Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 8 juillet 2021, n° 21/01793

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 8 juill. 2021, n° 21/01793
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 21/01793
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, 15 mars 2021, N° 20/00739
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/07/2021

****

N° de MINUTE : 21/345

N° RG 21/01793 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TRAO

Ordonnance (N° 20/00739) rendue le 16 mars 2021 par le juge de la mise en état de Boulogne sur Mer

APPELANTE

[…] agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

centre administratif – […]

[…]

Représentée par Me Catherine Camus-demailly, avocat au barreau de Douai et Me Paul-Louis Minier, avocat au barreau de Lille substitué par Me Anissa Yaoudarene, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉS

Monsieur Y X

né le […] à Calais

de nationalité française

19 résidence de la Rivierette

[…]

Représenté par Me Raphaël Tachon, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer substitué par Me Marcourt, avocat au barreau de Boulogne sur Mer

Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Artois

[…]

[…]

Assignée à jour fixe le 17 mai 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l’audience publique du 27 mai 2021 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Sara Lamotte, conseiller

Claire Bertin, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juillet 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l’ordonnance rendue le 16 mars 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, ayant notamment rejeté l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal administratif et rejeté le renvoi devant le Tribunal des conflits ;

Vu la déclaration d’appel formée le 31 mars 2021 par le Syndicat mixte d’élimination et valorisation des déchets ménagers du Calaisis (ci-après le Sevadec) à l’encontre de l’intégralité du dispositif de cette ordonnance ;

Vu l’ordonnance rendue le 27 mai 2021 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel de Douai, ayant autorisé le Sevadec à assigner aaa à jour fixe devant la cour ;

Vu les conclusions notifiées le 31 mars 2021 par le Sevadec, par lesquelles il sollicite

— à titre principal d’infirmer l’ordonnance critiquée, et statuant à nouveau, de se déclarer incompétent au profit du tribunal administratif de Lille ;

— à titre subsidiaire, de renvoyer l’examen de la compétence devant le Tribunal des conflits, en application de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, et de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir ;

— en tout état de cause, de débouter la caisse primaire d’assurance-maladie de ses demandes et de condamner M. X et la caisse primaire d’assurance-maladie aux dépens, et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 25 mai 2021 par M. X, par lesquelles il sollicite la confirmation de l’ordonnance critiquée, et la condamnation du Sevadec à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

Bien qu’assignée à jour fixe à personne habilitée le 17 mai 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie n’a pas constitué avocat.

Pour l’exposé des moyens des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions visées ci-dessus, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d’ajouter les points suivants :

la circonstance qu’aucun appel n’ait été formé à l’encontre de l’ordonnance rendu par le juge des référés ayant antérieurement ordonné une expertise médicale de la victime est indifférente, dès lors que :

* d’une part, une telle décision est dépourvue d’autorité de chose jugée au principal ;

* d’autre part, la compétence judiciaire est admise pour statuer exclusivement sur une mesure d’instruction, même si le fond de l’action relève de la compétence administrative. L’absence d’appel à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés n’implique par conséquent aucune reconnaissance par le Sevadec d’une compétence judiciaire pour statuer sur le fond. Au surplus, le caractère d’ordre public qui s’attache aux règles de compétence entre les deux ordres de juridiction n’est pas de nature à permettre une renonciation à leur bénéfice par une partie.

— le caractère administratif d’un service public (SPA) est présumé. Cette présomption est toutefois réfragable, de sorte que l’usager est autorisé à démontrer qu’en réalité, par son objet, son mode de financement et ses modalités d’organisation et de fonctionnement, le service présente un caractère industriel et commercial (SPIC). Si ces différents indices permettent de caractériser la nature du service public litigieux, ils ne constituent toutefois pas des critères dont la réunion cumulative serait strictement nécessaire pour procéder à une telle qualification industrielle et commerciale. À cet égard, la cour retient que :

* l’objet du service confié au Sevadec est exclusivement constitué par le traitement des déchets ménagers, et non par leur collecte. Sur ce point, le premier juge a valablement retenu que ce service peut d’une part être pris en charge par le secteur privé, ainsi que le Sevadec le reconnaît lui-même, même s’il estime à tort qu’une telle circonstance serait indifférente pour caractériser la nature du service public qu’il exploite. D’autre part, contrairement aux prétentions du Sevadec, un SPIC n’a pas vocation à exercer sa mission de façon nécessairement «'lucrative'». Alors qu’un SPIC vise par définition un but d’intérêt général, la recherche d’un bénéfice n’en constitue ainsi pas un critère distinctif essentiel. À cet égard, la circonstance qu’à défaut d’exercer la collecte des déchets, le Sevadec soit ainsi privé d’une partie des ressources attachées à leur gestion, n’est pas de nature à exclure le caractère industriel et commercial de son activité. À cet égard, M. X souligne à juste titre que, loin d’exercer une activité désintéressée ou déficitaire, les comptes du Sevadec permettent au contraire à la cour régionale des comptes de dégager son excédent brut de fonctionnement, qui s’élève à 2 152 521 euros en 2016, époque contemporaine de l’accident qu’il a subi. L’importance d’un tel solde intermédiaire de gestion est dès lors compatible avec le caractère industriel et commercial du service exercé. A l’inverse, le Sevadec allègue le caractère déficitaire de son activité, sans apporter dans ses conclusions une quelconque offre de preuve d’un tel fait. Le Sevadec invoque en réalité son absence de compétence en matière de collecte, tel qu’il a été relevé dans un rapport d’observations par la cour régionale des comptes concernant les exercices 2010 et suivants de ce

syndicat, pour contester la qualification de l’objet du service, alors qu’une telle circonstance concerne en réalité essentiellement l’indice tiré de l’absence de ressources propres. Dans sa propre synthèse, la cour régionale des comptes relève pourtant à l’inverse que «'son activité peut être appréhendée comme une activité industrielle et commerciale car il agit comme prestataire de services'».

' l’origine des ressources dont bénéficie le Sedavec est mixte : alors qu’il ne bénéficie d’aucune ressource fiscale, indice favorable à une qualification industrielle et commerciale, ses produits ressortent à la fois de son activité propre, à hauteur de 57 % du total, et de ressources institutionnelles, constituées de dotations et participations. En tout état de cause, la circonstance que la somme mise à la charge des usagers soit inférieure au coût du service n’est pas de nature à exclure la qualification de SPIC. Sur ce point, le premier juge a valablement retenu que 57 % des produits du Sevadec résultent de l’exploitation de son activité. Si l’accès à la déchèterie n’est pas tarifé, une telle circonstance n’implique toutefois pas la gratuité du service pour les particuliers, alors que la facturation d’un tel accès renvoie à la participation des habitants à son financement, telle que l’indique le rapport précité, et intègre également la tarification appliquée à ses membres. En outre, ce même rapport établit que la tarification à la tonne constitue la contrepartie d’une prestation de traitement des déchets, qui vise à couvrir les frais de fonctionnement, évalués à 6,4 millions d’euros en 2014, alors que les ressources institutionnelles, constituées d’une tarification à l’habitant par équipements, ont vocation à couvrir les investissements pour 5,3 millions. Il en résulte notamment que ces produits tirés de l’exploitation directe de l’activité ne sont pas déconnectés du coût de fonctionnement de ce service : dans ces conditions, l’allégation par le Sevadec de produits tirés d’une telle exploitation dont le montant serait limité à 10 114 euros n’est pas fondée. Parmi les produits d’exploitation du syndicat, figurent enfin la revente de matériaux et de l’électricité, qui s’inscrit dans un cadre clairement concurrentiel.

* Les modalités d’organisation et de fonctionnement du Sevadec font ressortir que :

— son personnel est essentiellement constitué par des agents soumis à un régime de droit public. Son administration incombe par ailleurs à un comité syndical constitué de délégués élus. De tels éléments renvoient davantage à une structure administrative.

— de même, si sa comptabilité est publique, une telle circonstance est toutefois essentiellement de nature à rendre plus délicates la transcription et l’analyse de son activité, sans qu’elle impacte la réalité et la nature de cette activité. Au sein de la comptabilité publique, son positionnement est en revanche décrit comme «'atypique'» par le rapport précité, alors que l’adoption initiale par le syndicat d’un cadre budgétaire réservé aux communes s’explique notamment, selon l’ordonnateur du Sevadec, par l’importance initiale des investissements et par l’impact qu’ils auraient entrainé sur la fixation des tarifs.

— la circonstance que le Sedavec procède par voie de marchés publics est en revanche indifférente et n’entraîne aucune incompatibilité avec le caractère industriel et commercial d’un tel acteur économique.

— le Sevadec est enfin assujetti de plein droit à la TVA, dès lors qu’il exerce des «'activités risquant d’entraîner des distorsions de concurrence'» selon la cour régionale des comptes, notamment s’agissant des prestations effectuées pour des tiers ou la vente de matériaux ou d’énergie. Il résulte du rapport précité que le syndicat a opté pour un tel assujettissement depuis 2008, dans un objectif de limiter le recours à l’emprunt et les participations à la charge de ses membres.

En dépit du caractère moins tranché que présente ce dernier critère, la question de la compétence ne soulève pour autant pas une difficulté sérieuse au sens de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, dès lors que la cour estime au contraire qu’au titre du faisceau d’indices requis, la preuve du caractère industriel et commercial du service géré par le Sevadec est valablement rapportée par M. X.

Il en résulte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le renvoi de l’affaire devant le Tribunal des conflits, alors que l’ordonnance critiquée est confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

— d’une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile,

— et d’autre part, à condamner le Sevadec, outre aux entiers dépens d’appel, à payer à M. X la somme de 2'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l’ordonnance rendue le 16 mars 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant':

Condamne le syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets ménagers du Calaisis aux dépens d’appel ;

Condamne le syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets ménagers du Calaisis à payer à M. Y X la somme de 2'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

F. Dufossé G. Salomon

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