Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 29 août 2019, n° 18/01555

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Chronologie de l’affaire

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rocheblave.com · 19 février 2020

Licencier un salarié par mail est-il légal ? L'article L1232-2 du code du travail dispose que « l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable » L'article L 1232-6 du Code du travail, précise que « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.» Un licenciement est donc subordonné à la convocation du salarié à un entretien préalable et à la notification par écrit des motifs …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 29 août 2019, n° 18/01555
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 18/01555
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chambéry, 4 juillet 2018, N° F17/00115
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 AOUT 2019

N° RG 18/01555 – ADR / NC

N° Portalis DBVY-V-B7C-GAYT

SAS EXUSKIN

C/ C X

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 05 Juillet 2018, RG F 17/00115

APPELANTE :

SAS EXUSKIN poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me H I-J (SELARL H I-J LEXAVOUE CHAMBERY), avocat au barreau de CHAMBERY et ayant pour avocat plaidant Me Hervé Charles BERNARD-STENTO, avocat au barreau de Montpellier

INTIME ET APPELANT INCIDENT :

Monsieur C X

La Crettaz

[…]

représenté par Me Sandrine DEMORTIERE LEISSNER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, Président

Madame Anne DE REGO, Conseiller, qui s’est chargée du rapport

Madame Françoise SIMOND, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Nelly CHAILLEY,

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES,

La société Exuskin exerce une activité de fabrication de combinaisons de plongée par processus de modélisation 3D, au lieu de son siège social situé à […].

Elle est dirigée par Monsieur E Y qui est également gérant de la société Circee Holding qui a son siège à Perols (34470) et qui est associé unique de la société Exuskin.

M. C X a été embauché le 1er septembre 2016 par la société Circee Holding représentée par son gérant Monsieur E Y, en qualité de directeur de projet, statut cadre, niveau IV, échelon 2 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée qui ne mentionnait pas de période d’essai.

Ce contrat de travail a été signé par M. C X le 30 mai 2016 à […], lieu de son domicile, avant d’être renvoyé à l’entreprise.

Par la suite, un nouveau contrat de travail a été signé entre M. X et la société Exuskin représentée par son président, Monsieur E Y, celui-ci était daté du 9 mai 2016.

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective de l’industrie de l’habillement.

Selon courrier du 2 mars 2017 remis en main propre, M. C X a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement qui s’est tenu le 9 mars 2017.

Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par courrier avec accusé de réception daté du 14 mars 2017.

Le 17 mai 2017, M. C X a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry pour contester son licenciement.

Il revendique la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Chambery, et conteste l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée. Il estime que son licenciement n’est fondé sur aucune cause réelle et sérieuse et réclame le versement de diverses sommes à titre indemnitaire et salariales.

Par jugement en date du 5 juillet 2018, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le conseil de prud’hommes de Chambéry est territorialement compétent,

— dit que le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné l’employeur à verser au salarié les sommes suivantes :

* 39'692,34 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 141,68 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice correspondant aux sept jours de congés supplémentaires non pris,

— débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement brutal et vexatoire,

— condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Exuskin aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’accusé de réception le 9 juillet 2018.

Par déclaration reçue au greffe le 27 juillet 2018 par RPVA, la société Exuskin a interjeté appel de la décision .

Dans ses conclusions notifiées le 29 octobre 2018 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, la société Exuskin demande à la cour de :

— Réformer le jugement entrepris,

— Dire que le conseil de prud’hommes de Montpellier est territorialement compétent pour juger du litige, et renvoyer les parties devant celui-ci ou même devant la cour d’appel de Montpellier,

Sur le fond,

— Dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire,

— allouer au salarié au maximum une indemnité de un mois de salaire brut au regard de la durée d’embauche,

— condamner le salarié à lui verser la somme de 12'629,38 euros à titre de répétition de salaires indûment versés,

— ordonner la compensation de cette somme avec toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre,

— condamner le salarié à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,

Y ajoutant,

— condamner le salarié à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, ceux-ci étant distraits au profit de la Selarl H I J.

Elle soutient que :

— Sur la compétence : le conseil de prud’hommes de Montpellier est territorialement compétent pour connaître du litige,

— Sur le fond : le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; la somme allouée au salalrié correspondant à six mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour le licenciement est disproportionnée au regard de la durée de la période de travail ; le salarié a été dispensé de l’exécution de son préavis avec maintien de sa rémunération ; le salarié n’a jamais communiqué l’attestation pôle emploi établie par son précédent employeur ; elle n’est redevable d’aucune indemnité compensatrice correspondant à des jours de congés supplémentaires non pris ; le salarié ne travaillait pas les lundi matin et vendredi sur la période du 1er septembre 2016 au 14 mars 2017 ; elle réclame en conséquence le versement par ce dernier d’une somme de 12'629,38 euros au titre de la répétition de salaires indûment versés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2019 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, M. C X demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris,

— dire que la demande nouvelle formée par l’employeur au titre de l’exécution défectueuse du contrat de travail est irrecevable en cause d’appel, ou subsidiairement la rejeter comme étant une sanction pécuniaire interdite et donc illégale, ou encore à titre infiniment subsidiaire la rejeter comme étant mal fondée,

— condamner son employeur à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

— sur la compétence conseil de prud’hommes de Chambery ;

— il a été embauché par la société Circee au poste de directeur de projet par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016 ; il a signé ce contrat le 30 mai 2016 à Dullin en Savoie, lieu de son domicile ; la société Exuskin ayant obtenu une subvention pour la prise en charge partielle d’un cadre recruté au titre d’un projet de recherche et développement, son contrat de travail a été transféré à cette dernière le 19 juillet 2016 ; il a signé ce dernier contrat de son domicile ; la mention prè-rédigée 'fait à Mauguio le 9 mai 2016" a été reportée sur le contrat de travail lors de sa rédaction informatique à la demande de l’employeur pour les besoins du dossier de demande d’aide financière ; il a été recruté au regard de son profil professionnel et a quitté son emploi chez Rossignol pour rejoindre la société ;

— sur l’insuffisance professionnelle : celle-ci n’est pas établie par l’employeur ; il n’a pas été convoqué à un entretien préalable au licenciement puisque son employeur lui envoyait un courriel le vendredi 10 février 2017 pour lui demander de revoir ses méthodes de travail, qu’il a répondu à ce courrier le 12 février 2017 et que le 23 février il a été convoqué par son employeur qui indiquait qu’il avait décidé de rompre son contrat de travail ; il n’a pas été remplacé dans son poste ;

— il avait moins de deux ans d’ancienneté au moment de son licenciement et l’entreprise comporte moins de 11 salariés, il peut prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi conformément à l’article L. 1235-5 du code du travail ; sa situation personnelle est compliquée au regard de ce que son épouse travail à temps partiel et qu’ils ont trois enfants en bas âge à charge ;

— il a fait l’objet d’un licenciement brutal et vexatoire ; les sept jours de repos complémentaires qui lui sont dûs ne lui ont jamais été payés ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2019 , fixant les plaidoiries à l’audience du 4 juin 2019, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 29 août 2019, date de son prononcé par disposition au greffe.

SUR QUOI,

1) Sur la compétence territoriale :

Aux termes de l’article R.1412-1 du code du travail : ' L’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent. Ce conseil est : / 1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ; / 2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié. Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi.' ;

En l’espèce deux contrats de travail ont été signés successivement par M. X.

Le premier contrat signé par le salarié avec la société Circee Holding représentée par M. Y est daté de la main du salarié au 30 mai 2016 et indique qu’il a été fait à Dullin (73).

Il mentionne d’autre part la signature des deux parties contrairement aux affirmations de M. Y, ainsi que la date d’engagement et le montant de la rémunération.

Le deuxième contrat signé par le salarié avec la société Exuskin représentée par par M. Y en sa qualité de président, est daté du 09 mai 2016 et indique qu’il a été fait à Mauguio (34).

Il comporte exactement les mêmes mentions que le précédent à l’exception des nom et adresse de la société (Exuskin) qui est également représentée par M. Y.

M. Y qui affirme que le deuxième contrat n’est qu’un projet destiné à une demande d’aide et qu’il devait être régularisé par la suite, ne justifie d’aucun autre contrat qui serait intervenu au titre d’une régularisation.

M. X communique la copie d’un email daté du 19 juillet 2016 dans lequel M. Y lui indique que le dossier d’Aide à l’innovation est finalisé, qu’il doit joindre son contrat avec Exuskin et qu’il trouvera en pièce jointe ce contrat qu’il lui demande de lui renvoyer afin qu’il puisse déposer le dossier.

Cette pièce démontre que le contrat de travail comporte exactement les mêmes mentions que le précédent, à l’exception des nom et adresse de la société qui est également représentée par M. Y, et qu’il a été établi pour bénéficier d’une aide financière.

D’autre part, si la mention 'fait à Mauguio (34)' figure sur le contrat signé avec Exuskin, il résulte du mail envoyé par M. Y que ce contrat lui a été retourné par le salarié qui l’a rempli à son domicile et lui a envoyé par courrier.

Il en résulte que le lieu d’engagement est celui où le salarié a reçu son contrat et d’où il l’a renvoyé après signature.

Au regard de ces éléments, il ne peut qu’être retenu que M. X a signé les deux contrats de travail successifs depuis son domicile.

En conséquence la compétence du conseil de prud’hommes de Chambery sera confirmée.

2) Sur le licenciement :

* Sur le licenciement verbal :

En application des dispositions de l’article L. 1232-6 du Code du travail, la notification d’un licenciement par l’employeur doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception, ce courrier devant comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués.

La notification d’un licenciement doit donc être nécessairement écrite.

En l’espèce M. X reproche à son employeur de l’avoir licencié verbalement.

Il fait valoir qu’il a fait l’objet d’un licenciement verbal le 10 février 2017 au regard du contenu du mail qui lui a été envoyé par son employeur, dans lequel celui-ci fait un bilan concernant le poste et la mission du salarié.

La lecture de ce mail ne permet cependant pas de retenir l’existence d’un licenciement verbal, s’agissant d’un constat des difficultés énumérées par l’employeur qui propose en fin de mail de refaire le point sous quinzaine avec M. X.

D’autre part il résulte des pièces du dossier que la procédure de licenciement a bien été respectée par l’employeur qui a convoqué le salarié à un entretien préalable et qui lui a notifié son licenciement par lettre recommandée avec avis de réception notifiée dans les délais légaux.

En conséquence M. X sera débouté de ses demandes formées à ce titre, la procédure du licenciement ayant parfaitement été respectée par son employeur, le licenciement n’ayant été prononcé que par lettre recommandée datée du 14 mars 2017.

* sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L’insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l’inaptitude du salarié a exercé de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées.

Si l’employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l’emploi, et si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit néanmoins être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.

Il convient par ailleurs de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Monsieur X a été licencié par courrier du 14 mars 2017 qui fixe les limites du litige, au motif d’une insuffisance professionnelle ainsi énoncée :

* concernant la production :

— après six mois d’activité au sein de la société, de n’avoir proposé aucune modification du processus de fabrication, faute d’avoir analysé l’actuel processus, et de ne pas avoir, malgré ses demandes, fourni un exposé du temps nécessaire à l’accomplissement des différentes étapes de fabrication ;

— de ne pas maîtriser, malgré les formations dispensées, les logiciels de production utilisés par l’entreprise ce qui contribue à son incapacité à améliorer le processus de fabrication ; de ne pas avoir planifié les correctifs des deux combinaisons retournées par le couple Chaminadas ;

— n’avoir accompli aucune tâche concernant la gestion des produits et des ressources, ni proposé la moindre modification concernant cette gestion ;

— alors qu’il est en charge de la veille et des évolutions techniques, ne pas avoir formulé de proposition concrète concernant la sélection des produits et des fournisseurs, et la seule proposition formulée date de janvier 2017 et concerne la prise de mesures avec un smartphone ;

* concernant la création :

— en six mois le salarié n’a pas participé à l’élaboration d’un nouveau modèle faute de maîtriser correctement les logiciels, ni pris contact avec la styliste ;

* concernant le développement de la marque :

— aucune disposition n’a été prise concernant le développement d’un réseau à l’international et lorsqu’il lui a été demandé de préparer un support Power Point celui qu’il a élaboré n’était pas utilisable au salon de la plongée en janvier 2017.

Pour étayer ses informations l’employeur communique les pièces suivantes :

— son contrat de travail comportant le descriptif de ses missions concernant la production ( supervision, normes Iso, veille technique, sélection des produits et des fournisseurs), la création (participation à la création des nouveaux modèles, coordination équipe styliste et équipe de production), support produit (développement de la marque et mise en place d’un réseau à l’international) ;

— les attestations de :

* Mme Z, chef d’atelier qui déclare que M. X n’a pas suggéré d’amélioration ni de modification du process de fabrication ;

* M. A, reponsable production qui déclare qu’il a formé M. B à l’utilisation des logiciels 3D et 2D et que ce dernier n’a jamais formulé aucune proposition concernant la modélisation ni le

patronage ; il déclare que lors du salon de la plongée la présentation qu’il avait préparée a dû être reprise, et M. Y a dû le remplacer car il ne maîtrisait pas le concept de production, alors qu’il lui avait été demandé de préparer la présentation en novembre 2016 ;

* des échanges de courrier avec le Vieux Campeur qui a retourné à l’entreprise deux combinaisons de plongées qui faisaient des poches d’eau ;

— le bulletin de paye daté du 1er octobre 2018 concernant le paiement par l’employeur des 7 jours de congés supplémentaires qui n’avaient pas été payés ;

M. X fait valoir que selon son contrat il a été embauché en qualité de directeur de projet, et que jusqu’au 10 février 2017, son employeur ne lui a jamais fait part de son mécontentement, ni même de difficultés dans le cadre de son travail.

Dans le courriel qu’il a reçu de M. Y le 10 février 2017 celui-ci lui fait part de son mécontentement et lui indique qu’un point serait fait quinze jours plus tard, alors qu’il a finalement été convoqué le 23 février (soit moins de quinze jours plus tard) par son employeur qui lui a proposé une rupture conventionnelle ou un licenciement.

Il déclare avoir accepté la rupture conventionnelle proposée mais réclamait une indemnisation à hauteur de six mois de salaire et a alors été convoqué à un entretien préalable à un licenciement.

Son employeur l’a licencié sans avertissement ni entretien préalable relatif à l’existence de l’insuffisance professionnelle qu’il invoque, et ne l’a pas remplacé, ce qui démontre que le véritable motif du licenciement était la volonté de supprimer son poste.

Au regard des pièces présentées par l’employeur, il apparaît que ce dernier n’a jamais formulé d’observations ni fixé de missions précises à M. X qui a été embauché le 1er septembre 2016, excepté la demande qu’il a formulée concernant le power point qu’il devait préparer pour le salon de la plongée qui n’a pas convenu à l’employeur ; ce dernier ne démontre pas cependant avoir pris le temps de regarder préalablement le travail fait à ce titre avec M. A et M. X alors que ce dernier venait d’intégrer son poste de travail depuis moins de trois mois lorsque cette présentation lui a été demandée par l’employeur (le 11 novembre 2016).

Les attestations de deux salariés qui affirment que M. X ne formait aucune proposition, ne peuvent suffire à démontrer l’insuffisance professionnelle du salarié qui avait de très nombreuses tâches à exécuter dans plusieurs domaines ainsi qu’il résulte de son contrat de travail.

Il sera également relevé qu’il n’appartenait pas à M. X de reprendre les combinaisons de plongée défectueuses, ce qui relève de la couturière.

D’autre part le salaire versé au salarié qui résidait à Dullin en Savoie couvrait également ses frais de déplacement et n’est pas exorbitant puisque déduction faite de ces frais, il restait à M. X une somme de 3 375 euros nets alors qu’il justifie d’un diplôme reconnu et d’une expérience de 16 ans chez Salomon.

Il en résulte que l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur n’est pas démontrée et qu’en conséquence le licenciement a été prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Il convient en outre de relever que l’employeur n’a pas remplacé le poste de M. X ainsi que le démontre la lecture du registre d’entrées et de sorties du personnel, et que seule une modéliste patronnière a été embauchée le 9 mai 2017, étant remarqué que le directeur technique M. F G qui était embauché depuis le 1er janvier 2014 avait été licencié le 15 mars 2014 pour faute grave.

* sur les conséquences du licenciement :

Dans la mesure où le licenciement a été prononcé sans cause réelle et sérieuse, M. X qui a moins de 2 ans d’ancienneté et travaillait dans une entreprise de mois de 11 salariés, et qui d’autre part a démissionné de son poste pour rejoindre la société Exuskin alors qu’il a trois jeunes enfants à

charge, peut prétendre, en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail applicable en l’espèce, au paiement d’une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

Il y a lieu par confirmation de lui allouer à ce titre la somme de 39 692,64 euros telle que retenue par les premier juge, cette somme correspondant à six mois de salaire.

Concernant sa demande formulée au titre des 7 jours de RTT, dans la mesure où il est indiqué dans son contrat de travail qu’il est cadre avec un forfait jour de 218 jours, et où il justifie du décompte précis de ses jours de repos, il y a lieu par confirmation de lui allouer à ce titre la somme de 2 141,68 euros bruts qu’il réclame.

Il convient de rappeler que M. X a été dispensé de l’exécution de son préavis qui lui a été réglé par son employeur, et que d’autre part il a été libéré de son obligation de non concurrence par celui-ci.

Il y a lieu par ailleurs de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, qui dispose que dans les cas prévus à l’article L.1235-3 dudit code, le juge doit ordonner d’office, lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l’instance et n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le versement par l’employeur fautif de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Il sera également précisé que le salarié ne formule plus aucune demande en cause d’appel à propos du caractère brutal et vexatoire du licenciement, demande qui a été rejetée en première instance.

3) Sur la demande reconventionnelle formée par la société Exuskin au titre de l’exécution défectueuse du contrat de travail :

Il convient de rappeler que le salarié a été embauché en qualité de cadre au forfait jour, et que l’employeur ne peut donc lui réclamer à ce titre le paiement de jours non travaillés alors que M. X justifie qu’il travaillait depuis son domicile, et que son employeur ne lui a jamais formulé aucune demande à ce titre.

La société Exuskin sera en conséquence déboutée de cette demande.

3) Sur les frais irrépétibles :

Il convient, pour des raisons d’équité d’allouer à M. X une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et de dire que la société Exuskin qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant :

Ordonne d’office, par application de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Exuskin à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Monsieur C X, du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Déboute la société Exuskin de l’intégralité de ses demandes,

Condamne la société Exuskin à verser à M. C X une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Exuskin aux entiers dépens d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 29 Août 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Claudine FOURCADE, Présidente, et Madame Nelly CHAILLEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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