Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 4 juin 2020, n° 19/03438

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 4 juin 2020, n° 19/03438
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/03438
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 17 juillet 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CG

MINUTE N° 145/2020

Copies exécutoires à

Maître FRICK

Maître BRUNNER

Le 04 juin 2020

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 04 juin 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 19/03438 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HEYY

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 18 juillet 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTS et demandeurs :

1 – Monsieur K-L X

2 – Madame G I-M H épouse X

demeurant ensemble […]

[…]

représentés par Maître FRICK, avocat à la Cour

INTIMÉ et défendeur :

Monsieur D A

demeurant […]

[…]

représenté par Maître BRUNNER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et de

l’ordonnance de Madame la Première Présidente du 31 mars 2020, l’affaire a été mise en délibéré au 04 juin 2020 sans audience, les parties ayant expressément donné leur accord, devant la Cour, composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

qui en ont délibéré.

ARRET Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte sous-signature privée du 31 janvier 2019, passé par l’entremise de l’agence LC immo, les époux X ont acheté, sous conditions suspensives, à M. Z et Mme I J B, divorcée Z, les lots 29 (appartement), […] et […],) situés dans la résidence 'Le Broglie', […].

L’agence C Immo était également titulaire d’un mandat sans exclusivité pour la vente de ces biens.

M. A, faisant valoir qu’il avait lui-même offert de les acheter, en adressant un mail en ce sens le 14 janvier 2019 à cette agence, laquelle lui avait indiqué, par mail du lendemain, que son offre avait été acceptée, a saisi, par requête du 28 janvier 2019, dirigée contre M. Z et Mme I J B, divorcée Z, le président du tribunal de grande instance de Strasbourg, pour obtenir l’inscription d’une prénotation au Livre foncier de son droit de propriété, sur le fondement de l’article 39 de la loi du 1er juin 1924.

Il soutenait qu’un accord sur la chose et sur le prix était intervenu antérieurement à la signature de l’acte au profit des époux X et que la vente était parfaite conformément à l’article 1583 du code civil, de sorte que son droit de propriété devait faire l’objet d’une prénotation, avant la réitération par acte authentique de la vente au profit des époux X.

Par ordonnance du 31 janvier 2019, le président du tribunal de grande instance de Strasbourg a autorisé M. A à inscrire la prénotation de 'l’interdiction d’aliéner' les biens au Livre foncier de Strasbourg.

Parallèlement, M. A a assigné, le 7 mars 2019, M. Z et Mme B, divorcée Z, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, au fond, aux fins de les voir condamnés à passer l’acte de vente, et en dommages et intérêts.

Par acte d’huissier délivré le 7 mars 2019, les époux X, acquéreurs du bien suivant l’acte précité du 31 janvier 2019, ont assigné M. A en référé, devant le président du

tribunal de grande instance de Strasbourg, aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête et de mainlevée de la prénotation.

Les vendeurs, M. Z et Mme B, divorcée Z, sont intervenus volontairement à l’instance.

Par ordonnance du 18 juillet 2019, les époux X ont été déboutés de leur demande en rétractation et de celle, additionnelle, en dommages et intérêts ; ils ont été condamnés aux dépens et, solidairement avec les vendeurs, à payer à M. A la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le juge des référés a estimé que la seule vraisemblance de l’existence d’un droit était suffisante pour permettre l’inscription d’une prénotation, dont l’objet était de garantir le rang du droit litigieux, et qu’en l’espèce, les éléments produits étaient suffisants pour accréditer la vraisemblance d’une atteinte au droit de M. A, la question de la validité de la vente à M. A, notamment au regard des pouvoirs d’un mandataire des vendeurs, étant de la compétence de la juridiction du fond, saisie de la réitération de la vente.

*

Les époux X ont interjeté appel le 30 juillet 2019 de l’ordonnance du 18 juillet 2019.

Par conclusions du 20 avril 2020, ils demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée, de rétracter l’ordonnance sur requête, d’ordonner la mainlevée de la prénotation inscrite en exécution de celle-ci, et de condamner l’intimé à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, résultant du blocage de la vente à leur profit, outre 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à payer les dépens de première instance et d’appel.

Ils contestent le principe de la prénotation, comme la nature de la mesure ordonnée.

Sur le principe, ils font valoir que celui à qui la prénotation fait grief peut faire valoir toutes objections utiles contre l’existence même du droit ; qu’en l’espèce, Mme C n’avait pas le pouvoir d’engager ses mandants, faute de stipulation expresse du contrat de mandat, lequel ne lui permettait que de mettre en relation les personnes pour conclure la vente ; que la Cour de cassation rappelle que le mandat apparent ne permet pas de mettre en échec les exigences d’ordre public de la loi du 2 janvier 1970 ; que M. Z n’avait pas seul le pouvoir de vendre le bien en indivision ; que Mme B (non intimée) a fait valoir en première instance ne pas avoir accepté l’offre et ne pas avoir été destinataire des échanges entre son ex-mari et le notaire, ni du projet de compromis ; qu’aucun document ou mail produit n’émane d’elle qui justifierait de son accord ; que son silence ne vaut pas acceptation, conformément à l’article 1120 du code civil, et, qu’en outre, l’offre de l’intimé ne précisait pas tous les éléments essentiels du contrat envisagé, notamment pas les biens concernés précisément, de sorte qu’elle n’était pas valable.

Sur la nature de la mesure, ils relèvent qu’une interdiction d’aliéner ne peut être matérialisée sous forme de prénotation, mais seulement une inscription de la restriction au droit de disposer, en vertu de l’article 38 f de la loi du 1er juin 1924, la prénotation, au sens de l’article 39, étant seulement destinée à garantir le rang d’un droit. Ils observent que l’intimé en était conscient, puisqu’il avait lui-même demandé une prénotation 'du droit de propriété' et non d’une interdiction d’aliéner.

*

Par conclusions du 21 avril 2020, M. A sollicite la confirmation de l’ordonnance déférée et la condamnation des appelants à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu’il y a bien vraisemblance de l’existence de son droit ; qu’il a pu légitimement croire à l’étendue des pouvoirs de Mme C lui précisant que son offre était acceptée ; que l’accord des vendeurs ressort du mail à leur notaire, demandant ses observations sur la rédaction du compromis ; que les appelants, qui ne sont pas les vendeurs, ne peuvent affirmer que Mme B n’avait pas donné son accord ; que l’agence C a adressé un mail le 15 janvier 2019 à chacun des deux vendeurs sur leur adresse mail, leur confirmant l’offre d’achat, puis, le 18 janvier 2019, leur a transmis le projet de compromis, sans que Mme B ne signifie son refus ; que son absence d’opposition valait accord ; que les appelants auraient pu obtenir de Mme B qu’elle atteste de son absence d’accord, si tel était bien le cas ; que le notaire n’a pas attiré l’attention de M. Z sur la nécessité de recueillir l’accord de son ex-épouse ; que toutes les parties pouvaient légitimement croire que celui-ci agissait pour le compte de l’indivision ; que l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au delà de ses pouvoirs n’est pas inopposable au représenté si le tiers contractant a légitimement cru à la réalité des pouvoirs du représentant, selon l’article 1156 du code civil, et que le compromis signé avec les époux X n’a pas de valeur probante quant à sa date de signature, faute d’enregistrement au Livre foncier.

*

L’affaire, initialement fixée à bref délai à l’audience du 5 mars 2020, a été renvoyée au 30 avril 2020 à la demande des parties, en raison d’un mouvement de protestation des avocats. A cette date, les débats n’ont pu avoir lieu compte tenu des circonstances sanitaires, mais l’affaire a pu être mise en délibéré avec l’accord des avocats.

MOTIFS

L’appel ne porte pas sur les dispositions de l’ordonnance déférée concernant Mme I-J Z, née B, et M. F Z. Il sera donc statué dans cette limite.

Sur la rétractation de l’ordonnance ayant autorisé une prénotation

L’article 39, modifié par la loi du 4 mars 2002, de la loi du 1er juin 1924 dispose:

'une prénotation peut être inscrite avec le consentement des intéressés ou en vertu d’une décision judiciaire dans le but d’assurer à l’un des droits énumérés à l’article 38 son rang d’inscription ou de garantir l’efficacité d’une rectification ultérieure'.

Aux termes de l’article 38, sont inscrits au livre foncier, aux fins d’opposabilité aux tiers, les droits suivants :

a) La propriété immobilière, quel que soit son mode d’acquisition ;

f) Les restrictions au droit de disposer insérées dans un acte d’aliénation ou découlant de tous autres actes, tels que promesses de vente, legs (…).

En l’espèce, aucun acte n’est intervenu entre M. A et les vendeurs, par lequel ces derniers se seraient engagés à lui vendre leur bien.

L’absence d’opposition manifestée par Mme Z au projet de vendre le bien à M.

A est insuffisante à rendre même seulement vraisemblable l’existence d’une vente à son profit.

En conséquence, M. A ne justifie pas être titulaire d’un droit de propriété sur l’immeuble litigieux, de nature à justifier une prénotation en sa faveur. L’ordonnance déférée, ayant validé l’inscription d’une prénotation de l’interdiction d’aliéner le bien, doit donc être infirmée ; l’ordonnance sur requête doit être rétractée, mainlevée étant donnée de l’inscription autorisée.

Sur les dommages et intérêts

Il n’est pas démontré d’abus de droit de la part de M. A.

En effet, le seul fait d’avoir demandé l’inscription d’une prénotation d’un droit, qu’il croyait à tort avoir acquis, n’est pas constitutive d’une faute, aucune mauvaise foi n’étant caractérisée.

La demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les époux X, du fait de l’inscription autorisée sur requête, confirmée en référé, sera donc rejetée.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l’issue de l’appel, l’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a condamné les époux X aux dépens et au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; M. A sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer aux époux X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais exposés en première instance et en appel, ses propres demandes à ce titre étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, sans débats à l’audience,

CONSTATE que les dispositions de l’ordonnance déférée concernant Mme I-J Z, née B, et M. F Z, ne font pas l’objet du présent appel ;

INFIRME l’ordonnance déférée dans cette limite ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

RÉTRACTE l’ordonnance sur requête rendue le 31 janvier 2019 par le président du tribunal de grande instance de Strasbourg ;

ORDONNE la mainlevée de la prénotation de l’interdiction d’aliéner inscrite au Livre foncier de Strasbourg, sous le numéro S64 n°0058/0004 lots 29,113 et 160, en exécution de cette ordonnance ;

DÉBOUTE M. K-L X et Mme G H, épouse X, de leur demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE M. D A à payer à M. K-L X et Mme G H, épouse X, ensemble, la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais exposés en première instance et en appel ;

DÉBOUTE M. D A de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile formées en première instance et en appel ;

CONDAMNE M. D A aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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