Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 18 février 2013, n° 2012/02980

  • Similarité des produits ou services·
  • Représentation par un mandataire·
  • Opposition à enregistrement·
  • Différence intellectuelle·
  • Circuits de distribution·
  • Différence phonétique·
  • Impression d'ensemble·
  • Opposition non fondée·
  • Réseau de fabrication·
  • Caractère descriptif

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 févr. 2013, n° 12/02980
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 2012/02980
Décision précédente : Institut national de la propriété industrielle de Paris, 19 avril 2012
Décision(s) liée(s) :
  • Décision du directeur général de l'INPI, 20 avril 2012, 11-1826
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : FLORA NYMPHEA ; EAU DES NYMPHES
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3643878 ; 3851374
Classification internationale des marques : CL03 ; CL31 ; CL35 ; CL43 ; CL44
Liste des produits ou services désignés : Parfums, eaux de parfum, eaux de cologne, eaux de toilette / produits de parfumerie, eau de toilette, eaux de senteur, parfums
Référence INPI : M20130082
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX ARRÊT DU : 18 FEVRIER 2013

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A N° de rôle : 12/02980

Décision déférée à la cour : décision rendue le 20 avril 2012 par le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS (OPP-11-4826/DGV) suivant déclaration de recours du 21 mai 2012

DEMANDERESSE : SAS COMPAGNIE HOTELIERE ET FERMIERE D’EUGENIE L MICHEL G, agissant en la personne de vice-président, Mme Christine G, domiciliée en cette qualité au siège social sis Place de l’Impératrice Eugénie – 40320 EUGENIE L représentée par la SCP ANNIE TAILLARD & VALÉRIE JANOUEIX, avocats au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Guillaume Q substituant Maître Christian T, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS : DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […] – CS 50001 – 92677 COURBEVOIE CEDEX représenté par Mme Mathilde JUNAGADE, chargée de mission munie d’un pouvoir régulier

SA GUERLAIN, prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social sis 125 rue du Président Wilson – 92593 LEVALLOIS-PERRET non représentée, régulièrement convoquée par LRAR (AR signé)

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 07 janvier 2013 en audience publique, devant la cour composée de : Brigitte ROUSSEL, président, Jean-Claude SABRON, conseiller, Thierry LIPPMANN, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick B

Ministère Public : L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

La SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G a déposé, le 5 août 2011, auprès de l’institut national de la propriété industrielle (INPI) une demande d’enregistrement portant sur le sigle EAU DES NYMPHES concernant les classes de produits ou de services 3, 31, 35, 43 et 44.

La classe 3 correspond aux produits de parfumerie, eau de toilette, eaux de senteur, savons ; parfums huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux ; masques de beauté ; produits de rasage

Le 26 octobre 2011, la SA Guerlain a formé opposition à l’enregistrement de cette marque, par l’intermédiaire de M. Daniel P, directeur juridique propriété intellectuelle de la société Guerlain., en invoquant la marque antérieure FLORA NYMPHEA, déposée le 14 avril 2009 et enregistrée sur les

produits : parfums, eau de parfums, eaux de Cologne, eaux de toilette.

Cette opposition, concernant une partie des produits désignés dans la demande d’enregistrement contestée, a été régulièrement notifiée à la société déposante qui a présenté ses observations en réponse et l’INPI a notifié aux parties, le 9 mars 2012, un projet de décision qui a été contesté par la société déposante.

Par décision en date du 20 avril 2012, le directeur général de l’ INPI a estimé l’opposition recevable, l’a reconnue justifiée en ce qu’elle porte sur les produits : produits de parfumerie, eau de toilette, eaux de senteur ; parfums et a, en conséquence, rejeté partiellement la demande d’enregistrement.

Par déclaration du 21 mai 2012, la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G a régulièrement formé un recours contre la décision rendue par le directeur général de l’INPI le 20 avril 2012.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 juin 2012 et développées oralement à l’audience, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions de la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G, celle-ci demande à la cour de voir dire que l’ opposition, effectuée par un des salariés de la société opposante, est irrecevable à défaut pour l’INPI et le déposant de s’être assurés de la validité du mandat, tant au regard de son acceptation par le mandataire, que de l’identité de celui-ci, alors que des éléments contradictoires d’identification figurent dans le formulaire d’opposition tendant à démontrer l’existence d’une autre identité de mandataire.

À titre subsidiaire, sur le fond, elle demande de voir dire que le directeur de l’INPI :

— a effectué une application erronée de la loi en s’affranchissant au cours de l’examen comparatif des produits de leurs conditions particulières d’exploitation propres au marché des parfums et n’a pas fait une juste appréciation du risque de confusion dans l’esprit du public,

— a favorisé une appréciation des signes en cause fondée essentiellement sur les ressemblances de certains signes verbaux entrant dans la composition des marques en cause,

— a fait une application erronée de la loi en effectuant une comparaison des marques dépourvue d’appréciation globale.

En conséquence ,elle demande de voir juger que la décision d’admission de l’opposition n’a pas valablement été rendue, de voir annuler la décision du 20 avril 2012 et de voir condamner la société Guerlain à lui payer la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions, développées oralement à l’audience, auxquelles il est expressément fait référence pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions devant la cour, le directeur général de l’INPI conclut au rejet du recours formé par la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G en faisant valoir que l’opposition formée par la société Guerlain a valablement été déclarée recevable, ayant été formée par un salarié de la société qui n’avait pas à justifier d’un pouvoir écrit spécial et qui disposait d’une délégation de pouvoir permanente, écrite, donnée par le président-directeur général de la société et que cette opposition était bien fondée alors que la demande d’enregistrement concerne des produits en partie similaires à ceux de la marque antérieure et que la comparaison des signes fait apparaître des ressemblances d’ensemble entraînant l’existence d’un risque de confusion et d’une imitation de la marque antérieure par le signe contesté.

Bien que régulièrement convoqué à la présente audience, la SA Guerlain n’a pas conclu et ne s’est pas présentée à la présente audience.

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Avis a été donné au ministère public qui a visé le dossier le 3 septembre 2012.

Sur ce,

1- Sur la recevabilité.

Il ressort de l’examen des éléments de la cause que l’opposition litigieuse a été effectuée au nom de la société anonyme Guerlain, […], par le mandataire ainsi dénommé : M. Daniel P, Guerlain SA, numéro de pouvoir permanent 17'599, adresse : 125 rue du président Wilson à Lavallois-Perret, en sa qualité de directeur juridique propriété intellectuelle, mentions suivies de la signature de ce mandataire.

De plus, l’INPI précise que M. P a justifié devant elle d’une délégation de pouvoir permanente, écrite, donnée par le président-directeur général de la société Guerlain.

Ce document est régulièrement versé aux débats (pièce 4 de l’INPI) et donne un pouvoir général à M. P, en sa qualité de directeur du département propriété intellectuel, pour représenter la société, avec faculté de substitution, en matière de propriété intellectuelle et industrielle auprès de l’INPI et des offices nationaux.

Si ce mandat général n’est pas signé de M. P, son acceptation résulte nécessairement de l’exécution par lui de l’opposition au nom de la société Guerlain.

Par ailleurs, l’identité du mandataire et sa qualité sont expressément et clairement visés dans l’opposition à l’enregistrement, sans aucun risque de confusion.

Au vu de ces considérations, il apparaît que l’INPI a valablement déclaré cette opposition recevable.

2- Sur le fond.

En application de l’article 713-3 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Il ressort des éléments de la cause que la demande d’enregistrement présentée par la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G porte notamment sur des produits de classe numéro 3 : produits de parfumerie, eau de toilette, eaux de senteur, parfums, alors que la marque antérieure, FLORA NYNPHEA, concerne notamment les produits suivants : parfums, eaux de parfums, eaux de Cologne, eaux de toilette.

Il apparaît ainsi qu’il existe une similitude entre ces produits cosmétiques ayant la même fonction de parfumer la peau, qui sont issus des mêmes industries (parfumeur) et qui sont commercialisés dans le cadre de produits de parfumerie.

Le fait que les circonstances de commercialisation des produits puissent, dans l’exploitation qui en sera faite, différer, la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G indiquant que ses produits sont destinés à être commercialisés dans un circuit de distribution très spécifique, s’avère sans incidence sur l’appréciation de la similarité des produits en présence dès lors que l’opposition doit s’apprécier uniquement au regard des droits définis dans les libellés en présence, indépendamment des circonstances ultérieures d’exploitation.

Au vu de ces considérations il apparaît que la décision déférée a valablement retenu l’existence d’une forte similarité des produits en présence.

Il convient donc de rechercher s’il existe en l’espèce entre le signe verbal EAU DES NYMPHES, faisant l’objet d’une opposition d’enregistrement, et la marque antérieure verbale FLORA NYMPHEA une imitation susceptible d’entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public.

L’appréciation du risque de confusion doit s’apprécier globalement en considération de l’impression d’ensemble produite par les marques, compte tenu, notamment, du degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle entre les signes et en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Dans le cadre de cette comparaison globale et objective, il apparaît que si les deux marques comportent le même radical NYMPH, ce terme est d’un usage assez fréquent en matière de marque puisqu’il est

justifié de l’existence sur la base des données de l’INPI de 81 occurrences de marque comportant ce signe verbal, dont 32 comportant le signe NYNPHEA (S) et dont plus d’une quinzaine concerne des produits de la classe 3, hors marques appartenant à la société Guerlain.

Ainsi, la similitude du radical NYNPH ne suffit pas à créer un risque de confusion et l’appréciation de l’existence d’une imitation doit être appréciée au regard de l’ensemble des termes des deux marques.

La marque antérieure FLORA NYMPHEA, composition verbale évocatrice de la langue latine, comporte le terme Flora qui donne à l’ensemble une connotation florale, le nymphéa correspondant en latin à la fleur de nénuphars, alors que l’enregistrement contesté, EAU DES NYMPHES, rappelle le caractère fonctionnel du produit (eau, comme eau de toilette ou eau de parfum) avec l’ajout d’une origine à caractère mythologique, les nymphes.

Ainsi, les deux marques doivent être appréciées dans leur ensemble et en tenant compte des autres signes attachés au radical Nynph.

En ce qui concerne la comparaison visuelle des signes, il apparaît que des différences sensibles existent, le seul terme commun NYNPH ne permettant pas au vu des observations ci-avant relevées de fonder une imitation.

Les termes « Flora » et « eau des » sont nettement distincts et les termes « nymphéa » et « des nymphes » comportent des spécificités visuelles au regard de leurs terminaisons.

De plus, la marque antérieure ne comporte que deux signes verbaux, alors que la marque seconde en comporte trois.

En ce qui concerne la comparaison phonétique des signes, il s’avère que les sonorités d’attaque sont totalement différentes entre les deux marques (Flora et Eau des), que la marque antérieure à une connotation latine qui ne se retrouve pas dans la seconde et que le seul dénominateur commun, nymph, n’est pas suffisant, à caractériser une imitation et un risque de confusion chez un consommateur d’attention moyenne.

De plus, la marque antérieure comprend cinq séquences de prononciation : flo-ra -nym-phé- a alors que la marque contestée n’en comprend que trois : eau-des-nymph

Quant à la comparaison intellectuelle des signes, il s’avère, comme relevé ci-avant que la marque antérieure évoque des notions florales, à connotation latine, sans association intellectuelle nécessaire avec le monde du parfum, ainsi que le célèbre tableau de Monnet, représentant des fleurs de nénuphars, alors que la marque seconde évoque la nature du produit (eau) et l’origine mythologique du produit, avec emploi du terme « nymphes » utilisé au pluriel, qui correspond à des divinités de la mythologie.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il n’est pas établi l’existence entre la marque antérieure et la marque seconde d’une imitation et d’un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne.

Il convient, en conséquence, d’annuler la décision de l’INPI ayant admis le bien-fondé de l’opposition formée par la société Guerlain et de permettre ainsi l’enregistrement de la marque française EAU DES NYMPHES.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

— Confirme la décision déférée en ce qu’elle a déclaré recevable l’opposition formée par la SA Guerlain.

— La réforme en ce qu’elle a déclaré justifiée cette opposition.

— Annule, en conséquence, la décision du directeur de l’INPI en date du 20 avril 2012 statuant sur l’opposition numéro 11-4826.

— Condamne la SA Guerlain à payer à la SAS Compagnie Hôtelière et Fermière D’Eugénie L Michel G la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— Laisse les dépens à la charge de la société Guerlain .

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Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 18 février 2013, n° 2012/02980