Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 24 avril 2018, n° 16/04473

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 avr. 2018, n° 16/04473
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 16/04473
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 24 mars 2015, N° 14/01774
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 24 AVRIL 2018

(Rédacteur : Catherine COUDY, conseiller,)

N° de rôle : 16/04473

Compagnie d’assurances GROUPAMA MEDITERRANEE

c/

[S] [F]

CPAM DE NANTES

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d’un arrêt rendu le 19 mai 2016 (Pourvoi n°C 15-18.784) par la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 25 mars 2015 (RG : 14/01774) par la Troisième Chambre Civile de la Cour d’Appel de POITIERS en suite d’un jugement du Tribunal de Grande Instance DES SABLES D’OLONNE du 7 mars 2014 (RG : 13/01196), suivant déclaration de saisine en date du 06 juillet 2016

DEMANDERESSE :

Compagnie d’assurances GROUPAMA MEDITERRANEE, anciennement dénommée GROUPAMA SUD, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Thierry BERGER de la SCP COSTE – BERGER – DAUDÉ – VALLET, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

DEFENDEURS :

[P] [F]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître LIZANO substituant Maître Ludivine PODEVIN, avocats plaidants au barreau de NANTES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE NANTES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

non représentée, assignée à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 mars 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Alors qu’il était dans le cadre de ses fonctions professionnelles, monsieur [S] [F] a été victime d’un accident de la circulation survenu le 18 juin 2008 à Noirmoutier, un conducteur venant de sa droite n’ayant pas respecté la priorité qu’il devait et ayant percuté son véhicule.

Il a présenté une tendinite du poignet gauche et des entorses cervicales.

Après réalisation d’une expertise amiable, et intervention d’un sapiteur psychiatre, en l’absence d’accord, et d’offre de la compagnie Groupama, monsieur [F] a fait assigner par acte du 27 septembre 2013 la compagnie Groupama et la CPAM de Nantes devant le tribunal de grande instance des Sables d’Olonne pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

L’expert, saisi dans le cadre de la mission d’arbitrage, a conclu notamment à :

— une consolidation acquise au 3 janvier 2011

— un DFP de 12 %

— et indique que l’état séquellaire ne contre-indique pas de façon définitive la reprise de l’activité professionnelle qui était celle de monsieur [F] à l’époque des faits accidentels.

Par jugement du 7 mars 2014, le tribunal de grande instance des Sables d’Olonne a :

— entériné le rapport d’expertise,

— jugé Groupama Sud entièrement responsable du préjudice subi par monsieur [F],

— condamné Groupama Sud à lui verser la somme de 678 349,80 € (sous réserve des provisions déjà versées), en réparation des postes de préjudice suivants :

— Dépenses de santé actuelles : 223,60 €

— Frais divers : 4.375,75 €

— Dépenses de santé futures : 3.198.83 €

— Perte de gains professionnels futurs : 549.574 €

— Incidence professionnelle : 50 000 €

— Déficit fonctionnel temporaire : 2.637,62 €

— Souffrances endurées : 4.500 €

— Déficit fonctionnel permanent : 18.840 €

— Préjudice d’agrément : 5.000 €

— condamné cette compagnie d’assurance au paiement des intérêts au double au taux légal à compter du 28/04/2013 jusqu’à la date du jugement définitif et au taux légal postérieurement;

— ordonné l’exécution provisoire,

— et condamné Groupama Sud à verser à monsieur [S] [F] la somme de 4.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens en ce compris les frais d’expertise.

La Compagnie Goupama Méditerranée anciennement Groupama Sud a formé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 25 mars 2015, la cour d’appel de Poitiers a :

— confirmé le jugement de première instance en ce qu’il a alloué à monsieur [S] [F] les sommes suivantes:

— au titre des dépenses de santé actuelles : 223, 60 €,

— au titre de l’incidence professionnelle : 50.000 €,

— au titre du déficit fonctionnel temporaire : 2.637,62 €,

— au titre des souffrances endurées : 4.500 €,

— au titre du déficit fonctionnel permanent : 18.840 €,

et a condamné la compagnie Groupama Sud venant aux droits de Groupama Méditerranée à verser à monsieur [S] [F] la somme de 4.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmé le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau, a :

— alloué à monsieur [S] [F] les sommes suivantes :

-50.000 € au titre des pertes de gains professionnels futurs,

-2.386,30 € au titre des frais divers,

-2.069,50 € au titre des dépenses de santé futures.

— débouté monsieur [F] de ses demandes au titre des préjudice d’agrément et préjudice sexuel,

Y ajoutant, la cour a :

— dit que la somme de 29.799,96 € versée par l’assurance maladie de la Loire Atlantique viendra en déduction de la condamnation au paiement de la somme totale de 100.000 € allouée au titre des préjudices professionnels définitifs,

— dit qu’il conviendra de déduire des sommes dues par la compagnie d’assurance la somme totale de 91.500 € versée au titre de diverses provisions,

— dit que les sommes dues par la compagnie Groupama Méditerranée produiront intérêts au double du taux légal à compter du 28 avril 2013 et jusqu’au 29 juillet 2014,

— condamné la compagnie Groupama Méditerranée à payer à monsieur [S] [F] la somme complémentaire en cause d’appel de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toute autre demandes,

— condamné la compagnie Groupama Méditerranée aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel qui comprendront notamment les frais d’expertise.

Concernant les pertes de revenus post- consolidation, la cour a motivé la limitation de l’indemnisation en indiquant que, depuis la date de la consolidation, monsieur [F] avait subi une perte de revenus consécutive à l’accident, 'qu’il n’en restait pas moins que le lien de causalité entre cette perte de revenus et l’accident dont la compagnie Groupama devait réparer les conséquences demeurait partiel, qu’en effet, si cet événement avait eu un effet de décompensation, l’expert psychiatre avait révélé un état structurel antérieur dont l’appelante n’avait nullement à indemniser les incidences'.

Monsieur [S] [F] a formé un pourvoi en cassation, en considérant cette analyse comme contraire au droit constant selon lequel il y a lieu d’indemniser toutes les conséquences d’un accident, y compris lorsque celles-ci découlent d’un état antérieur silencieux qui a été décompensé du fait de l’accident.

Par décision en date du 19 mai 2016, la Cour de cassation a jugé, au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, qu’en se prononçant comme elle l’avait fait, en prenant en considération une pathologie préexistante à l’accident, pour limiter l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, sans pour autant constater que, dès avant le jour de l’accident les effets néfastes de cette pathologie s’étaient déjà révélées, la cour d’appel n’avait pas légalement justifié sa décision.

Elle a dès lors cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a fixé la perte de gains professionnels futurs à la somme de 50.000 €, l’arrêt rendu le 25 mars 2015, entre les parties, par la Cour de Poitiers et remis en conséquence, sur ce point la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux.

Elle a au surplus condamné la société Groupama Méditerranée aux dépens, a rejeté sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée à payer la somme de 3000 € à monsieur [F] à ce titre.

La Compagnie Groupama Méditérranée a saisi la cour d’appel de Bordeaux en qualité de cour de renvoi le 6 juillet 2016.

Par arrêt du 5 septembre 2017, la cour d’appel de Bordeaux a :

— rouvert les débats ;

— avant dire droit sur le fond de la demande de fixation du poste PGPF, invité monsieur [S] [F], à produire et communiquer à ses adversaires les documents suivants :

* le justificatif émanant de la CPAM des arrérages de le rente AT perçus au 1er janvier 2017 et le capital représentatif des arrérages à échoir à compter de cette date,

* le justificatif émanant de la CPAM des arrérages échus de la pension d’invalidité perçue au 1er Janvier 2017 et le capital représentatif des arrérages à échoir en précisant jusqu’à quel âge cette pension sera perçue,

* le justificatif détaillé des indemnités journalières maladie ou accident du travail perçues par monsieur [F] depuis le 3 janvier 2011 jusqu’à ce jour ;

* le justificatif émanant de la mutuelle Pro BTP des arrérages échus de la pension d’invalidité perçue à compter du 1/12/2013 jusqu’au 1er janvier 2017 et le capital représentatif des arrérages à échoir,

* le justificatif détaillé des prestations qu’elle a pu verser à monsieur [F] à compter du 3 janvier 2011 suite à arrêts de travail, hors le cas de la pension d’invalidité.

— invité monsieur [S] [F] à produire tous documents utiles émanant de sa ou ses caisses de retraite permettant d’évaluer la perte de droits à la retraite qu’il allègue,

— sursis à statuer sur les demandes des parties,

— renvoyé le dossier devant le conseiller chargé de la mise en état,

— réservé les dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 février 2018, la société Groupama Méditerranée anciennement dénommée Groupama Sud demande à la cour, au visa du rapport d’expertise du docteur [D] du 28/12/2011, de l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 25/03/2015 et de l’arrêt du 19/05/2016 de la Cour de cassation portant cassation partielle, de :

— dire et juger que la cour d’appel de Bordeaux n’est saisie ainsi que de la question relative à l’existence et l’éventuelle évaluation de la perte de gains professionnels futurs de monsieur [F] du fait de l’accident de la circulation,

— infirmer le jugement déféré du 7/03/2014 en ce qu’il lui alloué 549.574 € au titre de la perte de gains professionnels futurs du fait de l’accident de la circulation du 18/06/2008,

— dire et juger qu’il n’est pas rapporté la preuve par monsieur [F] de l’existence d’une perte de gains professionnels futurs en lien direct et certain avec l’accident de la circulation,

ce faisant,

— le débouter de sa demande d’indemnisation à ce titre,

— le condamner à lui payer 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens;

* à titre subsidiaire,

— dire et juger que la perte de gains professionnels futurs en lien direct et certain avec l’accident de la circulation ne peut qu’être limitée à la période entre le licenciement pour inaptitude le 12/04/2011 et le 1/06/2011, date à laquelle il a retrouvé une emploi à plein temps,

— débouter monsieur [F] de toutes autres et plus amples demandes,

— débouter monsieur [F] de sa demande au titre d’une perte de revenus lors de sa mise à la retraite s’agissant d’une demande relative à un poste définitivement jugé dont n’est pas saisie la cour d’appel de Bordeaux, et qui avait été demandé par monsieur [F] au titre de l’incidence professionnelle, poste de préjudice sont il a été indemnisé, à défaut il s’agirait d’une demande nouvelle irrecevable en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile et enfin non fondée en toute hypothèse, la preuve d’une perte de revenus lors de sa mise à la retraite n’étant pas justifiée,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

La société Groupama Méditerrannée relève que l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers qui estimait que l’accident avait eu un effet de décompensation d’un état antérieur dont elle n’avait pas à indemniser les incidences ne pouvait être que cassé au regard de la jurisprudence établie de la Cour suprême, mais qu’elle n’avait jamais soutenu que l’état pathologique antérieur de la victime était à l’origine de son impossibilité de travailler, mais seulement qu’il n’existait pas pour monsieur [F] d’impossibilité de travailler.

Pour cela elle fait valoir que :

— le taux de DFP de 12% en droit commun (15% en AT) tenant compte des troubles physiques et psychologiques n’empêche pas habituellement de travailler,

— les séquelles physiques très limitées comme psychologiques (personnalité fragile) ne permettant pas de retenir une absence de possibilité de travailler,

— le médecin expert a du reste retenu que l’état séquellaire ne contre indique pas de façon définitive la reprise de l’activité professionnelle qui était celle de monsieur [F] à l’époque de l’accident, ce qui impose de réformer le jugement du tribunal de grande instance des sables d’Olonnes,

— monsieur [F] était apte à travailler du 13 au 28 août 2008, avait été inapte du 29 août 2008 au 3 janvier 2011 puis avait été à nouveau apte à travailler à compter de cette date, et il avait retrouvé un travail le 1/06/2011 auprès de son ancien employeur la société Atlantiques Demeures qui l’avait licencié le 12/11/2012, pour motifs économiques n’ayant aucun lien avec son état de santé, de sorte qu’il aurait dû contester son licenciement pour inaptitude de 12/04/2011 ;

— il avait du reste travaillé en 2014 et 2015 et perçu l’allocation de retour à l’emploi jusqu’en 2017, ce qui permettait de conclure qu’il envisageait de travailler, car il était à la recherche d’un emploi, et que, lorsqu’il n’avait pas travaillé, il pouvait le faire car il avait perçu les ARE,

— il n’est pas contesté que son état de santé a eu une incidence professionnelle mais il en a été indemnisé pour 50.000 € par la somme allouée au titre de l’incidence professionnelle.

Elle ajoute que monsieur [F] perçoit toujours des salaires ou substituts de salaire en totale contradiction avec son affirmation d’une impossibilité de travailler, qu’il ne peut être retenu comme salaire de référence le salaire perçu chez son précédent employeur et que le salaire chez l’employeur de la date de l’accident ne peut être calculé comme il le faisait en intégrant des primes non perçues, que le fait que monsieur [F] ait été licencié pour inaptitude ne peut générer qu’un préjudice modéré le temps de retrouver un travail, soit entre le 12/4/2011 et le 1/06/2011, et enfin que, concernant l’incidence professionnelle, la perte de droits à la retraite a été indemnisée dans le cadre de la somme de 50.000 € allouée par la cour d’appel de Poitiers car monsieur [F] en faisait état au titre de sa demande de 90.000 € relative à l’incidence profesionnelle, de sorte qu’il ne peut solliciter une seconde fois cette indemnisation, ce qui serait en outre une demande nouvelle irrecevable, ajoutant que cette demande n’est pas fondée car la retraite se calcule sur les 25 meilleures années et non sur la totalité de la carrière professionnelle, les années de revenu moindre n’étant pas prises en compte.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 mars 2018, monsieur [S] [F] demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de l’article 700 du code de procédure civile, des pièces versées aux débats et du jugement du tribunal de grande instance des Sables d’Olonne du 7/03/2014, de :

— le recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance des Sables d’Olonne 7 mars 2014, en ce qu’il a constaté que la demande d’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs était bien fondée , l’indemnisation de ce poste de préjudice devant être mise à la charge de Groupama Méditerranée sur le fondement de l’article 4 de loi du 5 juillet 1985 étant acquise,

— Sur les demandes :

* à titre principal,

— confirmer, le jugement en ce qu’il a retenu que la perte de gains professionnels futurs devait être indemnisée intégralement,

— infirmer le même jugement en ce qu’il a condamné au titre du poste précité Groupama Méditerranée à lui verser la somme de 549. 574 € et faire droit à la demande actualisée de 741.837,81 €,

*à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait qu’il ne peut être indemnisé de l’intégralité de ses pertes de salaire futurs du fait de la nature économique du second licenciement, lui allouer les sommes suivantes:

— revenu en moins forfaitaire du fait de la perte de l’avantage en nature que représentait le véhicule de fonction : 20 000€ ,

— au titre des pertes subies du 1er /01/2011 au 31/12/2012 : 96.744 €

— au titre des pertes de salaire permanentes faisant suite au licenciement pour inaptitude à compter du 1er janvier 2013 : 352.019,93 €,

— au titre de la perte de chance d’avoir la retraite qu’il aurait dû percevoir : 39.473,55 €,

— au titre de la perte de chance de retrouver des gains suite au licenciement économique du fait de la survenance de l’accident : 185.552,61€

Total : 693.790,09 €

* en tout état de cause :

— dire qu’il n’y a pas lieu de déduire des pertes de gains professionnels futurs à lui revenir les prestations versées par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, et notamment les sommes de 28.944,97 € et de 854,99 € (correspondant à la rente AT et aux arrérages échus), ces dernières ayant déjà été déduites dans le calcul de l’indemnisation,

— condamner Groupama Méditerranée à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance et d’appel.

Monsieur [F] expose à titre principal que ce sont les séquelles de l’accident qui ont engendré son licenciement pour inaptitude, le Docteur [I], psychiatre, relevant dans son expertise en date du 10 octobre 2011 que l’accident a décompensé un état de fragilité antérieure, ce que confirme le rapport du docteur [R], psychiatre, que le rapport d’expertise a retenu l’imputabilité de la décompensation à l’accident, qui représente d’ailleurs une partie de l’IPP, que l’expert reconnaissant à tout le moins une contre-indication « temporaire » à la poursuite des activités professionnelles du demandeur et cette « contre-indication » est à l’origine de son licenciement à la suite duquel il a subi une perte de gains professionnels actuels et futurs, outre une incidence professionnelle et que, conformément à une jurisprudence constante, doivent être indemnisés tous les préjudices découlant des pathologies déclenchées et/ou révélées par l’accident, même en cas de prédispositions.

Il précise qu’avant l’accident, il occupait au sein de la SARL Atlantique Demeures un poste de cadre commercial, a par la suite démissionné de cette société, afin d’intégrer la SARL Design Habitat, en novembre 2007, en tant que cadre commercial également et, compte tenu des séquelles de l’accident du 18 juin 2008, il a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude médicale à son poste de travail le 12 avril 2011, puis, ne supportant pus de rester sans activité, il a retrouvé une nouvelle activité professionnelle à compter du 1er juin 2011 chez son ancien employeur, la Société Atlantique Demeures, consistant à « gérer une équipe de commerciaux », avec une rémunération moyenne mensuelle nette de 2 707,93€, mais a dû être mis en arrêt de travail dès le mois de septembre 2012 pour rechute des séquelles de l’accident, et ce jusqu’en mars 2013, sans aucune reprise, pour affections constituant des séquelles de l’accident, avant de faire l’objet d’un licenciement économique le 12 novembre 2012 car son état de ne lui permettait pas non plus l’exercice pérenne de ce nouveau poste, et depuis lors, il était l’incapacité de retrouver un emploi, son handicap, conjugué à son âge (56 ans), accentuant les difficultés de réinsertion professionnelle.

Il demande l’application du barème de capitalisation de la GP 2018 qui est le plus récent et le plus adapté.

A titre principal, concernant le calcul de la perte de gains professionnels futurs, il estime que le montant du salaire de référence était au titre des années 2006 et 2007 de 79 157, 50 € par an et de 6 596,45€ par mois, qu’il ne pouvait être retenu le salaire perçu chez Design Habitat car il y travaillait depuis seulement 7 mois lors de l’accident du 18 juin 2008 et n’avait pu percevoir ses commissions devant être payées postérieurement, à l’ouverture du chantier, ni développer son activité, de sorte qu’il convenait de tenir compte de son travail auprès de la SARL Atlantiques Demeures au titre d’années entières ou presque, ajoutant qu’au vu des contrats signés, pour les 7 mois d’activité avant l’accident, il aurait pu percevoir la somme de 44 551,34 €, soit 6 364,47 € mensuels bruts, s’il avait pu percevoir la seconde partie des commissions versée au jour de l’ouverture du chantier.

Il conclut sur ces bases que les pertes de gains professionnels futurs subies par lui pouvaient être évaluées comme suit, après déduction de la pension d’invalidité versée :

— au titre de la perte de gains professionnels subie du 1er/01/2011 jusqu’en 2020 , date de son départ à la retraite : 645.932,49 €

— au titre de la perte de revenu dans le cadre de la retraite dont il n’a pas été indemnisé dans le cadre de l’incidence profesionnelle : 66.904,32 € (perte nette annuelle de 3.472,30 € capitalisée au taux de 19,268 (taux viager pour un homme de 62 ans GP18),

— perte de l’avantage tenant au véhicule de fonction Peugeot 308, avec remboursement de l’assurance du véhicule, avantage perdu du fait de son licenciement : 20 000 €.

Total : 741.837,81€.

En réponse à la société Groupama, il souligne que Caisse Primaire d’Assurance Maladie lui verse une rente en ayant retenu une invalidité catégorie 2, correspondant à l’impossibilité d’occuper un emploi, que le taux de déficit fonctionnel permanent de 12%, jugé trop faible pour justifier selon Groupama de l’impossibilité à reprendre un emploi, n’est pas un critère pour apprécier la possibilité d’une victime de reprendre son poste de travail et que la médecine du travail, le médecin traitant du concluant, les autres praticiens le suivant, le médecin de la sécurité sociale et même le médecin conseil de la compagnie adverse avaient constaté que son état de santé ne lui permettait pas d’exercer sa profession.

A titre subsidiaire, il fait valoir, pour le cas où la cour ne fairait pas droit à l’indemnisation intégrale des pertes de revenus futurs, qu’il conviendrait a minima de l’indemniser des pertes de revenus subies du fait du licenciement pour inaptitude, l’emploi postérieur lui ayant procuré un salaire moindre, et de la perte de chance de retrouver un salaire après la survenue du licenciement économique, du fait de son état de santé séquellaire, ce préjudice ne faisant pas double emploi avec l’incidence professionnelle.

Il considère que, dès lors, il conviendrait de lui allouer, au titre de la perte de gains professionnels futurs, soit à compter du 3/01/2011, les sommes suivantes :

— revenu en moins forfaitaire du fait de la perte de l’avantage en nature que représentait le véhicule de fonction : 20 000€

— pertes de salaires entre le 1er/01/2011 et le 31/12/2012 : 96 744€ (selon calculs exposés en première partie) et à compter du 1er janvier 2013 perte de salaire entre le premier et le second emploi capitalisée jusqu’à 62 ans = 352.019,93 €, soit un total de 448.763,93€,

— perte de retraite induite par la perte de salaire (59% la perte de retraite) : 39 473,55 €,

— perte de chance de retrouver un emploi après son licenciement de 90% au vu de son âge, de son handicap, de sa formation exclusivement tournée vers un seul domaine, de la situation actuelle du marché du travail : 185 552,61 €

Total de la perte de gains professionnels futurs : 693 790,09 €.

Enfin sur la créance de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, il argue que la cour d’appel de Poitiers a déjà déduit de l’incidence professionnelle, le montant des sommes versées au titre de la rente accident du travail, de sorte qu’il n’y a pas lieu de déduire des pertes de gains professionnels les sommes de 28.944,97 € et de 854,99 €.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2018.

MOTIVATION:

Suite à l’arrêt de la Cour de cassation, la cour d’appel de Bordeaux n’est saisie que de la fixation de l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs revenant à monsieur [S] [F].

I- Sur la détermination de l’indemnité réparant le poste de préjudice de la perte de gains professionnels futurs :

L’expert agissant dans le cadre d’une mission d’arbitrage a indiqué que l’état de santé de monsieur [F] « ne contre-indique pas de façon définitive la reprise d’activité professionnelle ».

Néanmoins, M. [F] a ultérieurement été licencié pour inaptitude. Dans une « fiche d’aptitude médicale » datée du 5 janvier 2011 (pièce 16), le médecin du travail l’ayant examiné conclut à une « inaptitude temporaire » et précise que monsieur [F] « ne peut reprendre son poste ce jour ». Ce même médecin concluera dans une fiche similaire datée du 18 février 2011 que monsieur [F] est « inapte à son poste de technico-commercial » et il note que celui-ci n’est pas apte à la conduite automobile, au travail isolé et au contact avec la clientèle. Néanmoins, peut lui être confié un travail administratif, à domicile, sans contrainte organisationnelle et à temps partiel. En conséquence, son employeur lui notifiera par un courrier du 12 avril 2011 son licenciement pour inaptitude.

L’ensemble de ces éléments permettent de constater que si monsieur [F] a été jugé apte à reprendre son activité professionnelle, cette aptitude a été notablement diminuée. Néanmoins, elle n’a pas pour autant été abolie.

En conséquence, monsieur [F] a retrouvé le 1er juin 2011 (soit 3 mois après son licenciement) un emploi de « responsable des ventes » consistant à « gérer une équipe de commerciaux » auprès de la SARL Atlantique Demeures. Ce travail était rémunéré à hauteur de 3800 € bruts, soit 3124,24 € nets.

Monsieur [F] conservait une capacité de travailler avec des restrictions importantes et il peut perçevoir un tel salaire mensuel.

M. [F] a ensuite bénéficié d’arrêt maladie imputables à des cervicalgies et à des douleurs au poignet. Ces arrêts maladie (pièce 17) couvrent la période du 27 septembre 2012 au 8 mars 2013. A cette date, M. [F] avait recouvré l’aptitude au travail.

Il a été licencié pour motif économique le 12 novembre 2012.

Ainsi, malgré le licenciement économique, M. [F] était apte à retrouver un travail répondant aux contraintes évoquées par le médecin dans les fiches d’aptitude médicales mentionnées ci-dessus, ce qui correspondait au travail pour lequel il a été licencié pour motif économique. Le bénéfice de l’aide au retour à l’emploi servi par l’organisme Pôle Emploi témoigne de cette aptitude.

En conséquence, son préjudice résultant des conséquences dommageables de l’accident et portant sur la perte de gains professionnels futurs correspond à la rémunération qu’il aurait dû percevoir au titre de l’emploi pour lequel il a été licencié pour inaptitude diminuée de la rémunération qu’il peut percevoir au titre d’un emploi adapté à son état de santé, cette rémunération correspondant à celle dont il bénéficiait au titre de l’emploi pour lequel il a été licencié pour motif économique.

Aucun élément ne justifie de considérer son licenciement pour motif économique comme étant lié aux séquelles de l’accident en cause.

La liquidation de la somme à allouer à monsieur [F] pour indemniser la perte de gains professionnels futurs nécessite donc de calculer d’abord la rémunération à laquelle il aurait eu le droit dans son premier emploi puis celle dont il bénéficiait dans son second emploi, afin de connaître la perte de revenus subie.

Détermination des revenus dont bénéficiait M. [F] au titre de son contrat avec la société Design Habitat :

Monsieur [F] était cadre commercial et bénéficiait d’une rémunération fixe à hauteur de 1500 € bruts. Il bénéficiait par ailleurs d’une rémunération variable constituée de commissions à hauteur de 2,5% sur les opérations commerciales dont il était le vecteur (pièce 36). Ces commissions étaient versées en deux temps, la moitié à la signature de la commande, l’autre à l’ouverture du chantier.

M. [F] était commercial pour la société Atlantique Demeures. Il avait été recruté en novembre 2007 par la société Design Habitat. Les entreprises Design Habitat et Atlantiques Demeures sont des entreprises commercialisant la construction de maisons. Ces opérations de vente sont des opérations nécessitant un travail de prospection et de relations s’incluant dans des cycles longs.

Au titre de son contrat de travail, M. [F] perçevait la partie variable de sa rémunération en deux temps, la première moitié à la signature du bon de commande, la seconde au début des travaux. Dès lors la partie variable de sa rémunération en tant que commercial s’aquérait dans le temps du fait du délai pouvant s’écouler entre la commande et le début des travaux. Il n’est pas possible de considérer que les rémunérations dont a bénéficié M. [F] entre novembre 2007 et la date de l’accident (7 mois) sont représentatives de ses revenus du fait qu’il n’a pas pu percevoir la totalité des sommes relatives aux chantiers obtenus mais non encore commencés. En conséquence, et en considérant la similitude d’activité avant et après novembre 2007, le revenu de référence sera constitué de la moyenne annuelle des revenus nets pour les années 2006 et 2007. Les avis d’imposition (pièce 14) produits par monsieur [F] font état de revenus annuels nets de 86.137 € pour 2006 et 72.178 € pour 2007 soit une moyenne annuelle de 79.157,50 €.

Dans tous les cas M. [F] ne bénéficie plus d’une voiture de fonction du fait qu’il ne peut se consacrer qu’à des activités sédentaires. Il ne bénéficie ainsi plus de l’avantage en nature que constitue la jouissance d’une voiture de fonction y compris l’assurance auto. Ce préjudice est estimé à 20.000 € annuels.

Cela porte la rémunération annuelle à laquelle il pouvait prétendre, avantages inclus, à, 99.157,50 €.

Dans le cadre du travail repris après l’accident, M. [F] a perçu au titre de son contrat avec la société Atlantique Demeures une rémunération de 2707,93 € mensuels nets (pièce 42 : 18.955,56 € sur 7 mois) soit un salaire annuel de 32 495,16 € annuels nets.

Calcul de l’indemnité réparant la baisse de salaire :

En conséquence, la perte annuelle subie par M. [F] est de 99.157,50 € ' 32.495,16 € soit 66.662,34 €.

Monsieur [F] sollicite, dans le cadre de son calcul subsidiaire, qui est proche de celui que la cour adopte, que le point s’établisse à 7,4544 à compter des pertes de 2013, après évaluation des pertes antérieures.

Néanmoins, dans la mesure où l’indemnistation du préjudice doit être évaluée au jour où elle statue, la cour distinguera les pertes échues et les pertes à échoir, l’imputation des indemnités, pension ou rente perçues par monsieur [F] étant effectuée ultérieurement.

Au titre des pertes échues, il s’est écoulé, entre la consolidation intervenue au 3 janvier 2011 et la date de la présente décision du 24 avril 2018, un total de 2668 jours. En considérant que le revenu de référence est de 66.662,34 € annuels, soit 182,64 € journaliers, le préjudice échu s’établit à 487.283,52 €.

Au titre des préjudices à échoir, la capitalisation doit être effectuée sur la base de la méthode et du calcul qui apparaissent les mieux appropriés, la cour ne faisant ainsi qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement les modalités de réparation des préjudices. En l’espèce, il convient de se fonder sur le barême de capitalisation publié dans la Gazette du Palais de 2018, qui tient compte de l’évolution de l’espérance de vie, ainsi que des données financières, monétaires et économiques les plus proches de la réalité. M. [F] a aujourd’hui 60 ans et il y a lieu de retenir un euro de rente pour un homme de 60 ans et jusqu’à 62 ans, soit 1,954, ce qui porte l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs à échoir à 130.258,21 €

Au total, la perte de revenus issue de la perte de salaires futurs s’élève à 617 541,73 €.

Indemnisation de la perte de droits à la retraite :

Lors de l’accident, monsieur [F] était à 12 ans de la retraite. En n’ayant pas pu poursuivre sa carrière, ses droits à la retraite seront minorés.

Même s’il en avait fait la demande, la cour d’appel de Poitiers, dans son arrêt du 25 mars 2015, n’a pas indemnisé ce préjudice au titre de l’incidence professionnelle, puisqu’elle a limité l’indemnisation de ce poste à l’indemnisation de la dévalorisation sur le marché du travail, étant précisé qu’elle n’a néanmoins pas rejeté la perte de droits à la retraite dans la cadre du calcul de l’incidence professionnelle.

Dans la mesure où la perte de droits à la retraite n’a pas été indemnisée et où elle traduit une perte de gains consécutifs à la réduction de l’activité profesionnelle, elle sera indemnisée dans le cadre de l’indemnisation de la perte gains profesionnels futurs, en étant rajoutée à la perte de revenus.

Cette demande n’est en toute hypothèse pas une demande nouvelle en ce qu’elle est intégrée au poste perte de gains professionnels futurs.

Du fait qu’il est possible pour M. [F] de continuer à travailler, il est nécessaire d’estimer ses droits à la retraite avec un revenu de 32 495,16 € annuels nets pour les comparer avec le montant de la retraite dont il aurait bénéficié s’il avait continué de percevoir un revenu annuel de 79 157,50 €.

M. [F] verse deux décomptes de l’assurance retraite. Le premier (pièce 89) liquide la retraite qu’il va perçevoir en prenant en compte l’activité qu’il a eue depuis 2008 et en supposant qu’à compter de 2007 celui-ci ne travaillera pas. Le second (pièce 90) liquide la retraite en simulant une poursuite de carrière au sein de la société pour laquelle il a été licencié pour inaptitude.

Il est ainsi établi qu’il bénéficiera d’une retraite à hauteur de 1245,09 € mensuels (soit 14 941,08 € annuels) alors qu’il aurait pu bénéficier d’une retraite à 1547,45 € mensuels (soit 18 569,40 € annuels).

Il est établi que M. [F] peut travailler et bénéficier d’un revenu mensuel égal à 2.707,93 €, soit 32.495,16 € annuels. Le premier décompte produit par M. [F] n’inclut pas le bénéfice de tels revenus, mis à part ceux effectivement perçus alors qu’il était employé avant d’etre licencié pour motif économique. Dès lors, cette aptitude en ce qu’elle aurait permis à M. [F] de perçevoir des revenus et donc d’augmenter le montant de sa retraite, doit être prise en compte.

La perte de droits à la retraite sera égale dès lors au pourcentage (soit 58,95 %) que représente la perte de revenus calculée sur la base des revenus dont il peut bénéficier (32 495,16 €) par rapport au revenu dont il aurait pu bénéficier sans l’accident (79 157,5 €), appliqué à la différence entre la retraite dont il aurait pu bénéficier (14 941,08 € annuels) et celle dont il bénéficiera (18 569,4 € annuels).

Dès lors, la perte annuelle de retraite imputable à l’accident s’élève à 0,5895 x (18 569,4 – 14 941,08) soit 2.138,89 €.

Cette perte doit être capitalisée dans les mêmes conditions que précédemment. Néanmoins, eu égard à la nature de la perte, il y a lieu de la capitaliser en se fondant sur un euro de rente viager pour une personne de 62 ans au moment de la retraite, soit en affectant l’euro de rente d’un coefficient de 19,268. Cela porte l’indemnisation à 41.212,22 €.

Sur la demande d’indemnisation de la perte de chance de retrouver un emploi :

Monsieur [F] demande que lui soit allouée une somme indemnisant la perte de chance de retrouver un emploi et donc un revenu. Il motive cette demande en avançant qu’eu égard à son âge proche de la retraite, sa spécialisation dans un domaine commercial précis et son handicap, la perspective de retrouver un emploi est hypothètique.

Ce préjudice est indemnisé au titre de l’incidence professionnelle qui a pour objet d’indemniser les incidences pé’riphe’riques du dommage touchant à la sphe’re professionnelle comme le pré’judice subi par la victime en raison de sa de’valorisation sur le marche’ du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l’ obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste de préjudice permet également d’indemniser le risque de perte d’emploi qui pe’se sur une personne atteinte d’un handicap, la perte de chance de bénéficier d’une promotion, la perte de gains espérés à l’issue d’une formation scolaire ou professionnelle, les frais nécessaires à un retour de la victime à la vie professionnelle.

L’incidence professionnelle a été d’ores et déjà indemnisée dans le cadre de l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers qui, sur ce chef de préjudice, n’a pas fait l’objet d’une décision de cassation et a donc acquis, de ce fait, autorité de la chose jugée.

Dès lors, ayant fait l’objet d’une indemnisation spécifique, la demande d’indemnisation de la perte de chance de retrouver un emploi n’a pas lieu d’être retenue dans le cadre de l’indemnisation du poste 'perte de gains profesionnels futurs'.

Au total le poste de perte de gains professionnels futurs est fixé à 658 753,95 €.

II- Imputation des créances des tiers payeurs et détermination de l’indemnité complémentaire:

La créance de la CPAM de la Gironde ressortant des pièces 86 et 87 de monsieur [F] comporte les sommes de :

—  138.041,94 € au titre des indemnités jounalières versées entre le 19 juin 2008 et le 03/01/2011,

—  854,99 € (arrérages échus du 4/01/2011 au 15/05/2011) et 28.944,97 € (capital de la rente) au titre d’une rente accident du travail, soit un total de 29.799,96 €,

—  128.830,80 € au titre d’une pension d’invalidité dont 64.078,53 d’arrérages échus du 1/12/2013 au 31/08/2017 et 64.752,27 € de capital.

Les indemnités journalières n’ont pas lieu d’être déduites du poste de préjudice PGPF car il s’agit d’indemnités versées pour une période antérieure à la consolidation.

Si la seconde notification de débours (pièce 87 [F]) est intitulée « notification des débours relative à la pension d’invalidité non en rapport avec le RCT », intitulé pouvant faire penser qu’elle n’est pas en lien avec les conséquences dommageables de l’accident, cette pension vise à compenser l’invalidité liée à l’accident de la circulation dont a été victime monsieur [F] et ce dernier a lui-même déduit cette pension des sommes devant lui revenir dans ses conclusions.

La pension d’invalidité sera déduite pour 128.830,80 € des sommes devant revenir à monsieur [F] sur le poste 'perte de gains professionnels futurs'.

S’agissant de la rente accident du travail, la cour d’appel de Poitiers a indiqué dans son dispositif :

' Dit que la somme de 29 799,96 € versée par l’assurance maladie de la Loire Atlantique viendra en déduction de la condamnation au paiement de la somme totale de 100.000 € allouée au titre des préjudices professionnels,'.

Elle a alloué 50 000 € au titre de l’incidence professionnelle et 50 000 € au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Dans la mesure où le poste incidence professionnelle n’a pas fait l’objet de cassation et où le dispositif susmentionné relatif à l’imputation n’est pas cassé, il sera considéré que la rente accident du travail a été imputée sur le poste incidence professionnelle.

Il n’y a dès lors pas lieu de l’imputer à nouveau sur le poste 'PGPF'.

Au total, la créance de la CPAM de Loire Atlantique à imputer sur ce poste s’élève à 128.830,80 €.

M. [F] a bénéficié d’indemnités servies par la société PRO Btp/prévoyance. Cette indemnité vise à compenser son invalidité. Il a ainis perçu en 2014 8022,01 €, en 2015 8076,12 €, en 2016, 8099,64 € et en 2017, jusqu’au 2 octbore 2017, 7297,86 €. De plus Pro Btp précise dans son courrier du 4 octbore 2017 (pièce 88 de monsieur [F]) le capital représentatif de la rente invalidité à échoir est de 25 614,05 euros, ce qui porte sa créance à 57 109,68 €.

Cette somme versée après consolidation s’imputera en totalité sur le poste PGPF.

Les indemnités versées au titre de l’assurance chômage, qui n’ont pas de caractère indemnitaire, n’ont pas lieu d’être imputées sur la créance d’indemnisation à devoir à M. [F].

La créance des organismes sociaux s’élève à 185.940,48 €.

Dès lors, déduction faite de la créance des organismes sociaux, la société Groupama Méditérranée sera condamnée à payer à M. [F] au titre de la perte des gains profesionnels actuels la somme de 472.813,47 €.

III – Sur les frais irrépétibles et les dépens:

La société Groupama Méditerranée sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel de renvoi qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, étant précisé que monsieur [F] a bénéficié, en application de la décision de la cour d’appel de Poitiers non cassée sur ce point, d’une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel devant cette cour et qu’il a bénéficié d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devant la Cour de cassation.

Étant tenue à indemnisation, la société Groupama Méditerranée sera déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens de la présente procédure devant la cour de renvoi, les décisions antérieures ayant statué sur les dépens antérieurs.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

— Infirme le jugement du tribunal de grande instance des Sables d’Olonne du 7 mars 2014 en ce qu’il a fixé à 549 574 € le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs de monsieur [S] [F] ;

Statuant à nouveau sur ce poste de préjudice :

— Fixe le poste de préjudice 'perte de gains professionnels futurs’ de M. [F] à 658.753,95 € ;

— Constate que la créance de la CPAM de Loire Atlantique au titre de la rente accident du travail versée pour un montant de 29.799,96 € a été déduite du poste Incidence Professionnelle et dit n’y avoir lieu de la déduire une seconde fois au titre du poste PGPF fixé dans le cadre du présent arrêt ;

— Condamne la société Groupama Méditerranée à payer à M. [F] la somme de 472.813,47 € au titre de l’indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance subsistante de la CPAM de Loire Atlantique et de la créance de la Pro BTP imputables sur ce chef de préjudice ;

Condamne la société Groupama Méditerranée à payer à M. [F] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure ;

— Déboute la la société Groupama Méditerranée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la société Groupama Méditerranée aux entiers dépens de la présente instance d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,

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Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 24 avril 2018, n° 16/04473