Cour d'appel de Bordeaux, 17 septembre 2014, n° 12/04440

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 17 sept. 2014, n° 12/04440
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/04440
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 1er juillet 2012, N° 2008F00957

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2014

(Rédacteur : Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller,)

N° de rôle : 12/04440

LA S.E.L.A.R.L. D S

c/

Monsieur T-J Y

Nature de la décision : AU FOND

Notifié aux parties par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2012 (R.G. 2008F00957) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 25 juillet 2012,

APPELANTE :

LA S.E.L.A.R.L. D S, mandataire judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET,

Représentée par Maître Olivier BOURU, Avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur T-J Y, né le XXX à XXX,de nationalité française, demeurant XXX,

Représenté par la S.C.P. BONNET – LABORIE, Avocats au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 janvier 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Edith O’YL, Président,

Monsieur T-François BANCAL, Conseiller,

Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

Vu le visa de Madame le Substitut Général qui a été régulièrement avisée de la date d’audience,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Vu le jugement du 2 juillet 2012 rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux,

Vu l’appel interjeté le 25 juillet 2102 par la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET,

Vu les conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées et déposées le 24 octobre 2012 par la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET,

Vu l’avis du ministère public,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité du dirigeant de droit ou de fait au titre de l’insuffisance d’actif

Compte tenu de la date d’ouverture de la procédure collective, antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif ne pouvait être engagée qu’en vertu de l’article L 624 – 3 ancien, du code de commerce.

En application de l’article L 624- 3 ancien du code de commerce :

«Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d’entre eux.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de redressement ou, à défaut, du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants en application de l’alinéa 1er entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l’entreprise selon les modalités prévues par le plan d’apurement du passif. En cas de cession ou de liquidation, ces sommes sont réparties entre tous les créanciers au marc le franc.»

En l’espèce, le mandataire liquidateur entend faire condamner en appel Monsieur T J Y pris en sa qualité de dirigeant de fait de la société SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 23 février 2005 convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 29 juin 2005 au paiement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif.

La SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET a été constituée le 15 avril 2002 à la suite du rachat du fonds de commerce de la SARL NAUTIC HALL qui avait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire le 2 janvier 2002. (pièce n°26)

Le capital était détenu à l’origine par Monsieur H Z, gérant, Monsieur N O, Madame P Q, Madame A M et Monsieur F Y.

Monsieur T J Y déjà présent dans la société NAUTIC HALL occupe un emploi salarié de chef de chantier dans la nouvelle structure.

Sur la qualité de dirigeant de fait de la société SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET ;

La gestion de fait suppose la démonstration de la commission d’actes positifs de gestion par un individu se comportant comme le véritable dirigeant de la société.

Le fait d’avoir un statut de salarié au sein de l’entreprise ne le met aucunement à l’abri de poursuites en sa qualité de dirigeant de fait sous réserve d’en faire la démonstration.

Par ailleurs le protocole transactionnel signé le 15 novembre 2004 avant l’ouverture de la procédure collective entre Monsieur Y et son employeur la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET n’a pour seul objet que de mettre fin à l’amiable au contrat de travail à durée indéterminée liant les deux parties.

Il n’ a pour seul effet que de priver les parties de tout recours ultérieur devant la juridiction prudhommale en vue de contester les conditions d’exécution ou de rupture du contrat de travail mais ne saurait être opposable au mandataire judiciaire pour le priver de son droit à agir contre Monsieur Y sur le fondement de l’article L 624-3 ancien du code de commerce.

Ainsi selon les pièces produites par l’appelant, il ressort que :

— Plusieurs salariés de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET ont produit des attestations particulièrement éclairantes (Pièce n°3 Attestation de Monsieur E, XXX de Monsieur X Pièce n°5 Attestation de Monsieur C) sur le comportement de l’intimé au sein de la société établissant que Y les faisait travailler pendant les heures de travail soit pour son compte personnel en détournant du stock de l’entreprise soit pour la construction ou l’entretien de certains bateaux, marchés qu’il avait directement négocié pour le compte de la société ou pour son propre compte (Pièce n°6 Lettre adressée à Monsieur B le 14 décembre 2005 et sa réponse en date du 2 janvier 2006, Pièce n°7 Contrat conclu entre Messieurs B et Y le 14 novembre 2002 ,XXX de la pinasse de Monsieur B), caractérisant ainsi l’exercice de pouvoirs de direction sur le personnel de la société et par là-même une indépendance indéniable vis-à-vis du gérant de droit.

Ainsi tant aux yeux des salariés de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET que des tiers, Monsieur T J Y apparaît comme le véritable dirigeant de l’entreprise ce, d’autant que le gérant de droit Monsieur Z du fait de sa maladie n’est pas toujours disponible.

La Cour fera observer que Monsieur Y s’entend également pour dissimuler l’ampleur de ses agissements au dirigeant de droit lorsque celui se présente dans les locaux de l’entreprise en n’hésitant pas à donner des consignes claires aux salariés afin qu’ils se taisent ou qu’ils dissimulent les travaux en cours.

Enfin, il ressort des procès verbaux des assemblées générales de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET d’une forte implication de Monsieur Y alors qu’il n’est ni associé ni gérant de droit en pesant via Monsieur F Y son fils, simple porteur de parts pour le compte de son père et sa compagne Madame A tous deux associés de ladite société sur les décisions prises en assemblées générales.

En effet, les résumés des débats des assemblées générales des 15 novembre 2003 et 19 juin 2004 joints au procès verbaux des assemblées (pièces 22 et 23 du dossier de l’appelant) témoignent de l’implication directe de Monsieur Y dans la gestion de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET

Ces éléments conduisent à retenir vis à vis de Monsieur T J Y une direction de fait de la société SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET.

Sur les fautes de gestion

Les éléments évoqués ci dessus faisant apparaître des détournements de clientèle ou de matériaux au profit de Monsieur Y constituent des fautes de gestion au sens de l’article L 624- 3 ancien du code de commerce.

Par ailleurs, les approximations dans la tenue des stocks relevées lors des assemblées générales évoquées précédemment proviennent de la rétention voire de la dissimulation d’informations comptables directement imputables à Monsieur Y.

Ce comportement est également mis en exergue par les pièces n°10, 11 et 12 dans les dossier de l’appelante.

Cette attitude n’a pas permis l’arrêté de comptes financiers fiables et a privé la direction de la société d’un outil qui lui aurait permis d’effectuer plus en amont une déclaration de cessation des paiements.

La Cour relèvera que plusieurs déclarations de créance émanant de créanciers institutionnels (Administration fiscale, les organismes sociaux ; AG2R Prévoyance, Mederic, URSSAF) démontrent l’existence d’un état de cessation des paiements dès la fin du 1er trimestre 2004 (pièces n°29,31,32, 33).

Cette situation conduira le Tribunal de commerce de Bordeaux dans sa décision du 14 décembre 2009 à reporter la date de cessation des paiements au 30 mars 2004.

Ces fautes sont directement en lien avec l’insuffisance d’actif arrêté à la somme de 310 238,25 € (pièce n°53 du dossier de l’appelant).

La répétition et la gravité des fautes reprochées à Monsieur Y justifie sa condamnation à supporter à hauteur de 100 000 € l’insuffisance d’actif de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET.

C’est donc à tort que les premiers juges ont condamné la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET au paiement d’une indemnité de 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La décision sera donc également réformée sur ce point mais confirmée pour le surplus.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

L’équité commande d’allouer à la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET une indemnité de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’intimé succombant, il supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Par défaut ,

Après avis du ministère public,

REFORME partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont débouté la la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET de sa demande de condamnation à l’encontre de Monsieur T J Y sur le fondement de l’article L 624-3 ancien du code de commerce et l’ont condamné au paiement d’une indemnité de 500€ au sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

ET STATUANT A NOUVEAU

Condamne Monsieur J Y sur le fondement de l’article L 624-3 ancien du code de commerce à supporter l’insuffisance d’actif de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET à hauteur de 100 000 €

CONDAMNE Monsieur T J Y à payer à la SELARL D S en sa qualité de liquidateur de la SARL CHANTIER NAVAL DU CAP FERRET la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LE CONFIRME pour le surplus,

CONDAMNE Monsieur T J Y aux dépens d’appel

Le présent arrêt a été signé par Edith O’YL présidente et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
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