modéré), ce préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 6000 €, montant alloué par le premier juge.

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 1000 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures. En l'occurrence, les fractures consécutives à l'agression ont entraîné un décalage dentaire lors de la cicatrisation, à l'origine d'une béance incisive, nécessairement disgracieuse.

Évalué à 1/7, ce chef de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 1000 €, montant alloué par le premier juge.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 0 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

En l'occurrence, le docteur Y retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 3'% en rapport avec la béance incisive créée par les deux fractures (sous-condyienne droit non déplacée, et de l'os zygomatique.

Au regard du taux de déficit fonctionnel permanent et de l'âge de la victime à la date de la consolidation (30 ans), ce poste de préjudice sera éstimé à la somme de 5400 €, montant alloué par le premier juge.

Sur la base d'un taux d'incapacité fixé à 15'%, M. Z A avait cependant été admis au bénéfice d'une rente accident du travail d'un montant trimestriel de 341,78 € (décision du 8 novembre 2016 emportant effet rétroactif au 11 juin 2016). Le décompte de créance produit par la caisse primaire d'assurance-maladie du Var mentionne un montant de créance globale de 50424,14 € correspondant à la somme de 2654 € au titre des arrérages échus et à celle de 47770,14 € au titre des arrérages à échoir.

Or, il est constant que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et d'autre part le déficit fonctionnel permanent. En l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

La créance de la caisse primaire d'assurance-maladie du Var absorbe totalement ce poste de préjudice': il ne revient rien à M. Z A.

* * *

Le montant de l'indemnité revenant à M. Z A en réparation de son préjudice corporel (hors perte de gains professionnels actuels) s'établit ainsi à la somme de 15430 €. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel':

M. Z A fait valoir par ailleurs qu'il n'a pu mener à bien les travaux de couverture de sa maison du fait de l'agression ' et qu'à ce préjudice de jouissance s'est ajouté un préjudice financier, en

l'occurrence le fait d'avoir à régler un an de loyers supplémentaires.

Le préjudice matériel de jouissance et le préjudice financier allégués par M. Z A ne sont caractérisés'ni dans leur consistance ni dans leur imputabilité à l'agression du 20 janvier 2015. Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'équité ne justifie pas particulièrement de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront supportés par l'État en application des dispositions des articles R.91 et R.93 II 11° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement de la CIVI près de TGI de Draguignan du 22 février 2019.

Y ajoutant':

- rejette la demande au titre du préjudice de jouissance';

- réserve la demande concernant le chiffrage de la perte de gains professionnels actuels.

Dit qu'il reviendra à M. Z A de saisir le premier juge d'une demande de liquidation de la perte de gains professionnels actuels.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Dit que la somme sera versée par le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, conformément à l'article R.50-24 du code de procédure pénale.

Laisse les dépens d'appel à la charge de l'État.

Le greffier Le président

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