Cour d'appel de Colmar, 21 mars 2016, n° 15/00481

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 21 mars 2016, n° 15/00481
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/00481
Décision précédente : Tribunal d'instance de Mulhouse, 11 décembre 2014

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 16/0289

Copie exécutoire à :

— Me Katja MAKOWSKI

— Me Laurence FRICK

Le 21/03/2016

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 21 Mars 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A 15/00481

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 décembre 2014 par le tribunal d’instance de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur A Z

XXX

XXX

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour

INTIMEE :

Société CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 février 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme WOLF, Conseiller

Mme FABREGUETTES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Y

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Annie MARTINO, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur A Z a bénéficié du concours de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges sous forme d’un prêt immobilier d’un montant de 234 700 euros souscrit en décembre 2007 pour l’acquisition d’une maison à Rixheim.

Monsieur Z a voulu vendre ce bien courant 2013 et en novembre 2013 il a sollicité la banque pour demander une suspension des échéances de remboursement le temps de cette vente, le contrat permettant une suspension temporaire de six mois.

Le Crédit Agricole n’a accepté qu’un mois de report en décembre 2013 et Monsieur Z a donc saisi le tribunal d’instance de Mulhouse pour demander sur le fondement des articles 1244-1 et suivants du code civil le report du paiement des échéances de janvier et février 2014 avec intérêts réduits, ainsi que la condamnation de la banque, outre aux dépens de l’instance, à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et un montant de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Credit Agricole a conclu au débouté et demandé un même montant de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 12 décembre 2014, le tribunal a débouté Monsieur Z de ses prétentions et l’a condamné aux dépens, estimant sa demande insuffisamment fondée.

Monsieur Z a interjeté appel le 22 janvier 2015 et, par conclusions déposées le 22 décembre 2015, il demande l’infirmation du jugement, qu’il soit dit que les échéances de janvier et février 2014 de son prêt immobilier seront reportées avec allongement corrélatif de la durée du prêt, que la banque soit tenue de présenter un nouveau décompte sans application d’intérêts de retard aux mensualités de janvier, février, mai à septembre 2014, que le reliquat ainsi déterminé soit lui aussi reporté sans application d’intérêts avec toujours allongement de la durée résiduelle du prêt, que la banque soit condamnée, outre aux dépens des deux instances, à lui payer une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts et un montant de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit Agricole demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Z aux dépens d’appel et à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient pour apprécier le bien fondé de la demande, d’une part, de rechercher si les conditions du contrat permettaient le report des échéances tel que demandé par Monsieur Z et donc si la banque a commis une faute en le refusant, justifiant l’octroi de dommages et intérêts, d’autre part, si l’appelant remplissait les conditions pour bénéficier de délais de paiement en application des articles 1244-1 et suivants du code civil, observation étant faite qu’initialement Monsieur Z ne demandait que le report des échéances de janvier et février 2014 et qu’il a élargi sa demande à hauteur de cour au report du solde du pour la période de janvier, février et mai à septembre 2014.

Sur le premier point, il est relevé que le contrat définit plusieurs options dites «souplesse» permettant :

' les «options standard», sous certaines conditions, soit une modulation du montant des échéances de plus ou moins 30%, soit une pause mensualité d’un mois, soit le paiement d’une double mensualité,

' les «options temporaires court terme», soit de suspendre le paiement des échéances du prêt (intérêts et capital) pendant une durée maximale de six mois, soit de réduire le montant des échéances du prêt de 50 %, par rapport à la dernière mensualité payée, pendant une durée de 12 mois, le contrat définissant ensuite les conditions de la reprise du remboursement au terme de la période de suspension ou de réduction,

' une «option temporaire projet», la faculté de minorer le montant des échéances du prêt pendant une durée déterminée comprise entre 24 mois au minimum et 84 mois au maximum.

Le contrat précise par ailleurs les modalités de mise en oeuvre des options, notamment les possibilités d’options successives et les cas où l’exercice des options peut être refusé, entre autres si l’emprunteur n’est pas à jour dans le paiement de tous les financements qui lui ont été consentis par le prêteur.

En l’espèce, Monsieur Z produit un échange de courriels avec des employés du Crédit Agricole et un document à l’en-tête du Crédit Agricole, intitulé «simulation de pause crédit émise le 25/10/2013, fin de validité le 13/11/2013» signé par lui à Atlanta le 30 octobre 2013, d’où il ressort qu’une demande avait été faite par lui au mois d’octobre pour le report à compter du 15 novembre 2013 de trois échéances de son prêt, avec reprise du paiement de l’échéance normale le 15 février 2014, mais que le Crédit Agricole a encore prélevé l’échéance du 15 novembre qui n’a été cependant qu’en partie payée.

Comme il s’est étonné par mail du 18 novembre de ce prélèvement il lui a été répondu le lendemain que sa demande n’était parvenue par voie postale que le 14 novembre, que l’échéance de novembre avait été prélevée car le dossier n’était pas complet, que la demande de pause allait être présentée à la direction et qu’il était invité à régulariser l’échéance en retard afin de permettre cette présentation de la demande.

Ensuite, une employée de l’agence de Dornach, Madame X, lui a fait savoir, toujours par un mail daté du 3 décembre 2013 : «ci joint la pause pour le mois de décembre ('). Nous n’avons pas eu plus d’explication quant à votre refus de notre précédente demande.»

Il ressort de ces éléments, alors que de son côté l’intimée ne produit aucune pièce autre que le contrat de prêt, que, bien que le document susvisé mentionne pour nature d’option une «pause d’échéance» , qui ne correspond à aucune des dénominations des pauses prévues par le contrat, Monsieur Z a entendu exercer fin octobre 2013 l’option temporaire à court terme qui permet une suspension des échéances de remboursement du prêt pendant une durée maximale de six mois et ceci pour trois mois seulement à compter de l’échéance de novembre 2013.

Or, alors qu’il n’est pas démontré qu’il n’aurait pas été au moment de cette demande à jour de ses paiements et ne remplissait donc pas les conditions d’exercice des «options souplesse», la banque ne lui a finalement accordé que le report d’une seule échéance, celle de décembre 2013, alors qu’il n’avait pas choisi initialement l’option «pause mensualité», sans justifier de son refus de lui accorder le report de deux mois supplémentaires, qui aurait pu concerner les mois demandés, avec remboursement de la somme déjà prélevée en novembre, ou sur rectification de sa demande les deux mois suivants de janvier et février 2014.

Il est précisé à ce sujet que Monsieur Z ne pouvait se voir opposer le fait que l’échéance de novembre 2013 n’avait pas pu être totalement prélevée, alors précisément qu’il avait sollicité le report de cette échéance et qu’il ne doit qu’à une circonstance indépendante de sa volonté, le délai d’acheminement de sa demande par voie postale depuis les Etats-Unis, le fait que celle-ci n’ait pu être examinée à temps, ce dont la banque, qui se devait d’attendre le retour du document qu’elle avait elle-même établi à l’attention de l’emprunteur pour matérialiser sa demande dont elle avait parfaitement connaissance, ne pouvait pas lui tenir rigueur.

Par ailleurs, il n’est pas démontré par le Crédit Agricole que, comme il semble le sous entendre dans ses écrits, Monsieur Z n’aurait en fait opté que pour une «pause mensualité» circonscrite à la mensualité de décembre 2013, ce que dément le document susvisé émis par elle et le mail de Madame X, d’où il ressort que ce report ne lui a été accordé, alors qu’il n’avait pas encore retourné de demande en ce sens qu’elle lui demandait de signer, que par suite du refus non expliqué de sa précédente demande.

En tout cas, le Crédit Agricole, qui ne justifie toujours pas à hauteur de cour pour quel motif il a refusé à Monsieur Z le bénéfice de l’option temporaire que lui garantissait le contrat pour ne lui accorder qu’un mois de report après l’avoir contraint à changer d’option, n’a pas exécuté de bonne foi ce contrat et il sera dès lors fait droit, après infirmation du jugement entrepris, à la demande de Monsieur Z, à la fois en report des échéances de janvier et février 2014, sans intérêts supplémentaires et avec allongement d’autant de la durée du crédit, en application du contrat, et en dommages et intérêts pour le préjudice subi par lui du fait de cette attitude dommageable de la banque, que la cour fixe en l’occurrence au montant de 1 000 euros qu’elle juge suffisant pour indemniser ce préjudice.

S’agissant du second point, qui est finalement circonscrit au report des mensualités de mai à septembre 2014 inclus, du moins pour leur solde car elles ont été partiellement honorées, qui n’avait été demandé ni dans un cadre contractuel, ni en première instance, mais que Monsieur Z sollicite à présent soit dans le cadre contractuel, soit dans le cadre légal, il doit d’abord être observé qu’il ne saurait intervenir en application du contrat puisque l’appelant avait déjà demandé un report de trois mois, puis subsidiairement un report d’une échéance, et que ces cinq mois supplémentaires porteraient la durée totale du report à huit mois alors que le contrat n’autorise à titre temporaire que six mois, outre qu’il stipule que l’exercice d’une nouvelle option n’est possible qu’après paiement de «l’échéance de reprise», condition dont il n’est pas établi qu’elle a été remplie en l’espèce.

Il est ensuite rappelé que le juge ne peut procéder au report ou au rééchelonnement de sommes dues que dans la limite de deux années et compte tenu de la situation du débiteur et des besoins du créancier et que ce n’est que par une décision spéciale et motivée qu’il peut prescrire en outre que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit, qui ne peut être inférieur au taux légal ' et non supprimer toute imputation d’intérêts.

En l’espèce, il est certain que le départ aux Etats-Unis de Monsieur Z pour les besoins de son travail, alors que la somme empruntée avait servi à l’achat de sa résidence principale de Rixheim, comme l’indique clairement le contrat, qu’il a été contraint de quitter pour se reloger sur son nouveau lieu de vie et qu’il a vainement cherché à vendre, après l’avoir donné un temps en location, avant de consentir un nouveau bail en septembre 2014 dont le loyer ne couvre pas entièrement les mensualités du prêt, a obéré un temps les finances de l’appelant, qui justifie, pièces à l’appui, de l’ensemble des dépenses qu’il expose et d’un reste à vivre, après déduction de toutes les charges fixes, de 786 dollars, qui était insuffisant pour honorer les mensualités de son emprunt.

Les conditions sont donc réunies pour lui accorder le report du paiement, mais pour le maximum légal de deux ans seulement et non pour la fin du prêt avec allongement d’autant de sa durée, que le juge ne peut consentir, du solde des mensualités de mai à septembre 2014, qu’il devra acquitter à la fin de ce délai ou pourra, bien qu’il n’ait pas fait de demande spécifique en ce sens, régler de manière échelonnée durant ce délai en sus des mensualités courantes.

Il n’y a pas lieu par contre de réduire le taux des intérêts appliqué à ces échéances, qui est à peine supérieur au taux légal majoré, à ce taux légal.

Il est rappelé que ce report interdit tout acte d’exécution contre le débiteur et remet en question la déchéance du terme du prêt prononcée en l’espèce par la banque sans attendre l’issue de la procédure.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole, qui succombe, gardera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable par ailleurs d’allouer à Monsieur Z une somme de 2 000 euros pour ses frais autres que les dépens exposés lors des deux instances.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

DIT que les échéances des mois de janvier et février 2014 du prêt immobilier souscrit en décembre 2007 par Monsieur A Z auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges sont reportées, sans intérêts supplémentaires, en fin du crédit dont la durée sera allongée d’autant ;

ORDONNE en application de l’article 1244-1 du code civil le report pour une durée de deux ans du paiement du solde des mensualités de ce même prêt pour les mois de mai à septembre 2014 inclus ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à payer à Monsieur A Z les sommes de :

'1 000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

'2 000 euros (deux mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Monsieur A Z du surplus de ses prétentions ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente de chambre

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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