Cour d'appel de Colmar, 26 novembre 2013, n° 12/01234

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 26 nov. 2013, n° 12/01234
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 12/01234
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Mulhouse, 6 février 2012

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 13/1312

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRET DU 26 Novembre 2013

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 B 12/01234

Décision déférée à la Cour : 07 Février 2012 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

Mademoiselle Y H

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Maître MARTINEZ, remplaçant Maître Stéphane THOMANN, avocats au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

SA ALENAS exploitant sous l’enseigne SUPER U

prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Maître Lionel BINDER, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ADAM, Président de Chambre

M. ROBIN, Conseiller

Mme FERMAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. Dominique ADAM, Président de Chambre,

— signé par M. Dominique ADAM, Président de Chambre et Mme Linda MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Alenas, exploitant à Masevaux un magasin sous l’enseigne Super U, a embauché Y D en qualité d’employée, à compter du 23 juin 2004. Elle l’a licenciée par lettre du 14 septembre 2006 au motif de son inaptitude au travail dans l’entreprise. La salariée a contesté ce licenciement en soutenant que son inaptitude était la conséquence directe de la situation de harcèlement qu’elle subissait et que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Suivant jugement en date du 7 février 2012, le Conseil de prud’hommes de Mulhouse a dit que le licenciement avait un motif réel et sérieux et a débouté Y D de ses demandes.

Le 5 mars 2012, Y D a interjeté appel de cette décision.

L’affaire a été fixée à l’audience de la Cour du 22 octobre 2013.

Se référant à ses conclusions déposées le 6 février 2013, Y D déclare que les responsables de la société ont fait l’objet de poursuites pénales pour de multiples infractions au droit du travail et au code de la consommation, que l’un d’eux a également été poursuivi pour des faits de harcèlement moral avant d’être relaxé, mais que les faits ayant donné lieu à ces poursuites pénales n’étaient pas ceux qu’elle avait subis. Elle affirme qu’un arrêt de travail pour maladie lui a été prescrit à compter du 5 mai 2006 en raison d’un syndrome dépressif réactionnel à un harcèlement moral au travail, et que plusieurs médecins ont constaté le lien entre son état de santé et le contexte professionnel. En ce qui la concerne, la relation avec ses patrons se serait dégradée à compter du moment où elle aurait refusé d’établir une attestation en leur faveur, et elle aurait été entendue comme témoin par le juge d’instruction suite à une lettre de sa part écrite le 5 mai 2006 et relatant les pressions subies.

Y D ajoute que la société Alenas n’a accompli aucune recherche pour la reclasser dans l’entreprise, et que les documents établissant l’existence de recherches d’un reclassement externe sont postérieurs à l’entretien préalable au licenciement. De surcroît la salariée n’aurait pas eu connaissance de la proposition faite par la société Erhard.

Y D sollicite une somme de 578,18 euros à titre de rappel de salaire en raison du délai supérieur à un mois écoulé entre l’avis d’inaptitude et le licenciement, une somme de 1.433,52 euros au titre de l’indemnité de préavis outre 143,35 euros au titre des congés payés afférents, une somme de 7.167,60 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou, subsidiairement, en réparation du préjudice causé par l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, et une indemnité de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Se référant à ses conclusions déposées le 5 décembre 2012, la société Alenas conteste l’existence de faits de harcèlement moral en indiquant que la procédure pénale initiée par trois salariés a abouti à la relaxe des deux dirigeants de l’entreprise et que, lors de cette procédure, tous les autres salariés, dont Y D, ont d’ailleurs soutenu les deux dirigeants mis en cause. Les épisodes dépressifs à l’origine de l’inaptitude auraient débuté en juin 2005, à une époque où Y D déclarait elle-même aux gendarmes chargés de l’enquête qu’elle n’avait jamais eu à se plaindre de ses patrons et alors qu’elle avait pris l’initiative de recueillir des attestations en leur faveur.

La société Alenas ajoute qu’elle a recherché une solution de reclassement dans l’entreprise, en concertation avec les chefs de rayon, mais qu’aucun poste n’était disponible compte tenu notamment des difficultés financières de l’entreprise. Elle aurait de surcroît recherché des postes disponibles dans d’autres sociétés avec lesquelles elle était en contact.

Elle sollicite une indemnité de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI

Sur le harcèlement moral

Attendu qu’il appartient à celui qui affirme avoir été victime d’un harcèlement moral de rapporter la preuve de faits qui en laissent présumer l’existence, et à l’employeur de démontrer que ces faits sont justifiés par des circonstances objectives étrangères à tout harcèlement ;

Attendu en l’espèce que, selon les explications de Y D, les poursuites pénales diligentées à l’encontre des responsables de la société Alenas ne concernaient pas les faits dont elle-même affirme avoir été victime ; qu’elle verse aux débats des documents médicaux démontrant l’existence d’un état dépressif réactionnel de juin à septembre 2005 puis d’une rechute à partir de février 2006 ; que ces documents, qui évoquent des problèmes de travail, la situation professionnelle de l’intéressée et un harcèlement moral comme étant à l’origine de cet état dépressif, ne relatent cependant pas de faits précis susceptibles d’avoir provoqué cet état et ne reprennent manifestement que les déclarations de Y D ;

Attendu que selon les propres explications de celles-ci, s’il existait des difficultés dans l’entreprise au mois de juin 2005, au point qu’elle exprimait alors l’impossibilité de « rester dans une ambiance comme celle-là », elle ne reprochait à l’époque aucun fait de harcèlement aux dirigeants de la société Alenas ; que ces faits de harcèlement auraient débuté un an plus tard, le 5 mai 2006, lorsqu’elle a refusé d’établir une attestation que ceux-ci lui réclamaient ;

Attendu cependant que la seule pièce relatant l’incident qu’elle reproche à la société Alenas est la lettre qu’elle a elle-même écrite au juge d’instruction le 5 mai 2006 ;

Attendu qu’elle n’établit dès lors l’existence d’aucun fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral ;

Sur le reclassement

Attendu que selon l’ancien article L122-24-4 alinéa 1 du code du travail, alors applicable, et dont les dispositions sont désormais reprises par article L1226-2,

à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

Attendu que le 24 juillet 2006, le médecin du travail a déclaré Y D inapte à son poste de caissière au Super U de Masevaux ;

Attendu qu’il ressort des attestations établies par A B épouse Z, I-J K épouse X, et E F, que suite à l’avis d’inaptitude, les dirigeants de l’employeur avaient sollicité les différents chefs de rayon en leur demandant d’organiser le reclassement de Y D, au besoin par aménagement de poste, mais que cela n’avait pu se faire en raison des difficultés financières et de la baisse d’activité de l’entreprise ;

Attendu que la réalité des recherches de reclassement est également démontrée par les lettres écrites par la société Alenas à d’autres entreprises à l’enseigne Super U, notamment à la Centrale Régionale Est et à la société SODIVAL, ainsi qu’à certains fournisseurs ;

Attendu que Y D n’apporte aucun élément pour contredire les attestations produites par la société Alenas, et ne précise pas quel poste elle aurait pu occuper, ni quelles tâches compatibles avec l’avis d’inaptitude auraient pu lui être confiées ;

Attendu qu’elle est dès lors mal fondée à contester l’exécution par la société Alenas de son obligation de reclassement ;

Sur la reprise du paiement du salaire

Attendu que selon l’ancien article L122-24-4 alinéa 3 du code du travail, alors applicable, et dont les dispositions sont désormais reprises par l’article L1226-4, si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ;

Attendu en l’espèce que la société Alenas était tenue de reprendre le paiement du salaire de Y D à compter du 24 août 2006 et jusqu’au licenciement intervenu le 14 septembre suivant ; qu’elle ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation ;

Attendu qu’il convient donc d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Y D de sa demande de rappel de salaire ;

Attendu que la société Alenas sera donc condamnée à payer à Y D la somme de 525,62 euros à titre de rappel de salaire, outre une somme de 52,56 euros à titre de complément d’indemnité de congés payés ;

Attendu que cette somme sera assortie d’intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2006, date de la convocation de la société Alenas devant le conseil de prud’hommes, ladite convocation valant citation en justice conformément à l’article R1452-5 du code du travail ;

Sur les conséquences du licenciement

Attendu que le conseil de prud’hommes a débouté à bon droit Y D de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que ce jugement n’est pas contesté en ce qu’il a débouté Y D de sa demande en paiement d’une indemnité de licenciement, laquelle n’est pas sollicitée en cause d’appel ;

Attendu que Y D, qui soutient à tort que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui n’était pas en mesure d’exécuter le contrat de travail durant le délai-congé, est mal fondée à solliciter le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé de ces divers chefs ;

Sur les dépens et autres frais de procédure

Attendu que la société Alenas qui succombe sur une demande de Y D sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile ;

Attendu que selon l’article 700 de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;

Attendu que les circonstances de l’espèce justifient de condamner la société Alenas à payer à Y D une indemnité de 1.000 euros par application de cet article ; que la société Alenas sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux et en ce qu’il a débouté Y D de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis,

L’infirme pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

Condamne la société Alenas à payer à Y D la somme de 525,62 euros (cinq cent vingt cinq euros et soixante deux centimes) à titre de rappel de salaire, outre celle de 52,56 euros (cinquante deux euros et cinquante six centimes) à titre de complément d’indemnité de congés payés, outre intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2006,

Condamne la société Alenas aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Y D une indemnité de 1.000 euros (mille euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande d’indemnité par application du même article.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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