Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 10 juillet 2018, n° 17/00709

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 10 juill. 2018, n° 17/00709
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 17/00709
Décision précédente : Tribunal de commerce de Beauvais, 18 janvier 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N°297

SARL X Y

C/

SAS CHIMIREC VALRECOISE

SARL MORET

PG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 10 JUILLET 2018

N° RG 17/00709

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 19 janvier 2017

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La société X Y (SARL) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine ROYAL-DELAVENNE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 102

ET :

INTIMEES

La société CHIMIREC VALRECOISE (SAS) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

60130 SAINT-JUST-EN-CHAUSSEE

Représentée par Me Isabelle CARRON, avocat au barreau de BEAUVAIS

La société MORET (SARL) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Marc BACLET de la SCP BACLET BACLET-MELLON, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l’audience publique du 29 Mai 2018 devant Mme Z A, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Juillet 2018.

GREFFIER : Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Z A en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Z A, Présidente de chambre,

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

et Mme Martine BRANCOURT, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 Juillet 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Z A, Présidente a signé la minute avec M. Pierre DELATTRE, Greffier.

DECISION

La société Chimirec Valrecoise a pour activité la stockage de déchets industriels et notamment la collecte d’huiles usagées qu’elle revend après analyse conforme.

Le 3 décembre 2012, elle a évacué 1 700 litres d’huile usagée du site de la société X Y, garage automobile qui, après prélèvement de deux échantillonnages, ont été déversés dans une cuve de 50 m3 sur son propre site. L’analyse du contenu de cette cuve a révélé la présence importante de polychlorobiphéniles (PCB) interdisant par sa toxicité la commercialisation de cette huile usagée et imposant un traitement spécifique.

Faisant valoir que l’analyse des échantillons initialement prélevés chez ses clients et un nouveau test sur le site de la société X Y avaient permis d’identifier l’origine de ce PCB, la société Chimirec Valrecoise a engagé une action à l’encontre de celle-ci afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de la présence de cet agent toxique.

Par un jugement rendu le 19 janvier 2017, le tribunal de commerce de Beauvais a condamné la société X Y à payer à la société Chimirec Valrecoise la somme de 32 277,49 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de

procédure civile et a débouté la société X Y de ses demandes à l’encontre de la société Moret.

Le 24 février 2017, la société X Y a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions déposées le 5 mars 2018, elle demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter la société Chimirec Valrecoise de ses demandes et subsidiairement de condamner la société Moret à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

L’appelante relève que la collecte d’huiles usagées par la société Chimirec Valrecoise est un service gratuit qui ne fait pas l’objet d’un contrat mais seulement d’un bon d’enlèvement.

Elle dénonce le caractère imprécis des conditions générales portées au dos de ce document et la légèreté de la pratique de la société Chimirec Valrecoise qui laisse à son client le soin de procéder à des échantillonnages avant le déversement des huiles dans des camions-citernes sans procéder elle-même à une analyse préalable.

Elle conteste la force probante de l’analyse a posteriori et non contradictoire des échantillons qui n’offrent pas de garantie de traçabilité, pour établir l’origine de l’huile polluée.

Elle relève qu’un incident de même nature survenu il y a quelques années n’a pas convaincu la société Chimirec Valrecoise, forte d’une décision judiciaire favorable, d’améliorer son processus de collecte et de contrôle au lieu de prendre un risque financier important pour elle-même et ses clients. Elle soutient que la société Chimirec Valrecoise doit supporter les conséquences du processus qu’elle maintient, en toute connaissance des risques de diffusion de pollution lors de mélanges d’huiles sans analyse préalable ; elle renvoie aux décisions rendues à l’occasion de la procédure de référé que la société Chimirec Valrecoise avait initialement mise en oeuvre à son encontre pour souligner les éléments de preuve dont la charge incombe à celle-ci ; elle relève que d’autres échantillons que ceux qui lui sont attribués ont présenté des taux de PCB importants.

L’appelante s’étonne de la différence entre la somme réclamée dans la mise en demeure qui lui a été adressée et la demande judiciaire.

La société X Y expose qu’à l’automne 2012 elle a accepté de recueillir l’huile usagée de l’un de ses clients habituels, spécialisé dans l’électricité industrielle et l’électromécanique sans être informée que cette huile pouvait contenir du PCB et elle soutient que le dirigeant de la société Moret avait accepté oralement le principe de la responsabilité de cette entreprise.

Par des conclusions déposées le 31 janvier 2018, la société Chimirec Valrecoise demande la confirmation du jugement entrepris.

Rappelant la réglementation qui encadre la collecte de déchets industriels, elle relate que les échantillons de l’huile collectée sur le site de la société X Y sont numérotés, l’un ayant été emporté par ses soins, l’autre ayant été remis au garage X Y, que les analyses des huiles mélangées dans sa cuve sont réalisées par une société indépendante, qu’informée de la présence de PCB, elle a fait analyser tous les échantillons des huiles mélangées dans la même cuve et a identifié celui de la société X Y comme contenant un taux élevé de PBC.

Elle indique qu’un nouveau prélèvement a été opéré le 25 janvier 2013 sur le site du garage, dans la cuve qui avait contenu l’huile collectée au mois de décembre et que la présence de PCB a de nouveau été mise en évidence, alors même que l’activité habituelle de la société X Y ne l’expose pas à utiliser des produits contenant du PCB ; celle-ci aurait alors admis avoir accepté de recevoir des huiles usagers d’une autre entreprise.

L’intimée oppose les conditions générales portées au dos des bons d’enlèvement, conformes à la réglementation applicable et elle quantifie les conséquences financières de cette pollution inattendue.

Par des conclusions déposées le 24 mai 2017, la société Moret sollicite la confirmation du jugement.

Elle conteste être à l’origine de la pollution litigieuse, note que n’est pas rapportée la preuve qu’un de ses préposés aurait déversé de l’huile usagée dans une cuve du garage X Y et elle souligne qu’aucune des analyses mentionnées par ses contradicteurs ne peut lui être opposée.

Elle soutient subsidiairement, que les conditions du contrat entre la société Chimirec Valrecoise et la société X Y lui sont inconnues et inopposables.

Elle ajoute que la réalité et le quantum du préjudice invoqué ne sont pas démontrés.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 12 mars 2018.

SUR CE LA COUR

Il est constant que le 3 décembre 2012 la société Chimirec Valrecoise a procédé à l’enlèvement d’huiles usagées sur le site de la société X Y.

Le bon d’enlèvement signé par les deux parties rappelle un extrait de la réglementation relative au ramassage des huiles usagées et notamment l’article 8 de l’arrêté du 28 janvier 1999 qui impose au ramasseur de procéder contradictoirement à un double échantillonnage avant mélange avec tout autre lot en vue notamment de la détection de PCB, l’un des échantillons étant remis au détenteur, l’autre conservé par le ramasseur jusqu’au traitement du chargement, le texte ajoutant que le bon d’enlèvement remis au détenteur doit être paraphé par celui-ci et indiquer qu’un échantillon lui est remis.

L’exécution effective de ces diligences ne suscite aucune contestation et elle est étayée par la copie du bon d’enlèvement versé aux débats.

Ce bon d’enlèvement mentionne également des 'conditions générales’ qui, au titre des obligations à la charge du ramasseur, reprennent les dispositions réglementaires ci-dessus et qui mettent à la charge du client/détenteur l’obligation de remettre ses huiles usagées à un ramasseur agréé, de ne remettre que des huiles contenant un taux de PCB inférieur à 50mg/kg, de conserver le bon d’enlèvement pendant cinq ans et de conserver l’échantillon pendant au moins douze mois à compter de la date d’enlèvement.

Le texte ajoute qu’en cas de non respect des propriétés des huiles usagées, détecté lors de l’analyse préalable à l’élimination, le ramasseur fait appel à un laboratoire externe pour analyser les échantillons ayant pu contaminer les stocks et qu’au regard des résultats, le détenteur/client responsable de la pollution se voit facturer les frais de stockage, de destruction, de décontamination ainsi que le manque à gagner et/ou les frais inhérents et ce pour l’ensemble des stocks pollués.

Les enjeux environnementaux et sanitaires inhérents au traitement des déchets industriels imposent à chacun des acteurs une rigueur parfaite dans la traçabilité des produits potentiellement nocifs et dès lors qu’elle entend engager la responsabilité contractuelle de sa cliente, la société Chimirec Valrecoise a la charge de la preuve de l’origine de la pollution litigieuse.

En l’espèce, le bon d’enlèvement mentionne que les échantillons prélevés sur les huiles usagées

collectées sur le site de l’appelante sont référencées 00650558.

Faisant valoir que le contenu de la cuve dans laquelle ont été déversées les huiles usagées collectées sur le site du garage X Y a été pollué par du PCB, la société Chimirec Valrecoise expose que l’analyse des échantillons de chacune des huiles mélangées dans cette cuve a permis d’identifier l’origine de la pollution dans les huiles usagées de la société X Y.

Or, les trois factures d’analyse en date des 31 décembre 2012 et 31 janvier 2013 qu’elle verse aux débats mentionnent, s’agissant des factures Aprochim, l’analyse de 18 échantillons sans porter la moindre référence permettant d’identifier les prélèvements analysés, et s’agissant de la facture Chimirec une analyse pratiquée manifestement sur un gros volume au cours du quatrième trimestre 2012 sans la moindre référence permettant d’identifier la cuve concernée et l’origine de son contenu.

Aucun des résultats de ces analyses n’est versé aux débats.

Une quatrième facture Aprochim du 28 février 2013 est postérieure à la date à laquelle la société Chimirec Valrecoise a informé sa cliente de l’existence de la pollution litigieuse et ne permet pas davantage de faire le lien avec les huiles usagées de l’appelante.

En l’état du dossier soumis à l’examen de la cour, le fait allégué par la société Chimirec Valrecoise et tenant à la découverte d’un taux élevé de PCB dans l’échantillon 00650558 en provenance du site de l’appelante n’est donc pas établi, nonobstant les enseignements qu’aurait pu tirer la société Chimirec Valrecoise de l’arrêt rendu dans le cadre de l’instance en référé qu’elle avait engagée.

Cette carence est d’autant plus préoccupante que, si la société Chimirec Valrecoise avance que les analyses sur lesquelles elle se fonde sont réalisées par une société indépendante, force est de constater que les factures produites portent l’en-tête d’entités du groupe Chimirec.

La société Chimirec Valrecoise produit le procès verbal d’une analyse pratiquée le 4 février 2013 par la société Aprochim sur un échantillon prélevé le 25 janvier 2013, sous la référence X Y qui montre une teneur en PCB de 303 ppm et qui précise qu’au delà de 50 ppm, le déchet doit être traité par une entreprise agréée.

La société X ne conteste pas qu’après la réclamation élevée par la société Chimirec Valrecoise un nouveau prélèvement a eu lieu dans ses locaux.

Aucune des deux parties n’explique le sort qui a pu être réservé au second des deux échantillons prélevés lors de l’enlèvement d’huiles du 3 décembre 2012 et la société Chimirec Valrecoise ne justifie pas avoir proposé voire demandé son analyse.

Si les résultats de l’analyse pratiquée le 4 février 2013 dans les locaux du garage établissent la présence de PCB, il n’appartient pas à la cour de supputer la concordance ou l’absence de concordance entre une teneur libellée en ppm et une teneur libellée en mg/kg dans les conditions générales, étant observé que bien qu’agréée la société Chimirec Valrecoise a écarté de son activité la collecte des huiles contenant plus de 50 mg/kg de PCB.

Ce seul procès-verbal ne peut donc suffire à démontrer que les huiles collectées le 3 décembre 2012 dans la société X Y n’étaient pas conformes aux conditions générales portées sur le bon d’enlèvement.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société Chimirec Valrecoise de l’ensemble de ses demandes.

Succombant dans ses prétentions, la société Chimirec Valrecoise supporte les entiers dépens.

L’équité commande que la somme de 3 000 euros soit accordée à la société X Y.

Il n’y a lieu à autre application de ce texte.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,

infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

déboute la société Chimirec Valrecoise de toutes ses demandes ;

la condamne aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société X Y la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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