Cour d'appel de Douai, 13 novembre 2008, n° 07/02411

  • Banque·
  • Tribunaux de commerce·
  • Intérêt·
  • Sociétés·
  • Exception d'incompétence·
  • Cautionnement·
  • Remboursement·
  • Principal·
  • Incompétence·
  • Amende civile

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, 13 nov. 2008, n° 07/02411
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 07/02411
Décision précédente : Tribunal de commerce de Roubaix, 11 avril 2007

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 13/11/2008

*

* *

N° de MINUTE : /08

N° RG : 07/02411

Jugement (N° 06/69)

rendu le 12 Avril 2007

par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING

REF : JMD/CD

APPELANTS

Monsieur A X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE

Madame B C épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SA FORTIS BANQUE FRANCE

anciennement dénommée Banque Parisienne de Crédit

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social XXX

XXX

XXX

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assistée de Me BELLENGER avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l’audience publique du 24 Septembre 2008, tenue par Monsieur DELENEUVILLE magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Y

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Mme GEERSSEN, Président de chambre

Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller

Monsieur CAGNARD, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2008 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président et Mme Y, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11/09/08

*****

Vu le jugement contradictoire du 12 avril 2007 du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui, après avoir rejeté l’exception d’incompétence soulevée par M. A X, a débouté M. et Mme X de l’ensemble de leurs moyens et les a condamnés, solidairement, à payer à la FORTIS BANQUE la somme en principal de 48 000 € avec intérêts au taux contractuel de 5,3 % l’an à compter du 18 juillet 2005, ainsi que 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’appel interjeté le 18 avril 2007 par M. A X et Mme B C épouse X ;

Vu les conclusions déposées le 10 mars 2008 pour ces derniers ;

Vu les conclusions déposées le 28 novembre 2007 pour la SA FORTIS BANQUE FRANCE ;

Vu l’ordonnance de clôture du 11 septembre 2008 ;

* *

Attendu que les époux X ont interjeté appel aux fins d’infirmation du jugement entrepris sur la compétence du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing à l’égard de M. X ; ils sollicitent en outre le débouté de la Banque et sa condamnation à leur payer 48 000 € de dommages et intérêts, cette dernière ne pouvant invoquer leur acte de cautionnement pour leur avoir fait souscrire un engagement de caution manifestement disproportionné par rapport à leur situation personnelle ; Mme X demande par ailleurs que la créance de la Banque à son égard soit réduite de 20 264,61 €, somme que la Banque a perçue en exécution d’une délégation de créance d’assurance vie ; ils demandent enfin la condamnation de la Banque à leur payer 3 000 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la Banque sollicite la confirmation du jugement déféré, le débouté des époux X de l’ensemble de leurs demandes, leur condamnation à une amende civile ainsi qu’à lui payer 3 000 € pour sanctionner une attitude fautive et délibérément vexatoire ainsi que la même somme pour la couverture de ses frais irrépétibles ;

SUR CE :

Attendu que la SARL CTC INFORMATIQUE (ci-après la société CTC), dont Mme X était la gérante, a, le 16 août 2004, contracté auprès de la Banque un prêt de 80 000 € destiné à alimenter son fonds de roulement, remboursable en 36 mensualités de 2 431,93 €, au taux de 5,30 % l’an ; que la société SOFARIS a apporté sa contre garantie à concurrence de 40 % ; que les époux X ont, le 9 juillet 2004, en renonçant au bénéfice de discussion et de division, donné à l’opération leur caution solidaire à hauteur de 48 000 € pendant 5 années ; que Mme X a enfin donné en nantissement un contrat d’assurance vie ' Trinité Avenir ' de 20 000 € ; que la société CTC a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 18 novembre 2004 du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 octobre 2004, procédure qui a abouti à l’adoption d’un plan de cession le 22 mars 2005 ; qu’après avoir déclaré sa créance à Me Z, représentant des créanciers, le 12 janvier 2005, la Banque a, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception du 18 juillet 2005, mis en demeure les époux X de lui rembourser sous quinzaine la somme de 48 000 € avant de les assigner, par acte du 5 décembre 2005, devant le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui a rendu le jugement entrepris ;

Sur l’exception d’incompétence

Attendu que M. X soulève l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing à son égard, au profit du tribunal de grande instance de Lille ;

Attendu que la compétence des tribunaux de commerce s’étend à la caution qui, n’ayant pas la qualité de commerçant, a néanmoins un intérêt patrimonial personnel à la dette contractée par le débiteur commerçant et par elle cautionnée ;

Attendu que M. X est retraité depuis 1997 ; que sa qualité d’associé à 50 % de la société CTC et d’époux de la gérante sont impropres à caractériser un intérêt patrimonial, ou moral, à l’opération garantie ; que la Banque ne démontre pas qu’il se serait comporté comme un dirigeant de fait, notamment en usant de la signature bancaire que Mme X lui a déléguée ; qu’il s’ensuit que le jugement doit être infirmé en ce que les premiers juges ont retenu leur compétence pour connaître et juger de la demande de la Banque à l’encontre de M. X ;

Attendu que la Cour de ce siège étant juridiction d’appel du tribunal de grande instance de Lille, naturellement compétent à l’égard de M. X, il lui incombe de se prononcer sur le fond du litige par application de l’article 79, alinéa 1er, du Code de procédure civile ;

Sur les manquements reprochés à la Banque

Sur les manquements à l’égard de la société CTC

Attendu que la caution, si elle est recevable à invoquer les exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal, ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à celui-ci, comme jugé par la chambre mixte de la Cour de Cassation le 8 juin 2007, pourvoi n° 03-15602 ; que les moyens développés par les époux X pour critiquer l’octroi de crédits à la société CTC, eu égard à sa situation financière et à ses capacités de remboursement, sont inopérants pour l’appréciation de leur situation personnelle, les exceptions fondées sur l’insolvabilité ou le peu de solvabilité du débiteur principal étant purement personnelles à ce dernier ;

Sur les manquements à l’égard des cautions

Attendu que les époux X invoquent les articles L.341-4 du Code de la consommation et L.313-22 du Code monétaire et financier pour en déduire qu’ils doivent être déchargés de leurs obligations ;

A l’égard de Mme X

Attendu que Mme X était la gérante de la société CTC depuis de longues années, qu’elle dirigeait seule cette entreprise, son époux n’y ayant, selon ses affirmations, pas exercé la moindre responsabilité depuis son départ en retraite, en 1997 ; qu’elle disposait ainsi de renseignements financiers sur la situation exacte de la société emprunteuse, ses capacités d’endettement et ses facultés de remboursement ; que c’est en pleine connaissance de cause qu’elle a, en qualité de gérante de la société CTC, emprunté auprès de la Banque la somme de 80 000 € le 8 juillet 2004 ; que c’est en qualité de caution avertie qu’elle a, dans le même temps, donné sa garantie personnelle à l’acte ; qu’en conséquence elle ne peut soutenir aujourd’hui que la Banque a manqué à son devoir de conseil à son égard, sauf à démontrer, ce qu’elle ne fait pas, que le prêteur disposait sur sa situation de fortune, de renseignements qu’elle-même ignorait ;

Attendu qu’il n’est pas sans intérêt de relever que Mme X, solidairement avec son époux, a donné sa caution à l’opération à hauteur de 48 000 €, principal et intérêts confondus ; que Mme X a déclaré percevoir des revenus nets annuels de 33 339 €, M. X déclarant de son côté des revenus de 22 427 € ; que les époux X sont par ailleurs propriétaires d’un immeuble d’une valeur déclarée par leurs soins en juillet 2004 de 225 000 € et qu’ils disposaient d’un compte épargne de 20 000 € ; que l’ensemble des ressources et des capitaux, mobilier et immobilier, du ménage permettaient indiscutablement à Mme X de faire face à un engagement de remboursement d’une somme de 48 000 €, étant rappelé que la caution n’est appelée qu’en cas de défaillance du débiteur principal, défaillance qu’il appartenait à Mme X de prévenir dans toute la mesure de ses moyens ;

Attendu enfin que Mme X a sciemment dissimulé à la Banque que l’immeuble lui appartenant était grevé d’une hypothèque (voir les informations sur la situation de la caution qu’elle a fournies et certifiées ' sincères et véritables ', qui précisent que l’immeuble d’habitation est libre de toute sûreté) ; qu’il a été jugé que l’emprunteur qui dissimule au prêteur l’existence de prêts en cours de remboursement n’est pas fondé à imputer au prêteur un manquement au devoir de mise en garde auquel est tenu le professionnel du crédit à l’égard de son client non averti (cf cour de Cassation 1re chambre civile, 30 octobre 2007, pourvoi n° 06-17003) ; que la dissimulation de l’existence d’une hypothèque étant assimilable à la dissimulation d’un prêt en cours en ce qu’elle masque un amoindrissement des capacités de remboursement de la caution, et Mme X étant de surcroît une cliente avertie, le moyen, fondé sur l’article L.341-4 du Code de la consommation, sera rejeté ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Mme X à payer à la FORTIS BANQUE la somme en principal de 48 000 € ; que sa demande de dommages et intérêts à concurrence de ce montant sera rejetée, aucune faute n’étant à retenir au compte de la Banque en rapport avec ce cautionnement ;

A l’égard de M. X

Attendu que M. X est une caution non avertie ; que la Banque était débitrice à son égard d’un devoir de mise en garde, l’obligeant à l’informer sur les charges du prêt susceptibles de lui échoir en cas de défaillance de la société CTC, ainsi que du risque d’endettement inhérent à l’opération envisagée ;

Attendu que la Banque a été informée que les revenus propres de M. X, les époux étant mariés sous le régime de la séparation de biens, étaient de 22 427 € ; qu’il importe peu que l’intéressé ait été déclaré en juillet 2004, dans un document signé par son épouse seule, être salarié de la société CTC, la Banque ayant l’obligation de lui faire préciser s’il était effectivement toujours en activité alors qu’il allait atteindre l’âge de 67 ans ; qu’elle aurait ainsi découvert qu’il n’était qu’associé de ladite société, sans aucune activité ni aucun pouvoir de direction au sein de celle-ci ; qu’un simple associé ne dispose pas au jour le jour d’informations sur la situation de sa société, mais doit se contenter de celles qui lui sont fournies périodiquement, au moins une fois l’an, en vue de l’assemblée ordinaire annuelle ;

Attendu cependant que M. X ne soutient pas qu’il existerait une disproportion manifeste entre ses ressources personnelles et les charges de remboursement découlant de son engagement de caution, ses conclusions reprenant les revenus du couple, à savoir 33 339 € pour Mme X et 22 427 € pour lui-même ; qu’un revenu global de 55 766 €, auquel s’ajoutaient en 2002, dernière année de liquidation de l’impôt sur le revenu par l’administration fiscale connue au jour de la signature du contrat de cautionnement, des revenus de capitaux mobiliers, pour le couple, de 14 973 €, permet de faire face à une charge de remboursement de 29 183,16 € (12 mensualités de 2 431,93 €) ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. X à honorer ses engagements ;

Sur les autres demandes des époux X

Attendu que les époux X invoquent in fine de leurs conclusions l’article L.313-22 du Code monétaire et financier, sans argumenter sur ce point ; que la Cour ne saurait répondre à un moyen non soutenu ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les époux X, solidairement, à payer les intérêts au taux contractuel de 5,3 % l’an, sauf à fixer leur point de départ au 23 juillet 2005, date de réception de la mise en demeure du 18 juillet 2005 ;

Attendu que la demande des époux X de dommages et intérêts pour manquement de la Banque à son devoir de conseil sera rejetée, aucune faute ne pouvant être retenue à l’égard de la Banque lors de la conclusion du contrat de cautionnement ;

Attendu qu’ils ne peuvent prétendre soustraire de leur dette la somme de 20 264,61 € versée à la Banque par la compagnie d’assurance LA MONDIALE PARTENAIRE en exécution du contrat ' Trinité Avenir ', donné en nantissement, dès lors qu’il a été spécifié au contrat que cette garantie ' s’ajoute aux garanties dont bénéficie ou bénéficiera la banque ' ;

Sur les demandes de la Banque

Attendu qu’il est équitable de condamner les époux X à payer 2 000 € à la Banque à raison de ses frais irrépétibles d’appel ;

Attendu que la Banque ne démontre pas avoir subi un préjudice né de ' l’attitude fautive, non seulement dans le cadre du présent recours, mais aussi par la persistance de moyens inexacts dont certains mêmes mettent en cause directement l’honnêteté du banquier ' adoptée par Mme X, qui ne se confond pas avec l’indemnité procédurale qui lui a été accordée, que sa demande de dommages et intérêts sera rejetée ;

Attendu que les faits de la cause ne commandent pas la condamnation des époux X au paiement d’une amende civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,

Accueille l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de commerce de Roubaix-Tourcoing au profit du tribunal de grande instance de Lille soulevée par M. A X, statuant sur le fond du litige,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. A X et Mme B C épouse X, solidairement, à payer à la SA FORTIS BANQUE FRANCE la somme en principal de 48 000 € avec intérêts au taux contractuel de 5,3 % l’an, sauf à fixer au 23 juillet 2005 le point de départ de ces intérêts, ainsi que 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les époux X de leur demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance résultant de l’abstention de la SA FORTIS BANQUE FRANCE dans son devoir de mise en garde contre les risques de leur engagement,

Déboute les époux X de leur prétention à obtenir la compensation de leur dette avec le versement de la somme de 20 264,61 € opéré par la compagnie d’assurance LA MONDIALE PARTENAIRE en exécution du contrat ' Trinité Avenir ',

Déboute la SA FORTIS BANQUE FRANCE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure fautive et de condamnation des époux X à une amende civile,

Condamne les époux X à payer à la SA FORTIS BANQUE FRANCE la somme 2 000 € à raison de ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne les époux X aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Y I.GEERSSEN

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, 13 novembre 2008, n° 07/02411