Cour d'appel de Colmar, du 2 octobre 2001, 1997/03460

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’action directe de la victime d’un dommage contre l’assureur de responsabilité, trouve son fondement dans le droit à réparation de la victime et se préscrit dans le même délai que l’action de la victime contre le responsable. Il en résulte que la prolongation du délai d’action de l’assuré contre son assurance, prévu à l’article L. 114-1 alinéa 3 du Code des assurances, profite également à la victime du dommage qui peut donc exercer son action directe pendant deux ans à compter de l’assignation de l’assuré par la victime. En outre, la règle selon laquelle ce délai serait suspendu en raison de la prise en charge de la direction du procès par la société d’assurance intimée, ne constitue qu’une application du principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir, ce qui n’est pas le cas quand la victime ignore le véritable assureur de responsabilité du responsable, et n’a d’ailleurs jamais cherché à en prendre connaissance avant l’expiration du délai de préscription

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 2 oct. 2001, n° 97/03460
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 1997/03460
Importance : Inédit
Textes appliqués :
Code des assurances, article L. 114-1 alinéa 3
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006938027
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section A RG N 1 A 199703460 Minute N 1M Expédition à : Maîtres D’AMBRA ET BOUCON Maîtres ROSENBLIEH ET ASSOCIES Le 02/10/2001 Le Greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE COLMAR

ARRET DU 2 OCTOBRE 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X… ET DU DELIBERE M. GUEUDET, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER LORS DES X… ET DU PRONONCE : Mme SCHOENBERGER X… à l’audience publique du 04/09/2001 ARRET REPUTE CONTRADICTOIRE du 2 OCTOBRE 2001 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L’AFFAIRE : 584 PAIEMENT DE L’INDEMNITE D’ASSURANCE. APPELANTES et demanderesses : 1) LA S.A. CLEMESSY, ayant son siège social 18, Rue de Thann à 68100 MULHOUSE, prise en la personne de son conseil d’administration, 2) LA S.A. Compagnie d’Assurances CONCORDE, actuellement dénommée GENERALI FRANCE ASSURANCES, ayant son siège social 5, Rue de Londres à 75009 PARIS, prise en la personne de son Président Directeur Général, représentées par Maîtres D’AMBRA ET BOUCON, Avocats à la Cour, INTIMEE et défenderesse : 1) LA S.A. JM KOENIG ET CIE, ayant son siège social à 68690 MOOSCH, prise en la personne de son Président Directeur Général, en redressement judiciaire, représentée par Maîtres ROSENBLIEH ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître BURNER, Avocat à MULHOUSE, INTIME et mis en cause : 2) Maître Jean- François Y…, ès-qualités de commissaire au plan de la S.A. KOENIG, en redressement judiciaire, demeurant 11, Rue de Mittelbach à 68100 MULHOUSE, Non représenté, non assigné, INTIMEE et appelée en déclaration de jugement commun : 3) LA S.A. SOLLAC, ayant son siège social Immeuble « Elysées La Défense » 29, Le Parvis à 92800 PUTEAUX, prise en la personne de son Président Directeur Général, Non

représentée, non assignée, INTIMEE et mise en cause : LA S.A. LES MUTUELLES DU MANS, ayant son siège social 19/21, Rue de Chanzy à 72030 LE MANS CEDEX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maîtres ROSENBLIEH ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître BURNER, Avocat à MULHOUSE,

…/… 3.

Au début de l’année 1990, la SA Clemessy a été chargée par la SA Sollac de la réfection d’un matériel industriel (double enduit d’un moteur Westinghouse), y compris le transport aller retour de ce matériel, depuis Mardyck jusqu’à Mulhouse.

La SA Clemessy a confié ce transport à la SA JM Koenig et Cie.

Au cours du trajet, le 6 février 1990, l’ensemble routier a versé dans une bretelle d’accès à l’autoroute, occasionnant de graves avaries à son chargement.

Par ordonnance du 12 février 1990, le tribunal de grande instance de Mulhouse, chambre commerciale, a sur requête de la SA Clemessy, désigné M. Z… en qualité d’expert judiciaire sur le fondement des dispositions de l’article 106 du Code de commerce (actuellement L 133-4 du Code de commerce).

L’expert a déposé son rapport le 26 juin 1992.

Entre temps, et par acte introductif d’instance du 17 décembre 1990, la SA Clemessy et la cie d’assurances Concorde avaient saisi la

chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse d’une demande en déclaration de responsabilité dirigée contre la SA JM Koenig et Cie, la SA Sollac étant appelée en déclaration de jugement commun.

Ultérieurement la SA Clemessy et la cie d’assurances Concorde ont conclu à la condamnation de la SA JM Koenig et Cie à leur payer la somme de 3.162.123 francs avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1991 et de 40.677 francs avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, outre 30.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA JM Koenig et Cie a conclu au rejet de la demande et en tout état de cause la limitation du montant du préjudice à la somme de 360.000 francs.

La SA Sollac a quant à elle sollicité la condamnation solidaire de la SA Clemessy et de la SA JM Koenig et Cie à lui payer la somme de 77.647 francs en réparation de son dommage.

Au cours de la procédure, les demanderesses ont successivement appelé les sociétés d’assurance : Samda, Seine & Rhône, Lloyd Continental et Mutuelles du Mans puis se sont désistées de leur appel en cause à l’égard des deux premières.

La SA Uni Europe Assistance est intervenue volontairement à l’instance pour reprendre les conclusions de la cie Seine et Rhône laquelle avait fait l’objet d’une fusion absorption.

Par jugement prononcé le 14 octobre 1996, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

— constaté qu’il ne s’était formé aucun lien d’instance entre la SA Clemessy et la cie d’assurances Concorde d’une part, la cie d’assurances Lloyd Continental d’autre part ;

— constaté que la SA Clemessy et la cie d’assurances Concorde se sont désistées de l’instance introduite à l’encontre de la cie

d’assurances Samda et de la Cie Uni Europe Assurance ;

— condamné la SA Clemessy et la Concorde à payer à la cie Uni Europe la somme de 700 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

— déclaré la demande de la SA Clemessy et de la cie d’assurances Concorde irrecevable à l’encontre de la SA JM Koenig et Cie en redressement judiciaire représentée par Maître Y… commissaire à l’exécution du plan ; – déclaré irrecevable la demande de la SA Sollac à l’encontre de la SA JM Koenig et Cie ;

— déclaré prescrite l’action de la SA Clemessy et de la cie d’assurances Concorde à l’encontre de la cie d’assurances « Les Mutuelles du Mans » ; – condamné la SA Clemessy à payer à la SA Sollac la somme de 77.647 francs ;

— condamné la SA Clemessy à payer à la SA Sollac une somme de 2.00 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

— constaté que le tribunal n’est saisi d’aucune autre prétention de la SA Sollac que celle contenues dans le mémoire du 4 mars 1994 ; – rejeté toute autre prétention des parties ; – condamné la SA Clemessy et la cie d’assurances Concorde aux dépens.

Sur la demande de la SA Clemessy et de la cie Concorde à l’encontre de la cie Les Mutuelles du Mans, le tribunal a tout d’abord rappelé que l’exercice de l’action directe de la victime d’un dommage doit être soumise à la prescription de l’action en responsabilité civile contre l’auteur du dommage – soit en l’espèce celle de l’article 108 du Code de commerce devenu article L 133-6 du Code de commerce – éventuellement augmentée de la prescription de deux ans dérivée du contrat d’assurances.

Dès lors, la SA JM Koenig et Cie ayant été assignée le 20 décembre 1990, il aurait fallu pour que l’action de la SA Clemessy et de la

Concorde soit recevable à l’encontre de la cie Les Mutuelles du Mans que l’action soit introduite contre elle avant le 20-21 décembre 1992.

Le tribunal a également écarté le moyen tiré de la direction du procès par la société Les Mutuelles du Mans, au motif que cette société ne pouvait être considérée comme partie à l’instance avant sa mise en cause, même si elle avait assumé la direction du procès contre la SA JM Koenig et Cie.

D’autre part, si la direction du procès par l’assureur constitue une cause de suspension de la prescription biennale pour l’assuré car elle l’empêche d’agir contre son assureur, rien de tel pour la victime du dommage.

Le tribunal a relevé à cet égard que les demanderesses n(avaient ni soutenu ni démontré qu’elles s’étaient renseignées sur l’identité de l’assureur de la SA JM Koenig et Cie avant sa mise en redressement judiciaire le 11 mai 1993. Or à cette date, la prescription était déjà acquise, en sorte que l’impossibilité d’agir en raison de l’ignorance de l’identité de l’assureur n’était pas caractérisée.

Il a en conséquence déclaré l’action de la SA Clemessy et de la Concorde prescrite à l’encontre de la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans.

A l’égard de la SA JM Koenig et Cie, le tribunal a relevé que les demanderesses n’avaient pas déclaré leur créance à la procédure de redressement judiciaire, et que leur demande en relevé de forclusion avait été rejetée. Il a en conséquence déclaré la demande irrecevable à l’encontre de la SA JM Koenig et Cie. Pour un motif similaire, il a également rejeté la SA Sollac à l’enconter de la SA JM Koenig et Cie. Sur la demande de la SA Sollac à l’encontre de la SA Clemessy et de la Concorde, en revanche, les premiers juges ont rappelé que la SA

Clemessy s’était vu confier la responsabilité du transport, et que selon l’expert M. Z…, il restait un poste de dommage indemnisable à savoir la perte de longévité du matériel qu’il a évaluée à 77.647 francs. Le tribunal a considéré qu’il appartenait à la SA Clemessy de répondre de ce chef de dommage.

Le tribunal a enfin écarté les prétentions exposées dans un mémoire non daté, non signé, ne et figurant pas dans les pièces de la procédure, inséré dans les cotes de plaidoiries de la SA Sollac.

Par déclaration enregistrée au greffe le 7 février 1997, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde ont interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions récapitulatives déposées le 19 mars 2001, les appelantes demandent à la cour : – de déclarer leur appel recevable et fondé ; – d’infirmer en conséquence le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau : – de dire que l’action directe de la SA Clemessy et de son assureur subrogé dans ses droits est soumise à la prescription trentenaire ;

Subsidiairement :

— de constater que la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans a assuré la direction du procès suspendant la prescription biennale jusqu’au terme de la procédure ; – de dire que l’extinction de la créance ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action directe ;

— en conséquence de déclarer la demande der la SA Clemessy et de son assureur la Cocorde respectivement de la SA Generali France recevable ;

— de dire que la SA JM Koenig et Cie s’est rendue coupable de deux fautes lourdes, cause génératrice du dommage à savoir : la vitesse excessive et la rupture de la barre stabilisatrice ;

— de dire en conséquence que les clauses limitatives de responsabilité sont inopposables à la SA Clemessy et à la SA

Compagnie d’assurances Concorde;

— de condamner en conséquence la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans à payer à la SA Compagnie d’assurances Concorde respectivement à la SA Generali France subrogée dans les droits de la SA Clemessy la somme de 3.162.123 francs avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1991 ;

— de condamner la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans à payer à la SA Clemessy et à la SA Compagnie d’assurances Concorde respectivement la SA Generali France la somme de 40.677 francs avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

— de condamner les cie d’assurances Les Mutuelles du Mans aux entiers frais et dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 30.000 francs par application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

— de déclarer la décision à intervenir opposable à la SA JM Koenig et Cie assistée de Maître Y… en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

S’agissant de la recevabilité de l’action dirigée contre la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans les appelantes font valoir que la position de la cour de cassation n’est pas définitivement arrêtée.

Or la prescription annale de l’article 108 du Code de commerce – devenu L 133-6 du Code de commerce – qui ne concerne que les actions relatives au contrat de transport n’est pas applicable à l’action directe de la victime qui trouve sa source dans le contrat d’assurances liant le transporteur à sa cie d’assurance, et non directement dans le contrat de transport. Les appelantes font d’ailleurs observer que cette solution aurait pour effet de placer la victime dans une situation moins favorable que l’auteur du dommage dont l’action contre son assureur se prescrit par deux ans.

S’agissant ensuite de l’application des dispositions de l’article L 114-1 du Code des assurances, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde soutiennent que ce délai de prescription n’est applicable que dans les rapports entre l’assureur et son assuré.

Quant au cumul de ces deux prescriptions abrégées, la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans ferait à cet égard une analyse erronée des récentes décisions de la Cour de cassation.

En effet à s’en tenir à cette jurisprudence, le délai dans lequel la victime doit intenter son action directe contre l’assureur serait de trois ans et non pas d’un an comme l’affirme la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans.

Les appelantes s’interrogent toutefois sur la pertinence d’une telle jurisprudence qui contredit le principe de l’autonomie de l’action directe de la victime et introduit une différence de régime selon que la victime agit directement contre l’assureur ou par le biais de son assuré.

Il conviendrait dès lors d’admettre que l’action directe de la victime est soumise au délai de prescription « de droit commun », comme l’a laissé entendre un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 1988 qui a admis la recevabilité d’une action introduite onze ans après les faits et plus de deux ans après la condamnation du transporteur, écartant ainsi le prétendu caractère d’ordre public de l’article L 114-1 du Code des assurances.

Cette solution serait en totale cohérence avec les lois récemment intervenues en matière d’assurance, qui posent en principe fondamental la protection des victimes.

A supposer toutefois que cette analyse ne soit pas retenue par la cour, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde invoquent la suspension du délai de prescription.

En effet il a été jugé que lorsque l’assureur assure la direction du

procès à la place de l’assuré, la prescription biennale est suspendue jusqu’au terme de la procédure, en sorte que pendant cette période l’action directe de la victime reste ouverte contre l’assureur du responsable.

En l’espèce, il est constant que la SA JM Koenig et Cie et la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans ont eu, tout au long du litige, un représentant unique en la personne de M. A…, courtier du groupe Lung. Dans le cadre de la procédure, Maître Cahen a été leur mandataire ad litem commun, les deux parties étant représentées à hauteur de cour par le même mandataire. La circonstance que Maître Cahen soit resté dans l’ignorance de la mise en liquidation judiciaire de la SA JM Koenig et Cie démontre bien qu’il n’était en relation qu’avec M. A… – ebt non avevc la SA JM Koenig et Cie, ce motif, expliquant également son ignorance du nom l’assureur responsabilité civile de cette société. On ne saurait dès lors admettre qu’en tant que courtier M. A… était le mandataire du seul assuré alors que les circonstances de l’espèce démontrent que les parties ont entendu déroger expressément à cette règle et que la société d’assurances Les Mutuelles du Mans a manifestement confié la gestion de ce dossier au cabinet Lung.

D’ailleurs dans une lettre du 10 décembre 1994, M. A… reconnaît « être intervenu en tant qu’expert, pour le compte des assureurs de transports Koenig, Les Mutuelles du Mans » . M. A… assistait également à la première réunion d’expertise et a adressé un dire à M. Z… au nom des Transports Koenig et « de leurs assureurs ».

La suspension de la prescription biennale bénéficie à celui qui a un recours contre l’assureur qu’il s’agisse de l’assuré, de la victime ou de son assureur. En effet au terme d’une jurisprudence constante, si la victime bénéficie d’un droit propre, il n’en demeure pas moins que son action reste subordonnée à l’existence de la convention

passée entre l’assureur et l’auteur du dommage et ne peut s’exercer que dans cette limite. Le droit propre de la victime n’engendre donc pas une action autonome. Il en résulte que la victime est en droit d’opposer à l’assureur les exceptions qu’aurait pu invoquer l’assuré, et au cas présent, la suspension de la prescription.

Les appelantes contestent également l’affirmation selon laquelle elles étaient en mesure – s’agissant d’une assurance responsabilité civile non obligatoire – de connaître l’identité de l’assureur de la SA JM Koenig et Cie. Les différentes mises en cause de sociétés d’assurance en première instance, attestent des difficultés rencontrées pour identifier l’assureur du transporteur. Elles rappellent à ce propos que les renseignements communiqués par M. Y…, mandataire judiciaire de la SA JM Koenig et Cie se sont tous révélés erronés.

De plus, et jusqu’à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde n’avaient aucune raison de rechercher l’identité précise de l’assureur de la SA JM Koenig et Cie, dès lors qu’il était acquis que ce transporteur était assuré et solvable.

Aucune faute ne peut en conséquence être reprochée à la SA Clemessy et à son assureur, tandis qu’une rétention d’information est certainement imputable à la SA JM Koenig et Cie respectivement aux organes de la procédure collective.

Il doit en conséquence être admis que la direction du procès par la cie d’assurance dès la mise en cause de la SA JM Koenig et Cie a suspendu le délai de deux ans, voire de trois ans, les appelantes n’ayant pas à mettre en cause l’assureur de la SA JM Koenig et Cie tant que celle-ci était in bonis.

A titre subsidiaire, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances

Concorde soutiennent qu’il y aurait lieu de retenir la date d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire comme point de départ d’un nouveau délai de prescription. En effet, tout jugement d’ouverture d’une procédure collective entraîne la possibilité, pour le créancier, d’agir directement contre l’assureur du failli. Il s’agirait donc de l’exercice d’une « nouvelle » action directe, distincte de celle qu’elles avaient la possibilité d’engager à compter du sinistre, et donc soumise à un délai de prescription distinct.

Elles rappellent enfin que la victime qui exerce son action directe contre l’assureur n’est pas tenue de déclarer sa créance au passif de l’assuré puisque l’indemnité d’assurance ne transite pas par le patrimoine de ce dernier.

Sur le fond, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde affirment que la SA JM Koenig et Cie a incontestablement commis des fautes lourdes, exclusives de toute limitation de garantie.

Après avoir rappelé les circonstances précises de l’accident, elles invoquent les conclusions de M. Z… selon lesquelles le renversement du semi-remorque dans une bretelle de raccordement à la voie rapide serait dû à : – une surcharge du semi remorque, méconnue du transporteur et de son préposé conducteur ; – la mise à disposition par la SA Clemessy d’un berceau de supportage inadapté ; – la vitesse excessive de l’ensemble routier à l’approche d’un virage serré ; – la rupture de la barre stabilisatrice arrière du tracteur consécutive à un mauvais entretien.

Sur la surcharge, la SA Clemessy relève que la capacité de l’ensemble routier était réglementairement limitée à 40 tonnes mais pouvait en transporter 44 ; que la détermination d’un poids de chargement aussi important est particulièrement difficile ; que d’ailleurs la SA Clemessy avait mentionné sur le bon de commande « environ 25 tonnes »,

en sorte qu’il appartenait au transporteur de le vérifier, sachant que cette précision était déterminante. Dès lors à supposer que la surcharge soit l’une des causes de l’accident, cette circonstance ne serait pas imputable à la SA Clemessy mais au transporteur.

Il en va de même pour la mise à disposition par la SA Clemessy d’un berceau de supportage occasionnant une surélévation excessive du point de gravité, dont le chauffeur du camion aurait dû se rendre compte avant le départ. Or aucune réserve n’a été faite.

En toute hypothèse et aux termes même du rapport d’expertise de M. Z…, la cause principale et déterminante de l’accident a bien été la vitesse excessive du chauffeur.

Il en va de même de la barre stabilisatrice arrière qui constitue un élément de sécurité essentiel, et dont le mauvais état d’entretien est également significatif d’une faute lourde imputable à la SA JM Koenig et Cie.

Or l’existence de fautes lourdes – même non exclusives – entraîne l’inopposabilité des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité.

C’est donc le préjudice dans son intégralité qui doit être réparé par la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans soit :

—  3.162.123 francs correspondant au montant de la quittance subrogative signée par la SA Clemessy) ; – 40.677 francs pour le remboursement de frais annexes.

Suivant conclusions récapitulatives déposées le 17 octobre 2000, la SA JM Koenig et Cie et la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter les appelantes de l’ensemble de leurs prétentions. Elles concluent à leur condamnation aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 30.000 francs par application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les intimées rappellent que la mise en cause de la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans résulte de conclusions déposées le 6 mars 1995 alors que le sinistre fixant le point de départ du délai d’action a eu lieu le 6 février 1990, soit près de 5 ans auparavant.

Il en résulte que la demande se heurte à la prescription d’ordre public de l’article L 114-1 du Code des assurances. En effet l’action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité, trouve son fondement dans le droit à réparation de son préjudice et se prescrit dès lors dans le même délai que l’action de la victime contre le responsable.

En l’espèce l’action de la victime est soumise au délai de prescription de l’article 108 du Code de commerce – devenu article L 133-6 du Code de commerce -soit un an à compter de la survenance de l’accident.

Même en admettant, pour le besoin du raisonnement, la thèse d’un délai « dérogatoire » de trois ans, la prescription serait acquise depuis le 7 février 1993.

Quant à l’application du délai de prescription de droit commun, cette théorie ne se base sur aucune application jurisprudentielle et se heurte radicalement au caractère d’ordre public du délai de prescription de l’article L 141-1 du Code des assurances.

Sur la suspension du délai de prescription ensuite, la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans conteste l’affirmation selon laquelle elle aurait assuré la direction du procès et relève à cet égard une contradiction dans les conclusions des appelantes qui tout à la fois affirment que le conseil des Transports Koenig aurait agi pour le compte de la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans et qu’il aurait ignoré l’identité de cet assureur (voir : « le conseil des Transports Koenig ignorait de toue évidence la compagnie assurant le dommage »).

Elle ajoute que le courtier d’assurance est un commerçant indépendant qui agit en qualité de mandataire de l’assuré et non de l’assureur, en sorte que toute la jurisprudence à laquelle la SA Compagnie d’assurances Concorde fait référence et qui concerne des agents généraux d’assurance – mandataires des assureurs – est inapplicable en l’espèce.

A supposer même – ce qui reste contesté – que la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans ait assuré la direction du procès cette circonstance serait sans emport sur le litige. En effet la convention tacite de suspension du délai concerne exclusivement les relations assureur- assuré et non les tiers. Il s’agit d’une simple application des dispositions de l’article 1165 du Code civil, qui trouvent leur fondement dans l’impossibilité dans laquelle se trouve l’assuré d’agir contre son assureur lorsque celui-ci assure la direction du procès. Tel n’est pas le cas de la victime agisant directement contre l’assureur.

Quant à l’ouverture de la procédure collective qui fixerait le point de départ d’un nouveau délai de prescription il s’agit selon la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans, d’une interprétation strictement personnelle de la partie appelantes et contraire à la loi. En effet la droit d’agit directement contre l’assureur ne découle pas de l’ouverture d’une procédure collective mais du préjudice causé par l’accident.

Enfin sur l’impossibilité absolue d’agir de la victime faute de connaître l’identité de l’assureur du transporteur, la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans font observer que les appelantes ne se sont désintéressées pendant des années du fait de savoir si la SA JM Koenig et Cie était ou non assurée, ce qui n’est pas criticable en soi dès lors que l’assurance souscrite par la SA JM Koenig et Cie

n’était pas obligatoire et qu’aux termes du contrat « l’assurance transport était à la charge de la SA Clemessy ». Ce n’est qu’en juin 1994 que celle-ci et la SA Compagnie d’assurances Concorde ont commencé à s’interroger sur l’identité de l’assureur de la SA JM Koenig et Cie, soit après expiration de tout délai de prescription ( un an ou trois ans).

Or tant dans le cadre de la procédure d’expertise que de la mise en état la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde auraient parfaitement pu réclamer la communication de ce renseignement, ce qu’elles n’ont pas fait. Il en résulte que les appelantes, dont la négligence est établie, ne justifient d’aucune impossibilité absolue d’agir contre la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans.

Subsidiairement sur le fond, il apparaît que le sinistre est imputable à la SA Clemessy qui a délibérément indiqué, pour des raisons d’économie, un poids manifestement erroné (25 tonnes au lieu de plus de 30 tonnes) et fourni un berceau de supportage inadapté. Aux termes des règles tirées du contrat type de transport applicable de plein droit aux envois supérieurs à trois tonnes, le donneur d’ordre supporte à l’égard du transporteur les conséquences d’une fausse déclaration sur les caractéristiques de l’envoi.

En revanche, la vitesse excessive reprochée au conducteur est ipso facto déduite de l’accident lorsqu’il survient à l’approche d’un virage. Or les aléas de la route ne constituent pas nécessairement la preuve d’une faute du transporteur. A supposer également que l’état du véhicule soit en cause, il appartenait à l’expéditeur de refuser de charger sa marchandise dans un véhicule ne présentant pas toutes les garanties de sécurité, ce qui n’a pas été fait.

Plus subsidiairement encore la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans demande qu’il soit fait application :

— des limites de réparation résultant de l’article 18 de l’annexe au

décret du 14 mars 1986 applicable de plein droit aux opérations de transport, soit 12.000 francs la tonne (soit en l’espèce : 300.000 francs au total) ;

— du plafond de garantie de 800.000 francs prévu au contrat d’assurance ainsi que de la franchise de 300 francs.

Quant au déplafonnement de la garantie, elle répond :

— d’une part que la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurancesnement de la garantie, elle répond :

— d’une part que la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde ne rapportent pas la preuve de la faute lourde prétendument commise par la SA JM Koenig et Cie,

— d’autre part que cette faute à la supposer établie n’aurait pas pour effet de modifier les termes du contrat d’assurance, l’assureur n’étant pas personnellement responsable du dommage causé à la victime et ne devant réparation que dans les limites de la garantie promise à son assuré.

En conclusion, la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans relève que la SA Compagnie d’assurances Concorde formule une demande nouvelle à hauteur d’appel portant sur le remboursement des frais de son propres expert technique. En sorte que cette demande est tout à la fois irrecevable et mal fondée.

Régulièrement cité, Maître Pierre Mulhaupt, en sa qualité de successeur de Maître Y… dans les fonctions de commissaire à l’exécution du plan de la SA JM Koenig et Cie a fait connzîter par lettre du 24 février 1997 qu’il n’entendait pas intervenir à la procédure, la créance de la SA Clemessy et de la SA Compagnie d’assurances Concorde ayant été rejetée pour cause de déclaration tardive.

S’agissant en revanche de la SA Sollac, également intimée, la partie appelante n’a pas justifié l’avoir assignée à comparaître devant la

cour.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour le plus ample exposé de leurs moyens ;

Il convient en premier lieu d’observer que les dispositions du jugement relatives à la mise hors de cause des sociétés Lloyd Continental, Uni Europe et Samda ainsi qu’aux condamnations prononcées au profit de la SA Sollac n’ont fait l’objet d’aucune discussion de la part de la SA Clemessy et de la SA Compagnie d’assurances Concorde.

Il convient en conséquence de confirmer ces dispositions

Sur la recevabilité de la demande de la SA Clemessy et de la SA Compagnie d’assurances Concorde contre la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans

L’action directe de la victime – ou de la personne qui lui est subrogée – contre l’assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit à réparation de la victime, se prescrit dans le même délai que l’action de la victime contre le responsable. Elle ne peut être exercée contre l’assureur, au delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré (cass .civ. I : 13 février 1996 RGDA 96-380 ; 9 mai 1996 RGAT 96 p. 705; 18 février 1997 RGDA 97- 550 ; 23 mars 1999 Resp. et Ass. 99 n° 194).

Il en résulte que la prolongation du délai au profit de l’assuré – et donc de la victime – joue pendant deux ans à compter de l’assignation de l’assuré par la victime, conformément aux dispositions de l’article L 114-1 al. 3 du Code des Assurances.

En l’espèce, la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde ont agi contre la SA JM Koenig et Cie dans le délai de prescription annale de l’article L 133-6 du code de commerce. En effet bien que l’assignation n’ait pas été déposée dans les pièces de la procédure,

il est constant que la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde ont assigné la SA JM Koenig et Cie avant le 25 janvier 1991 qui est la date de l’acte de constitution de Maître Cahen pour le compte de cette société de transport, étant rappelé que l’accident qui a occasionné le dommage a eu lieu le 6 février 1990.

Conformément aux dispositions de l’article L 114-1 al. 3 du Code des assurances, l’assuré disposait alors d’un nouveau délai de deux ans pour agir contre son assureur, cette prolongation du délai de prescription bénéficiant également à la victime qui exerce une action directe contre l’assureur, aux termes de la jurisprudence constante de la cour de cassation ci dessus rappelée.

Il en résulte ici que la prescription était acquise au plus tard le 25 janvier 1993. Or la société d’assurances Les Mutuelles du Mans a pour la première fois été appelée en cause par conclusions du 3 mars 1995, soit très largement après expiration du délai de prescription. Les appelantes qui certes, affirment contre une jurisprudence constante, que l’action directe de la victime trouve son fondement « dans le contrat d’assurance liant le transporteur à sa compagnie » – tout en n’admettant pas l’application de la prescription biennale de l’article L 114-1 du Code des assurances …- n’expliquent cependant pas pour quel motif le délai de prescription de trente ans dit « de droit commun » serait applicable, alors qu’en toute hypothèse l’action directe de la victime contre l’assureur reste une action en responsabilité civile extra contractuelle.

Ceci étant il est constant que le dommage est survenu au cours d’un transport que la SA Clemessy (victime) avait confié à la SA JM Koenig et Cie (assurée) et a pour cause le renversement du semi remorque qui transportait les marchandises. Ce litige entre dès lors dans le champ d’application de l’article L 133-6 du Code de commerce qui vise

« toutes les actions auxquelles ce contrat (de transport) peut donner lieu tant contre le voiturier ou le commissionnaire que conter l’expéditeur ou le destinataire » . Il est d’ailleurs constant que pour assigner la société de transport assurée, les SA Clemessy et Concorde ont bien agi dans le délai d’un an.

S’agissant ensuite de la suspension du délai en raison de la prise en charge de la direction du procès par la société d’assurances Les Mutuelles du Mans, il convient de rappeler à la suite du tribunal que cette règle ne constitue qu’une application du principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir par suite d’un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure. Or il n’y a pas d’impossibilité absolue d’agir quand la victime ignore le véritable assureur de responsabilité du responsable (cass. civ. I 7 octobre 1992 RGAT 92-833).

En l’espèce, les appelantes reconnaissent elles même qu’elle ne se sont préoccupées de l’identité de l’assureur qu’après avoir appris la mise en redressement judiciaire de la SA JM Koenig et Cie – prononcée le 11 mai 1993 – soit postérieurement à l’expiration du délai de prescription. Dès lors que la SA Clemessy et son assureur ne sont pas même en mesure de justifier d’une demande de renseignement auprès de la SA JM Koenig et Cie antérieurement à la date d’expiration du délai de prescription, les appelantes ne sont pas fondée à invoquer l’impossibilité absolue d’agir contre la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans.

Enfin la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde n’expliquent pas non plus comment un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire concernant l’assuré serait susceptible de faire « renaître » un délai de prescription expiré plusieurs mois avant son prononcé, au bénéfice d’une victime qui agit

directement contre l’assureur du failli.

Dès lors et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens, il convient de confirmer intégralement le jugement entrepris et de débouter la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde de l’ensemble des prétentions formulées à l’encontre de la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile

Les appelantes qui succombent supportent la charge des dépens de l’instance d’appel et des frais irrépétibles d’instance. Un montant de 15.000 francs doit être alloué à ce titre à la société d’assurances Les Mutuelles du Mans.

P A R C E B… M O T I F B…

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Constate que la recevabilité et la régularité formelle de l’appel ne sont pas contestées ;

Constate également que la SA Sollac n’a pas été assignée ;

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont appel ;

Condamne la SA Clemessy et la SA Compagnie d’assurances Concorde aux dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement à la cie d’assurances Les Mutuelles du Mans d’une somme de 15.000 francs (quinze mille francs) soit 2.286,74 euros (deux mille deux cent quatre vingt six euros et soixante quatorze cents) par application

des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Et le présent arrêt a été signé par le président, et par le greffier présent au prononcé.

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Cour d'appel de Colmar, du 2 octobre 2001, 1997/03460