Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 25 avril 2017, n° 14/03114

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 25 avr. 2017, n° 14/03114
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 14/03114
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Angers, 23 novembre 2014, N° F13/01185
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL d’ANGERS Chambre Sociale ARRÊT N°

aj/jc

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/03114.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 24 Novembre 2014, enregistrée sous le n° F 13/01185

ARRÊT DU 25 Avril 2017

APPELANTE :

SARL RIPOCHE TRANSPORTS

XXX

XXX

représentée par Maître EON, avocat de la SCP AVOCATS CONSEILS ASSOCIES BERTON-COUVREUX-EON-GRATON, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier A12/0572

INTIME :

Monsieur Y X

XXX

XXX

représenté par Maître Arnaud BARBE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE MAGESCAS QUILICHINI BARBE, avocats au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2017 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Monsieur Jean de ROMANS, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier. ARRÊT :

prononcé le 25 Avril 2017, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE,

M. Y X a été embauché à compter du 17 janvier 2006 par la société Transports Ripoche en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de conducteur routier groupe 7 coefficient 150 M de l’annexe 'ouvriers’ de la convention collective nationale des transports publics, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 293,52 € pour 152 heures de travail.

L’entreprise, qui a une activité de transports routiers de fret interurbains, emploie environ 90 salariés.

Le lundi 10 octobre 2011 à 19 heures, peu après son embauche, M. X a été contrôlé au volant de son camion par les services de gendarmerie et soumis à un dépistage de produits stupéfiants qui s’est avéré positif.

Le 12 octobre 2011 M. X a été convoqué à un entretien préalable à licenciement avec mise à pied conservatoire et, après un entretien préalable qui s’est déroulé le 24 octobre, a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 27 octobre 2011.

Contestant la validité et/ou le bien fondé de son licenciement prononcé en raison selon lui de la suspension de son permis de conduire et arguant de son caractère injustifié, le 8 juin 2012 M. X a saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes subséquentes d’indemnisation.

Par jugement en date du 24 novembre 2014 le conseil de prud’hommes d’Angers:

— a 'requalifié’ le licenciement de M. X en un licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse,

— a condamné la société Transports Ripoche à lui verser les sommes de 2587,04€ à titre d’indemnités de préavis et de 258,70 € au titre de l’indemnité de congés payés y afférent, 958,53 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied et 98,55 € au titre de l’indemnisé de congés payés y afférent, 1 487,55 € au titre de l’indemnité de licenciement, 900 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— a rappelé l’exécution provisoire de droit et fixé le salaire moyen de référence à 1 293,52 €,

— a débouté M. X de ses autres demandes et la société Transports Ripoche de ses demandes,

— a ordonné le remboursement par la société Transports Ripoche aux organismes concernés de l’intégralité des indemnités de chômage versées à M. X dans la limite de un mois,

— a condamné la société Transports Ripoche aux dépens

Par déclaration électronique du 8 décembre 2014 la société Transports Ripoche a régulièrement relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS, Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 22 juillet 2016 et à l’audience la société Transports Ripoche demande à la cour :

— de la dire recevable et fondée en son appel,

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement de M. X en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de dire et juger que ce licenciement pour faute grave est justifié,

— de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient en résumé que :

— les faits sont reconnus et avérés ;

— la conduite sous l’emprise de stupéfiants – dont l’usage est interdit par la loi – qui a motivé le licenciement caractérise une faute grave notamment au regard des risques qu’elle fait subir au salarié lui-même, aux autres usagers et à l’entreprise elle-même ; cette conduite est contraire au règlement intérieur ; elle constitue une infraction pénale et caractérise un manquement du salarié à son obligation de sécurité.

Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 14 février 2017 et à l’audience M. X demande à la cour :

— de dire et juger que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

— rajoutant au jugement critiqué, de condamner la société Transports Ripoche à lui verser la somme de 15 522,24 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le confirmer pour le surplus,

— subsidiairement de confirmer le jugement entrepris,

— y rajoutant, de condamner la société Transports Ripoche à lui verser la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.

Il fait essentiellement valoir que :

— jusqu’à son licenciement, il n’a jamais fait l’objet de sanction sauf pour ne pas s’être présenté lors de la visite médicale ; il n’y avait pas de stupéfiants dans le camion; il a immédiatement informé son employeur ; il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement avant la notification de la suspension de son permis de conduire ; sa suspension n’a été que de 3 mois ;

— son licenciement est ainsi intervenu en violation des dispositions de la convention collective nationale applicable (article 2 de l’accord du 13 novembre 1992) et de la présomption d’innocence édictée par le code de procédure pénale ;

— aucun des éléments de la faute grave n’était établi au jour du licenciement ; il aurait dû bénéficier des mesures conventionnelles d’accompagnement (qui constitue une garantie de fond) et son employeur aurait dû notamment lui trouver un autre poste pendant sa suspension de permis de conduire ; les analyses ont permis de constater que sa consommation de cannabis était habituelle et, ce jour là, datait de plusieurs heures et était donc intervenue dans le cadre de sa vie privée ; elle ne pouvait alors fonder son licenciement dès lors qu’elle n’avait jamais eu de retentissement sur la qualité de son activité professionnelle ; il n’y a donc pas de manquement à son obligation de sécurité ni au règlement intérieur dès lors qu’il n’était pas 'sous l’emprise’ de la drogue ; aucun trouble dans l’entreprise n’est établi ; il n’a fait aucune faute de conduite ;

— ses demandes indemnitaires sont justifiées.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l’audience du 23 mars 2017.

MOTIFS DE LA DECISION,

Sur le licenciement,

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 27 octobre 2011 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

'[ ] votre licenciement par des faits suivants ;

Le 10 octobre dernier alors que vous veniez de prendre votre service avec le camion 0757 ZH 49 vous avez été contrôlé par la gendarmerie entre Beaupréau et le Pin en Mauges.

Or ce contrôle a révélé que vous conduisiez sous l’emprise de stupéfiants .

Le véhicule a été immédiatement immobilisé; vous avez été conduit par les gendarmes vers un hôpital pour effectuer une prise de sang. Votre permis de conduire vous a été retiré sur le champ.

Lors de notre entretien du 24 octobre vous avez reconnu avoir fumé des substances pendant le week-end et avez confirmé que les analyses avaient révélé la présence de stupéfiants dans votre sang.

Vous nous avez indiqué être sous le coup d’un retrait de permis de 3 mois en attendant un passage devant le procureur devant aboutir entre autre à un retrait total de 10 mois.

La conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants est strictement interdite par la loi pour des raisons évidentes de sécurité.

Nous ne pouvons pas tolérer qu’un conducteur professionnel de surcroît, fasse courir des risques d’accidents à lui même et aux autres usagers puis des risques en responsabilité civile de l’entreprise.

Ces agissements étant constitutifs d’une faute grave, votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement [ ]'

Il résulte de cette lettre que le licenciement du salarié est motivé par sa conduite d’un véhicule de l’entreprise dans le cadre de ses activités professionnelles sous l’emprise de stupéfiants, dont la conséquence se trouve dans le retrait de son permis de conduire.

Le fait reproché au salarié, à savoir la conduite d’un véhicule de l’entreprise dans l’exécution par lui de son contrat de travail sous l’emprise de stupéfiants, n’est ni contestable ni d’ailleurs contesté.

M. X n’a pas été licencié parce que son permis de conduire lui a été retiré. Il s’ensuit qu’il est inopérant de soutenir que l’employeur n’aurait pas respecté les dispositions de l’article 2 de la convention collective qui prévoient que la suspension ou de l’invalidation du permis de conduire n’entraînent pas en tant que tels la rupture automatique du contrat de travail et organisent une concertation entre l’employeur et le conducteur et diverses modalités de maintien du contrat de travail , qui constituerait , ce qui n’est pas avéré, une garantie de fond, sans au surplus en tirer la conséquence juridique à savoir la nullité du licenciement.

Le salarié est ensuite mal fondé à arguer de ce que l’employeur n’aurait pas respecté la présomption d’innocence en le licenciant le 26 octobre, cette notion étant parfaitement étrangère au litige, le licenciement étant intervenu à raison d’un fait avéré et reconnu par le salarié dès sa commission le 12 octobre 2011 – à savoir la conduite d’un véhicule de l’entreprise alors qu’il présentait un taux de tetrahydrocannabinol non négligeable – et dont les conséquences pénales sont étrangères au licenciement.

Ça n’est pas l’usage de stupéfiants en lui-même qui a motivé le licenciement mais la conduite d’un véhicule de l’entreprise sous l’emprise de stupéfiants.

M. X est ainsi mal venu à tirer du fait que le taux de tetrahydrocannabinol trouvé dans son sang démontre qu’il était un fumeur habituel ce dont il se déduit qu’il avait fumé pendant le WE soit hors de son temps de travail et que cet usage de stupéfiant relèverait de sa vie privée et ne pourrait justifier son licenciement.

La discussion sur la notion 'd’emprise’ de cannabis est sans effet sur la faute commise par le salarié, qui est avérée et qui constitue une violation du règlement intérieur (qui interdit en son article 11.2 au personnel roulant de prendre le volant en état d’ivresse ou sous l’emprise de la drogue et de certains médicaments), un non-respect de son obligation de sécurité et une violation de la loi.

Au demeurant l’argument consistant à se prétendre usager habituel de stupéfiants permettrait de considérer que le seul fait constaté a été précédé d’autres faits similaires.

Or à supposer même que le fait ici visé ait été unique et malgré le constat de ce que le salarié n’avait fait l’objet d’aucune critique depuis son embauche, il doit être considéré que dès lors que le fait commis constitue une violation de la loi, un non-respect de son obligation de sécurité et une violation du règlement intérieur et qu’il est de nature à mettre en danger la vie du salarié, la vie des tiers usagers de la route et la responsabilité de l’employeur, le licenciement pour faute grave était justifié.

Il suit de là que le jugement entrepris doit être infirmé et M. X débouté de toutes ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

L’équité commande le rejet des demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déboute M X de toutes ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODIN Anne JOUANARD

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