Cour d'appel de Douai, 17 décembre 2015, n° 15/01634

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 17 déc. 2015, n° 15/01634
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 15/01634
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Arras, 12 mars 2015, N° 2014/2519

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 17/12/2015

***

N° de MINUTE : 15/

N° RG : 15/01634

Jugement (N° 2014/2519)

rendu le 13 Mars 2015

par le Tribunal de Commerce d’ARRAS

REF : SA/KH

Redressement judiciaire

APPELANTE

SARL TRANSPORTS VERBRUGGE FRANCE

ayant son siège social 935 Rue de Saint-Venant

XXX

Représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

Assistée de Me Patrick VAN CAUWENBERGHE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

SELARL X ET ASSOCIES représentée par Maître X Y agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL TRANSPORTS VERBRUGGE, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d’Arras du 13 mars 2015.

ayant son siège social 88/90 Rue Saint-Aubert – 2 Square Saint-Jean

XXX

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Organisme URSSAF DU NORD PAS DE CALAIS

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS à l’audience publique du 10 Novembre 2015 tenue par Stéphanie ANDRE magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Z A

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Stéphanie ANDRE, Conseiller

Nadia CORDIER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président et Z A, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 15 septembre 2015, communiquées aux parties le 18 septembre 2015

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 novembre 2015

***

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Transports Verbrugge France (la société) est une entreprise de transports publics de marchandises, spécialisée dans le transport de proximité et le stockage de marchandises. Elle emploie douze salariés.

Selon jugement en date du 13 mars 2015, le tribunal de commerce d’Arras, sur assignation délivrée à la demande de l’URSSAF, a, notamment, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL Transports Verbrugge, fixé provisoirement au 14 novembre 2014 la date de cessation des paiements, et désigné la SELARL X et associés en qualité de mandataire judiciaire.

La société a interjeté appel par déclaration du 17 mars 2015.

Par ordonnance du 13 mai 2015, le premier président de la cour d’appel de Douai a fait droit à sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 octobre 2015, la SARL Transports Verbrugge sollicite de la cour qu’elle « casse » le jugement du 13 mars 2015.

Pour contester ce jugement, elle expose qu’elle est une entreprise viable, dont le placement en redressement judiciaire apparaît manifestement excessif et de nature à la condamner à la cessation d’activité dès lors qu’aucune entreprise de distribution ne va lui confier ses biens pour ses opérations logistiques. Elle fait ainsi valoir que:

elle a connu des difficultés de trésorerie importantes en 2014, dues à un litige commercial et à la perte d’un important client, mais qu’elle a depuis signé de nouveaux contrats avec deux chaînes de supermarché,

après l’arrêt de l’exécution provisoire, elle a réglé l’intégralité de l’arriéré de cotisations sociales à l’URSSAF , soit 122 527, 27 euros,

elle a payé la totalité des cotisations URSSAF 2015 et fait face à toutes ses charges courantes (TVA, taxe foncière, assurances), ainsi qu’au paiement des salaires.

Elle estime son état d’endettement moindre que celui résultant de la liste des créances établie par le mandataire dès lors que:

elle a réglé tous ses impôts et taxes,

sur la liste synthétique des créances, qui en comprend 52, dressée par Me X, 18 d’entre elles ont été intégralement payées, pour une somme totale de 257 685, 77 euros,

14 d’entre elles, qui représentent un total de 651 475, 22 euros, ont fait l’objet d’un étalement ou sont dans l’attente d’une décision judiciaire se prononçant sur l’étalement,

d’autres sont relatives à des litiges en cours ou correspondent à des factures contestées et doivent donc être déduites,

une partie des créances reprises correspond à des sommes à échoir (199 274, 38 euros),

quatre créances d’un montant important (354 898 euros) correspondent à des crédits-bail régulièrement honorés et dont l’inscription est faite pour l’ensemble du crédit et non pour le montant restant à régler.

Enfin, elle conteste ne pas avoir réglé des créances postérieures au redressement judiciaire et fait valoir qu’au regard de son chiffre d’affaires au 31 décembre 2014, soit 1 482 513 euros, en tenant compte de l’étalement sur 24 mois d’une partie très importante des créances, de son compte de résultat au 31 août 2015 et de son résultat d’exercice au 30 septembre 2015 (65 137 euros), elle n’est pas en état de cessation des paiements.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 octobre 2015, l’URSSAF du Nord Pas-de-Calais demande à la cour de:

débouter la SARL Transports Verbrugge de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Arras le 13 mars 2015,

condamner la demanderesse aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi.

Elle expose que:

la société lui a fait des versements avant l’audience devant le tribunal de commerce mais restait redevable de 122 527, 27 euros, de sorte qu’elle était en état de cessation des paiements à la date du jugement,

après l’arrêt de l’exécution provisoire, la débitrice a proposé un échéancier, la dette devant être soldée au 25 juin 2015. A cette date, seulement 34 194 euros avaient été consignés entre les mains du mandataire,

les cotisations et majorations de retard de mars, avril et mai 2015, soit 18 500 euros, n’ont pas été réglées à leur échéance,

pendant la procédure d’appel, la société lui a réglé directement 34 000 euros et a consigné entre les mains du mandataire la somme de 74 194 euros, soit l’intégralité de l’arriéré dû, ainsi que les charges postérieures au redressement judiciaire,

il résulte cependant des écritures du mandataire que cet effort n’a été accompli qu’en négligeant de payer d’autres charges courantes.

Selon dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2015, la SELARL X sollicite la confirmation du jugement. Elle explique que:

la société est en état de cessation des paiements depuis 2013; le total cumulé de ses dettes exigibles en mars 2015 s’élevait à la somme de 766 153, 81 euros, aucune réserve de trésorerie n’étant disponible;

à la date du 17 juin 2015, 47 créanciers avaient déclaré des créances pour un montant total de 1 262 646, 57 euros, dont une grande majorité de créances échues,

la société est encore à ce jour en état de cessation des paiements,

elle ne justifie pas avoir réglé la créance déclarée par l’URSSAF puisque seule la somme de 34 194 euros a été consignée,

les efforts accomplis par la société pour apurer, en partie, son passif exigible à l’ouverture de la procédure collective, l’ont été au détriment d’autres créanciers, des dettes postérieures au jugement d’ouverture n’ayant pas été payées,

il importe peu que son résultat d’exploitation ait pu être, sur certaines périodes, positif, cette notion n’étant pas un critère de l’état de cessation des paiements,

le fait qu’à certaines périodes, les comptes bancaires puissent présenter un solde positif est sans importance, compte tenu de l’importance du passif exigible.

Madame la procureure générale requiert la confirmation de la décision du tribunal de commerce du 13 mars 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L 631-1 alinéa 1 du code de commerce, « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L631-2 ou L 631-3, qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en état de cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements ».

Il y a lieu de rappeler au préalable que, si la charge de la preuve de l’état de cessation des paiements repose sur celui qui demande l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il appartient au juge, nonobstant la charge de la preuve qui pèse sur le créancier demandeur, de rechercher les éléments permettant d’apprécier cet état.

En revanche, le débiteur qui prétend bénéficier de réserves de crédit ou de moratoires de la part de ses créanciers doit en apporter la preuve.

Pour apprécier l’état de cessation des paiements, il convient de mettre en rapport le passif exigible, c’est à dire l’ensemble des dettes certaines, liquides et échues – devant donner lieu à paiement immédiat -, et l’actif disponible, qui représente l’actif réalisable immédiatement ou à très court terme.

* * *

Sur le passif exigible de la SARL Transports Verbrugge

' Il ressort de la liste synthétique des créances dressée au 17 juin 2015 en application de l’article L 622-24 du code de commerce par Me X, que le montant total des 59 créances déclarées s’élève à 1 262 649, 57 euros.

Ainsi que le relève la débitrice, ce tableau reprend néanmoins des créances à échoir, qu’il convient d’exclure pour déterminer le passif échu de la SARL Verbrugge.

Celui-ci s’élève à 1 146 739, 34 euros.

La cour devant apprécier l’état de cessation des paiements au jour où elle statue, les règlements opérés pendant l’instance d’appel doivent être déduits de ce passif échu.

Il est admis par l’URSSAF, demanderesse au redressement judiciaire, et justifié par la débitrice, que celle-ci s’est acquittée, pendant le cours de la procédure, de toutes les sommes dont elle était redevable envers cet organisme au jour du jugement du 13 mars 2015, soit 144 421, 78 euros, ainsi que des cotisations échues postérieurement.

La société justifie par ailleurs, du règlement intégral des créances numérotées 15, 4, 39, 36, 50, 27, 3, 29, 12, 35, 7, 14 et du paiement partiel de la créance n°42.

Faute d’un caractère certain, doivent enfin être déduites du passif exigible, les créances litigieuses, dont le sort est subordonné à une instance pendante devant les juges du fond.

En l’espèce, la société indique contester totalement ou partiellement six des créances déclarées pour un montant total de 89 551, 18 euros.

Néanmoins, seulement trois d’entre elles (créance GLI n° 11 contestée à hauteur de 16 266, 10 euros, créance CGLE n°13 de 53 805, 75 euros et créance Le Relais n°16 de 720 euros) font l’objet d’une instance en cours devant les juridictions du fond et peuvent être qualifiées de litigieuses. Seules celles-ci doivent en conséquence être exclues du passif exigible.

Ainsi, déduction faite des créances réglées pendant l’instance d’appel et des créances litigieuses, le total du passif exigible s’élève encore à plus de 800 000 euros.

La société prétend bénéficier d’un étalement de ses dettes, ou être en attente d’une décision judiciaire relative à l’étalement, à hauteur de 651 475, 22 euros.

Ainsi, il est évoqué un protocole d’accord conclu le 17 mars 2015 avec la banque BNP Paribas, portant sur des créances de 137 960, 16 euros et 28 945, 67 euros, aux termes duquel, après un premier versement de 15 000 euros, la débitrice et sa caution s’engagent à s’acquitter du solde restant dû par versements mensuels de 5 000 euros.

Cependant, ce document n’est pas revêtu de la signature du représentant de la banque et ne saurait en conséquence valablement établir l’accord du créancier à l’octroi de délais de paiement à la société.

S’agissant des créances 8 et 9 (Lixxbail pour un total de 77 457, 10 euros et Société Générale pour 157 591, 52 euros), il peut être relevé que la société, qui fait état de demandes de délais de paiement devant les juridictions consulaires, ne conteste ni leur existence, ni leurs montants.

En l’état, la cour ne peut que constater, au jour où elle statue, que la débitrice n’apporte pas la preuve qu’un moratoire ou des délais de paiements lui ont été effectivement accordés. En conséquence, ces deux créances ne seraient être déduites du passif exigible.

Enfin, la SARL Verbrugge n’apporte nullement la preuve que les autres créances échues et non contestées ont fait l’objet d’un quelconque échelonnement.

Sur l’actif disponible

Il convient de rappeler que l’actif disponible représente la trésorerie utilisable, c’est à dire les disponibilités et la caisse mais également les ouvertures de crédit non utilisées ou la part de découvert autorisé non employé.

Ne peuvent être compté dans l’actif disponible le stock, sauf si il est immédiatement réalisable, ni les immobilisations ni les commandes à réaliser en fonction de devis signés.

' Pour contester son état de cessation des paiements, la SARL Verbrugge fait valoir l’importance de son chiffre d’affaires (1 482 513 euros), ainsi que le résultat positif de son exploitation et le solde créditeur de son compte courant.

Cependant, le chiffre d’affaires, qui représente la somme des ventes de marchandises, de produits fabriqués ou des prestations de services de l’entreprise, s’il constitue un indicateur de l’importance de son activité de celle-ci, ne suffit pas à déterminer sa capacité à dégager des marges et une trésorerie suffisante pour faire face à son passif exigible.

' Il ressort des pièces versées aux débats que le résultat de l’exercice de la société sur la période du 1er janvier au 30 août 2015 s’élève à la somme de 49 528 euros.

Le résultat d’exploitation exprime le résultat réalisé par l’entreprise à travers l’exploitation habituelle de ses seuls facteurs de production.

Outre que ce résultat comptable ne prend en compte ni les produits et charges financiers, ni les produits et charges exceptionnels, ni les impôts sur les bénéfices, le bénéfice d’exploitation de la SARL Transports Verbrugge apparaît en l’espèce particulièrement faible au regard de l’importance du passif exigible et insuffisant à dégager les liquidités permettant de faire face aux dettes échues.

' S’agissant du solde parfois créditeur du compte courant (7 690, 12 euros au 30 avril 2015, 1 086, 63 au 20 mai 2015), il doit être relevé que ces disponibilités sont également insuffisantes pour assurer, ne serait-ce que très partiellement, le paiement des dettes échues. De plus, ce solde positif apparaît relativement « artificiel », de nombreux prélèvements et chèques ayant été rejetés pour défaut de provision suffisante.

En définitive, la SARL Transports Verbrugge ne dispose pas de l’actif lui permettant de faire face au passif échu.

Ses difficultés ne peuvent s’analyser en une simple insuffisance provisoire de trésorerie; en effet, les impayés les plus anciens remontent à 2013 et l’endettement n’a depuis cessé de croître.

Enfin, et ainsi que le relève le mandataire judiciaire, la société a généré des dettes d’exploitation postérieures au jugement d’ouverture. Si elle justifie, en cause d’appel, avoir payé certaines de ces créances, il n’en demeure pas moins que, non seulement elle ne s’est pas acquittée de la plus importante d’entre elles (13 101, 09 euros dus à la société European Diesel Card), le justificatif produit concernant un autre créancier, mais elle a, en outre, systématiquement réglé les autres (au demeurant de montants modérés) avec retard.

En conséquence, la cour ne peut que constater l’état de cessation des paiements et confirmer la placement en redressement judiciaire de la SARL Transport Verbrugge.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d’ARRAS en date du 13 mars 2015.

Y AJOUTANT:

DIT que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et qu’ils pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par la SCP Deleforge-Franchi, avocats.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. A P. FONTAINE

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