Cour d'appel de Caen, 2° chambre sociale, 22 décembre 2017, n° 16/00848

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2° ch. soc., 22 déc. 2017, n° 16/00848
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 16/00848
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Caen, 10 février 2016, N° F15/00032
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 16/00848

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 11 Février 2016 – RG n° F15/00032

COUR D’APPEL DE CAEN

2° Chambre sociale

ARRET DU 22 DECEMBRE 2017

APPELANT :

Monsieur A Y

[…]

[…]

[…]

Comparant en personne, assisté de Me Pierre-Hugues POINSIGNON, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

SAS DEMOLIN NORMANDIE ANCIENNEMENT DEMOLIN HAUTE NORMANDIE

[…]

[…]

Représentée par Me Florence MERCADE-CHOQUET, avocat au barreau de VERSAILLES

DEBATS : A l’audience publique du 26 octobre 2017, tenue par Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé en présence de Mme ACHARIAN, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme X

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme TEZE, Président de Chambre,

Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller, rédacteur

Mme ACHARIAN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 22 décembre 2017 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme TEZE, président, et Mme X, greffier

FAITS ET PROCEDURE

Le 18 juillet 2005 M. Y était engagé en qualité d’attaché technico-commercial par la société Demolin Haute Normandie, aux droits de laquelle se présente aujourd’hui la société Demolin Normandie, élément du groupe Vectis, spécialisé dans la fabrication, la vente, la location et la réparation de matériel industriel moteurs et équipements professionnels pour les secteurs de l’industrie des travaux publics et du transport ainsi que dans la fabrication d’équipements hydrauliques et pneumatiques.

Le 21 mars 2014, M. Y démissionnait.

Estimant que son employeur restait lui devoir diverses sommes à titre de rappels de salaire, le salarié saisissait le conseil des prud’hommes de Caen pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 11 février 2016, cette juridiction a rejeté l’ensemble des demandes formées et condamné M. Y aux dépens.

Par déclaration du 4 mars suivant, ce dernier a interjeté appel.

Aux termes de ses écritures déposées le 26 octobre 2017 et soutenues à l’audience, il demande à la cour':

— d’infirmer le jugement entrepris,

— de condamner la société Demolin à lui verser les sommes de':

— à titre principal,

—  9'816 euros et 982 euros au titre des congés payés afférents,

—  29'541 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, et 2954 euros au titre des congés payés afférents,

— subsidiairement,

—  32'405 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles,

— en tout état de cause,

—  5 000 euros pour absence de mention d’un avantage en nature,

—  2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 14 avril 2017 et soutenues à l’audience, la société Demolin demande au contraire de':

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— de débouter en conséquence M. Y de l’ensemble de ses prétentions,

— de le condamner à lui verser la somme de 5'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé pour l’exposé des moyens aux conclusions déposées par chacune des parties.

MOTIFS

I- Sur l’indemnisation des journées dites de «'RTT'» non prises

Au paragraphe «'Emploi et Classification'» du contrat de travail signé le 8 juillet 2005, il est stipulé que M. Y est soumis à un forfait annuel en heure de 1'730 heures par an, cette disposition impliquant au regard de la durée légale de travail fixée à 35 heures hebdomadaires et rapportée à 1607 heures annuelles impliquait l’exécution d’heures supplémentaires à hauteur de 123 heures dont il n’est pas contesté qu’elles devaient donner lieu à l’octroi de jours de repos de récupération (jours RTT), dans la limite de onze jours par an.

Sauf accord collectif, l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ouvre droit à une indemnité compensatrice, dès lors que cette situation est imputable à l’employeur.

En l’espèce, il est admis de part et d’autre que M. Y a bénéficié des onze jours RTT qui lui étaient dus jusqu’en 2010, leur suppression étant intervenue après information du comité d’entreprise le 26 mars 2010.

Aucun accord collectif ayant prévu la remise en cause des journées de RTT n’est évoqué, celle-ci résultant d’une décision unilatérale de l’employeur annoncée aux institutions représentatives du personnel à raison des difficultés financières de la société, que rien cependant ne vient démontrer alors au demeurant que le rétablissement des journées RTT en 2014, tel qu’évoqué par l’employeur, n’est pas plus justifié par l’amélioration des conditions économiques et de la santé financière de la société.

N’est donc pas démontré le fait que la cause de la suppression des jours de RTT n’est pas imputable à l’employeur, dont il n’est par ailleurs pas contesté qu’il lui appartenait de déterminer les modalités de prise de ces repos.

En conséquence, M. Y peut prétendre à une indemnisation en réparation du préjudice subi de ce fait, qui sera fixée à la somme de 10'797 euros au regard des 44 jours de repos dont il a été privé sur la période de janvier 2010 à décembre 2013.

II- Sur les rappels de salaire pour heures supplémentaires

L’art L. 3121-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure applicable à l’espèce fixe la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine civile, entendue au sens de l’article L.3122-1 du code du travail, c’est à dire du lundi 0 heure au dimanche à 24 heures.

L’article L. 3121-22 du code du travail prévoit quant à lui que «'Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.'

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.'».

L’article L. 3121-38 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce , permettait que la durée du travail du salarié soit fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Enfin, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’article L.

3171-4 du code du travail, impose au salarié d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis, puis à l’employeur de fournir tous éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments rapportés par les parties.

M. Y, soumis à une convention individuelle de forfait de 1730 heures par an, soit 37 heures par semaine, soutient avoir travaillé au delà de ce forfait à hauteur de huit heures supplémentaires par semaine.

Pour étayer sa demande il verse aux débats un tableau de calcul des sommes lui restant dues mois par mois et deux attestations.

La première provient d’une ancienne salariée de la société Demolin et évoque la présence de M. Y sur le site de Mouen «'bien après 20 heures'», voire même « le samedi matin'», et pour le site de Bourguébus témoigne de ce que l’intéressé était amené à appeler en fin de journée, à «'18h-18h30'», ou à préparer des réunions commerciales en restant à l’agence «'bien après 18 heures, heure à laquelle je quittais moi- même le travail'».

Est également versée l’attestation de M. Z voisin de l’établissement auquel était rattaché M. Y et faisant état de ce qu’à «'plusieurs reprises, il a pu constater que M. Y partait entre 18h30 et 20h'».

En outre, le salarié verse aux débats le relevé des mois de mai et juin 2012 des heures d’armement de l’alarme de l’établissement, sur lequel il apparaît qu’entre le 28 mai et le 29 juillet 2012 à 21 reprises, il a quitté l’établissement après 17 heures qu’il fixe comme étant le point de déclenchement de la majoration due pour heure supplémentaire.

Cependant, M. Y, qui ne remet pas en cause à titre principal la validité du forfait en heures contractuellement prévu et donc la liberté d’organisation qui lui était laissée, ne justifie pas de la fixation d’un horaire de travail journalier se terminant à 17 heures et ne fourni pas d’élément pouvant être qualifié de précis en ne déterminant pas ses heures de début et de fin d’activité, pas plus qu’il ne donne à la cour de précision sur les modalités de sa pause méridienne.

Les pièces versées ne permettent pas de considérer qu’il étaye ainsi sa demande en ce que l’employeur n’est pas du fait de ces imprécisions en mesure de répondre.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande en rappel de salaire.

III- Sur le non respect des dispositions conventionnelles

Sans contester la validité de la convention de forfait annuelle en heures à laquelle il était soumis, le salarié évoque le non respect des dispositions conventionnelles issues de l’article 13 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie aux termes duquel était prévu à l’article 13.2, l’obligation pour l’employeur dont le salarié est soumis à une convention de forfait d’instaurer un «'mode de contrôle de la durée réelle de travail,(') et d’établir un document de contrôle des horaires faisant apparaître la durée journalière et hebdomadaire du travail'»'.

La société Demolin ne remet pas en cause le fait qu’aucun document de contrôle conforme aux dispositions conventionnelles n’a été mis en place, mais souligne que M. Y n’apporte pas la preuve du préjudice qui en est résulté pour lui, lequel ne peut être équivalent au montant des heures supplémentaires dont il demande la rémunération.

En sa qualité d’employeur, il appartenait à la société Demolin Normandie d’organiser le travail et de

mettre à ce titre le salarié en mesure de connaître avec exactitude l’étendue de ses heures de travail effectif, et de se conformer notamment pour se faire aux dispositions conventionnelles issues de l’accord du 28 juillet 1998 susvisé.

La cour ne peut que constater l’absence de tout document de contrôle du temps de travail.

Le non respect par l’employeur de ses obligations sur ce point a privé le salarié de la possibilité de vérifier si les dispositions contractuelles sur le temps de travail et la rémunération afférente étaient respectées, causant ainsi à l’intéressé un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 2'000 euros, rien ne permettant de retenir qu’il est équivalent à la somme réclamée à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents dès lors que les pièces versées sont insuffisantes à justifier de cette ampleur.

Les autres dispositions du jugement, non contestées en cause d’appel seront confirmées.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. Y une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande tendant à la condamnation de la société Demolin Normandie à verser à M. Y des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de décompte du temps de travail et en ce qu’il a condamné M. Y aux dépens,

INFIRME de ces seuls chefs, et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Demolin Normandie à verser à M. Y la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’absence de moyens de contrôle du temps de travail,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Demolin Normandie à verser à M. Y la somme de 10 797 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’impossibilité de prendre les journées de RTT qui lui étaient dues sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013,

CONDAMNE la société Demolin Normandie à verser à M. Y la somme de 2'000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE la société Demolin Normandie aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. X A. TEZE

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Caen, 2° chambre sociale, 22 décembre 2017, n° 16/00848