Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 29 octobre 2020, n° 18/01427

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, ch. soc. sect. 3, 29 oct. 2020, n° 18/01427
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 18/01427
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Lô, 3 avril 2018, N° 20160029
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 18/01427

N° Portalis DBVC-V-B7C-GCNV

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT LO en date du 04 Avril 2018 – RG n° 20160029

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2020

APPELANTE :

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric FORVEILLE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Société EVOLUTION

[…]

[…]

Représentée par Me Ghislaine STREBELLE-BECCAERT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Président de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

DEBATS : A l’audience publique du 17 septembre 2020

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 29 octobre 2020 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, président, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par la MSA Côtes Normandes d’un jugement rendu le 4 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche dans un litige l’opposant à

la société Evolution.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

M. X a été embauché par la société Evolution (ci-après 'la société) le 5 janvier 1973.

Il occupait le poste de coordinateur de l’équipe taurellerie en qualité d’agent de maîtrise.

Le 11 septembre 2015 vers 11h30, alors qu’il était en train de conduire un tracteur sur une exploitation, M. X a été pris d’un malaise.

Il a été conduit au centre hospitalier de Cherbourg par les pompiers et une déclaration d’accident du travail a été établie par la société.

Les circonstances de l’accident telles que résultant de la déclaration d’accident du travail ont été les suivantes : « La victime a été transportée par les pompiers à l’hôpital en l’absence de témoin nous n’avons aucune précisions sur l’heure où le motif ».

Le lieu de l’accident était indiqué comme étant le lieu de travail habituel, 'Reville, animalerie, chenil, chatterie, vivarium, aquarium.'

La déclaration d’accident mentionnait un accident survenu à 11h.

M. X est décédé le lendemain, […], d’un arrêt cardiaque à son domicile.

Les mentions du certificat de décès précisaient dans la rubrique « autres états morbides, facteurs ou état physiologiques ayant contribué au décès » : « malaise cardiaque ».

Par courrier du 16 septembre 2015, reçu par la Mutualité sociale agricole côtes Normandes (ci-après 'la MSA') le 28 septembre 2015, l’employeur a émis des réserves suite à un accident de travail du salarié en ces termes :

'M. X est âgé de 60 ans.

Le vendredi 11 septembre, M. X a quitté son lieu de travail en fin de matinée en compagnie de son épouse.

Rien ne laissait présager un quelconque ennui de santé, d’autant plus que les jours précédents cet événement, M. X a eu des journées de travail réduites et en alternance avec des périodes de congés et que la veille du 11 septembre, M. X était en congé.

Vous trouverez d’ailleurs ci-après le volume horaire de M. X les jours précédents les événements relatés :

mardi 1er septembre : 7h45

mercredi 2 septembre, nombre d’heures de travail : 4h30

jeudi 3 septembre, nombre d’heures de travail : 5h

vendredi 4 septembre, nombre d’heures de travail : 4h30

samedi 5 septembre : weekend

dimanche 6 septembre : weekend

lundi 7 septembre, nombre d’heures de travail : 7h45

mardi 8 septembre : congés

mercredi 9 septembre, nombre d’heures de travail : 4h30

jeudi 10 septembre : congés

vendredi 11 septembre, nombre d’heures de travail : 4h30

Nous avons pu apprendre qu’une fois à son domicile, l’épouse de M. X a contacté les pompiers suite à un malaise, lesquels ont transporté M. X au centre hospitalier.

Après avoir subi des examens médicaux, M. X a été renvoyé à son domicile où il a passé la nuit de vendredi à samedi.

Il s’avère malheureusement que le samedi midi, M. X a fait une crise cardiaque ayant entraîné son décès.

Il apparaît que les conditions de travail ne peuvent avoir aucun rôle causal dans ce malaise, au regard notamment du faible volume horaire journalier comme il ressort des éléments ci-dessus.

M. X n’a eu à faire face à aucune contrainte physique particulièrement violente pouvant expliquer la survenue de ce malaise, lequel peut malheureusement s’expliquer par des considérations totalement extraprofessionnelles et notamment liées à l’âge ou l’hygiène de vie.

Il convient à cet égard de relever que M. X effectuait à titre personnel pendant son temps libre des chantiers de buchonnerie, ce dont il ne se cachait pas, pouvant peut-être expliquer ce malaise cardiaque'.

Par courrier en date du 7 octobre 2015, la MSA a informé la société du rejet des réserves émises au motif qu’elles ne pouvaient porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

Par courrier recommandé du 12 octobre 2015, la société a contesté la décision de la MSA de rejet des réserves émises au motif qu’il existait en l’espèce une « suspicion d’une cause étrangère dans la mesure où les conditions de travail n’ont pu jouer aucun rôle causal dans l’accident cardiaque de M. X et son décès, qui de plus est survenu à son domicile. »

Une enquête a été diligentée par la MSA et un rapport a été établi le 23 novembre 2015.

Par courrier du 24 novembre 2015, la MSA a informé la société de ce qu’elle sollicitait l’avis du contrôle médical de la caisse pour les besoins de l’instruction du dossier.

Par courriers du 17 décembre 2015, la MSA a informé Mme X et la société de ce que des diligences complémentaires étaient nécessaires à l’instruction du dossier pour permettre à la caisse de statuer sur le caractère professionnel de l’accident du 11 septembre 2015 et que la décision serait rendue dans un délai de 2 mois.

Par courrier du 19 janvier 2016, la MSA a informé la société de la clôture de l’instruction du dossier et de la possibilité de venir le consulter préalablement à la prise de décision.

Par courrier du 4 février 2016, la MSA a informé la société de sa décision de prise en charge au titre de la législation relative aux accidents du travail de l’accident de M. X survenu le 11 septembre 2015.

La société a contesté cette décision par courrier du 16 février 2016.

Par courrier du 22 juillet 2016, la MSA a notifié à la société la décision de la commission de recours amiable de la MSA qui a rejeté la contestation de l’employeur de 'la reconnaissance de l’accident de travail mortel intervenu le 11 septembre 2015 de M. X'.

La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche par requête du 7 septembre 2016 d’un recours à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de la MSA.

Par jugement du 4 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche a :

— déclaré inopposable à la société la décision du 27 mai 2016 de la MSA de prise en charge de l’accident mortel survenu le 11 septembre 2015 de M. X au titre de la législation professionnelle.

La MSA a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 mai 2018.

Par conclusions déposées le 17 août 2018 et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la MSA demande à la cour de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche du 4 avril 2018,

Statuant à nouveau,

— confirmer la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. X à compter du 11 septembre 2015 au titre de la législation sur les accidents professionnel,

— dire opposable à la société la décision notifiée par courrier du 4 février 2016 de la MSA, confirmée par la décision de la commission de recours amiable de la MSA du 27 mai 2015, de prise en charge de l’accident dont a été victime M. X à compter du 11 septembre 2015 au titre de la législation sur les accidents du travail,

— au besoin, ordonner une expertise médicale afin que soit examiné l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail survenu le 11 septembre 2015 et le décès de M. X survenu le […],

— condamner la société au paiement de la somme de 1800 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par écritures déposées le 17 janvier 2019, la société demande à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche du 4 avril 2018 ayant jugé inopposable à la société la décision de prise en charge du décès de M. X au titre de la législation professionnelle,

— condamner la MSA à la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la MSA au frais et dépens de l’instance.

Il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation détaillée de leurs prétentions respectives et des moyens développés à leur soutien.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère professionnel de l’accident du 11 septembre 2015

Aux termes de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Il est en l’espèce établi que M. X a été victime d’un malaise le 11 septembre 2015, sur les temps et lieu de travail.

La déclaration d’accident du travail mentionne en effet que l’accident est survenu à 11 heures, que les horaires de travail de la victime étaient de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 heures, et il y était précisé que l’accident s’était produit sur le lieu de travail habituel.

Il en résulte que l’accident du 11 septembre 2015 bénéficie de la présomption d’imputabilité visée à l’article L 411-1 précité.

Les réserves exprimées par l’employeur dans son courrier du 16 septembre 2015 se bornent à évoquer le départ de son lieu de travail du salarié après qu’il ait eu son malaise, et le fait que rien ne laisser présager un quelconque ennui de santé, arguant notamment du fait que M. X avait eu des journées de travail réduites et des jours de congés avant son accident. L’employeur ajoute que le salarié effectuait des activités de buchonnerie durant son temps libre.

Ces considérations, d’ordre général, sont inopérantes à apporter la preuve que la lésion du salarié en date du 11 septembre 2015 avait une origine totalement étrangère au travail et donc à renverser la présomption d’imputabilité au travail de cet accident.

Sur le malaise et le décès du […]

Il est constant qu’en application des dispositions de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale précitées, constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelque soit la date d’apparition de celle-ci.

En l’espèce, M. X est décédé à son domicile le […], qui était pour lui un jour de congé, à un moment où il n’était donc ni sur son lieu de travail ni sur son temps de travail.

Il en résulte que le malaise dont M. X a été victime ne peut bénéficier de la présomption d’imputabilité prévue à l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.

Il appartient dans ces conditions à la MSA de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre ce malaise et l’activité professionnelle de M. X.

Or, l’appelante se réfère exclusivement au malaise dont M. X avait souffert le 11 septembre 2015, arguant du caractère identique et de la continuité des symptômes ressentis par l’assuré, ainsi que de la proximité de temps entre les deux malaises.

Il ressort des pièces du dossier que le certificat médical rédigé le 11 septembre 2015 mentionne de façon laconique 'malaise', terme qui évoque une sensation pénible et vague d’un trouble

physiologique, sans que ne puisse y être rattachée une pathologie précise.

S’ajoute à ce constat celui d’une sortie de l’hôpital du salarié le jour-même, après des examens n’ayant, selon son épouse, rien révélé, et sans que ne soit prescrit de traitement ni d’arrêt de travail.

La MSA procède ainsi par affirmation en indiquant que la cause du décès mentionnée par le médecin le […] faisait référence au malaise survenu la veille. Si en effet le médecin qui a établi l’acte de décès a indiqué 'malaise cardiaque', aucune autre mention ne permet de retenir qu’il serait agi d’une référence au malaise survenu le 11 septembre 2015.

L’appelante est dès lors défaillante dans la démonstration de la preuve qui lui incombe de l’existence d’un lien de causalité entre l’activité professionnelle de M. X et le malaise mortel dont il a été victime le […].

Il résulte du courrier adressé par la MSA à la société le 22 juillet 2016 que la commission de recours amiable a rejeté la contestation de l’employeur de 'la reconnaissance de l’accident de travail mortel intervenu le 11 septembre 2015 de M. X'.

Or il doit être rappelé d’une part, que l’accident du 11 septembre 2015 concernait un malaise, sans aucune prise en charge médicale postérieure, d’autre part, que le décès s’est produit le lendemain, et sans que la MSA n’apporte la preuve du lien de causalité entre cet événement et le décès de l’assuré, et donc qu’il se serait agi d’un accident du travail.

Il convient dans ces conditions, et compte tenu des termes de la décision de la commission de recours amiable qui a rejeté la contestation de l’employeur de 'la reconnaissance de l’accident de travail mortel intervenu le 11 septembre 2015 de M. X', de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré inopposable à la société la décision de la MSA de prise en charge de l’accident mortel survenu le 11 septembre 2015 de M. X.

Enfin, une mesure d’expertise n’ayant pas pour objet de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, la MSA sera déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires

Succombant en ses prétentions, la MSA sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre d’une indemnité procédurale.

Il sera accordé à la société une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Déboute la MSA Côtes Normandes de sa demande d’expertise ;

Condamne la MSA Côtes Normandes à payer à la société EVOLUTION la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la MSA Côtes Normandes de sa demande d’indemnité procédurale ;

Condamne la MSA Côtes Normandes aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX

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