Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 4 mars 2022, n° 17/21526

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 4 mars 2022, n° 17/21526
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/21526
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bouches-du-Rhône, 5 novembre 2017, N° 21502608
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 04 MARS 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 17/21526 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBRZQ

E Y épouse X


C/

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

MNC


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


- Me Yves GROSSO


- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 06 Novembre 2017,enregistré au répertoire général sous le n° 21502608.

APPELANTE

Madame E Y épouse X, demeurant […]

représentée par Me Yves GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant […]

représenté par Mme Stéphanie BELHASSEN, G H, en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

MNC – MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D’AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant […] non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2022, décision prorogée au 4 Mars 2022 ;

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2022


Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le 4 septembre 2006, Mme E Y a été victime d’un accident du travail pour avoir glissé sur le sol mouillé, sa tête ayant frappé une porte, son épaule et son genou ayant frappé le sol. Le certificat médical initial établi le 4 septembre 2006 par son médecin traitant fait état d’un traumatisme du genou droit, épaule droite et traumatisme crânien sans perte de connaissance.


Cet accident du travail a fait l’objet d’une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d’assurance maladie (ci-après désignée CPAM) des Bouches-du-Rhône.


Le 12 septembre 2014, Mme Y a présenté un certificat médical de rechute, établi par le Docteur Z, faisant état d’une « gonalgie droite avec impotence fonctionnelle partielle ».


La CPAM a refusé de prendre en charge cette pathologie à titre de rechute de l’accident du travail initial, et Mme Y contestant ce refus, une expertise médicale technique a été ordonnée.


Le Docteur D qui a réalisé cette expertise a conclu, le 8 janvier 2015, comme suit : « gonalgie droite par chondropathie rotulienne dégénérative = état sans lien direct et exclusif irréfutable avec le seul fait traumatique ancien du 4 septembre 2006 » estimant que « les lésions et troubles décrits dans le certificat de rechute ne constituent pas une aggravation évolutive certaine et directe des séquelles de l’accident du travail du 4 septembre 2006".


La CPAM a fait part du maintien de sa décision de refus de prise en charge.
Par décision du 24 mars 2015, la commission de recours amiable de la caisse, saisie par Mme Y d’une contestation à l’encontre du refus qui lui a été opposé, a rejeté sa contestation et confirmé ce refus.


L’assurée a alors porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône lequel, par jugement du 6 novembre 2017, l’en a déboutée.


Selon lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe de la cour le 29 novembre 2017, Mme Y a relevé appel des dispositions de ce jugement.


Par arrêt avant dire droit du 28 juin 2019, la cour de céans a ;


- ordonné une expertise médicale, (médecin généraliste ou de rééducation fonctionnelle ou chirurgien orthopédique),


- désigné à cette fin le Docteur A, avec pour mission, au contradictoire des parties, de :

* prendre connaissance du dossier médical de l’assurée,

* procéder à son examen médical,

* dire si la pathologie décrite dans le certificat médical de rechute du Docteur Z du 12 septembre 2014 constitue une aggravation évolutive, certaine et directe des séquelles de l’accident du travail subi par Mme Y le 4 septembre 2006.


Une ordonnance de remplacement d’expert est intervenue entre-temps, et le Docteur I C, a déposé son rapport le 6 janvier 2020.


L’affaire est revenue à l’audience du 2 septembre 2020.


Par arrêt avant-dire-droit en date du 23 octobre 2020, la cour de céans a :


- ordonné un complément d’expertise

et désigne pour y procéder le docteur I C-B déjà désigné, aux fins de :

* préciser les termes de son rapport et notamment les mentions figurant en page 7 de son rapport retenant l’existence d’une 'aggravation évolutive très probablement en relation avec les séquelles de l’accident du travail', et les conclusions dudit rapport retenant l’affirmation sans la moindre réserve 'd’une aggravation évolutive en relation avec les séquelles de l’accident du travail',

* expliquer en quoi l’hypothèse par lui signalée ne laisse en réalité aucun doute dans l’existence d’une relation entre l’accident survenu en 2006 et les séquelles apparues en 2014,

* plus généralement, de donner de faire toutes constatations et de fournir toutes explications utiles à la solution du litige.


Le Docteur C a rendu son complément de rapport le 16 août 2021.


Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, Mme Y demande à la cour de réformer le jugement, et de lui accorder le bénéfice de l’indemnisation de la rechute de son accident du travail en date du 4 septembre 2006.


Elle se fonde sur les conclusions de l’expert désigné par la cour qui a retenu, dans un premier temps, une aggravation évolutive 'très probablement’ en relation avec les séquelles de l’accident du travail ou en relation avec ces dernières, puis dans un second temps, a confirmé que l’aggravation à type de chondropathie rotulienne est en relation avec les séquelles de l’accident du travail du 4 septembre 2006, aggravation qui a bien sûr été favorisée par d’autres éléments étrangers aux conséquences de l’accident (travail physique debout, sur poids et âge de la patiente).


Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, la CPAM demande à la cour de:

à titre principal,


- confirmer le jugement entrepris,


- rejeter le rapport d’expertise du Docteur C,


- constater l’absence de lien de causalité entre les lésions invoquées dans le certificat médical de rechute du 12 septembre 2014 et l’accident de travail du 4 septembre 2006,


- confirmer le refus de prise en charge de la demande de rechute,


- débouter Mme Y de sa demande d’indemnisation au titre du certificat médical du 4 septembre 2014,

à titre subsidiaire,


- eu égard au différent médical existant, ordonné une nouvelle expertise aux fins de déterminer si la pathologie décrite dans le certificat médical de rechute du 12 septembre 2014 constitue une aggravation évolutive directe certaine et exclusive des séquelles de l’accident du travail du 4 septembre 2006,


- débouter Mme Y de toutes ses demandes.


La caisse soutient en effet que :


- le Docteur Blum Lauxen du service médical a estimé au vu du complément du rapport de l’expert, extrêmement peu probable l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail et les lésions mentionnées sur le certificat médical de rechute,


- aucune lésion osseuse évidente n’avait été repérée sur le genou droit dans les suites immédiates de l’accident du travail,


- la rechute suppose un fait pathologique nouveau distinct de la simple manifestation des séquelles, et la victime ne profite plus de la présomption d’imputabilité, la charge de la preuve d’un lien direct et unique avec l’accident d’origine lui incombant, la prise en charge d’un trouble seulement partiellement consécutif à l’accident étant impossible.


Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE L’ARRÊT


Aux termes de l’article L.443-1 du code de la sécurité sociale :

' Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article, toute modification dans l’état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations.'
L’article L.443-2 précise :

' Si l’aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d’un traitement médical, qu’il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d’assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.'


Néanmoins, selon une jurisprudence constante, seules peuvent être prises en compte, à titre de rechute, l’aggravation ou les nouvelles lésions en lien de causalité directe et exclusif avec l’accident du travail, avec cette précision que la victime d’une rechute ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité résultant de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, et qui lui appartient en conséquence de prouver qu’il existe une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses et le traumatisme initial.


À cet égard, l’avis du médecin conseil s’impose à la caisse dans les rapports caisse/assuré.


En l’espèce, le certificat médical établi le Docteur D, désigné en qualité d’expert médical technique à la suite de la contestation du refus de prise en charge de la rechute déclarée le 14 septembre 2014, a estimé que la lésion de gonalgie droite avec impotence fonctionnelle partielle par chondropathie rotulienne dégénérative constituait un état sans lien direct et exclusif irréfutable avec le seul fait traumatique ancien du 4 septembre 2006, et ne pouvait être considérée comme une aggravation évolutive, certaine et directe des séquelles de cet accident du travail.


Le Docteur C, expert désigné par la juridiction, a retenu dans son rapport du 6 janvier 2020 que la pathologie décrite sur le certificat médical de rechute du Docteur Z du 12 septembre 2014 constituait une aggravation évolutive très probablement en relation avec les séquelles de l’accident du travail subi par la patiente le 4 septembre 2006. Il a précisé que le facteur temps ne peut être mis en avant, dans ce genre de pathologie, pour réfuter la pérennité de la chondropathie à l’accident initial. Il a conclu être en mesure de dire que la pathologie constitue une aggravation évolutive en relation avec les séquelles de l’accident du travail subi le 4 septembre 2006.


Il convient de constater que ces premières conclusions contiennent une part d’incertitude quant au caractère certain du lien entre la lésion déclarée à titre de rechute et l’accident du travail, cette incertitude résultant de la formulation selon laquelle la pathologie constituerait une aggravation très probablement en relation avec l’accident initial.


Par ailleurs la conclusion propre de ce rapport du 6 janvier 2020, tout en évoquant une aggravation évolutive en relation avec les séquelles de l’accident du travail, ne s’est pas prononcée sur le caractère exclusif du lien entre la pathologie et l’accident.


Le rapport complémentaire du Docteur C en date du 16 août 2021 conclut comme suit : 'Après avoir pris connaissance de l’entier dossier médical, interrogé et examiné Mme Y, nous sommes en mesure de confirmer les termes de notre premier rapport : l’aggravation à type de chondropathie rotulienne est en relation avec les séquelles de l’accident du travail du 4 septembre 2006, aggravation qui a bien sûr été favorisée par d’autres éléments étrangers aux conséquences de l’accident (travail physique debout, sur poids, et âge de la patiente)'.


Le corps du rapport, dans les termes de la discussion, relève que la chondropathie est un état dégénérative de l’articulation touchant le cartilage dans comportement entre la rotule et le condyle fémoral, étape précédant la survenue d’une gonarthrose, l’expert ayant retenu que la chondropathie survient fréquemment à la suite d’un traumatisme comme cela peut être aussi le cas d’une chute sur un sol dur ainsi que l’a présenté la patiente. L’expert a également relevé que la chondropathie est d’évolution très lente, souvent silencieuse et peu, ou pas du tout douloureuse, évoluant lentement à ses débuts pour devenir progressivement invalidante, cette évolution pouvant se faire sur plusieurs années. Il a également noté que les chondropathies sont très généralement bilatérales, mais que chez Mme Y seul le genou droit qui a été blessé initialement est atteint. Il relève que certes, le délai d’établissement du certificat de rechute est lointain par rapport à l’accident initial mais il retient que Mme Y a indiqué avoir souffert de son genou avant 2014.


Il indique encore qu’au total, il ne lui est pas possible d’affirmer de façon péremptoire que l’aggravation constatée lors du certificat de rechute du 12 septembre 2014 est en relation directe, certaine et exclusive avec l’accident initial survenu en 2006, mais pour autant, tous les éléments convergents pour dire que cette chondropathie est en relation directe avec l’accident de travail initial. Des arguments sont contributifs à cette imputabilité, tel que l’épanchement articulaire initial, l’impotence fonctionnelle immédiate, l’unilatéralité de la symptomatologie, la lenteur d’évolution des phénomènes chondropathie qu’et les résultats de l’I.R.M. du 18 avril 2016. D’autres arguments sont des éléments d’aggravation étrangers aux conséquences de l’accident initial : surpoids, travail en orthostatique, âge de la blessée.


Il précise enfin : la présomption d’imputabilité à l’accident de travail ne peut être prouvée mais tout s’accorde à dire que cette relation existe.


Ainsi, sauf à dénaturer le sens de ces analyses et conclusions, l’expertise ne permet pas d’établir que la lésion déclarée à titre de rechute présente un lien de causalité direct et exclusif avec l’accident du travail.


En effet, si l’expert retient que selon lui l’aggravation est en relation avec les séquelles de l’accident initial de 2006, il conclut explicitement à ce que la lésion déclarée à titre de rechute est également à mettre en relation avec des facteurs propres à l’assurée, de sorte qu’il n’existe pas de lien de causalité exclusif avec l’accident du travail.


Il en résulte que le jugement déféré doit être confirmé.


Les dépens de l’instance resteront à la charge de l’appelante qui échoue dans son recours.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire,


- Confirme le jugement du 6 novembre 2017 en toutes ses dispositions.


Y ajoutant,


- Laisse les dépens d’appel à la charge de Mme E Y.

.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
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