Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2008, n° 08/00202

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 31 oct. 2008, n° 08/00202
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 08/00202
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valenciennes, 9 janvier 2008

Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

31 Octobre 2008

N° 1741/08

RG 08/00202

FM/VD

Jugement du

Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES

en date du

10 Janvier 2008

— Prud’Hommes -

APPELANT :

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Pierre-Jean COQUELET (avocat au barreau de VALENCIENNES) substitué par Me CORMAN, avocat,

INTIME :

Mme E F

XXX

XXX

Représentant : Me Patrice COTTIGNIES (avocat au barreau de LILLE)

DEBATS : à l’audience publique du 19 Septembre 2008

XXX

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : N. BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

M. X

: PRESIDENT DE CHAMBRE

XXX

: CONSEILLER

XXX

: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2008,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par M. X, Président et par V. GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée du 16 juillet 2002 Madame E F a été embauchée par l’association les RE.SO.CO.PAD. à compter du 15 juillet 2002 en qualité d’aide soignante groupe III bis, 3e échelon, indice 290, de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (FEHAP) et exerçait son activité à la résidence des sources à Y près de VALENCIENNES ;

L’association les RE.SO.CO.PAD.qui a le statut d’EHPAD gère trois établissements de soins et de résidence pour personnes agées, à Y, à Z et à A ;

Par courrier du 27 décembre 2002, elle a reçu un avertissement pour avoir laissé à disposition d’une résidente le traitement médicamenteux qui lui avait été prescrit sans vérifier qu’il avait été pris ;

Par courrier du 16 octobre 2003, Madame E F s’est vu notifier un second avertissement pour avoir omis de pourvoir en beurre et confiture les petits déjeuners des résidents ;

Par courrier du 30 août 2004, à la suite de problèmes allégués entre Madame E F et plusieurs résidentes, celle-ci a changé d’affectation avec son accord à Z à compter du 16 septembre 2004 ;

Par courrier du 19 novembre 2004 Madame E F s’est plainte des agissements d’une auxilliaire de vie Madame B « qui ne reste pas à sa place », et de troubles dans l’équipe de travail ;

Par courrier recommandé du 1e mars 2006, Madame E F a été convoquée dés son retour de congé, à un entretien préalable de licenciement pour faute grave fixé au 13 mars 2006 avec mise à pied conservatoire ;

Par lettre recommandée en date du 17 mars 2006, elle a été licenciée pour faute grave ;

C’est dans ces conditions que Madame E F a saisi le Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES le 6 juin 2006, pour licenciement abusif ;

Par jugement du 10 janvier 2008, le Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES a :

  • Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • Condamné l’association les RE.SO.CO.PAD. « Z » à payer à Madame E F les sommes suivantes :
    • 549,78 € au titre de la mise à pied,
    • 3 275,10 € au titre de l’indemnité de préavis,
    • 1 211,18 € au titre de l’indemnité de licenciement,
    • 327,51 € au titre des congés payés sur préavis,
    • 8 117,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
    • 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Ordonné en vertu de l’article L 122-14-4 du code du travail, le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour du licenciement au jour du jugement prononcé par le conseil, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage,
  • Condamné l’association les RE.SO.CO.PAD. « Z » aux entiers dépens ;

L’association les RE.SO.CO.PAD. a relevé appel de cette décision le 23 janvier 2008 et demande à la Cour, dans des conclusions soutenues à l’audience du 19 septembre 2008 de :

  • Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de VALENCIENNES le 10 janvier 2008,
  • Dire et juger le licenciement pour faute grave de Madame E F bien fondé,
  • Débouter Madame E F de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
  • Condamner Madame E F au paiement de la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Condamner Madame E F en tous les frais et dépens ;

Par conclusions soutenues à la même audience, Madame E F ou l’association les RE.SO.CO.PAD. demande de :

  • Confirmer purement et simplement la décision du conseil de prud’hommes de VALENCIENNES du 10 janvier 2008,
  • Condamner l’association les RE.SO.CO.PAD.au paiement de la somme de 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
  • Condamner l’association les RE.SO.CO.PAD.aux entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR

Sur le bien fondé du licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce ;

Attendu qu’en l’espèce, la lettre de licenciement du 17 mars 2006 est motivée en ces termes :

« Les 20 et 21 février 2006, vous avez administré de l’ECONAZOLE GR à la résidente de la chambre n° 5 car elle avait une rougeur sous les seins, alors que ce médicament avait été prescrit pour un autre résident. Dans les transmissions, vous avez écrit que vous n’aviez pas de carnet médical et qu’en conséquence, vous aviez fait de votre mieux.

En aucun cas, en tant qu’aide soignante, vous n’aviez le droit d’administrer de vous-même un quelconque médicament et ce d’autant plus que vous n’aviez pas la fiche thérapeutique de la résidente. Le 8 février, une note de service vous rappelait encore les dangers de l’automédication.

Par ailleurs, vous avez laissé ce médicament à la portée de la résidente, désorientée et atteinte de la maladie d’alzheimer. Ceci est constitutif d’une deuxième faute.

La famille s’étant rendu compte des faits, nous a adressé un courrier de doléance contre vous.

Cette conduite met en cause la sécurité des résidents. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 13/03/06, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En effet, vous ne réalisez toujours pas que l’administration d’ECONAZOLE GR est bien l’administration d’un médicament et vous affirmez que : « c’est une poudre douce avec laquelle je n’ai jamais eu de problème » : et que « je n’étais pas au courant qu’il y avait un risque, pour cette résidente, d’interaction médicamenteuse ». Nous vous rappelons que toute association de 2 médicaments peut générer ce risque et que seul le médecin peut prescrire.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’association. »

Attendu que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur ;

Attendu que c’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail;

Attendu que pour justifier la faute grave de la salariée, l’employeur verse aux débats :

  • Une note d’information datée du 8 février 2006 sur « la surveillance et la bonne prise des médicaments et les conséquences et les risques encourus de l’automédication »,
  • Un courrier daté du 21 février 2006 de Madame H I, fille d’une résidente de l’établissement, se plaignant auprès de la direction d’automédication et de la présence d’un flacon d’ ECONAZOLE dans la salle de bains de sa mère, atteinte de la maladie d’alzheimer et soumise à un traitement à la Clarityne pour allergie,
  • Une fiche sur la posologie et le mode d’administration de l’ECONAZOLE,
  • L’arrêté de la préfecture du nord du13 décembre 2004, transformant les établissements de l’association les RE.SO.CO.PAD.en EHPAD,
  • Un courrier de Madame B du 25 février 2006 se plaignant auprès de la direction des remarques de Madame E F à son sujet aux résidents, familles et stagiaires,
  • Un courrier du 2 mars 2006 à la direction de l’établissement de Madame J K, fille d’une résidente décédée d’un étouffement du à une mauvaise déglutition résultant selon ses dires de l’attitude de Madame E F qui n’aurait pas renvoyé à la cuisine des aliments peu compatibles avec son état et qui aurait manqué de sang froid dans le sauvetage de sa mère,
  • Un courrier de L M Fagot daté du 30 juin 2005, manifestant son indignation à l’encontre de l’équipe soignante en pause ayant constaté que pendant ce temps sa mère n’avait pu manger son plateau repas ;

Attendu que Madame E F ne conteste pas avoir administré de l’ECONAZOLE à la résidente concernée qui se plaignait de rougeur sous les seins et avoir laissé ce médicament dans sa salle de bain mais précise que ce médicament type « Talc » est régulièrement utilisé ainsi que l’Eosine, la Biafine et le Dexeryl par les aides soignantes suivant un protocole oral avec les infirmières comme en atteste Mesdames C et O anciennes aides soignantes dans l’établissement en 2004 et 2005 et que selon le descriptif de la notice et le Vidal, il s’agit d’un médicament sans ordonnance sans contre indication particulière pour soigner les mycoses ; que cette résidente ne s’est plainte d’aucune réaction ultérieure ; qu’il ne s’agit pas d’une prescription d’un autre résident mais d’un médicament mis à disposition de tout le personnel soignant ; que c’est un prétexte pour la licencier comme en atteste Madame N O qui indique avoir entendu Mesdames B et Lacquement tenir des propos suivant lesquels il fallait trouver une faille dans le travail de Madame E F pour la faire licencier ;

Attendu qu’il est ainsi établi qu’il était d’usage courant d’utiliser ce médicament antimycosiques type « Talc » pour les résidents sans contre indication médicalement constatée; qu’il ne s’agit donc pas d’automédication mais d’un usage admis jusqu’alors dans les établissements de l’association les RE.SO.CO.PAD de ces quatre médicaments en l’absence par ailleurs de protocole précis et justifié de cet usage et de consignes concernant les malades atteints d’alzheimer ;

Attendu qu’il n’est pas établi que la note d’information datée du 8 février 2006 rappelant les dangers de l’automédication, ait été diffusée à l’ensemble du personnel ou affiché et que Madame E F en ait eu connaissance ce qu’elle conteste ;

Attendu que le premier grief résultant de l’administration d’un médicament à une résidente sans prescription ne peut être reproché à Madame E F ; qu’il n’est pas non plus établi par l’employeur à qui incombe la charge de la preuve, que ce médicament provenait d’un autre résident ; qu’aucun élément ne démontre un quelconque préjudice subi par cette résidente qui n’a subi aucune séquelle allergique mettant en cause sa sécurité ;

Attendu qu’à défaut de toute consigne établie, la seule présence de l’ECONAZOLE dans la salle de bain de cette résidente avec les autres produits et effets de toilette ne constitue pas en soi une négligence avérée de l’aide soignante, étant observé qu’aucune autre salariée ne s’était vu reprocher de tels faits auparavant ;

Attendu que la rupture du contrat de travail de Madame E F ne repose sur aucune faute caractérisée et que son licenciement est ainsi sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu en ce qui concerne l’ancienneté de celle-ci aucun justificatif ne permet de faire remonter cette ancienneté avant le début de son contrat de travail en juillet 2002 ;

Attendu que l’ancienneté de la salariée doit être ramenée de 7 ans ¿, à 3 ans et 8 mois ;

Attendu que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l’entreprise et de l’effectif de celle-ci, la Cour estime que le préjudice subi doit être fixé à la somme de 8117,00€ en application des dispositions de l’article L 122-14-4 (devenu L 1235-3) du code du travail ;

Attendu que par application de L 122-14-4 ( devenu L 1235-3) du code du travail il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour de la décision dans la limite de six mois d’indemnités ;

Sur le salaire de la mise à pied :

Attendu qu’en l’absence de faute grave caractérisée le salaire de la mise à pied conservatoire est dû pour la somme de 549,78 €;

Attendu que la décision dont appel sera confirmée de ce chef ;

Sur les indemnités de rupture :

Attendu que la décision dont appel sera confirmée pour la somme demandée en ce qui concerne le montant du préavis et de l’indemnité de licenciement qui sont dus à Madame E F ;

Sur les intérêts au taux légal :

Attendu que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal :

— à compter du 15 juin 2006 pour toute somme de nature salariale.

— à compter de la décision déférée pour les condamnations indemnitaires confirmées,

— à compter de la présente décision pour l’autre somme de nature indemnitaire ;

Sur la demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu que l’équité commande d’allouer à Madame E F une somme de 1 000,00 € pour la procédure d’appel et de confirmer la décision déférée sur ce point ;

Attendu que succombant, l’association les RE.SO.CO.PAD. supportera ses propres frais irrépétibles et les dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision attaquée, sauf en ce qui concerne le remboursement des indemnité de chômage,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne l’association les RE.SO.CO.PAD. à payer à Madame E F la somme de 1 000,00 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal :

— à compter du 15 juin 2006 pour toutes les sommes de nature salariale.

— à compter de la décision déférée pour les condamnations confirmées,

— à compter de la présente décision pour la somme de nature indemnitaire ;

Ordonne le remboursement par l’association les RE.SO.CO.PAD. des indemnités chômage versées par les ASSEDIC dans la limite de six mois d’indemnités,

Déboute l’association les RE.SO.CO.PAD. de sa demande sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

Condamne l’association les RE.SO.CO.PAD. aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

V. GAMEZ. M. X.

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