Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 7 juin 2010, n° 09/01507

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 7 juin 2010, n° 09/01507
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 09/01507
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 11 février 2009
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/06/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/01507

Jugement (N° 08/612) rendu le 12 Février 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : PM/VR

APPELANTE

SCA. DALKIA FRANCE

ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

assistée de Maître Nadia CANONNE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

Syndicat des copropriétaires de la Résidence FLANDRE

ayant son siège XXX

XXX

Pris en la personne de son syndic la Société SERGIC ayant son siège social 21 résidence Flandres XXX

représenté par Maître QUIGNON, avoué à la Cour

assisté de Maître MENARD, avocat au Barreau du VAL D’OISE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

A B, Président de chambre

Monique MARCHAND, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Y Z

DÉBATS à l’audience publique du 19 Avril 2010 après rapport oral de l’affaire par A B

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2010 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par A B, Président, et Y Z, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 Janvier 2010

*****

Par jugement rendu le 12 février 2009, le tribunal de grande instance de Lille a :

rejeté la demande d’expertise formulée par la société Dalkia France,

condamné la société Dalkia France à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre la somme 599.789 euros TTC au titre de sommes facturées à tort sur le poste chauffage, avec les intérêts aux taux légaux calculés sur 102.110,98 euros TTC depuis le 19 mai 2003, sur 345.779,95 euros TTC depuis le 5 novembre 2003, sur 382.429 euros TTC depuis le 21 décembre 2006, sur 471.753 euros TTC depuis le 22 mai 2007, et sur 599.789 euros TTC depuis le 10 juin 2008,

ordonné la capitalisation des intérêts,

dit n’y avoir lieu de condamner la société Dalkia France à établir des décomptes annuels basés sur la consommation réelle,

débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre de sa demande de dommages et intérêts,

condamné la société Dalkia France à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Dalkia France de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Dalkia France aux dépens,

dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision,

rejeté toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

La SCA Dalkia France a interjeté appel de cette décision le 27 février 2009.

RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre gère un ensemble de logements et de bureaux pour lesquels il doit assurer le chauffage et la fourniture d’eau chaude sanitaire.

Il a conclu, à cette fin, avec la société Dalkia France, plusieurs contrats successifs de fourniture de chauffage et d’eau chaude, de maintenance et de garantie des installations, le premier contrat datant de 1988, le second ayant été signé le 11 avril 1996 pour une durée de 12 ans, à effet au 1er octobre 1995.

Courant 2002, il a demandé à la société NUS, qui a pour activité de donner des conseils aux entreprises pour réduire les frais d’énergie, un audit complet des contrats et factures de la société Dalkia France.

Après avoir obtenu les résultats de cette étude, il a adressé, le 5 décembre 2002, à son co-contractant, un courrier demandant que la facturation des consommations soit établie conformément au contrat c’est-à-dire sur la base des « megawattheures consommés relevés sur le compteur placé en chaufferie ».

Faute de parvenir à un accord avec la société Dalkia France quant à la méthode de facturation, il a fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Lille, par acte d’huissier du 14 février 2006, afin d’obtenir sa condamnation au remboursement de sommes indûment facturées et la réparation du préjudice subi.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

La SCA Dalkia France demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondé son appel,

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 12 février 2009,

Statuant à nouveau :

— constater l’erreur de plume de l’article 8 du Cahier des Prescriptions Spéciales en date du 11 avril 1996,

— dire que la société Dalkia France a respecté la commune intention des parties,

— débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre de ses demandes,

À titre subsidiaire :

— constater que la somme effectivement facturée par Dalkia France est de 3.071.976,42 euros HT,

— réduire le montant des condamnations de première instance à son encontre à la somme de 284.065,39 euros TTC,

— condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre à lui rembourser au titre des sommes versées en application de la clause d’intéressement nulle la somme de 223.958,78 euros HT avec intérêts au taux légal,

— ordonner la compensation entre ces sommes,

— condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance et les frais d’expertise.

Elle fait valoir que le contrat qu’elle a passé avec le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre est un contrat de fourniture de chauffage avec une clause d’intéressement aux économies d’énergie, que ce type de contrat, nommé MCI (marché de comptage intéressement,) est très répandu dans le monde HLM et généralisé à l’ensemble de ses clients.

Elle relève que les documents contractuels composant le marché sont le cahier des prescriptions spéciales (CPS), le cahier des prescriptions communes annexé au cahier des prescriptions spéciales (CPC) et l’annexe au CPC relative aux économies d’énergie.

Elle constate que le syndicat estime que le CPC produit en annexe ne lie pas les parties puisqu’il n’est pas signé et qu’il se contente de reprendre le précédent CPC signé le 23 juin 1988. Cependant, elle affirme que le CPS est bien signé et daté du 11 avril 1996, qu’il précise en son article 13 que « le présent marché annule et remplace le marché n°10736 en date du 23 juin 1988 », que le marché était donc composé du CPS, du CPC et de son annexe de sorte que le nouveau CPS du 11 avril 1996 anéantit les anciens documents contractuels du 23 juin 1988.

Elle explique que le principe du contrat est le suivant :

le syndicat et elle se sont mis d’accord sur un objectif de consommation pour une saison moyenne (soit 2568 DJU ou degrés jours unifiés)

le syndicat ne paiera que cette consommation théorique (nommée NB) réajustée en fonction de la saison réelle (N’B) compte tenu du climat.

En fin de saison, les résultats obtenus sont comparés avec les objectifs fixés. Si les consommations sont plus faibles que les prévisions, elle bénéficie d’une partie des économies mais si les consommations sont supérieures, c’est elle qui prendra en charge ce dépassement. Ainsi, si les installations de chauffage sont bien réglées et bien entretenues, la gestion de la fourniture de chauffage est maîtrisée et les économies qui en résultent sont partagées entre le syndicat et elle.

Elle indique que si le contrat n’est pas intitulé MCI, ses dispositions sont celles d’un contrat de ce type, et qu’en application de l’article 12 du code de procédure civile, il appartient au juge de lui restituer son exacte qualification. Elle explique qu’elle a confié à un expert inscrit auprès de la cour d’appel de Paris (M. X) l’analyse des documents contractuels et le soin de préciser si le contrat litigieux entrait dans la catégorie des contrats MCI et que la réponse a été positive.

Elle ajoute qu’elle a facturé le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre selon les termes du contrat, qu’il n’a réglé que les consommations théoriques pour les années où les objectifs de consommations pondérés ont été dépassés (par exemple en 1995) et qu’il a bénéficié partiellement, en cas de consommation réelle inférieure aux objectifs fixés (par exemple en 2001), de l’économie réalisée. Elle constate d’ailleurs que les factures n’ont pas été contestées pour les logements pour les années 1995 à 1998 et pour les bureaux au titre des années 1995, 2002, 2003, 2004 et 2006 (années pour lesquelles la consommation théorique ajustée a été facturée alors que la consommation réelle était d’un montant supérieur).

Elle affirme que la société NUS, pour demander une régularisation de la facturation, ne s’est basée que sur l’article 8 du CPS sans prendre en compte le contrat dans sa globalité, le CPC et son annexe, pas plus qu’elle n’a tenu compte de l’économie générale dudit contrat, faisant une analyse partiale puisque la société d’audit est intéressée au résultat des économies qu’elle apporte à ses clients. Elle relève que si cette analyse du contrat était retenue, elle serait amenée à vendre à perte ses prestations de chauffage puisqu’elle ne pourrait partager l’économie réalisée les années où la consommation réelle est inférieure aux objectifs de consommation.

Si le syndicat persiste dans sa demande tendant à faire appliquer le contrat sur la base de la consommation réelle, il conviendra, selon elle, de calculer la facturation en prenant en compte le fait que ses facturations étaient basées sur des consommations théoriques ajustées (soit 3.071.976,42 euros HT), et d’ajouter le montant de l’intéressement (non dû puisque l’annexe présentée par le syndicat est celle de 1988, annulée par la convention de 1996) soit 223.958,78 euros HT d’où une différence de 284.065,39 euros HT entre le montant réellement facturé et celui qui aurait dû l’être.

Elle relève enfin qu’elle n’a perçu aucune somme tort, qu’elle a pleinement exécuté ses obligations contractuelles de bonne foi et que la demande de dommages et intérêts ne peut prospérer. Elle soutient que les chiffres et les calculs du syndicat sont fantaisistes, comme l’est le taux d’intérêt réclamé.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille en ce qu’il a :

condamné la société Dalkia France à lui payer la somme de 599.789 euros TTC au titre des sommes facturées à tort sur le poste de chauffage avec les intérêts aux taux légaux calculés sur 102.110,98 euros TTC depuis le 19 mai 2003, sur 345.779,95 euros TTC depuis le 5 novembre 2003, sur 382.429 euros TTC depuis le 21 décembre 2006, sur 471.753 euros TTC depuis le 22 mai 2007, et sur 599.789 euros TTC depuis le 10 juin 2008,

ordonné la capitalisation des intérêts,

condamné la société Dalkia France à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite, en outre, sa condamnation à lui payer une somme de 191.451 euros à titre de dommages et intérêts, 10.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, de débouter la société Dalkia France de ses demandes principales et subsidiaires et de la voir condamnée aux dépens.

Il constate que :

les documents signés par les parties sont le CPS en date du 11 avril 1196, le CPC du 23 juin 1988 et l’annexe au CPC relatif aux économies d’énergie également datée du 23 juin 1988.

il était parfaitement en droit de demander à une société externe, la société NUS, de procéder à un audit, notamment au sujet de la facturation de son co-contractant. Il a d’ailleurs versé au débat le rapport qui a été fait et dont il avait déjà été adressé les conclusions à Dalkia France en décembre 2002. La société NUS a bien étudié l’ensemble des pièces contractuelles qui lient les parties et a fait une analyse confirmée par une consultation rédigée par une société de conseil juridique et technique indépendant des parties, la société SVP Conseil. Depuis fin 2002, il n’a cessé de relancer Dalkia afin de demander à cette dernière des explications sur sa facturation mais n’a pas obtenu de réponse propre à clarifier cet élément. Ce n’est qu’après deux années de démarches et à défaut de solution amiable que la procédure a été introduite.

La société Dalkia France cherche à justifier sa facturation en faisant référence à des termes, des formules et des expressions qui ne figurent pas dans le contrat passé avec lui, à des documents auxquels le contrat en vigueur ne fait pas référence et en détournant de leur destination les termes contractuels. Ainsi, elle affirme que le contrat conclu est un contrat MCI, alors que ce terme ne figure dans aucun document contractuel. Le projet de CPC 1996 (qui n’a pas été signé) est identique à celui de 1988 de sorte que rien ne justifiait la signature d’un nouveau CPC et que la discussion sur ce point est sans intérêt ; les documents à prendre en compte sont donc ceux-ci-dessus mentionnés. Les objectifs de consommation affirmés par Dalkia ne figurent pas dans les documents contractuels. De plus, l’article 8 du CPS prévoit expressément que la redevance due pour le chauffage résulte du relevé du compteur placé en chaufferie, en mégawttheures consommés. Il n’y a aucune référence à des consommations théoriques, à des objectifs fixés et le contrat ne mentionne pas que Dalkia doive bénéficier d’une partie des économies réalisées. Il est également faux de prétendre que les factures qui lui ont été adressées comportaient le détail de calcul des redevances avec une mention de contrat « Type MCI », aucune référence à un tel contrat ne figurant sur les factures(sur quelques factures apparaissent uniquement les mentions MC ou M).

Le contrat conclu entre les parties est clair et notamment l’article 8 du cahier des prescriptions spéciales qui prévoit que les redevances sont facturées en fonction des mégawattheures consommés relevés sur le compteur placé en chaufferie. La clause d’intéressement, destinée à favoriser les économies d’énergie, ne peut avoir pour effet de modifier ces dispositions précises du CPS.

S’il est établi que la facturation adressée par Dalkia France est celle relative à un contrat MCI (comme le relève l’expert mandaté par cette dernière), la convention liant les parties ne s’analyse pas comme un tel contrat. Le thème NB employé ne fait pas référence à un objectif de consommation mais à l’intéressement devant lui bénéficier, calculé conformément à l’article 13 du document annexe au CPC.

En tout état de cause, il n’aurait jamais signé un contrat basé sur des consommations théoriques et l’article 8 du CPS, qui fait référence à une consommation devant être relevée sur le compteur, n’est en aucune façon erroné et n’a pas à être réécrit. D’ailleurs, les factures concernant l’utilisation de l’eau chaude sanitaire sont parfaitement établies, avec référence aux m3 consommés relevés sur le compteur placé sur l’arrivée d’eau froide en amont des appareils de production, tel que prévu par l’article 8.1 du CPS. Il est donc incompréhensible qu’en dépit de dispositions identiques pour le chauffage et pour l’eau chaude, la facturation soit différente.

De même, il n’est pas acceptable que la société Dalkia France soit d’accord pour facturer par référence à la consommation réelle (et donc pour appliquer le contrat) à condition que l’intéressement (soit le terme B) soit modifié. Il n’existe aucune raison pour un tel changement alors que le consentement des parties avait porté sur l’ensemble du contrat. Il est donc normal qu’il bénéficie de l’intéressement, correctement calculé, puisque celui-ci est contractuellement prévu.

Il a effectué une comparaison entre la facturation faite par la société Dalkia France et une proposition de contrat qui lui a été soumise en 2006. Or, cette dernière serait beaucoup plus avantageuse pour elle de sorte que Dalkia ne peut prétendre que le contrat litigieux n’était pas viable.

Faute de signature d’un CPC en 1996, c’est celui de 1988 qui a continué à s’appliquer, l’article 13 du CPS de 1996 ne faisant référence qu’à l’ancien CPS et non au CPC ou à son annexe.

Il sollicite des dommages et intérêts pour réparer le préjudice consécutif au versement du trop-perçu à la société Dalkia France avec l’application d’un taux d’intérêt correspondant à ce que les copropriétaires auraient pu obtenir en plaçant des sommes indûment payées. Il demande également remboursement du trop-perçu calculé en comparant la facturation qui lui a été adressée et la facturation nette basée sur la consommation réelle.

*

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 1134 du code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Selon l’article 1156, on doit rechercher, dans les conventions, quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

Il en résulte qu’il appartient au juge de rechercher l’intention des parties contractantes dans les termes employés par elles, dans l’économie générale du contrat comme dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Flandre a contracté avec la société Dalkia France pour que cette dernière assure la production d’eau chaude et le chauffage de logements et de bureaux dont elle a la gestion.

Un premier contrat a été signé en 1988.

Le 11 avril 1996, les parties ont signé un « cahier des prescriptions spéciales » portant les références d’un marché n°10736, édition du 10 mai 1995, lequel prévoit que 'le présent marché annule et remplace le marché n°10736 en date du 23 juin 1988 ainsi que l’avenant n°1 du 17 novembre 1988, l’avenant n°2 du 22 septembre 1993 et l’avenant n°3 du 1er novembre 1994". Il est également précisé à l’article 3 « documents contractuels » que « les documents contractuels constituant le marché sont :

le présent cahier des prescriptions spéciales et ses annexes

le cahier des prescriptions communes annexé au présent CPS et son annexe relative à l’intéressement aux économies d’Energie ».

Dès lors, même si le cahier des prescriptions communes daté de mai 1995 n’a pas été signé par les parties, il est entré dans le champ contractuel comme composante du marché d’exploitation régularisé qui doit être considéré comme un tout.

En conséquence, il ne saurait être prétendu que le précédent cahier des prescriptions communes datant de 1988 et relatif à la précédente convention signée en 1988 devait continuer à s’appliquer. En tout état de cause, il convient de constater que les cahiers des prescriptions communes de 1988 et 1995 sont pratiquement identiques (à l’exception des paragraphes 12-1 et 12-2 lesquels sont rédigés différemment mais sans que le sens des dispositions ne soit modifié).

Par contre, aucune annexe au cahier des prescriptions communes n’ayant été établie en 1995, les dispositions du précédent document doivent être considérées comme ayant été reconduites entre les parties qui sont en définitive liées, durant la période litigieuse par :

le cahier des prescriptions spéciales édité en mai 1995

le cahier des prescriptions communes édité en mai 1995 (identique à celui de 1988)

l’annexe au cahier des prescriptions communes daté et signé en 1988

Selon ces documents, le marché a pour objet « l’approvisionnement en combustible, conduite, entretien des installations de chauffage de production d’eau chaude sanitaire de traitement d’eau avec garantie des installations et intéressement aux économies d’énergie avec mise à disposition par le client d’un local pour l’installation et l’exploitation d’une centrale de cogénération ». Le cahier des prescriptions spéciales explique que la cogénération permet à partir d’un combustible unique (gaz ou FOD), la production simultanée de chaleur et d’énergie électrique, le système étant basé sur le principe de la récupération de l’énergie calorifique actuellement perdu lors de la production d’énergie électrique. Cette production en électricité est revendue à EDF et l’énergie thermique récupérée valorisée et sur le réseau de chauffage de la résidence Flandre.

Il est précisé que la saison de chauffage va du 1er septembre au 31 mai, la période contractuelle de 212 jours étant, en principe, entre le 1er octobre et le 30 avril. Le nombre de degré pour les jours de la période contractuelle de chauffe est fixé à 2.568 DJU.

L’article 8 du cahier des prescriptions spéciales stipule que les redevances, hors taxes, sont déterminées, pour le chauffage (P1), en fonction des mégawattheures consommés relevés sur le compteur placé en chaufferie (143,802 F/Mwh pour les logements et 157,472 F/Mwh pour les bureaux) et pour la production d’eau chaude sanitaire en fonction des mètres cube consommés relevés sur le compteur placé sur l’arrivée d’eau froide en amont des appareils de production (16,672 F/m3). Le prix de la conduite, de la surveillance, de l’entretien du système est également fixé de même que celui de la fourniture des produits de traitement d’eau et de la garantie totale.

L’article 9 de ce cahier prévoit une révision des prix, par dérogation aux conditions de l’article 11 du cahier des prescriptions communes, en fonction du prix du combustible.

Par ailleurs, les articles 10 du cahier des prescriptions spéciales et 12 du cahier des prescriptions communes fixent les conditions de règlement du montant du marché et précisent qu’en cours de saison, des factures égales à 25 % des redevances ou de l’estimation annuelle de base mentionnée au CPS révisé en fonction des barèmes indices connus à la date de facturation, sont payables au 31 octobre, le 31 décembre, le 28 février et 30 avril de chaque exercice. En fin de saison, chaque année, il est établi, pour le combustible, un décompte définitif arrêté au 30 juin tenant compte des redevances ajustées en fonction suivant les cas de :

la durée effective de la saison de chauffe ou des degrés jours enregistrés,

la révision des prix en intégrant dans les formules d’ajustement en valeur finale la valeur moyenne des tarifs de la période contractuelle de chauffe,

des consommations réelles des services thermiques

La différence entre ce décompte et la somme des factures présentées fait l’objet d’une facture ou d’un avoir.

L’estimation annuelle de la consommation d’eau chaude sanitaire et d’eau traitée est de 18.000m3 et « pour le calcul du terme B, les paramètres initiaux sont les suivants : chauffage : D = 212 jours (1er octobre au 30 avril)

DJU = 2568

NB = 7600Mwh se décomposant en logement : 6500 Mwh

Bureaux : 1100 Mwh »

Ces termes de DJU et NB se retrouvent dans l’annexe au cahier des prescriptions communes intitulées « intéressement aux économies d’énergie » signé en 1988 qui prévoit que les réductions de consommation résultant d’un investissement important feront l’objet d’un avenant et les autres réductions de consommation provenant, soit de la bonne exécution des prestations de chauffe, soit de la volonté du client, seront répercutées dans la facturation par application du principe qui suit :

« le prix P de règlement annuel sera calculé comme suit :

P = P1 + (me) + P2 + B

formule où :

P1 : représente le combustible réputé nécessaire pour assurer le chauffage des locaux pendant la période contractuelle et pour le nombre de degrés jours mentionnés au CPC

Cette valeur sera ajustée proportionnellement à un coefficient égal au rapport entre le nombre de degrés jours unifiés pendant la période effective de chauffage et le nombre de degrés jours de base fixés au CPC.

m : nombre de mètres cubes d’eau sanitaire réchauffée mesurée au compteur placé à l’entrée des réchauffeurs

e : représente le combustible réputé nécessaire pour réchauffer en mètre cube d’eau froide mesurée à l’entrée des réchauffeurs jusqu’à la température contractuelle fixée au CPC y compris le combustible nécessaire pour maintenir en température, pendant la période de fourniture, le réseau de distribution d’eau chaude sanitaire.

Les valeurs P1 et e intègrent les frais et charges de l’exploitant sur la part énergie

P2 : représente les fournitures et prestations de conduite et de petits entretiens réputés annuellement nécessaires pour assurer le chauffage des locaux et le réchauffage de l’eau sanitaire.

B : terme négatif ou nul de la valeur en francs, hors taxes, de l’économie d’énergie.

Il est défini comme suit :

NB : nombre d’unités de mesure d’énergie prévu pour assurer le chauffage des locaux pendant la période contractuelle et dans les conditions climatiques moyennes précisées en degrés jours unifiés au CPC

N’B : nombre d’unités de mesure d’énergie nécessaire pour assurer le chauffage des locaux pendant la période effective de chauffage obtenu en ajustant le nombre NB de base proportionnellement au nombre de degrés jours unifiés constatés sur la période effective de chauffage. N’B correspond à P1 ajusté comme il est dit ci-avant.

NC : nombre d’unités de mesure d’énergie réellement utilisé pour le chauffage des locaux. (')

On compare ensuite le nombre NC obtenu à la valeur N’B

1er cas : si le nombre NC est égal à N’B, le terme B est nul.

2e cas : si le nombre NC est inférieur à N’B, le terme B est égal à :

B = -0,7 (N’B ' NC)x k

3e cas : si le nombre NC est supérieur à N’B, le terme B est nul.

K : représente la valeur moyenne n’a de l’unité d’énergie ayant servi à la révision du poste combustible. »

Les dispositions du contrat permettent donc de calculer un intéressement par référence à un objectif de consommation (NB, soit pour le présent contrat, 2568 DJU, représentant les consommations théoriques selon les saisons de chauffe), pondéré en fonction de la rigueur de l’hiver (calculé en fonction des indications de la station météorologique de Lille Lesquin selon l’article 7 du CPS). Contrairement aux affirmations du syndicat des copropriétaires, il existe donc bien, pour le calcul d’un terme B, des paramètres initiaux qui, en fonction du terme N (nombre d’unités d’énergie) représente le « nombre d’unités de mesure d’énergie prévu pour assurer le chauffage des locaux pendant la période contractuelle et dans les conditions climatiques moyennes précisées en degrés jours unifiés au CPC » (termes employés dans l’annexe du CPC). B ne représente donc aucunement l’intéressement mais bien un objectif moyen de consommation (soit l’énergie nécessaire pour le chauffage des locaux, avec 2.568 DJU, dans des conditions climatiques normales). De même, le terme N’B est indiqué dans l’annexe du CPC et représente le nombre NB pondéré ou ajusté.

On ne peut donc s’arrêter à la lettre de l’article 8 du CPS pour calculer la redevance due pour le chauffage, le terme P1 ne pouvant à la fois, selon le CPS, résulter d’un simple relevé et selon l’annexe au CPC découler d’une formule incluant les termes NB et N’B.

Si la facturation, pour le poste chauffage, n’était définie qu’en fonction de la consommation relevée au compteur, la référence à un objectif de consommation, à un nombre de degré jours unifié serait sans aucun intérêt. Par ailleurs, il ne serait pas non plus prévu d’avenant en cas de réduction de consommation résultant d’investissements (annexe au CPC).

De même, le CPC ne prévoirait pas un décompte définitif, arrêté au 30 juin, ajusté en fonction de la durée effective de chauffe ou des degrés jours enregistrés, éléments sans aucune incidence dans le cadre d’une facturation basée sur un simple relevé compteur.

La facturation devait donc être faite conformément aux dispositions de l’annexe au code de procédure civile étant précisé que, la consommation réelle (NC), dont dépend le prix P1, est nécessaire pour le calcul de la redevance due par le client. Ce prix n’est pas fixé uniquement en fonction d’une quantité de chaleur théorique, mais par référence aux relevés compteurs comparés à la consommation théorique. La facturation n’est donc pas basée uniquement sur une consommation théorique mais dépend, pour l’intéressement, de cette consommation théorique.

Le fait que la société DAKIA bénéficie d’une partie des économies réalisées par rapport à la consommation moyenne fixée entre les parties, résulte de la simple application de la formule contractuellement prévue pour le calcul de l’intéressement soit B = -0,7 (N’B ' NC)x k, l’économie faite par le client étant, dès lors, représentée par un avoir de 70% de l’économie effectivement réalisée par rapport aux objectifs de consommation, le surplus bénéficiant au prestataire ; si la formule était appliquée à une consommation réelle relevée sur les compteurs, elle conduirait à faire bénéficier le client d’un avoir de 70% de la différence entre la consommation théorique ajustée et la consommation réelle multipliée par le prix du Kwh. Dans ces cas, plus il y a d’économie d’énergie, plus l’exploitant voit sa marge diminuée par rapport au coût de revient. Il n’aurait donc aucun intérêt à optimiser sa conduite, et ce, contrairement aux dispositions contractuelles de l’annexe. En effet, les clauses d’intéressement aux économies d’énergie ne peuvent avoir de sens que si les deux parties, exploitant et maître de l’ouvrage, sont incitées à réaliser de telles économies. Il est, de même, évident par l’application de la formule mathématique que si la consommation réelle (NC) est supérieure au terme N’B (soit la consommation théorique ajustée), le terme B devrait être positif ce qui conduirait à une facturation supérieure à celle découlant de la facturation théorique ajustée. Or, le contrat impose, dans ce cas, un terme B nul, ce qui implique que le surplus de consommation est, en réalité, pris en charge par le prestataire et non par le client (tel que cela résulte des facturations notamment pour l’année 1995).

Par ailleurs, la formule reprise permet de constater que seule le poste chauffage comporte une variable pour le calcul de l’avoir ou de la facture correspondante, la facturation de l’eau étant faite par référence à la consommation relevée au compteur sans qu’aucune référence à un objectif de consommation ne soit fait, ce qui explique les différentes méthodes de calcul des redevances.

Dès lors, la facturation de Dalkia est conforme au contrat litigieux ; la société NUS n’a pas pris en compte la définition des objectifs fixés, et s’est arrêtée à la lettre de l’article 8 du contrat. Le fait que les factures ne reprennent pas (comme le contrat) les mentions MCI, MC ou M est sans incidence dans la mesure où le calcul de l’intéressement a été effectué conformément aux dispositions contractuelles. De même, le fait que les documents contractuels ne comportent pas de référence à un contrat MCI est sans importance puisque ces clauses et dispositions renvoient très clairement à un tel contrat (marché à comptage basé sur la fourniture d’énergie par le prestataire, rémunéré au prorata des quantités de chaleur fournies à l’installation en sortie de chaufferie assorti d’une clause d’intéressement aux économies d’énergie). En tout état de cause, la qualification du contrat et son appellation n’affectent en rien l’application précise de ses dispositions et la volonté commune des parties, ressortant de l’annexe au CPC qui était, selon la formule de calcul de P, de faire bénéficier le syndicat des copropriétaires d’un avoir de 70% des « autres réductions provenant, soit de la bonne exécution des prestations de chauffe, soit de la volonté du client ».

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé et le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre débouté de ses demandes tendant au remboursement de 599.789 euros, aucune somme ne lui ayant été indûment facturée par la société Dalkia, et à la condamnation de cette dernière à des dommages et intérêts puisque la convention liant les parties a été correctement exécutée.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre succombant en ses prétentions, il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il est inéquitable de laisser à la charge de DALKIA France la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre sera condamné à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme couvrant notamment les frais de l’expertise de Monsieur X.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau :

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre aux dépens de première instance et d’appel ;

DIT que la SCP THERY LAURENT, Avoués, pourra recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence de Flandre à payer à la SCA Dalkia France la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

Y Z A B

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 7 juin 2010, n° 09/01507