Cour d'appel de Douai, 31 janvier 2014, n° 13/01309

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 31 janv. 2014, n° 13/01309
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 13/01309
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Douai, 17 mai 2012, N° F10/00274

Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

31 Janvier 2014

N° 112-14

RG 13/01309

XXX

Jugement du

Conseil de prud’hommes – Formation de départage de DOUAI

en date du

18 Mai 2012

(RG F 10/00274 -section )

NOTIFICATION

à parties

le 31/01/14

Copies avocats

le 31/01/14

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. J Y

XXX

XXX

Représenté par Me Patrick DELAHAY, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/5553 du 26/06/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIME :

SARL C

CENTRE AFFAIRE MOLINEL BAT A

AVENUE DE LA MARNE

XXX

Représentée parMe Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE

Substitué par Me VANACKER

En présence de Mme B C, gérante

DEBATS : à l’audience publique du 26 Novembre 2013

Tenue par A. G et A. M

magistrats chargés d’instruire l’affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

F G

: PRESIDENT DE CHAMBRE

L M

: CONSEILLER

D E

: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2014, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par F G, Président et par Nadine CRUNELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

À compter du 25 décembre 1995 M. Y a été engagé par la société FEIRIGNIOT en qualité d’opérateur de stations-service.

La société C ayant procédé à l’achat du fonds de commerce de la société FEIRIGNIOT, M. Y est devenu au terme d’un avenant au contrat de travail le salarié de la première société à compter du 17 septembre 2009 avec reprise d’ancienneté au 25 décembre 1995.

Par lettre recommandée en date du 6 juillet 2009 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 mars 2010 M. Y a été licencié pour faute grave dans les ternes suivant :

'Je vous ai convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 15 février 2010, au siège de la société sis à Tourcoing, afin que vous puissiez m’apporter toutes explications utiles sur des faits que je vous reproche, et qui ont motivé votre mise à pied à titre conservatoire..

Vous ne vous êtes pas rendu à cet entretien.

Le lendemain, j’ai reçu une lettre recommandée par laquelle vous m’avez sollicité quant au report de cet entretien, faisant état de problèmes médicaux vous empêchant de vous déplacer.

Désirant obtenir vos explications sur les faits reprochés, je vous ai alors reconvoqué à un entretien fixé le 26 février.

Prenant en considération les raisons de votre premier empêchement, et afin de m’assurer de votre présence lors de cet entretien, je vous ai alors convoqué sur le site de Douai.

L’entretien s’est tenu le 26 février, au cours duquel vous étiez assisté.

Les explications fournies lors de celui ci n’ont pas changé l’appréciation de la situation, et ne permettent pas de vous maintenir à l’effectif de la société.

Ainsi, je me vois contrainte de vous licencier pour faute grave, compte tenu précisément de la gravité des faits relevés à votre encontre et rappelés ci après :

Vous avez été embauché au sein de notre société le 17 septembre 2009 en qualité d’opérateur de station service avec reprise d’ancienenté au 25 décembre 1995. Vous exerciez vos fonctions au sein de la station de Douai.

Dans ce cadre, vous deviez respecter différentes obligations contenues dans votre contrat de travail.

Vous deviez, notamment, assurer l’accueil des clients, la bonne tenue du magasin, la gestion de la caisse, ainsi que la sécurité du site.

Or, durant l’exécution de ces diverses tâches, vous avez eu un comportement inacceptable portant une atteinte grave aux intérêts de la société.

J’ai été alertée à plusieurs reprises par des clients mécontents, m’indiquant que vous aviez un comportement anormal, notamment lorsque vous teniez la caisse en fin d’après midi.

Ce mécontement s’est renouvelé le 1er février. Un client s’est de nouveau plaint de votre comportement anormal.

J’ai alors décidé de me rendre sur la station au cours de cette même journée vers 19h30, accompagné de votre Manager (Responsable du site de Douai), Mademoiselle H I;

Dès notre arrivée, nous avons pu constater que le lavage était fermé, et que la station n’était pas éclairée alors qu’il faisait nuit…

Nous avons alors attendu afin de surveiller ce qu’il se passait.

Vous avez rallumé la station, 10 minutes après environ, pour finalement éteindre le totem des prix et le lavage à 19h50, alors que la station ferme à 21heures !

Par ailleurs, nous avons également vu une caissière venir à la station vers 19h30.

Interrogée le lendemain sur sa présence sur le site, elle nous a indiqué qu’elle était venue payer les 20 € de carburant qu’elle avait mis 30 mn auparavant dans sa voiture.

Au regard de votre comportement, elle était effectivement partie sans payer afin d’avoir la confirmation de votre état anormal (étant précisé que vous ne l’aviez pas reconnue…).

Votre collègue s’est donc servie à la pompe sans même que vous la remarquiez.

En outre, alors que dans un premier temps elle n’a effectué aucun règlement, vous avez déclaré le paiement de la somme de 20 € en espèces, sans même déclarer le véhicule 'partie sans payer’ (P.S.P) et ce, conformément à la procédure applicable en pareilles circonstances !

Lors de l’entretien, vous avez reconnu que vous n’aviez pas reconnu votre collègue, et que vous ne saviez pas qu’elle s’était servie à la pompe…

Enfin, nous avons constaté -à plusieurs reprises- que vous buviez dans une bouteille de coca cola (50cl).

Compte tenu de votre comportement décrit ci-dessus, nous nous sommes alors interrogées sur le contenu réel de cette bouteille.

Nos doutes ont été levés lorsque votre Manager et moi même avons constaté que vous titubiez au sein du magasin.

Nous avons alors la décision d’intervenir. Nous nous sommes rapprochées de la boutique et avons tapé à la vitrine afin que vous nous ouvriez.

Dans un premier temps, vous ne nous avez pas reconnus…

Après 5 minutes d’explication sur notre visite, et les doutes qui justifiaient celle ci, vous avez alors reconnu boire de l’alcool sur la station -pendant vos heures de travail-depuis un certain temps.

A ce titre, nous avons récupéré derrière la caisse deux bouteilles de coca que vous mélangiez avec du whisky. La première était vide, il ne restait qu’un fond de ce mélange dans la deuxième. D’autres part, l’odeur émanant de ces bouteilles ne laissent aucun doute sur la teneur de ce mélange.

Je vous précise que votre Manager avait déjà retrouvé, la semaine précédant votre intervention, ce genre de bouteilles vides derrière votre caisse, après votre départ.

Face à votre état d’ébriété manifeste, j’ai alors refusé que vous repartiez en voiture.

J’ai contacté un taxi, lequel vous a raccompagné jusqu’à votre domicile.

De même, j’ai du contacter -en urgence- un collègue afin qu’il puisse vous remplacer 'au pied levé’ sur la station.

Lors de l’entretien, vous avez reconnu -une nouvelle fois- l’ensemble des faits reprochés, et, notamment, la consommation réccurente d’alcool sur le site durant vos heures de travail.

Ce comportement porte gravement atteinte aux intérêts de la société. En outre, votre consommation d’alcool sur le site entraine un risque tant pour vous même que pour les clients de la station.

Dans ces conditions, votre maintien à l’effectif s’avère impossible.

Par conséquent, je vous notifie votre licenciement pour faute grave.

Le licenciement prend effet immédiatement ce jour, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Je vous ferai parvenir, dans les meilleurs délais, les sommes restant dues, ainsi que votre certificat de travail et attestation Pôle emploi.

Enfin, je vous informe que vous avez acquis 120 heures au titre du droit individuel à la formation.

De même, je vous rappelle qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pourriez conserver le bénéfice de la prévoyance complémentaire dans la limite de 9 mois en application de l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier2008 sur lequel je reste à votre disposition pour vous apporter toutes informations utiles'.

Par requête en date du 16 juin 2010 le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Douai lequel par jugement de départage en date du 18 mai 2012 a débouté M. Z Y de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer la somme de 500 euros à la société C au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens.

Le 14 juin 2012 le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 9 avril 2013 par M. Y.

Vu les conclusions déposées le 12 juillet 2013 par la société C.

Les parties entendues en leurs plaidoiries qui ont repris leurs conclusions écrites.

SUR CE

Du licenciement

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’ une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d’une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce il est reproché au salarié un comportement anormal à l’égard de clients particulièrement le 1er février 2010 ainsi qu’une consommation excessive d’alcool ne lui permettant pas d’assurer correctement ses missions notamment quant à l’encaissement des règlements effectués par les clients, l’employeur considérant que le comportement inacceptable de M. Y porte gravement atteinte aux intérêts de la société.

Le salarié conteste la réalité des faits lui étant reprochés en faisant valoir que l’employeur procède par affirmations, aucun élément ne venant étayer celles-ci.

Il souligne qu’aucun justificatif n’est fourni quant à un dépôt de plainte de la part de clients, aucun d’entre eux n’ayant témoigné en faveur de la société C qui en outre, bien que disposant des bandes d’enregistrements du système de vidéosurveillance installé au sein de la station-service, n’a remis aucune desdites bandes.

Il convient en effet de constater que l’employeur, qui fait état dans la lettre de licenciement de plaintes de clients relativement au comportement du salarié, se fonde sur des déclarations de salariés de l’entreprise pour justifier de la véracité des allégations formulées à ce titre à l’encontre de M. Y.

Or les témoignages de salariés de l’entreprise en ce qu’ils émanent de personnes soumises au pouvoir hiérarchique de l’employeur doivent être examinés avec circonspection et ne peuvent être considérés comme suffisamment probants que s’ils sont corroborés par des éléments objectifs.

Alors même que l’employeur fait état de la plainte d’une cliente et de la venue des forces de police à la station-service, aucun élément n’est fourni pour établir la réalité de ladite plainte et du déplacement des forces de police.

Il convient même de constater s’agissant du non encaissement d’une somme de 20 euros en règlement de l’achat d’essence, sous réserve de la véracité d’un tel manquement, que celui-ci a été provoqué par les agissements d’une salariée, qui s’est rendu à la station-service pour y prendre de l’essence sans la payer, et ce afin d’être confortée dans l’idée que M. X n’était pas en état, eu égard à son alcoolisation, d’occuper son poste.

Les doutes quant à la loyauté d’un tel comportement constituent un motif supplémentaire d’examen des témoignages des salariés avec la plus grande circonspection.

Ces derniers ne sont corroborés par aucun élément objectif quant à une consommation habituelle d’alcool sur le lieu de travail par M. Y.

En revanche s’agissant d’une telle consommation le jour où la représentante de la société C et le manager de la station de service se sont déplacés sur le lieu de travail du salarié, il convient de constater que l’employeur remet une note de taxi, mentionnant le nom de l’entreprise, celui de M. Y et se rapportant à ladite journée, pour laquelle l’employeur affirme qu’il s’est opposé à ce que le salarié retourne à son domicile à bord de son véhicule, lui offrant la course de taxi.

Ladite note de taxi, pour laquelle le salarié ne fournit aucune explication, vient corroborer les allégations de l’employeur quant à une consommation d’alcool ce jour-là et un état de santé du salarié ne lui permettant pas de retourner à son domicile en utilisant son véhicule.

Même si aucun élément suffisamment probant ne permet d’établir qu’un tel comportement a revêtu un caractère récurrent, pour autant une telle consommation d’alcool, qui constitue une violation des dispositions contractuelles la prohibant, constitue une faute suffisamment sérieuse pour justifier le prononcé du licenciement eu égard à la nécessité d’une particulière vigilance compte tenu de la présence de substances inflammables surle lieu de travail.

Toutefois en l’absence de preuve d’une réitération de tels agissements, s’agissant d’un salarié présent dans l’entreprise depuis 1995 sans qu’aucun fait de même nature ne lui ait été précédemment reproché, cette faute ne constitue pas une faute grave.

En effet aucun élément ne permet de considérer que le salarié qui s’est abstenu d’adopter un tel comportement pendant de longues années n’avait pas la capacité de s’abstenir pendant la durée limitée du préavis de réitérer un agissement qui demeure, au regard des preuves fournies par l’employeur, un acte isolé dans sa vie professionnelle.

Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris et de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse de sorte que le salarié a droit au paiement, comme il le sollicite, d’une indemnité de préavis à hauteur de 2730,06 euros outre les congés payés afférents pour une somme de 273 euros, ainsi que d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire à hauteur de 1319,17 euros outre la somme de 131,92 euros pour les congés payés afférents.

De l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le salarié au paiement d’une indemnité en application de cet article.

Des dépens

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société C à payer à M. Z Y les sommes suivantes:

-2730,06 euros (deux mille sept cent trente euros et six centimes) à titre d’indemnité de préavis outre la somme de 273 € (deux cent soixante treize euros) pour les congés payés afférents

-1319,17 euros (mille trois cent dix neuf euros et dix sept centimes) à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire outre la somme de 131,92 euros (cent trente et un euros et quatre vingt douze centimes) pour les congés payés afférents

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. CRUNELLE A. G

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Textes cités dans la décision

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