Cour d'appel de Bordeaux, 2 décembre 2014, n° 14/00480

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 2 déc. 2014, n° 14/00480
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/00480
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bergerac, 13 janvier 2014, N° 10/00399

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 02 DECEMBRE 2014

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)

N° de rôle : 14/00480

B X

c/

F Y

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Bergerac (RG n° 10/00399) suivant déclaration d’appel du 24 janvier 2014

APPELANT :

B X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX’ – XXX

représenté par Me Valentine GUIRIATO, avocat au barreau de BERGERAC

INTIMÉE :

F Y

née le XXX à BERGERAC

de nationalité Française

XXX

représentée par Me Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX,

et assistée de Me Sylvie MASSOULIER, avocat au barreau de BERGERAC

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du cpc, l’affaire a été débattue le 21 octobre 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Franck LAFOSSAS, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Franck LAFOSSAS

Conseiller : Anne-Marie LEGRAS

Conseiller : Z A

Greffier lors des débats : Audrey COLLIN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

Faits et procédure antérieure:

M. B X et Mme F Y ont vécu en concubinage de 2004 à fin août 2009. Ils ont d’abord logé dans la maison louée par Mme Y à Bouniagues (24). Puis, en 2006, Mme Y a fait bâtir une maison sur un terrain lui appartenant à Saint-Jean-d’Eyraud (24).

À cette occasion, M. X avait payé des matériaux et apporté son travail. Lors de la séparation, il en a demandé compte à son ancienne amie.

Par jugement du 14 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Bergerac a condamné Mme Y à payer à M. X la somme de 5.366,60 € sur le fondement de l’article 555 du code civil, a condamné M. X à lui payer la somme de 2.500 € à titre de dommages-intérêts, l’a condamné à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec compensation possible, a condamné M. X aux dépens.

Procédure d’appel :

Par acte reçu au greffe le 24 janvier 2014, M. B X a relevé appel général de ce jugement.

Par ses dernières conclusions déposées le 30 juillet 2014 l’appelant demande :

.à titre principal de condamner Mme Y à lui payer la somme de 31.365 € correspondant à la rémunération de sa main d’oeuvre et des matériaux apportés,

.subsidiairement, déduction faite des malfaçons, lui payer la somme de 15.287 €,

.en tout état de cause lui allouer 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions déposées le 2 juin 2014, Mme Y demande à la cour de confirmer sa condamnation à payer 5.366,60 € à son ancien ami, réformer et fixer à 3.367,02 € le montant de sa dette à l’égard de ce dernier, outre lui allouer la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi et 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’appelant supportant les entiers dépens.

Sur quoi, la cour :

1) sur l’exacte saisine de la cour :

Le dispositif des conclusions de Mme Y, qui seul saisit la cour, demande d’une part la confirmation de sa condamnation à payer à son ancien ami la somme de 5.366,60 € et d’autre part sa condamnation à lui payer la somme de 3.367,02 €.

Le corps de ces conclusions motive pourquoi il convient de confirmer la somme de 5.366,60 €. Et la somme de 3.367,02 € correspond à ce qu’elle avait offert de payer en première instance.

Il en résulte que les écritures d’appel contiennent une erreur matérielle manifeste en ce qu’elles ont repris, par un mauvais 'copié-collé', des demandes de première instance qui n’étaient plus soutenues.

Rectifiant cette erreur matérielle, la cour constate qu’elle est saisie par l’intimée, quant au paiement des travaux, d’une demande de confirmation.

2) sur le paiement des travaux :

Les deux parties s’accordent sur la nécessité de rémunérer M. X pour son activité dans la construction de la maison et il n’existe aucun litige sur la nature de cette obligation ni sur son fondement juridique, retenu au titre de l’article 555 du code civil par le premier juge.

M. X critique les résultats de l’expertise en ce que :

.d’une part, l’expert n’a chiffré son travail personnel qu’au coût de la main-d’oeuvre qualifiée, au motif qu’il ne s’agissait pas du travail d’un entrepreneur déclaré comme tel,

.d’autre part, l’expert et le tribunal ont accepté de diminuer le nombre de ses heures de travail de 15 % parce que sa concubine l’aurait aidé, ce qui n’est pas exact,

.tandis que, dans le même temps, il en a été déduit le coût des malfaçons comme s’il s’agissait d’un entrepreneur,

.si bien qu’il est victime d’une double sanction, sur un nombre d’heures erroné.

La cour considère que M. X, même s’il disposait de compétences techniques et professionnelles, ainsi qu’il le revendique du fait de sa qualité d’ouvrier du bâtiment, ne peut être assimilé à un entrepreneur et que son travail ne peut être rémunéré à sa hauteur. En effet un entrepreneur dispose de l’outillage, du personnel, de l’organisation des chantiers et des assurances permettant de garantir la bonne exécution de l’oeuvre confiée. Ces éléments assurent au client que tout est structuré pour réaliser la commande dans les règles de l’art, sans malfaçons, et qu’en cas de malfaçons un organisme financier couvrira le préjudice. Cette sécurité a un coût pour l’entrepreneur qui le répercute au client.

En l’espèce, les travaux ont été effectués sans cette garantie et seule la main d’oeuvre d’un ouvrier qualifié peut être retenue. L’expert a proposé un chiffrage horaire sur la base du salaire d’un ouvrier hautement qualifié (15 € brut) diminué de 20 %, ce qui conduit à une salaire horaire de 12 €, à comparer au salaire minimum alors de 9,90 €. Cette proposition tient compte du fait que M. X disposait de compétences multiples mais n’était pas un ouvrier hautement qualifié et n’était pas entrepreneur. Elle lui assure cependant une différence de traitement appréciable par rapport à un ouvrier non qualifié. Elle doit être retenue.

En ce qui concerne le chiffrage des heures du chantier, plusieurs témoins attestent de l’aide apportée par Mme Y à son ami et c’est avec raison et modération que l’expert puis le tribunal ont diminué de 15 % son temps de travail, sur une base qui n’est pas en soi contestée de 1.019,10 heures au total, soit un résultat de 866,24 heures de travail personnel de M. X.

En ce qui concerne les malfaçons, leur indemnisation ne dépend pas du statut d’entrepreneur ou d’ouvrier non qualifié mais du principe général de responsabilité et d’exécution loyale du contrat. Ce n’est pas parce qu’il est entrepreneur, mais parce qu’il a conclu un contrat devant être mené à bien et parce qu’il est responsable des conséquences de sa faute, que l’auteur d’une malfaçon doit la réparer. Et c’est parce qu’il a souscrit une assurance que l’assureur, contractuellement tenu à sa garantie, indemnise la victime de ces malfaçons. La seule question est de savoir quelle était l’étendue du contrat liant M. X à Mme Y et quelle a été son éventuelle faute.

En l’espèce, aucun contrat écrit n’a lié les parties, vivant alors en concubinage, ce qui explique la difficulté morale d’exiger un écrit. Cette vie commune facilitait les contacts et la connaissance du chantier qui se déroulait sous les yeux de la propriétaire qui y participait. Tous deux avaient pris le risque de l’absence d’assurance. Mme Y savait donc que son ami effectuait ce chantier de ses mains, sans structure extérieure, sans avoir recours à des tiers qualifiés sur les différents corps techniques de métier, sans assurance. Il n’a pas été prétendu que les malfaçons proviendraient d’une faute volontaire de M. X. La cour en déduit qu’elle résultent de cet amateurisme et de cette absence de structure d’entreprise. Mme Y est donc autant que M. X responsable des malfaçons et du fait qu’aujourd’hui aucune assurance ne l’indemnise. M. X ne peut être condamné à la relever indemne que de moitié.

En conséquence et par infirmation, la cour, prenant appui sur les chiffres résultant de l’expertise, juge que Mme Y est redevable à M. X du coût de son travail, soit 866,24 heures à 12 € de l’heure, soit un total de 10.394,88 €.

Comme l’expert, la cour estime qu’il faut y ajouter le coût des matériels et matériaux fournis par lui, pose de cheminée et insert, insert de récupération, bar et pierres, soit un total de 2.500 €.

Il convient d’en déduire la moitié du préjudice résultant des malfaçons, évalué à 6.450 €, soit 3.225 €.

La dette de Mme Y est donc de 10.394,88 € + 2.500 € – 3.225 € = 9.669,88 €.

3) sur les dommages-intérêts :

Chaque partie s’estime victime d’un préjudice, Mme Y parce qu’elle vit dans un immeuble non terminé et affecté de malfaçons, M. X du fait qu’il a été contraint à une action judiciaire pour se faire payer le juste prix de son travail dont elle voulait profiter sans bourse délier après l’avoir expulsé. Mme Y demande des dommages-intérêts.

Mais la cour a déjà jugé que les malfaçons n’étaient que le résultat du chantier mené avec amateurisme et sans structure professionnelle, et que le préjudice en découlant résulte de l’absence d’assurance qui était un risque pris par les deux concubins. La cour n’y trouve pas de faute au sens de l’article 1382 du code civil.

4) sur les frais et dépens :

Chaque partie perd et gagne partiellement sur ses demandes et chacune supportera la charge de ses frais non compris aux dépens. Mais Mme Y, dont l’obligation au paiement a été reconnue autant en première instance qu’en appel, supportera les entiers dépens.

Par ces motifs :

Infirmant,

Condamne Mme Y à payer à M. X au titre des travaux effectués sur sa propriété la somme de 9.669,88 € (neuf mille six cent soixante neuf euros et quatre vingt huit centimes d’euro),

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Mme Y aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.

L’arrêt a été signé par le président Franck Lafossas et par Audrey Collin, greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.

le greffier le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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