Cour d'appel de Colmar, 1re chambre civile, 15 octobre 2014, n° 2014/01110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 1re ch. civ., 15 oct. 2014, n° 14/01110
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 2014/01110
Décision précédente : Institut national de la propriété industrielle de Paris, 30 janvier 2014
Décision(s) liée(s) :
  • Décision du directeur général de l'INPI, 31 janvier 2014
  • Cour d'appel de Colmar, 3 juillet 2019, 2017/00436
  • Cour d'appel de Colmar, 20 novembre 2019, 2019/03252
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MARIE & CECILE ALBRECHT ; LUCIEN ALBRECHT
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 4003262 ; 774869
Classification internationale des marques : CL32 ; CL33
Référence INPI : M20140540
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 1 of 10 COUR D’APPEL DE COLMAR ARRET DU 15 Octobre 2014

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A 14/01110

Décision déférée à la Cour : 31 Janvier 2014 par le INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE DE PARIS

DEMANDERESSES AU RECOURS : Mademoiselle Cécile A

Mademoiselle Marie A Représentées par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me B, avocat à MULHOUSE

DEFENDEUR AU RECOURS : Monsieur l Général de l’INPI […] 75800 PARIS CEDEX 08 représenté à la barre par Mme Mathilde J, munie d’un pouvoir

PARTIE APPELEE EN LA CAUSE : Société coopérative agricole WOLFBERGER 6 Grand’rue 68420 EGUISHEIM Représentée par Me Pascal SCHMITT de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 15 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre Mme ROUBERTOU, Conseillère, entendue en son rapport Mme ALZEARI, Conseillère qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme A

Ministère Public : représenté par M. Jacques DOREMIEUX, avocat général, non présent aux débats mais dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Cécile A et Mme Marie A ont déposé auprès de l’INPI le 6 mai 2013, 28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 2 of 10 une demande d’enregistrement n° 13 4 003 262 portan t sur le signe verbal "Marie & Cécile Albrecht" pour désigner les produits suivants : boissons alcoolisées (à l’exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs), vins, spiritueux.

Le 23 juillet 2013, la société Wolfberger Cave Coopérative Vinicole d’Eguisheim a formé opposition à l’enregistrement de cette marque au motif qu’elle est titulaire de la marque antérieure communautaire verbale « Lucien Albrecht » n° 774 869, déposée le 19 mars 1998 et re nouvelée, pour désigner les produits suivants en classe 33 « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) », par suite de son acquisition dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Domaine Lucien Albrecht selon jugement du tribunal de grande instance de Colmar du 13 novembre 2012.

L’opposition a été notifiée à Mmes C et Marie A le 21 juin 2013, et elles ont présenté des observations en réponse à l’opposition.

Le 3 décembre 2013, l’INPI a notifié aux parties un projet de décision (sous référence OPP 13-3367).

Après observations des parties et par décision du 31 janvier 2014, le Directeur général de l’INPI a reconnu l’opposition justifiée, et a rejeté la demande d’enregistrement.

Mmes Cécile A et Marie A ont formé recours contre cette décision le 27 février 2014.

Elles demandent par dernières conclusions datées du 26 mars 2014, de les dire recevables et bien fondées en leur recours, d’annuler la décision OPP 13-3367 rendue par le Directeur de l’INPI le 31 janvier 2014 statuant sur l’opposition formée par la société Wolfberger Cave Coopérative Vinicole d’Eguisheim, ayant rejeté la demande d’enregistrement n° 13 4 003 262 déposée par elles sur le signe verbal « Marie et Cécile Albrecht »

Et statuant à nouveau,

— d’autoriser l’enregistrement de la marque "Marie & Cécile Albrecht" n° 13 4 003 262 déposées par elles

— de condamner la société Wolfberger Cave Coopérative Vinicole d’Eguisheim à leur verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (CPC), et aux dépens.

Elles estiment que l’INPI a fait une mauvaise appréciation, que la marque "Marie & Cécile Albrecht" ne peut être confondue avec la marque Lucien Albrecht qui appartient à la société Wolfberger.

Elle font valoir sur la comparaison des produits et services :

— que les produits visés dans la demande d’enregistrement contestée ne peuvent être assimilés à ceux désignés dans la demande d’enregistrement de la marque antérieure dans la mesure où la désignation « boissons alcooliques » est trop générale et imprécise ; que cette désignation ne permet pas d’identifier avec précision les nature, objet et destination que 28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 3 of 10 ces produits recouvrent ; qu’une ressemblance des produits ne peut

compenser l’absence de similarité entre les signes en présence, qui présentent de telles différences qu’il n’existe pas entre eux de risque de confusion ; que le libellé de la marque antérieure « boissons alcooliques à l’exception des bières » ne permet pas de déterminer de façon immédiate, certaine et constante les produits qu’il recouvre ; que le libellé trop large « boissons alcooliques » ne peut servir de base à l’opposition.

Elles font valoir sur la comparaison des signes :

— qu’il n’y a pas de similitude visuelle permettant de conclure à une imitation, ni dans leur construction, ni dans leur structure ; que les marques en cause présentent des séquences d’attaque totalement distinctes, ce qui leur confère une physionomie différente et permet de les distinguer visuellement ; qu’elles sont en outre composées, l’une de quatre termes et l’autre de deux termes ; que dans la marque contestée la séquence d’attaque est composée de trois termes tandis que dans l’autre marque elle est composée d’un terme et qu’il est impossible de les confondre visuellement

— qu’il n’y a pas de similitude phonétique entre les marques pouvant entraîner une confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne ; que la première marque est composée de quatre termes alors que la seconde est composée de deux termes ; que la perception auditive des marques est fondamentalement distincte ; que la première partie de la marque "Marie & Cécile Albrecht" lui confère une sonorité et un rythme complètement différents qui permet de la distinguer de l’autre marque ; que la prononciation des marques n’est ni identique, ni similaire, de sorte qu’elles ne peuvent être confondues

— qu’il n’y a pas de similitude intellectuelle entre les marques puisque l’une est composée de deux prénoms suivis d’un nom patronymique, et que l’autre est constituée d’un prénom et d’un nom patronymique, soit des termes abstraits qui ne renvoient à aucun univers particulier ; que les prénoms des marques sont fondamentalement distincts, l’une comportant deux prénoms féminins et l’autre un prénom masculin ; que le consommateur opérera ainsi immédiatement visuellement et phonétiquement une distinction conceptuelle et intellectuelle entre les deux signes et ne pourra attribuer aux produits une origine commune

— que l’impression d’ensemble produite par les marques n’est pas susceptible de générer un risque de confusion dans l’esprit du public

— que la Cour de Justice des Communautés Européennes a précisé que le risque de confusion entre les deux marques doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que cette appréciation globale doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; qu’il s’ensuit qu’il n’est pas possible d’extraire un élément de l’ensemble constituant le signe litigieux pour limiter l’examen à cet élément ; que lorsque le public perçoit la marque Marie et Cécile Albrecht, il voit l’ensemble indivisible formé par les prénoms Marie et C et le nom patronymique A ; qu’à l’inverse quand il perçoit la marque 28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 4 of 10 Lucien Albrecht il voit l’ensemble indivisible formé par le prénom Lucien et le nom patronymique A ; que cette différence majeure confère aux marques une impression d’ensemble distincte ; que la marque "Marie & Cécile Albrecht« ne peut donc être confondue avec la marque »Lucien Albrecht" ; que lorsque le public est confronté à un ensemble formé par un ou des prénoms et un nom patronymique, il a pour réflexe d’analyser celui-ci comme un ensemble et sait les distinguer par cet ensemble ; que c’est particulièrement le cas dans le domaine vitivinicole parce que le consommateur est confronté à des exploitations différentes présentées sous un même patronyme ; qu’il est très fréquent notamment dans le vignoble alsacien que des domaines totalement distincts soient dirigés par des personnes portant le même nom patronymique, souvent issus de la même famille, mais se distinguant par leurs prénoms, sans que le public ne les confonde ; que c’est le prénom qui identifie le viticulteur et que le consommateur est dès lors particulièrement attentif aux prénoms.

Elles ajoutent qu’il serait contraire aux principes de liberté du commerce et de la concurrence que la société Wolfberger puisse bénéficier d’un monopole sur le nom patronymique « A » dans un domaine d’activité présentant une telle particularité ; que les droits de propriété intellectuelle ne doivent s’analyser qu’en tant qu’exceptions au droit de la concurrence ; que le fait que M. Jean A a vendu son entreprise ne peut pas empêcher ses filles C et Marie A de travailler ; que les prénoms en cause n’ont pas été choisis au hasard mais se sont imposés comme étant ceux des petites filles du fondateur de la maison Albrecht ; que le patronyme A est répandu en France ; que l’élément dominant du signe est incontestablement le prénom ; que l’ensemble des éléments distinctifs et dominants des deux marques en présence leur confère une impression d’ensemble distincte qui empêche de les confondre ; qu’un même élément de deux marques ne suffit pas à conduire le consommateur d’attention moyenne à attribuer aux produits une origine commune si l’une d’elles présente des éléments distinctifs attractifs et dominants.

Elles soutiennent que la marque "Marie & Cécile Albrecht" constitue ainsi un ensemble nouveau et indivisible.

La société Wolfberger demande par dernières conclusions datées du 22 août 2014, de déclarer le recours formé par Mme Cécile A et Mme Marie A mal fondé, en conséquence de confirmer la décision de l’INPI du 31 janvier 2014 portant rejet de la demande d’enregistrement du dépôt français n° 13 4 003 262 portant sur le signe verbal "Marie & Cécile Albrecht" en toutes ses dispositions, de condamner solidairement Mme Cécile A et Mme Marie A à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.

Elle rappelle que par jugement du 13 novembre 2012, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar a arrêté le plan de cession de la société Domaine Lucien Albrecht ; que les éléments corporels et incorporels de son fonds de commerce lui ont été cédés ; que parmi les éléments incorporels cédés figurent le nom commercial et l’enseigne « Lucien Albrecht » et « A » et différentes marques françaises, communautaires et internationales, les noms de domaine internet comportant « Lucien A ».

28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 5 of 10 Elle indique avoir découvert que dès la fin de l’année 2012 M. Jean A a procédé au dépôt de marques comportant les termes « A », « Jean A », « Marie A » ou « Cécile A », ou « Weid » pour désigner des vins et crémants d’Alsace, et qu’elle l’a mis en demeure de procéder au retrait des marques, et de cesser tout usage de la désignation « A » ou « Weid », pour désigner des boissons alcoolisées et tous produits et services similaires ; que la SARL Jean Albrecht, gérée par Mme Cécile A, fille de M. Jean A, a également été mise en demeure de cesser tout usage de la désignation « A » pour désigner les mêmes produits, et de modifier la dénomination sociale de la société ; qu’une autre société a encore été constituée dénommée "Marie & Cécile Albrecht", qui commercialise des vins et crémants d’Alsace sous les noms B Albrecht, Marie et Cécile A et Famille A ; que des noms de domaine comportant le terme « A » ont été réservés ; que la partie adverse crée et entretient une confusion dans l’esprit de la clientèle avec le fonds de commerce qu’elle a acheté dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Domaine Lucien Albrecht.

Elle fait valoir sur les moyens tirés de la comparaison des produits :

Que son opposition vise l’ensemble des produits revendiqués par la demande d’enregistrement, à savoir les boissons alcoolisées (à l’exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs), vins, spiritueux ; que ces produits sont identiques à certains des produits revendiqués par la marque communautaire antérieure « Lucien Albrecht », que les boissons alcooliques et les boissons alcoolisées sont formellement quasi-identiques, le terme « alcoolisées » ayant remplacé le terme « alcooliques » dans la 10e classification internationale des produits et services ; que s’il était considéré que ces produits ne sont pas identiques, il n’est pas contestable qu’ils sont à tout le moins fortement similaires dans la mesure où ils ont les mêmes nature, origine, fonction et destination.

Elle fait valoir sur la comparaison des signes :

Que sont en présence les marques « Lucien Albrecht » et "Marie & Cécile Albrecht" ; que la comparaison des signes en présence est fondée sur l’impression d’ensemble produite par chacun d’eux, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants ; que cette comparaison permet de conclure à la similitude de ces signes compte tenu de leurs fortes ressemblances intellectuelles, visuelles et phonétiques;

Que sur le plan conceptuel la marque antérieure « Lucien Albrecht », composée d’un prénom et d’un nom patronymique est parfaitement arbitraire pour désigner des boissons alcoolisées, de sorte qu’elle bénéficie d’un fort degré de distinctivité inhérente ; que le signe "Marie & Cécile Albrecht" est similairement composé de prénoms et du patronyme A ; que le prénom ne sert qu’à identifier un membre de la famille alors que le nom permet à lui seul d’identifier une personne physique appartenant à cette famille ; qu’en France les prénoms Lucie, Marie et C sont usuels alors que le patronyme A est inhabituel et peu répandu ; qu’ainsi lorsque les personnes résident dans le même village, un patronyme identique renvoie à des membres d’une même famille ; que le patronyme A conserve ainsi un caractère essentiel, dominant et immédiatement perceptible dans les deux signes en présence, de sorte que les signes sont fortement similaires sur le plan intellectuel ; 28/10/2014

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Qu’il doit par ailleurs dans l’appréciation du risque de confusion, qui comprend le risque d’association, être tenu compte de la nature des produits en cause ; qu’en matière de vins ou crémants, le consommateur est habitué à ce qu’une même maison décline sa marque constituée d’un patronyme avec plusieurs prénoms afin d’identifier différentes cuvées ; que le consommateur habitué à la marque « Lucien Albrecht », confronté à la marque "Marie & Cécile Albrecht" ne pourra que considérer que les vins et crémants commercialisés sous ces deux marques proviennent de la même maison, et ce à fortiori lorsque les personnes résident dans le même village ; qu’il ne s’agit pas d’une simple hypothèse théorique puisque la maison Lucien A ancienne titulaire de la marque « Lucien Albrecht » aux droits de laquelle elle vient a déjà commercialisé des vins et crémants sous les deux marques « Lucien Albrecht » et « Jean A » pour certains marchés ; que Mme Cécile A a de son côté déposé la marque « Famille Albrecht », et déposé pour la société Jean Albrecht dont elle est gérante la marque « Jean Albrecht », ce qui démontre sa volonté de décliner pour sa même entreprise plusieurs marques composées du patronyme Albrecht avec un prénom ;

Que sur le plan visuel les signes en présence sont des marques verbales, composées de deux mots d’une longueur identique de 14 lettres, en lettres d’imprimerie majuscules en noir et blanc ; que cette configuration d’ensemble identique des signes est source d’une première confusion visuelle ; que sur 14 lettres du signe contesté, 8 lettres formant la totalité du second mot, sont strictement identiques à la marque antérieure et dans le même ordre ; qu’un consommateur d’attention moyenne qui ne dispose pas des marques sous les yeux au même moment, et n’en garde qu’un souvenir imparfait, va conserver une même impression visuelle d’ensemble ;

Que sur le plan phonétique, les deux signes présentent également de très fortes similitudes ; que les trois syllabes finales sont identiques et dans le même ordre ; que le signe "Marie & Cécile Albrecht« constitue donc l’imitation de la marque antérieure »Lucien Albrecht" ;

Que la constitution d’une nouvelle activité autour de nouvelles marques, qui se placent dans le sillage de la marque « Lucien Albrecht », crée nécessairement une confusion qui lui est préjudiciable ; que la multiplication des signes comportant le mot « A » est révélatrice de la mauvaise foi de la partie adverse et de sa volonté de créer et d’entretenir une confusion dans l’esprit du consommateur moyen ; que l’identité des produits renforce le risque de confusion ;

Que la situation des viticulteurs Meyer est différente parce que plusieurs viticulteurs coexistent depuis l’origine avec des prénoms différents, mais qu’il n’y a toujours eu qu’une seule société Domaine Lucien Albrecht connue du consommateur, de sorte que le consommateur ne pourra qu’attribuer l’usage du patronyme A à cette société ou son successeur en droit.

Elle indique que Mmes C et Marie A ne remplissent pas les conditions de l’article L 713-6 a) du Code de la propriété intellectuelle leur permettant d’employer leur nom comme signe identique ou similaire, et que cet article ne couvre pas l’usage à titre de marque. 28/10/2014

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Le Directeur général de l’INPI développe dans ses dernières écritures reçues au greffe le 1er juillet 2014 :

— sur la comparaison des produits : que le libellé « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » permet de délimiter le contenu de cette catégorie ; qu’il est en effet immédiatement perçu et délimité comme regroupant l’ensemble des boissons contenant de l’alcool éthylique, obtenues principalement par distillation, fermentation ou macération, destinées à un public adulte et dont la vente et la consommation sont réglementées ; que c’est donc à bon droit que l’INPI a comparé ces produits avec ceux de la demande d’enregistrement et a pu en conclure qu’ils étaient identiques ou à tout le moins similaires

— sur la comparaison des signes "Marie & Cécile Albrecht« et »Lucien A" : qu’il ne pouvait que retenir l’existence d’un risque de confusion entre eux ; que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que l’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; que le risque de confusion comprend le risque d’association, qui conduit le public distinguant les marques à croire que les produits qu’elles couvrent proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement ; que les deux marques sont purement verbales et composées d’un terme final « A » identique ; que la circonstance que les termes d’attaque du signe contesté sont différents ne suffit pas à exclure tout risque de confusion direct ou indirect dès lors que les signes conservent une architecture globale similaire et une évocation conceptuelle très proche ; qu’ils renvoient à un même nom patronymique et par voie de conséquence à une même famille ; qu’il en résulte une impression d’ensemble très proche entre les deux signes qui risquent d’être confondus par le consommateur moyen ne les ayant pas simultanément sous les yeux, ou à tout le moins d’être associés dans son esprit comme des déclinaisons provenant d’une même entreprise ou d’entreprises liées ; que le consommateur attache en général plus d’importance au nom de famille qu’au prénom qui apparaît secondaire, que le terme A est donc prédominant dans les deux signes ; que le patronyme est arbitraire par rapport aux boissons alcoolisées visées par les signes et que de ce fait il présente intrinsèquement un pouvoir distinctif important ; qu’il n’est pas fait un usage banal du nom A à titre de marque pour les produits en cause ; que c’est bien le nom patronymique et non le prénom qui apparaît déterminant pour identifier une origine commerciale ou professionnelle dans les usages des affaires.

SUR CE :

Attendu que l’article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle énonce que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : « b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement » ;

Attendu que la marque « Lucien Albrecht » a été enregistrée par l’INPI dans 28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 8 of 10 la classe 33, boissons alcooliques (à l’exception des bières), dès le 20 avril 1994, puis avec modification le 19 mars 1998 ; qu’elle a été renouvelée ;

Que Mme Cécile A et Mme Marie A ont déposé le 6 mai 2013 une demande d’enregistrement de la marque "Marie & Cécile Albrecht" dans la même classe ;

Attendu qu’il y a identité ou à tout le moins similarité des boissons concernées par la marque "Marie & Cécile Albrecht« avec les produits concernés par la marque »Lucien Albrecht" ;

que les boissons alcoolisées appartiennent à la catégorie plus générale des boissons alcooliques (qui ne contient pas les bières qui relèvent de la classe 32) ; qu’il n’y a pas lieu de retenir que la désignation « boissons alcooliques » est trop vague alors que comme l’indique le Directeur général de l’INPI, celle-ci est immédiatement perçue et délimitée comme regroupant l’ensemble des boissons contenant de l’alcool éthylique, obtenues principalement par distillation, fermentation ou macération, destinées à un public adulte dont la vente et la consommation sont réglementées ;

Attendu que les signes verbaux déposés comme marques "MARIE & CECILE ALBRECHT« et »LUCIEN A« ont une même présentation, sont écrits en lettres majuscules noires, comportent le nom »A" en position finale ;

Qu’ils présentent une similitude visuelle compte tenu de leur présentation, et en ce que les premiers mots sont des prénoms et le dernier mot est un nom de famille, celui-ci étant identique dans les deux signes ; qu’ils présentent cependant aussi à ce niveau une dissemblance en ce qu’il y a pour l’une deux prénoms féminins en début de signe (Marie de C) et pour l’autre un prénom masculin en début de signe (Lucien) ;

Qu’ils présentent également une similitude auditive partielle du fait de la présence du nom « A » ;

Qu’ils présentent surtout une similitude conceptuelle en ce qu’associant un ou des prénoms à un même nom, ils attribuent aux produits une identité, une origine ;

Attendu que dans les deux signes le nom « A » est distinctif puisque c’est lui qui permet d’attribuer aux produits une origine, qui les identifie ; que les prénoms qui le précèdent, même s’ils correspondent à celui du grand père des sœurs A, et à ceux des soeurs A qui ont sollicité l’enregistrement de la marque, ne sont pas particulièrement significatifs, alors que plusieurs demandes d’enregistrement de marques comportant un prénom ou seulement les termes « Famille A » ont été effectuées par Mme Cécile A pour aboutir à obtenir au moins l’enregistrement d’une marque comportant le nom A ;

Attendu qu’il ne peut qu’être constaté qu’il y a imitation partielle de la marque « Lucien Albrecht » par le signe "Marie & Cécile Albrecht" en ce que ce dernier comporte le même patronyme ;

28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 9 of 10 Attendu que les deux signes en présence évoquent une identité familiale ; que cette identité est la même dans les deux signes ;

Que cette similitude des signes peut laisser penser que les produits sont issus d’une même exploitation, ou d’entités économiques liées ; que ce risque d’association est d’autant plus important que si Mme Marie A et Mme Cécile A rapportent que le nom patronymique A est retrouvé dans différentes régions françaises, et dans le département du Haut-Rhin, elles ne justifient pas d’autres familles A ayant une activité de viniviticulture à Orschwihr, en dehors d’un viticulteur René A que son identité complète distingue de la famille portant le patronyme isolé A, ni même dans le vignoble alsacien, et qu’elles multiplient les signes comportant le mot « A » ;

Qu’elle est ainsi de nature à créer une confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne n’ayant pas les deux marques sous les yeux ou dans un temps rapproché à l’oreille, qui retiendra principalement le mot « A » et sera conduit à penser que les produits proviennent de la même entreprise à qui il attribuera la propriété des deux marques, ou d’entreprises liées économiquement ;

Qu’il peut être précisé que le public concerné par le risque de confusion est tant l’amateur qui cherche la marque « Albrecht » mais qui n’en connaît pas le titulaire, qu’un public local qui a connu la maison Lucien A, sa déconfiture, son rachat par la société Wolfberger qui a conservé à son service Mme Cécile A pendant un temps, de sorte qu’il a une conscience des liens ayant existé entre la société Wolfberger et la famille A, et fait un rapprochement entre elles, que le public qui n’a pas eu connaissance de la déconfiture de la société Lucien Albrecht et qui subodore l’existence de relations d’affaires entre la famille A et la société Wolfberger ;

Attendu qu’il convient compte tenu de ce qui précède, de retenir que Mme Cécile A et Mme Marie A se sont rendues coupables de contrefaçon de marque par imitation, que la décision du Directeur général de l’INPI du 31 janvier 2014 qui a rejeté la demande d’enregistrement est bien fondée, et de débouter Mme Cécile A et Mme Marie A de leur demande en nullité de ladite décision ;

Attendu qu’il est équitable de faire application de l’article 700 du CPC au profit de la société Wolfberger ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DEBOUTE Mme Cécile A et Mme Marie A de leur demande en annulation de la décision du Directeur général de l’INPI du 31 janvier 2014 portant rejet de la demande d’enregistrement du dépôt français n° 13 4 003 262 portant sur le signe verbal « Marie et Cécile Albrecht ».

DEBOUTE Mme Cécile A et Mme Marie A de leur demande au titre de l’article 700 du CPC.

CONDAMNE Mme Cécile A et Mme Marie A à payer à la société 28/10/2014

COUR D’APPEL DE COLMAR Page 10 of 10 coopérative agricole Wolfberger la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

CONDAMNE Mme Cécile A et Mme Marie A aux dépens de l’instance.

28/10/2014

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