Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 10 novembre 2020, n° 19/02217

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 10 nov. 2020, n° 19/02217
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 19/02217
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Albertville, 9 décembre 2019, N° 19/00251
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PG/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 10 Novembre 2020

N° RG 19/02217 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GMCB

Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Grande Instance d’ALBERTVILLE en date du 10 Décembre 2019, RG 19/00251

Appelante

S.C.I. OWENS, dont le siège social est situé […]

Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE

Représentée par Me Pascal-pierre GARBARINI, avocat plaidant au barreau de PARIS

Intimées

Mme G B, demeurant […]

Société OWENS INVEST dont le siège social est situé […]

Représentées par la SAS SR CONSEIL, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentées par la SELAS L&A, avocats plaidants au barreau de PARIS

S.A. OWENSHILL SA, dont le siège social est situé […]

Représentée par l’AARPI CAMUS & CHOMETTE, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE

Représentée par la SAS BREDIN PRAT, avocats plaidants au barreau de PARIS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 06 octobre 2020 par Monsieur Philippe GREINER, en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Michel FICAGNA, Président

- Monsieur Philippe GREINER, Conseiller HH

—  Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-

Courant 2010/2011, MM. X et Y se sont associés, au travers de leurs sociétés respectives, pour faire construire et exploiter dans la station de ski de Courchevel 1850, deux chalets haut de gamme, « Mowgli » et « Apopka », M. Y recherchant les terrains et M. X s’occupant du financement.

Concernant le projet APOPKA, une société civile immobilière du même nom a été créée le 30/06/2010, son capital étant détenu actuellement par les sociétés de droit luxembourgeois MONTAKA (X) et H I (Y). Le financement a été opéré dans un premier temps, le 26/01/2011, par un prêt de la société K L Ltd (groupe X) de 12 millions d’euros puis par la souscription d’un prêt in fine auprès de la Société Générale Monaco de 26 millions d’euros.

Concernant le projet OWENS, le chalet MOWGLI a été édifié par la société civile immobilière OWENS. Celle-ci a été créée le 24/12/2010 avec pour associés Mme Z (détentrice d’une part sociale) et la société J (titulaire de 99 parts).

Le 07/03/2011, Mme Z a cédé sa part à la société AIXETTE (X) qui a racheté par ailleurs 49 parts à la société J.

L’acte de cession stipule notamment que :

« Le cessionnaire s’engage (..) à apporter les fonds nécessaires à la réalisation de l’opération immobilière envisagée (..) savoir :

1 -financement de l’acquisition du chalet et notamment le prix de vente des biens, les frais d’acquisition et les frais de commission d’agence, ainsi que l’ensemble des frais relatifs au permis de construire et les frais divers afférents à la première phase de l’opération pour une somme globale de 8.580.860 euros ;

2 ' les frais de réalisation de l’opération immobilière en vertu du permis de construire délivré le 11/01/2010 et notamment travaux et ensemble des frais de construction pour la somme globale de 5.000.000 euros HT.

La réalisation de cette condition constitue une condition essentielle des présentes (..) Elle pourra être réalisée soit par un apport des sommes en question en compte-courant à la société OWEN, soit par la réalisation de l’obtention d’un financement bancaire ou d’un financement par un tiers (..)

Dans l’hypothèse où cette condition ne serait pas respectée dans un délai de trois mois des présentes, le cédant se réserve le droit d’exercer la résolution des présentes. Laquelle résolution interviendra par la simple constatation de la non réalisation de la condition ci-dessus, après sommation ou mise en demeure adressée par acte extra-judiciaire au cessionnaire, (..) et resté sans effet pendant un délai de un mois ».

(La même clause a été stipulée dans un acte de cession de parts détenues par la société H de M. Y dans la société civile immobilière APOPKA à la société BLEONE, du groupe X).

Le 08/03/2011, la société K L Ltd (groupe X) a prêté à la société civile immobilière OWENS la somme de 8.580.860 euros.

Le 22/03/2011, la société civile immobilière OWENS a ainsi pu acquérir le bien des époux A.

Le 12/08/2011, la société civile immobilière OWENS a contracté auprès de la banque SOCIETE GENERALE de Monaco un prêt de 14.800.000 euros dont 7,8 millions d’euros au titre du refinancement du prix d’acquisition et le solde au titre des travaux de rénovation du bien acquis, le remboursement devant s’effectuer quatre ans après la première date de décaissement.

Ce remboursement sera effectué au moyen d’un nouveau prêt consenti le 18/12/2015 par la société EDMOND DE ROTSCHILD (Monaco) consistant en une ouverture de crédit de 17,8 millions d’euros à échéance du 18/11/2020.

Entre temps, la société AIXETTE avait cédé ses parts le 19/10/2011 à la société de droit luxembourgeois OWENSHILL (elle aussi du groupe X), tandis que la société J cédait les cinquante parts restantes le 20/10/2011 à la société OWENS INVEST (groupe Y).

Le chalet MOWGLI a été construit en 2014, avec une surface de plancher de 1.827 m² sur six niveaux, doté de nombreux équipements (ascenseur, piscine, cuisine professionnelle, etc.) et a été donné à bail commercial le 15/12/2013, par la société civile immobilière OWENS à la société LUXURY 1850 pour 9 ans au prix de 800.000 euros HT/ an. Sa valeur a été évaluée en juin 2015 à 38.988.000 euros.

A partir de l’automne 2016, les relations entre M. Y et M. X vont se tendre, en raison des difficultés rencontrées par la société APOPKA.

C’est ainsi que :

— le prêt contracté auprès de la Société Générale pour la construction du chalet APOPKA n’a pas été remboursé à son échéance du 29/10/2016 ;

— le 25/10/2016, la société H a mis en demeure la société MONTAKA d’apporter des fonds supplémentaires sous peine de voir prononcer la résolution du contrat de cession de parts ;

— suivant ordonnance du 17/01/2017, le président du tribunal de grande instance d’Albertville a fait défense à la société APOPKA de mettre en 'uvre la condition résolutoire ;

— saisi le 20/01/2017 par la société H I, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a, par jugement du 18/05/2018, rejeté la demande de résolution de la cession des parts aux sociétés BLEONE et MONTAKA ;

— les travaux n’ont jamais été terminés, et la vente forcée du chalet a été ordonnée par jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Albertville du 07/09/2018, à la requête de la société VIONOX, cessionnaire de la créance de la Société Générale Monaco ;

— par ordonnance du 13/06/2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné Me C en qualité d’administrateur provisoire de la société.

Dans le même temps, concernant la société civile immobilière OWENS :

— le 15/03/2017, Mme Z et la société J ont déclaré par lettres adressées à la société OWENSHILL qu’elles constataient la résolution de la cession de parts, au motif que le financement de la société civile immobilière OWENS avait été apporté avec retard, au-delà du délai de trois mois prévu à l’acte de cession, ce qui était contesté le 23/03/2017 par la société OWENSHILL ;

— par ordonnance du 25/04/2017, à la requête de cette dernière, le président du tribunal de grande instance d’Albertville a fait défense à la SCI OWENS et à sa gérante, Mme B, de procéder à toute modification des registres d’associés s’agissant des parts numérotées 1 à 49 et 100 et a autorisé la société OWENSHILL a assigner en référé d’heure à heure les sociétés OWENS et J I ainsi que Mme B et Z, les assignations étant délivrées les 28/04/2017 et 05/05/2017 ;

— par acte du 24/06/2019, les sociétés AIXETTE et OWENSHILL ont assigné devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg les sociétés J et OWENS ainsi que Mme Z aux fins de voir dire que la clause résolutoire de l’acte de cession de parts n’a pu être mise en 'uvre par courriers du 15/03/2017.

Le 04/07/2019, les sociétés MONTAKA, OWENSHILL, VINOX, RUSO I Ltd, K L et M. X d’une part, M. Y ainsi que les sociétés OWENS INVEST, H I, J I d’autre part, les sociétés civiles immobilières APOPKA et OWENS, Mmes B et Z et Me C es qualité d’administrateur provisoire de troisième part, ont conclu un accord transactionnel aux termes duquel notamment :

— une demande de report de l’adjudication des biens dépendant de la société civile immobilière APOPKA sera déposée ;

— les droits des « entités X » sont reconnus, M. Y, les « entités Y », Mmes B et Z renonçant à alléguer que les sociétés MONAKA et OWENSHILL n’auraient pas exécuté tout ou partie des obligations mises à leur charge par les contrats de cession d’actions des 18/01 et 07/03/2011 ;

— les baux commerciaux relatifs aux chalets Mowgli et Apopka sont résiliés.

Par ordonnance de référé du 16/07/2019, le président du tribunal de grande instance d’Albertville a enjoint aux sociétés J I et OWENS ainsi qu’à Mmes B et Z de ne pas procéder à la moindre modification des registres d’associés de la SCI OWENS concernant les parts de la société OWENSHILL, dans l’attente d’une décision définitive des juridictions luxembourgeoises sur la mise en 'uvre de la condition résolutoire stipulée dans l’acte de cession de parts du 07/03/2011.

Par jugement du 17/09/2019, la société civile immobilière APOPKA a été placée en liquidation judiciaire, la SCP BTSG (Me Gorrias) étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Le tribunal de grande instance de Paris a été en outre saisi par M. Y et ses sociétés d’une assignation délivrée à l’encontre de M. X et de ses sociétés en annulation du protocole d’accord pour absence de concessions réciproques et man’uvres dolosives.

Enfin, par acte du 28/10/2019, la société OWENSHILL a assigné les sociétés OWENS et OWENS INVEST ainsi que Mme B devant le juge des référés du tribunal de grande instance d’Albertville en désignation d’un administrateur provisoire de la société OWENS.

Par ordonnance de référé du 10/12/2019, le président du tribunal de grande instance d’Albertville a fait droit à cette demande et a désigné la Selarl AJ UP en qualité d’administrateur provisoire de la société civile immobilière OWENS pour une durée de six mois avec pour mission de :

— gérer, administrer et adopter toutes les mesures propres à la sauvegarde de l’intérêt social de la société ;

— de la représenter notamment dans le cadre de toute procédure judiciaire ;

— de faire le point sur la situation financière de la société, aux fins de savoir notamment si elle est en situation de cessation de paiement ou si elle peut faire face à l’ensemble de ses échéances financières à l’aide des revenus générés par la location du chalet OWENS (au besoin en ayant recours aux services d’une société d’expertise comptable) ;

— de se faire communiquer par les gérants et communiquer aux associés les livres, documents sociaux et comptes de la société ;

— adopter toutes les mesures qui s’imposent pour recouvrer les sommes susceptibles d’être dues à la société administrée ;

— plus généralement, gérer la société et prendre les décisions d’administration nécessaires à l’intérêt de la société, la rémunération de l’administrateur provisoire étant mise à la charge de la société.

Par déclaration du 20/12/2019, la société civile immobilière OWENS a relevé appel de cette décision.

Par conclusions d’appelante du 13/02/2020, elle conclut à la réformation de la décision déférée et demande à la Cour de :

— à titre liminaire, constater que la société OWENSHILL ne justifie pas d’un intérêt à agir en désignation d’un administrateur provisoire et juger sa demande irrecevable ;

— à titre principal, constater que la société OWENSHILL n’apporte pas la preuve d’une impossibilité de fonctionnement de la société civile immobilière OWENS ni d’un péril imminent la menaçant et débouter la société OWENSHILL de sa demande ;

— à titre subsidiaire, désigner un administrateur provisoire avec pour seule mission de tenter de rapprocher les parties avec faculté de s’adjoindre l’aide d’un expert-comptable ;

— en tout état de cause, condamner la société OWENSHILL au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que :

— la demande de la société OWENSHILL est irrecevable, comme émanant de quelqu’un qui a perdu sa qualité d’associée suite à la constatation de la clause résolutoire de l’acte de cession des parts, les prêts obtenus l’ayant été tardivement ;

— la société OWENS fonctionne normalement ;

— la société OWENSHILL a donné son accord aux actes (contrat de bail notamment) que maintenant elle conteste ;

— la preuve d’un péril imminent n’est pas rapportée.

Dans leurs conclusions d’intimées, Mme B et la société OWENS INVEST concluent à l’infirmation de l’ordonnance entreprise et demandent à la Cour de déclarer irrecevable l’action de la société OWENSHILL pour défaut d’intérêt à agir, la débouter de sa demande, faute de pouvoir rapporter la preuve d’une impossibilité de fonctionnement de la société appelante et d’un péril imminent la menaçant. A titre subsidiaire, elles demandent que soit désigné un administrateur provisoire avec pour seule mission de rapprocher les parties avec faculté de s’adjoindre l’aide d’un

expert-comptable. Elles réclament enfin 5.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusion, la société OWENSHILL, pour conclure à la confirmation de l’ordonnance attaquée et réclamer à Mme B et à la société OWENS INVEST solidairement la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, réplique qu’elle n’a pas perdu sa qualité d’associée, et que la désignation d’un administrateur provisoire s’impose en raison de la paralysie de la société OWENS, des fautes de gestion commises par Mme B et de la situation financière opaque et critique de la société.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intérêt à agir de la société OWENHILL

Pour dénier à la société OWENSHILL sa qualité d’associée au sein de la société OWENS, celle-ci ainsi que Mme B et la société OWENS INVEST invoquent le jeu de la clause résolutoire stipulée à l’acte de cession des parts du 07/03/2011 par les lettres du 15/03/2017, dans lesquelles les cédants ont écrit : « l’article condition particulière pages 5 et 6 imposait à AIXETTE SA un délai de trois mois pour apporter la totalité des fonds ('). La totalité des fonds n’ayant pas été apportée dans le délai prévu, (le cédant) constate donc par le présent acte la résolution de l’acte de cession intervenu ».

Comme l’a exactement relevé le premier juge, la société OWENSHILL a toujours intérêt à agir, ces lettres étant inopérantes, étant observé que :

— la procédure prévue à l’acte de cession n’a pas été mise en 'uvre, en l’absence de mise en demeure préalable par acte d’huissier faisant courir un délai d’un mois, ce qui exclut toute constatation immédiate du jeu de la clause résolutoire ;

— les fonds nécessaires pour l’achat du foncier ont été apportés dans le délai contractuellement prévu ; certes, ceux relatifs aux études et à la construction du chalet ne l’ont été qu’un peu plus tard, fin août ; pour autant, il est de principe que, pour se prévaloir du bénéfice de la clause, le créancier doit l’exercer de bonne foi ; or, à aucun moment avant l’envoi des lettres, la société OWENS INVEST n’a formé une quelconque remarque ; au contraire, son auteur, la société J I, a donné son accord pour la souscription de l’emprunt auprès de la Société Générale de Monaco lors de l’assemblée générale de la société civile immobilière OWENS du 12/08/2011 ; de même, la société OWENS INVEST et M. Y ont signé l’acte du prêt consenti par la banque Edmond de Rothschild Monaco du 18/12/2015 et ont nanti les parts, aux côtés de la société OWENSHILL, au profit du prêteur ;

— tel n’aurait pas été le cas si la société OWENS INVEST avait considéré que la société OWENSHILL n’était plus associée ;

— aucun préjudice n’a été subi par la société civile immobilière OWEN, puisque les fonds ont été apportés en temps et heure, tant pour l’acquisition du terrain que pour les études et la construction, celle-ci ayant pu aboutir sans encombre, le chalet construit étant disponible à la location en 2015 ;

— la mise en jeu de la clause résolutoire s’inscrit en réalité dans le litige opposant M. Y et ses sociétés à M. D dans le cadre du projet APOPKA, notamment suite à la saisine du juge pour voir bloquer les parts sociales de la société MONAKA au sein de la société APOPKA ; elle est donc étrangère au fonctionnement de la société civile immobilière OWENS ;

— l’accord transactionnel intervenu entre les parties le 04/07/2019 est clair et a reconnu les droits d’associés de la société OWENSHILL ;

— certes, il fait l’objet d’un recours en annulation mais, tant qu’il n’est pas déclaré irrégulier, il doit être considéré comme valide et devant sortir son plein et entier effet ;

— enfin, la société OWENSHILL a saisi les juridictions luxembourgeoises pour qu’il soit statué sur la validité de la constatation de la résolution des parts, étant observé que dans une affaire exactement similaire, puisque relative à une clause strictement identique, concernant le financement de la société civile immobilière APOPKA par une société de M. X, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a rejeté les prétentions du groupe Y.

Dans ces conditions, la société OWENSHILL a bien intérêt à agir, justifiant de sa qualité d’associée au sein de la société OWENS.

Sur la désignation d’un administrateur provisoire

Selon l’article 834 du code de procédure civile, applicable aux instances en cours, « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ». Il en résulte que le juge des référés peut prendre toutes mesures conservatoires utiles en cas d’urgence.

L’article 835 dispose quant à lui que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Dans ce cas, si l’urgence n’est plus requise pour que soient ordonnées des mesures conservatoires, il faut que l’on soit en présence d’un péril imminent.

En l’espèce, si les associés sont en conflit, il n’apparaît pas que la société OWENS est pour autant dans l’impossibilité de fonctionner, un bail ayant été conclu, les déclarations de TVA effectuées, et des loyers ayant été perçus.

Quant à la défaillance alléguée des organes de la société, il sera relevé d’une part que la conclusion d’un bail commercial avec la société LUXURY 1850 par la société OWENS s’est faite en toute transparence, même si aucune délibération de l’assemblée générale des associés n’est intervenue. Ainsi, le 14/01/2015, Mme B écrivait à M. E, représentant de M. D : « je pense que le montant du loyer du bail entre OWENS et LUXURY est beaucoup trop élevé par rapport au potentiel locatif du chalet. (..) Je conseillerai donc un loyer d’une valeur de 500.000 euros plus en phase avec les prix pratiqués sur les autres biens de Courchevel », M. E répondant le lendemain : « vu ce jour avec M. F (M X) ; nous préférons garder ce montant de loyer, quitte à avoir des loyers dus. Cela facilitera la résiliation du bail en cas de vente du bien ».

En revanche :

— si la société civile immobilière OWENS a communiqué certains documents comptables, notamment les déclarations de TVA de 2012 à 2019, aucun bilan ni compte de résultat n’est produit, le dernier datant de 2015 ;

— le prêt in fine contracté auprès de la banque Edmond de Rothschild doit être remboursé le 18/11/2020 ; or, la gérance de la société civile immobilière OWENS est tout à fait taisante sur la façon dont il va être procédé, alors que le contrat de prêt inclut un nantissement des parts des sociétés OWENSHILL et OWENS INVEST au bénéfice de la banque ;

— aucun élément n’est produit quant aux ressources actuelles de la société OWENS, alors d’une part que la société LUXURY estimait les loyers trop élevés, signe de difficultés d’exploitation, et d’autre part, que le bail commercial a été résilié le 04/07/2019 (pièce 11-2 du dossier OWENS).

Cette situation apparaît anormale et révèle des faits graves susceptibles de causer un préjudice certain et imminent aux intérêts sociaux, nonobstant le fonctionnement régulier des organes de gestion.

La désignation d’un administrateur provisoire se justifie donc, dans les termes de la mission telle que définie par le premier juge.

L’ordonnance déférée sera ainsi confirmée dans toutes ses dispositions.

Enfin, l’équité ne commande qu’une application très modérée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par l’appelante en cause d’appel. La société OWENS INVEST et Mme B seront condamnés in solidum à payer à cet titre la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société OWENS INVEST et Mme B à payer à la société OWENSHIL la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel,

LES CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 10 novembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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