Cour d'appel de Colmar, 5 février 2016, n° 14/01232

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 5 févr. 2016, n° 14/01232
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 14/01232
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 20 février 2014

Texte intégral

PB

MINUTE N° 92/2016

Copies exécutoires à

Maître HARNIST

La SCP CAHN & ASSOCIÉS

XXX

Le 05 février 2016

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 05 février 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 14/01232

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 février 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE

APPELANTE et défenderesse :

XXX

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Maître HARNIST, avocat à COLMAR

INTIMÉS :

— demandeur :

1 – Monsieur Y X

XXX

XXX

représenté par la SCP CAHN & ASSOCIÉS, avocats à COLMAR

— défenderesse :

2 – La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE ALSACE

VOSGES

prise ne la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

représentée par XXX, avocats à COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller

Madame Pascale BLIND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Le Crédit Agricole d’Alsace a consenti à M. X en 1998 un prêt immobilier d’un montant de 367 600, 78 CHF, arrivé à échéance le 10 juillet 2013. Un second prêt immobilier de 86 792 CHF lui a été a accordé en 2009, toujours en cours.

En garantie de ces prêts, M. X a souscrit deux contrats d’assurance auprès de la SA CNP assurances couvrant les risques décès, invalidité permanente absolue et incapacité temporaire totale.

A la suite d’un arrêt de travail à compter du 17 septembre 2010, pour névrite vestibulaire, prolongé jusqu’en 2012 pour aboutir à la mise en invalidité, M. X a sollicité la prise en charge par l’assurance des échéances de prêt, au titre de la garantie ITT.

Par courrier du 11 juillet 2011, la SA CNP assurances l’a informé du rejet de sa demande en se prévalant de la nullité des contrats pour fausse déclaration intentionnelle résultant de ses réponses aux questionnaires de santé.

Par acte introductif d’instance du 23 novembre 2012, suivi de conclusions du 20 août 2013, M. X a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse afin qu’il condamne la SA CNP assurances à prendre en charge la totalité des échéances des deux prêts échues de janvier 2011 au 25 avril 2012, date de son 60e anniversaire, soit la somme totale de 34 830 euros. Il sollicitait également qu’il soit jugé que la garantie décès souscrite au titre du second prêt lui reste acquise et que le jugement à intervenir soit déclaré opposable à la SA Crédit Agricole Alsace Vosges.

Par jugement du 21 février 2014 déclaré exécutoire par provision, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

— déclaré valable le contrat d’assurance souscrit par M. Y X auprès de la société CNP Assurances, en garantie du prêt souscrit auprès du crédit agricole en 1998,

— réservé les droits des parties en cas de litige futur sur l’application de ce contrat à la situation de M. X,

— déclaré nul pour fausse déclaration intentionnelle le contrat d’assurance souscrit par M. X en garantie du prêt consenti auprès du crédit agricole en 2009,

— débouté M. X de ses demandes au titre de ce contrat entaché de nullité,

— déclaré le jugement opposable à la SA Crédit Agricole Alsace Vosges,

— laissé à chaque partie la charge de ses frais et dépens.

Le tribunal a considéré, que si M. X a commis une fausse déclaration intentionnelle en ne répondant pas par l’affirmative à la question relative au traitement pour hypertension artérielle dans le questionnaire de santé du 31 décembre 2009, il n’en était pas de même en ce qui concerne sa réponse au questionnaire de santé du 10 mai 1998, dans la mesure où la question posée sur l’existence d’un traitement pour troubles cardiaques était ambiguë pour un néophyte ne faisant pas forcément le lien entre ces troubles et une simple hypertension artérielle.

*

La SA CNP assurances a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 7 mars 2014.

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 septembre 2014, elle demande à la cour de confirmer la décision quant au prononcé de la nullité du contrat d’assurance souscrit en garantie du prêt contracté en 2009, de l’infirmer pour le surplus, de prononcer la nullité du contrat d’assurance souscrit en garantie du prêt contracté auprès du Crédit Agricole Alsace Vosges en 1998, rejeter l’ensemble des demandes de ce chef, condamner l’intimé aux dépens ainsi qu’au paiement d’un montant de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle sollicite qu’il soit constaté que M. X n’apporte pas la preuve qu’il remplit les conditions lui permettant de bénéficier des garanties souscrites et qu’aucune prise en charge ne pourra intervenir au-delà de son 60e anniversaire ; à titre infiniment subsidiaire, elle demande qu’il soit jugé qu’une prise en charge des échéances du prêt ne pourra s’exercer que dans les limites et termes contractuels au profit du seul organisme prêteur.

Se prévalant des dispositions de l’article L. 113-8 du code des assurances, la SA CNP assurances fait valoir que M. X, qui souffrait d’une hypertension artérielle pour laquelle il était traité depuis 1997, a commis une fausse déclaration intentionnelle en répondant par la négative le 10 mai 1998 aux questions claires et précises portant sur l’existence d’un traitement pour troubles cardiaques englobant, selon elle, l’hypertension artérielle, sur l’atteinte passée ou actuelle d’une maladie chronique, d’une infirmité, d’une affection récidivante ou de séquelles et sur l’existence d’un traitement médical en cours.

Il en est de même pour sa réponse au questionnaire de santé rempli le 31 décembre 2009 portant sur l’existence d’un traitement pour troubles cardiaques ou vasculaires et hypertension artérielle.

Selon l’appelante, ces fausses déclarations étaient nécessairement intentionnelles, dès lors que les questions étaient dépourvues de toute ambiguïté, et que M. X n’avait pu oublier, en particulier le jour de la signature du premier questionnaire de santé, cette affection qui l’obligeait à suivre un traitement depuis moins d’un an.

L’appelante soutient, d’autre part, que l’existence d’une hypertension artérielle, qui constitue un facteur de risque de complications cardio-vasculaires, était objectivement de nature à diminuer l’opinion du risque pour l’assureur.

*

M. X a conclu le 28 juillet 2014 à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré nul le contrat d’assurance souscrit en garantie du prêt consenti par le Crédit Agricole en 2009 et sollicite que la cour déclare valable ce contrat d’assurance. Il conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus, à la condamnation de la SA CNP assurances aux dépens des deux instances ainsi qu’au paiement d’une somme de 2 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que sa déclaration faite dans le cadre du premier questionnaire de santé n’était pas inexacte, puisqu’il ne souffrait pas de troubles cardiaques, et qu’en tout état de cause, cette prétendue fausse déclaration n’était manifestement pas intentionnelle dans la mesure où il ne pouvait savoir que les termes « troubles cardiaques » étaient susceptibles d’englober l’hypertension.

S’agissant du questionnaire de santé du 31 décembre 2009, il indique qu’il a tout naturellement repris les réponses qu’il avait données antérieurement pour le premier contrat et qu’il appartenait à la compagnie d’assurances d’attirer son attention sur la modification du texte du questionnaire qui, cette fois-ci, faisait référence expressément à l’hypertension. Sa bonne foi serait confortée par le fait que le médecin qui a rempli l’attestation médicale d’incapacité-invalidité après son arrêt de travail a mentionné comme seule affection à l’origine de l’arrêt de travail « névrite vestibulaire », sans évoquer un quelconque problème cardiaque.

*

Par conclusions reçues le 22 juillet 2014, la caisse régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges demande à la cour de constater qu’elle n’est intervenue qu’en qualité d’intermédiaire entre l’emprunteur et l’organisme d’assurance, qu’aucune conclusion n’a été dirigée à son encontre, de condamner la partie succombante aux dépens de la procédure d’appel.

*

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2015.

Pour l’exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions respectives susvisées.

MOTIFS

Sur la validité du contrat d’assurance souscrit en 1998

Pour bénéficier des garanties offertes par la SA CNP assurances, M. X a signé une demande d’adhésion à laquelle été jointe un questionnaire de santé obligatoire.

Il a rempli ce questionnaire le 10 mai 1998 en répondant par la négative aux questions suivantes :

n° 10 : avez-vous subi un traitement pour troubles cardiaques ' d’autres traitements de plus d’un mois '

n° 11 : êtes-vous atteint ou avez-vous été atteint d’une maladie chronique, d’une infirmité, d’affections récidivantes ou de séquelles '

n° 12 : êtes-vous sous surveillance médicale ' êtes-vous en cours de traitement médical '

Or, il résulte d’un certificat médical du 20 mai 2011 que l’intéressé est traité depuis 1997 pour une hypertension artérielle, de même que pour des lombalgies sur discopathie et arthrose. Ce certificat médical rejoint les termes de l’attestation médicale d’incapacité-invalidité remplie en février 2011 par l’assuré et le médecin traitant mentionnant, au titre des antécédents, outre l’hypertension artérielle, l’existence d’une importante arthrose lombaire ayant entraîné des arrêts de travail depuis 1997.

Dès lors, M. X ne pouvait répondre par la négative aux questions relatives à l’existence d’une maladie chronique, d’un traitement et d’une surveillance médicale. S’il est concevable que l’intéressé ait pu ne pas comprendre que les troubles cardiaques englobaient l’hypertension, les autres questions étaient dépourvues de toute ambiguïté. En répondant le 10 mai 1998 qu’il n’était soumis à aucun traitement ni à aucune surveillance médicale, alors qu’il était traité et suivi depuis l’année précédente pour l’hypertension et d’autres affections, M. X a nécessairement commis une fausse déclaration intentionnelle.

L’hypertension artérielle, qui constitue un facteur de risque de complications cardio-vasculaires, était objectivement de nature à changer l’opinion du risque pour l’assureur. Ainsi, il résulte de l’attestation de la Direction souscription et maîtrise des risques d’assurance de la CNP que l’appelant aurait été admis à l’assurance dans des conditions tarifaires et de couverture différentes, la garantie incapacité temporaire totale étant exclue dans ce cas.

Par conséquent, le contrat doit être déclaré nul en application de l’article L. 113-8 du code des assurances, le fait que le risque omis ait été sans incidence sur la réalisation du sinistre étant sans incidence.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. X de ses prétentions au titre de ce premier contrat.

Sur la validité du contrat d’assurance souscrit en 2009

Le questionnaire rempli par M. X le 31 décembre 2009 comporte la question : avez-vous subi un traitement pour troubles cardiaques ou vasculaires, hypertension artérielle '

Or, l’intéressé a encore une fois répondu de manière erronée par la négative, alors que la question mentionnant cette fois expressément l’hypertension artérielle était particulièrement claire et précise et que son attention était attirée dans le questionnaire sur la nécessité de répondre à toutes les questions de façon complète et sincère sous peine d’encourir la sanction de la nullité de l’assurance.

De même, il a persisté à nier l’existence d’un traitement médical en cours.

Ces réponses conduisent à écarter la bonne foi de l’assuré, qui prenait régulièrement un traitement pour l’hypertension depuis plus de 10 ans, ce dont il était nécessairement conscient.

Pour les mêmes motifs que précédemment, le contrat d’assurance souscrit en garantie du prêt accordé par la SA Crédit Agricole Alsace Vosges en 2009 doit être annulé.

Le jugement déféré sera donc confirmé cet égard.

Sur la mise en cause de la SA Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges

Il y a lieu de constater qu’aucune conclusion n’a été dirigée à l’encontre du Crédit Agricole Alsace Vosges.

Sur les frais et dépens

M. X, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA CNP assurances les frais irrépétibles qu’elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du contrat d’assurance souscrit par M. Y X en garantie du prêt contracté auprès du Crédit agricole en 1998, réservé les droits des parties quant à l’application de ce contrat et condamné chacune d’elles à supporter ses propres frais et dépens ;

statuant à nouveau sur ces trois points,

PRONONCE la nullité du contrat d’assurance souscrit en 1998 par M. Y X auprès de la SA CNP Assurance en garantie du prêt de 367 600,78 CHF (trois cent soixante sept mille six cents francs suisse et soixante dix-huit centimes) contracté auprès du Crédit Agricole d’Alsace la même année ;

REJETTE les demandes de M. Y X à ce titre ;

CONDAMNE M. Y X à l’intégralité des dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE M. Y X aux entiers dépens d’appel ;

REJETTE les demandes respectives des parties formées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code des assurances
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