Cour d'appel de Douai, CIV.3, du 10 novembre 2004

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

&65279;Sur la demande d’annulation du jugement &65279;Seul un jugement devenu définitif peut faire l’objet d’une demande de nullité ; qu’aucune nullité n’est donc encourue en l’espèce puisque le jugement du Tribunal de Grande Instance de Cambrai a été frappé d’appel et que la juridiction du second degré est informée de la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ; &65279;Sur la responsabilité &65279;L’agression de Madame Caillaux ne se serait pas produite si Sid Ahmed Rezala n’était pas parvenu à ouvrir cette porte ; que la SNCF ne peut donc invoquer le caractère irrésistible du fait d’un tiers dès lors que ce fait aurait pu être évité si elle avait pris des dispositions suffisantes pour faire réellement obstacle à tout accès aux voitures couchettes par les autres passagers du train ; Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SNCF ; &65279;Sur le préjudice La Cour d’appel &65279;confirme le jugement en toutes ses dispositions ; &65279;Monsieur Caillaux demande la condamnation de la SNCF à des dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu’il semble que cette formulation résulte d’une erreur matérielle et que les dommages et intérêts sont en réalité demandés pour résistance abusive ; que cependant la SNCF n’a pas manifesté une résistance supérieure aux conséquences logiques des moyens qu’elle a exposés au cours de l’instance ; qu’aucune faute ne peut lui être reprochée ; que Monsieur Caillaux sera débouté de cette demande de dommages et intérêts

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. civ. 3, 10 nov. 2004
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Cambrai, 22 janvier 2003
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006945383

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI TROISIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 10/11/2004 * * * No RG : 03/01291 Tribunal de Grande Instance de CAMBRAI du 23 Janvier 2003 REF : EM/VD APPELANTE SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER EPIC Ayant son siège social 34 Rue du Commandant René Mouchotte 75014 PARIS représentée par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués à la Cour assistée de Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS INTIMÉS APPELANT INCIDENT Monsieur Xavier X… pris tant en son nom personnel qu’ès qualités d’administrateur légal de ses enfants mineurs Justine née le 28 mai 1990 et Clément né le 29 juin 1994. né le 14 Juin 1964 à CAMBRAI (59400) Demeurant 72 Rue de la République 59730 SOLESMES représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour assisté de Me Jean-Noùl LECOMPTE, avocat au barreau de CAMBRAI CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE CAMBRAI Ayant son siège social 10 Rue Saint Lazare 59400 CAMBRAI représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour COMPOSITION DE LA COUR LORS DES Y… ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Monsieur GAIDON, Conseiller Madame CONVAIN, Conseiller --------------------- GREFFIER LORS DES Y… : Madame Z…
Y… à l’audience publique du 30 Septembre 2004, ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé à l’audience publique du 10 Novembre 2004 (date indiquée à l’issue des débats) par Madame MERFELD, Président, qui a signé la minute avec Madame Z…, Greffier, présents à l’audience lors du prononcé de l’arrêt. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 24 juin 2004

Le 14 décembre 1999 à 21 h 45 Madame Corinne X…, accompagnée de son fils Clément âgé de 5 ans, est montée à Douai dans le train Calais-Vintimille. Elle avait acheté, à la gare de Cambrai, des billets pour un compartiment couchettes voiture 46. Son corps a été retrouvé ensanglanté vers 2 h 40, dans les toilettes de la voiture 46 après l’arrêt du train en gare de Dijon. Malgré les efforts conjugués des sapeurs-pompiers et du médecin du SAMU elle n’a pas pu être

réanimée et est décédée sur place.

L’enquête a établi qu’elle avait été tuée par Sid Ahmed A…, aujourd’hui lui-même décédé, l’intéressé ayant été verbalisé quelques heures auparavant dans ce même train pour absence de titre de transport et ayant décliné sa véritable identité.

Faisant valoir que Sid Ahmed A… était connu pour emprunter régulièrement clandestinement différentes lignes de la SNCF, qu’il aurait dû être surveillé, qu’on aurait dû lui faire quitter le train à la gare la plus proche dès qu’il a été verbalisé et que la SNCF a manqué à son obligation de sécurité d’autant qu’elle avait connaissance d’un meurtre commis dans un autre train deux mois auparavant, Monsieur Xavier X…, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Justine et Clément, a fait assigner la SNCF devant le Tribunal de Grande Instance de Cambrai, sur le fondement des articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du code civil pour la voir condamner à réparer le préjudice subi par lui-même et ses enfants à la suite du décès de Madame Corinne X…

La SNCF s’est opposée à la demande soutenant que toute les précautions avaient été prises, dans la limite des pouvoirs de police dont elle dispose, pour assurer la tranquillité des voyageurs, qu’au moment du contrôle rien dans le comportement de Sid Ahmed A… ne laissait prévoir la folie meurtrière dont il allait faire preuve plus tard, qu’un contrôleur constatant la situation irrégulière d’un voyageur démuni de billet ne pouvait, à l’époque des faits, le forcer à descendre du train, qu’avant le drame aucun élément ne lui avait été transmis sur la dangerosité de Sid Ahmed A… et qu’elle

s’exonère donc de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle en sa qualité de transporteur en établissant que le dommage est imputable au comportement irrésistible d’un tiers.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Cambrai est intervenue volontairement pour obtenir de la SNCF le remboursement du capital décès qu’elle a versé aux ayants droit de la victime.

Par jugement du 23 janvier 2003 le Tribunal a : – déclaré la SNCF tenue à indemnisation du préjudice subi par Monsieur X… et ses enfants à la suite du décès de Madame Corinne X…, – condamné la SNCF à payer à Monsieur X… en son nom personnel la somme de 6.000 ç au titre des frais funéraires et vestimentaires, la somme de 69.101,35 ç au titre du préjudice économique, la somme de 30.000 ç au titre du préjudice moral et la somme de 58.077,71 ç au titre de la tierce personne, – condamné la SNCF à payer à Monsieur X…, en sa qualité d’administrateur légal de ses enfants mineurs, la somme de 30.000 ç en réparation du préjudice moral de chacun d’eux, – condamné la SNCF à payer à Monsieur X… la somme de 1.200 ç en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – débouté Monsieur X… du surplus de ses demandes, – condamné la SNCF à payer à la CPAM de Cambrai la somme de 6.218,22 ç au titre du capital décès avec intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 762 ç au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Pour retenir la responsabilité de la SNCF le Tribunal a rappelé que le transporteur est tenu d’une obligation de sécurité et de résultat de conduire le voyageur sain et sauf à destination et qu’il ne peut s’exonérer qu’en établissant l’existence de la force majeure. Les premiers juges ont notamment indiqué que " le fait pour la SNCF de

n’affecter que deux personnes aux contrôles et à la sécurité dans un train de nuit sur une distance telle que Calais-Ventimille est une mesure insuffisante pour garantir la pleine et entière sécurité des voyageurs et qu’en conséquence la SNCF a manqué à son obligation à ce titre, d’autant que le 13 octobre 1999 le meurtre d’une femme avait déjà eu lieu dans un autre train, ce qui aurait dû conduire la SNCF à plus de vigilance et l’amener à renforcer les mesures de sécurité. La SNCF ne démontre pas que l’agression commise par Monsieur A… constitue un fait du tiers imprévisible et irrésistible et présentant les caractères de la force majeure dans le mesure où, compte tenu des personnels affectés au train et de la nature du trajet effectué, elle n’a pas mis en oeuvre un dispositif de surveillance préventive et d’intervention adaptée permettant de faire en sorte que les voyageurs, et notamment Madame Corinne X…, parviennent sains et saufs à destination. Il peut également être relevé le fait que Monsieur A… a visiblement pu déverrouiller sans difficulté les portes d’intercirculation".

La SNCF a relevé appel de ce jugement le 25 février 2003 et a signifié ses dernières conclusions le 15 avril 2004 demandant à la Cour d’annuler le jugement par application de l’article 706-12 du code de procédure pénale, au fond dire et juger que l’agression de Madame X… présente les caractères de la force majeure et en conséquence de débouter Monsieur X… et la CPAM de leurs demandes, subsidiairement sur le préjudice de rejeter l’appel incident de Monsieur X… et de confirmer les indemnités fixées par le Tribunal.

Après avoir repris ses moyens et arguments de première instance elle fait également valoir, à l’appui de sa demande tendant à se voir

exonérer de toute présomption de responsabilité : – qu’aussi vive qu’ait été la vigilance des agents de la SNCF aucun indice ne pouvait leur apparaître de la dangerosité de Sid Ahmed A…, – que c’est seulement l’enquête sur le meurtre de Corinne X… qui a conduit les services de police à faire le lien avec la découverte, le 13 octobre 1999, d’une jeune anglaise sans vie sur la voie ferrée Limoges-Paris dans la région d’Argenton-Sur-Creuse et de soupçonner Sid Ahmed A… d’être l’auteur d’une défenestration, – que la SNCF ignorait alors l’exceptionnelle dangerosité de Sid Ahmed A… qui selon l’enquête de personnalité effectuée à l’occasion du meurtre de Madame X…, présentait un profil atypique de marginal toxicomane, violent et pervers, incarcéré à trois reprises pour des faits de violence, – que le passage à l’acte a été soudain, que dans la confession qu’il a adressée à son amie et qui a été communiquée à la presse Sid Ahmed A… a déclaré avoir « fumé un joint… elle (Corinne X…) m’a fait un sourire et j’ai eu un flash », – que les arguments tirés de l’absence d’imprévisibilité ne sont donc pas fondés, – que la jurisprudence n’exige pas, pour caractériser la force majeure, le cumul de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité, que l’irrésistibilité est à elle seule constitutive de la force majeure lorsque la prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets,- que si elle doit être condamnée pour un défaut de précaution qui aurait permis le meurtre de Madame X… elle souhaite que la juridiction indique précisément quelles fautes de précaution ont été commises en lien de causalité avec le dommage et donc quelles mesures pratiques et efficaces auraient permis de prévenir l’agression, – que le Tribunal s’en est abstenu, qu’il affirme d’une manière très générale que l’affectation à bord d’un train de nuit reliant Calais à Vintimille de deux agents est insuffisant mais ne dit pas combien d’agents auraient été nécessaires et n’avance aucun lien de causalité

entre cette insuffisance et le crime alors que les faits ont été commis dans une période de temps d’une demi-heure séparant la deuxième ronde des agents à 2 heures du matin de l’arrêt en gare à Dijon à 2 h 30, – que le crime commis dans de telles circonstances est un fait irrésistible.

Par conclusions du 10 février 2004 Monsieur X… agissant en son nom personnel et en qualité d’administrateur légal de ses enfants mineurs demande à la Cour de confirmer le jugement sur la responsabilité en soutenant comme en première instance que le crime ne peut s’assimiler à un événement irrésistible pour la SNCF, que Sid Ahmed A… ne présentait, dans le sens médical du terme, aucune folie, qu’il s’agissait d’un criminel d’habitude n’agissant nullement sous l’empire de pulsions mais de façon réfléchie, que lors du contrôle il a décliné sa véritable identité, qu’il était identifié et compte tenu de ses antécédents, ne pouvait être inconnu des services de la SNCF qui, vu sa dangerosité, aurait dû accroître ses rondes de sécurité.

Relevant appel incident sur l’évaluation du préjudice il se porte demandeur des sommes suivantes :

 – frais funéraires et vestimentaires

8.306,18 ç

 – préjudice moral

76.224,51 ç

 – préjudice économique

75.319,57 ç

- tierce personne

133.397,28 ç

 – préjudice moral de chacun de ses enfants

76.224,51 ç

Il sollicite en outre le versement d’une somme de 5.000 ç à titre de dommages et intérêts pour « procédure abusive » et d’une indemnité de 3.000 ç en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La CPAM a conclu le 15 avril 2003, à la confirmation du jugement. SUR CE :

1o) Sur la demande d’annulation du jugement

Attendu que la SNCF fonde sa demande de nullité sur l’article 706-12 alinéa 2 du code de procédure pénale, faisant grief à Monsieur X… de n’avoir pas indiqué à l’occasion de l’instance engagée contre elle devant le Tribunal de Grande Instance de Cambrai qu’il avait saisi la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ;

Que Monsieur X… a effectivement saisi cette commission qui, par décision du 13 septembre 2001, a sursis à statuer jusqu’à ce que le Tribunal de Grande Instance de Cambrai se soit prononcé sur l’action en responsabilité engagée contre la SNCF ;

Que l’information exigée par l’article 706-12 peut être donnée « en tout état de la procédure » ; que l’article 706-12 ajoute en son

alinéa 2 qu’à défaut de cette indication, la nullité du jugement en ce qui concerne les dispositions civiles pourra être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif ;

Qu’il en résulte que seul un jugement devenu définitif peut faire l’objet d’une demande de nullité ; qu’aucune nullité n’est donc encourue en l’espèce puisque le jugement du Tribunal de Grande Instance de Cambrai a été frappé d’appel et que la juridiction du second degré est informée de la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ;

2o) Sur la responsabilité

Attendu que comme tout transporteur de voyageurs la SNCF est tenue d’une obligation de sécurité de résultat de conduire le voyageur sain et sauf à destination ; que le seul fait de ne pas atteindre ce résultat constitue une inexécution permettant d’engager la responsabilité contractuelle du transporteur qui ne peut se libérer en établissant qu’il n’a commis aucune faute ; que seule la preuve que le défaut de résultat provient d’une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure lui permet de s’exonérer ;

Attendu qu’il ressort des éléments de l’enquête versés aux débats que Sid Ahmed A… qui est monté dans le train à Longueau a été contrôlé à 23 h 05 par Monsieur B…, contrôleur alors qu’il se trouvait dans la voiture places assises de tête no 40 et voyageait sans titre de transport ; que Monsieur B… lui a dressé procès-verbal ; qu’à l’occasion de ce contrôle Monsieur A… a présenté sa carte d’identité ; que le contrôleur a indiqué qu’il était calme ;

Que son collègue, Monsieur C… a toutefois déclaré qu’alors que Monsieur B… rédigeait le procès-verbal le contrevenant s’en est pris à un autre voyageur sans billet en lui disant « arrête de crier si fort tu m’énerves » ;

Qu’entendu par les enquêteurs après les faits plusieurs voyageurs de la voiture en tête de train ont fait état de l’agitation de cet individu qui a été vu en train de fumer des « joints », a importuné plusieurs passagers dont une jeune fille et faisait des allées et venues entre la place qu’il occupait et l’arrière du wagon ; que toutefois il semble que personne ne se soit plaint aux contrôleurs ; Attendu qu’après ce contrôle Monsieur B… a encore effectué deux rondes l’une vers minuit, lors de laquelle il a déclaré avoir fait un tour de train dans les couchettes pour voir si tout était tranquille puis vers 2 heures du matin ; qu’il a précisé qu’il n’y avait rien d’anormal dans les toilettes et qu’il avait constaté lors de ces passages que les portes d’intercirculation étaient bien verrouillées ;

Qu’il a déclaré avoir vu Monsieur A… descendre à Dijon, ce qui l’a surpris puisque ce n’était pas le lieu de destination qu’il lui avait indiqué lorsqu’il l’avait verbalisé ;

Que peu après le départ du train de la gare de Dijon il a effectué une nouvelle surveillance et a découvert le corps de Madame X… dans les toilettes de la voiture couchettes no 46 ;

Attendu qu’il est donc établi que l’agression de Madame X… s’est produite entre le passage du contrôleur vers 2 heures du matin et l’arrivée en gare de Dijon à 2 h 30 ;

Que Monsieur D…, employé des wagons-lits qui occupait, dans la voiture 46, le compartiment couchette directement à côté des toilettes a déclaré aux enquêteurs "vers minuit 15 j’ai terminé ma dernière intervention dans le train et je me suis allongé dans la cabine des couchettes qui m’avait été désignée.

Je me suis assoupi. Puis j’ai entendu du bruit. Je pense que c’était aux environs de 2 h, 2 h 15, de toute façon avant l’arrivée du train à Dijon, peut-être un quart d’heure avant Dijon.

C’était comme destrain à Dijon, peut-être un quart d’heure avant Dijon.

C’était comme des cris étouffés, comme quelqu’un qui rêvait ou qui délirait. Cela a duré une minute ou deux.

Puis je n’ai plus rien entendu. Puis le train s’est arrêté à Dijon. C’était donc environ un quart d’heure plus tard.

………..

Je me suis levé et j’ai vu que la porte de mon compartiment était entrebâillée, qu’on avait à l’aide d’une pince ou d’un outil entrouvert la porte de mon compartiment mais qu’elle était restée retenue par l’entrebâilleur. Il s’agit d’une sécurité qui ne peut être ouverte que de l’intérieur. Même le contrôleur ne peut pas débloquer cet entrebâilleur.

La porte de mon compartiment était entrouverte de 3 à 4 cm maximum. C’est donc que visiblement quelqu’un avait tenté de s’introduire dans mon compartiment et il ne s’agissait pas du personnel du train.

……….

Après l’arrêt brusque du train l’un des contrôleurs m’a fait savoir

qu’une femme avait été tuée dans les WC sur la plate-forme juste à côté du compartiment que j’occupais.

Je pense donc que ce que j’ai entendu dans la nuit provenait de là. Je n’ai pas remarqué de voix d’homme" ;

Attendu qu’il ressort des divers éléments analysés ci-avant que tout n’était pas aussi tranquille dans le train que la SNCF le laisse entendre ;

Que d’une part plusieurs voyageurs de la voiture de tête ont fait état de l’agitation de Sid Ahmed A… ;

Que d’autre part alors qu’elle se trouvait dans les toilettes Madame X… a tenté de crier pendant une ou deux minutes ; que même si ses cris étaient « étouffés », ils étaient suffisamment forts pour être entendus par une personne qui s’était assoupie dans le compartiment à côté des toilettes ;

Qu’enfin et surtout Sid Ahmed A… est parvenu à déverrouiller la porte pour accéder à la voiture couchettes alors qu’il se trouvait en place assise dans la voiture de tête ; qu’il semble même qu’il ait réussi à ouvrir plusieurs portes de compartiments couchettes puisque Monsieur E… qui occupait une couchette dans la voiture no 46 a constaté, comme Monsieur D…, que la porte de son compartiment était entrouverte lorsqu’il s’est réveillé vers 2 h 30 ; Attendu que la SNCF écrit dans ses conclusions que les portes d’intercirculation étaient verrouillées et qu’elles ne pouvaient être ouvertes qu’à l’aide d’une clé spéciale dite clé de berne ; que

toutefois Monsieur C…, contrôleur SNCF, a précisé dans son procès-verbal d’audition qu’elles pouvaient être ouvertes par toute personne possédant un « carré » ;

Qu’après l’arrêt en gare de Dijon Monsieur B… a constaté qu’entre la deuxième voiture de places assises et la première voiture de places couchettes la porte avait été déverrouillée et qu’il a d’abord pensé à un vol « comme cela arrive dans les trains de nuit » ;

Attendu que l’agression de Madame X… ne se serait pas produite si Sid Ahmed A… n’était pas parvenu à ouvrir cette porte ; que la SNCF ne peut donc invoquer le caractère irrésistible du fait d’un tiers dès lors que ce fait aurait pu être évité si elle avait pris des dispositions suffisantes pour faire réellement obstacle à tout accès aux voitures couchettes par les autres passagers du train ;

Qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SNCF ;

3o) Sur le préjudice

Attendu que Madame X… est décédée à l’âge de 36 ans, laissant deux enfants alors âgés de 9 et 5 ans ; que le Tribunal a fait une juste application des préjudices moraux de l’époux et des enfants en accordant à chacun la somme de 30.000 ç, cette évaluation prenant en compte les circonstances particulièrement pénibles du décès ;

Attendu que les frais funéraires et les frais vestimentaires ont été justement évalués par les premiers juges à 6.000 ç ;

Attendu que le Tribunal a admis le préjudice économique invoqué par
Monsieur X… à la somme de 75.319,57 ç mais a déduit à bon droit le capital décès de 6.218,22 ç versé par la CPAM d’où un solde de 69.101,35 ç ; que Monsieur X… n’explicite pas les raisons de son appel incident en ce sujet ;

Attendu que de même Monsieur X… n’a pas motivé son appel incident sur l’évaluation par le Tribunal de l’indemnité pour tierce personne alors qu’il est certain que si Madame X… avait travaillé en qualité d’assistance maternelle elle aurait été moins disponible pour s’occuper de ses propres enfants ; que l’indemnité de 58.077,71 ç allouée à ce titre doit être confirmée ;

Attendu qu’il convient également de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la CPAM ; [***]

Attendu que Monsieur X… demande la condamnation de la SNCF à des dommages et intérêts pour « procédure abusive » ; qu’il semble que cette formulation résulte d’une erreur matérielle et que les dommages et intérêts sont en réalité demandés pour résistance abusive ; que cependant la SNCF n’a pas manifesté une résistance supérieure aux conséquences logiques des moyens qu’elle a exposés au cours de l’instance ; qu’aucune faute ne peut lui être reprochée ; que Monsieur X… sera débouté de cette demande de dommages et intérêts ;

Attendu que les premiers juges ont fait une juste application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu’y ajoutant il y a lieu d’allouer à Monsieur X… une somme complémentaire de 1.200 ç pour ses frais irrépétibles d’appel ; PAR CES MOTIFS :

La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l’appel principal et l’appel incident en la forme, Déboute la SNCF de sa demande en nullité du jugement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute Monsieur X… de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, Condamne la SNCF aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Quignon, avoué, La condamne en outre à verser à Monsieur X… une somme de 1.200 Euros par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d’appel. Le Greffier,

Le Président, V. Z…

E. MERFELD

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