Cour d'appel de Grenoble, 16 mai 2013, n° 13/01324

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Chronologie de l’affaire

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C.A. Lyon, Chambre sociale, 29 MARS 2013, n°12/04709 Obs. par Emilie ZIELESKIEWICZ, Avocat spécialisé en Droit social Introduction La jurisprudence poursuit la construction du régime indemnitaire des préjudices personnels des travailleurs de l'amiante bénéficiant d'une cessation d'activité anticipée. I/ Faits et Procédure Plusieurs salariés d'une entreprise, figurant sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, se sont vus notifier par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'attribution …

 

bacaly.univ-lyon3.fr

C.A. Lyon, Chambre sociale, 29 MARS 2013, n°12/04709 Obs. par Emilie ZIELESKIEWICZ, Avocat spécialisé en Droit social Introduction La jurisprudence poursuit la construction du régime indemnitaire des préjudices personnels des travailleurs de l'amiante bénéficiant d'une cessation d'activité anticipée. I/ Faits et Procédure Plusieurs salariés d'une entreprise, figurant sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, se sont vus notifier par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'attribution …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 16 mai 2013, n° 13/01324
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 13/01324
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vienne, 17 avril 2011, N° F10/00187

Texte intégral

RG N° 13/1324

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2013

Appel d’une décision (N° RG F10/00187)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 18 avril 2011

suivant déclaration d’appel du 20 Mai 2011

APPELANTE :

XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Chantal BONNARD substituée par Me Nathalie CREUZILLET (avocats au barreau de PARIS)

INTIMES :

Monsieur C X

XXX

XXX

Comparant et assisté par Me Cécile LABRUNIE de la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Mireille GAZQUEZ, Présidente,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Mars 2013,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2013.

L’arrêt a été rendu le 16 Mai 2013.

RG 13/1324 MG

FAITS :

Monsieur C X était engagé par la société de PARIS ET RHONE, sur le site de Saint Quentin Fallavier, laquelle est spécialisée dans la fabrication d’équipements électriques pour automobiles (démarreurs, alternateurs et allumeurs), à compter du 10 septembre 1973, en tant qu’agent de planning.

A compter du 30 décembre 1986, la société VALEO rachetait les établissements de LYON et A B pour créer la SAS VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS (VEEM).

Monsieur X démissionnait de son poste à partir du 30 novembre 2005, afin d’adhérer au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur X occupait le poste de coordinateur logistique, coefficient 305, niveau 5 de la convention collective de la métallurgie de l’Isère, et percevait un salaire mensuel brut de 3.663,97 euros. Il justifiait d’une ancienneté de 31 ans et 2 mois.

Pendant de nombreuses années, il était exposé quotidiennement à l’inhalation de poussières d’amiante.

A compter du 1er décembre 2005, Monsieur X était bénéficiaire de l’Allocation des Travailleurs de l’Amiante.

Il saisissait le Conseil de prud’hommes d’une demande de réparation au titre du préjudice économique, du préjudice d’anxiété, et du préjudice de bouleversement dans les conditions d’existence en raison de l’exposition aux poussières d’amiante dans le cadre de son travail au sein de la société VEEM.

Le 18 avril 2011, le Conseil de prud’hommes de VIENNE section industrie se déclarait compétent. Il a retenu le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de résultat, a rejeté la demande au titre de la perte de revenus mais a admis la réparation au titre du préjudice spécifique d’anxiété et de perte d’espérance de vie.

La société VEEM interjette appel le 29 juin 2011.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

La société VEEM, appelante, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer le conseil de prud’hommes de Vienne incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne, subsidiairement de rejeter les demandes du salarié relatives au préjudice d’anxiété et au bouleversement des conditions de vie, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande tendant à la réparation du préjudice de perte de revenus, de débouter les salariés de toutes leurs demandes et de condamner chacun à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Elle fait valoir :

A. S’agissant de l’incompétence du conseil de Prud’hommes de Vienne, le litige relatif à la maladie professionnelle relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale.

En l’espèce, les modalités de rupture du contrat ne sont pas discutées, il n’y a pas de demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale est en conséquence naturellement compétent dès lors qu’est invoquée une prétendue contamination ayant une origine professionnelle étant par ailleurs rappelé que depuis la question prioritaire de constitutionnalité du 18 juin 2010, la liste des préjudices réparables n’est plus limitative.

B. Subsidiairement, les conditions d’indemnisation du préjudice d’anxiété ne sont pas réunies, en raison de :

1 – L’absence de faute de la société VEEM :

La société VEEM a bien respecté son obligation contractuelle de sécurité, en constatant qu’aucun des salariés n’est malade.

L’exposition à l’amiante ne constitue pas un manquement à l’obligation de sécurité de résultat, l’inscription sur la liste n’est pas une reconnaissance de faute.

Sous couvert d’une action en responsabilité contractuelle le salarié tente de transposer le régime de la faute inexcusable aux salariés partis en pré-retraite.

La charge de la preuve d’une faute de l’employeur pèse sur les salariés, alors que la société VEEM a toujours respecté la réglementation.

L’amiante ne constituait pas la matière première utilisée dans les ateliers des deux établissements en cause, elle a été progressivement et rapidement supprimée des composants des alternateurs et des démarreurs (détails des mesures de contrôle et de protection).

2 – Le préjudice d’anxiété suppose une exposition réelle et personnelle qu’il appartient au salarié de prouver, preuve qui n’est pas rapportée.

Subsidiairement, le préjudice n’est pas justifié dans son montant.

3 – L’absence de lien de causalité.

Il n’est pas établi que la faute reprochée à la société est en lien avec le dommage subi.

La seule exposition non fautive à l’amiante, conforme à la réglementation de l’époque ne peut constituer une faute engageant la responsabilité de la société.

C. S’agissant du préjudice de bouleversement dans les conditions d’existence,

1 – L’absence de préjudice en l’espèce,

Le préjudice de 'bouleversement dans les conditions d’existence ' serait issu du choix 'perdant/perdant’ offert aux salariés, qu’ils soient ou non bénéficiaires de l’ACAATA, raisonnement conduisant 'à inventer un préjudice pour tous les salariés'.

2 – le préjudice est rejeté par les juridictions du fond, cette demande visant à contourner la jurisprudence de la cour de cassation.

3 – En l’absence de maladie, ce préjudice n’est pas indemnisable.

4 – L’absence de preuve du préjudice prétendument subi par les intimés.

Monsieur C X intimé et appelant incident demande à la cour de confirmer le jugement, ayant constaté la réalité du préjudice d’anxiété, et du préjudice pour 'bouleversement dans les conditions d’existence', de réviser le montant des indemnités allouées au titre de ces préjudices. Il demande à la cour de condamner la société VEEM au paiement de:

— la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d’anxiété

— la somme de 45 000 euros.en réparation du bouleversement dans les conditions d’existence

— la somme de 2 000 euros sur le le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC.

Il fait valoir que :

A. Le Conseil de Prud’hommes de Vienne est compétent :

1 – en raison du manquement de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur, la juridiction prud’homale qui est le juge du contrat de travail est compétent pour statuer dans les présentes affaires.

2 – dans des affaires similaires les conseils de prud’hommes ont rejeté à plusieurs reprises l’exception d’incompétence.

B. Le préjudice d’anxiété est bien établi :

1 – Au regard des témoignages, le requérant a été exposé à l’inhalation de poussières d’amiante tout au long de sa carrière sans bénéficier de protection individuelle ou collective efficace et souffre d’un préjudice d’anxiété légitimé et compréhensible.

2 – L’inquiétude n’est pas une pathologie, elle ne relève pas d’un diagnostic médical.

3 – L’inquiétude peut être réactivée par les contrôles médicaux réguliers est ensuite qualifiée d’angoisse, l’ensemble caractérisant ' l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété'.

4 – L’existence ou l’absence d’un suivi médical pour en déduire ou exclure l’anxiété ressentie par le salarié serait hasardeuse.

C. Le préjudice pour 'bouleversement dans les conditions d’existence’ est établi:

1 – La violation avérée de l’obligation de sécurité de l’employeur sanctionnée à plusieurs reprises par la cour d’appel dans le cadre d’une procédure en faute inexcusable de l’employeur (engagées par des salariés malades ou par les ayants droit de salariés décédés ) démontre une contamination réelle des salariés.

2 – Il est constant que la jurisprudence a retenu, qu’outre l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété, aux termes d’un exposé des motifs particulièrement précis, l’existence d’un préjudice spécifique de bouleversement dans les conditions d’existence est directement lié à la contamination dont les salariés ont été victimes et ouvre droit à réparation.

3 – Au delà du préjudice d’anxiété et même si le dispositif ACAATA minimise le préjudice subi en ce qu’il compense la rupture d’égalité au regard du droit à la préretraite, la perte d’espérance de vie constitue en soi un préjudice considérable, elle aboutit pour Monsieur X à devoir envisager une durée de vie amputée des proportions importantes, en renonçant définitivement à investir affectivement et matériellement sur le long terme.

4 – Ce nouveau projet de vie qui s’impose à Monsieur X, correspondant à une durée réduite, correspond bien à la notion de bouleversement dans les conditions d’existence qu’il est demandé à la cour d’indemniser.

5 – Ce trouble dans les conditions d’existence est un préjudice qui existe indépendamment du dispositif légal.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que pour un plus ample expose des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience ;

Attendu que pour une bonne administration de la justice, il convient d’ordonner la disjonction des procédures, conformément à l’article 367 du code de procédure civile, et de dire qu’il sera rendu un arrêt par personne physique ;

1/ Sur l’exception d’incompétence.

Attendu que la société Valeo invoque les dispositions de l’article L451-1 du code de la sécurité sociale pour prétendre que la présente demande qui a pour objet la réparation d’une maladie professionnelle relève exclusivement du régime de la sécurité sociale ;

qu’elle estime que les intimés victimes d’une contamination liée à leur exposition à l’amiante, doivent faire valoir leurs droits auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie, qu’elle considère que sous couvert d’une action en responsabilité pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité résultat, ils demandent réparation d’un préjudice résultant d’une maladie professionnelle ;

Mais attendu qu’aucun des salariés n’a déclaré souffrir d’une maladie professionnelle causée par l’amiante, qu’ils ne contestent pas leurs droits à bénéficier de L’ACAATA, ni son montant, qu’il n’y a pas de contentieux lié aux modalités de la rupture du contrat travail, que seuls sont invoqués les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité résultat, pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour les préserver de l’inhalation des poussières d’amiante, sans qu’à ce jour aucune maladie ne soit déclarée ;

que les demandes indemnitaires de ce chef liées à l’exécution du contrat travail relèvent de la compétence de la juridiction prud’homale comme l’a justement estimé le conseil de prud’hommes qui sera confirmé à ce titre ;

2/ Sur l’obligation de sécurité et de résultat.

Attendu que par les liens résultant du contrat de travail, l’employeur est, en application des dispositions de l’article L4121-1 et suivants du code du travail, obligé d’assurer aux salariés les mesures nécessaires pour accomplir leur travail dans des conditions qui ne comportent pas de risques connus pour leur sécurité ou leur santé, qu’il est donc tenu à leur égard d’une obligation de sécurité résultat ;

que le fait que les salariés soient exposés, par leurs conditions de travail, à un danger ou un risque, sans que l’employeur ait mis en oeuvre les mesures de protection nécessaires et adaptées, engage la responsabilité de ce dernier et l’oblige à réparer leur préjudice ;

Attendu que la société de Paris et du Rhône qui fabriquait sur les sites de Lyon et de A-B des équipements pour le secteur automobile a été rachetée en 1986 par la société Valeo EEM ;

qu’en 1988 la société Valeo a construit à Saint-Quentin Fallavier un site de fabrication de démarreurs, alternateurs, générateurs et allumeurs, équipements contenant de l’amiante ;

Attendu que dans un courrier du 9 octobre 1985 l’ingénieur en chef du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie a déploré l’inexactitude des informations données par la société Paris Rhône qui avait laissé entendre que les supports collecteurs ne contenaient pas d’amiante alors qu’ils en comportaient 50 %, qu’il a conclu son courrier en souhaitant une meilleure coopération entre l’entreprise et le médecin du travail ;

qu’à partir de 1991 la société s’est engagée à supprimer l’amiante dans certaines pièces, pourtant la présence d’amiante sur les sites a persisté au moins jusqu’à fin 2000 ;

que la société fait valoir qu’elle a procédé à des contrôles de l’atmosphère des lieux de travail prévus dans le décret 77 949 et l’arrêté du 25 août 1977 ;

que cependant l’article 6 prévoit que l’atmosphère doit être contrôlée au moins une fois par mois alors que sur une période de 13 ans la société ne peut produire que quatre contrôles d’empoussièrement soient en 1982, 1986, 1987, 1990, que cela ne peut que démontrer son manque de vigilance et de surveillance des taux d’empoussièrement ;

Attendu que par arrêté du 30 juin 2003 l’établissement de Saint-Quentin Fallavier a figuré sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante pour la période de 1989 à 1996 ;

que certes l’inscription sur une liste ACAATA, ne constitue pas une présomption de faute de l’employeur mais elle a pour effet d’affirmer rétroactivement l’existence d’un risque ;

Attendu que le risque lié à l’amiante et à l’inhalation des poussières était connu bien avant 1970, ce risque ayant été mis en évidence par de nombreuses études menées entre 1935 et 1960, ainsi qu’au cours de congrès internationaux au cours desquels les liens entre l’exposition professionnelle à l’amiante et l’apparition de pathologies comme le cancer du poumon ou l’asbestose ont été établis ;

Attendu que le danger de l’amiante a été reconnu par l’ordonnance du 2 août 1945 relative aux maladies engendrées ou aggravées par les poussières de silice, puis par décret du 31 août 1950 définissant l’asbestose comme la fibrose broncho-pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussière d’amiante ;

que de nombreux textes antérieurs à 1977 ont consacré une réglementation préventive contre les affections respiratoires par des dispositions intégrées en 1973 dans le code du travail ;

que la société Valeo ne pouvait prétendre ignorer ce risque, d’autant qu’elle avait accès aux connaissances scientifiques les plus avancées ;

Attendu que parmi les très nombreux témoignages produits aux débats, non utilement contredits, il s’avère que sur le site les salariés devaient être polyvalents de sorte qu’ils sont tous passés sur les postes des induits contenant de l’amiante, que s’agissant d’un seul grand atelier, les postes de travail étaient équipées de soufflettes et de pinceaux et le processus de nettoyage par balayage aggravait le contexte en occasionnant une dispersion des fibres d’amiante dans tout l’atelier, que les salariés ne disposaient d’ aucune protection individuelle, qu’il y avait énormément de poussière qui volait ;

que s’il existait bien des aspirations, elles étaient non seulement inefficaces mais se bouchaient à tout moment, ce qui obligeait à les démonter, les nettoyer, les remonter, autant d’opérations pendant lesquelles les salariés étaient en contact avec les fibres d’amiante ;

que les tuyaux des aspirations étaient souvent percés et réparés avec du papier collant ;

que plusieurs salariés témoignent de l’inefficacité du système d’ aspiration et de l’absence de protection individuelle ;

qu’en été les fibres d’amiante étaient dispersées par les ventilateurs ;

que dans ces conditions les opérations réalisées étaient de nature à provoquer habituellement l’émanation dans l’air ambiant de poussière d’amiante pouvant être inhalée directement par les techniciens mais aussi véhiculée dans les différentes parties du site par les circulations d’air et le déplacement des salariés ;

que le risque inhérent à l’inhalation des poussières d’amiante a manifestement été sous-évalué par la société Valeo qui faisait travailler ses salariés sans ventilation adaptée et sans protection individuelle de sorte qu’ils inhalaient des poussières de façon régulière ;

que peu importe qu’elle ait été une entreprise utilisatrice d’amiante et non une entreprise fabriquant ce qui n’atténue en rien l’obligation de sécurité à laquelle elle était tenue envers ses salariés ;

qu’elle ne peut se retrancher valablement derrière les quatre contrôles effectués en 13 ans pour prétendre avoir respecté les réglementations successives relatives à l’amiante, ce qui était manifestement insuffisant comme cela a déjà été souligné plus haut ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en tant qu’industriel connaissant les risques liés à l’inhalation de poussière d’amiante, la société Valeo avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés ses salariés et qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver ;

qu’en cela elle a manqué à son obligation de sécurité résultat ;

3/ Sur le préjudice

Attendu qu’il ressort des attestations réalisées par Madame Y Z, le 20 juillet 2009 (pièce n°9), de Madame Y F G le 22 juillet 2009 (pièce n° 10), que Monsieur X a bien été exposé à des poussières d’amiante dans le cadre de son activité professionnelle;

Que Monsieur X travaillait 'sur les deux plateaux industriels à proximité immédiate des équipements de production en particulier dans le cadre de son travail planificateur/ approvisionneur';

Qu’il 'était très souvent en train de faire l’inventaire de pièces primaires et sous ensemble et suivait la production honoraire';

Qu’il était 'donc en contact directe avec les poussières et les rejets chargées de fibres d’amiantes';

Que les équipements de fabrication provoquaient lors de leur fonctionnement et de leur nettoyage par la soufflette 'd’importants rejets chargés de fibres d’amiante dans l’air ambiant de l’entreprise';

Que pendant ces périodes d’exposition, il n’avait pas de protection individuelle (sauf une blouse);

Attendu que Monsieur X supporte un préjudice certain, personnel et direct consistant en une inquiétude permanente de développer à tout moment une maladie liée à l’amiante, ce même plusieurs années après l’exposition au risque puisque aucun seuil minimum d’exposition n’en garantit l’innocuité;

Que cette anxiété est quotidienne et réelle, que la personne se soumette ou non à des contrôles médicaux réguliers, et la permanence de cette anxiété résulte du seul fait de l’exposition prolongée et du risque médical permanent qu’elle a généré, sans qu’il soit nécessaire d’en démontrer les symptômes ou les effets,

que les salariés de cette entreprise ayant déclaré des maladies professionnelles reconnues liées à l’amiante ne peut que nourrir et raviver l’inquiétude inévitable des salariés qui les ont côtoyés et ont été exposés de la même matière;

que c’est donc à bon droit que le premier juge a indemnisé le préjudice d’anxiété de Monsieur X;

Qu’indépendamment de tout aspect économique dont il n’est plus demandé l’indemnisation,

l’anxiété subie se déployant encore pour lui dans la privation de la possibilité d’anticiper sereinement son avenir et dans la nécessité de tenir compte de la réalité du risque encouru dans son choix de vie à plus ou moins long terme, conduit à lui allouer la somme de 12'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice sans qu’il y ait lieu à indemnisation spécifique de ce trouble dans les conditions d’existence qui comme prolongement du préjudice d’anxiété est ainsi réparé globalement avec ce dernier,

Que cette somme vient en complément de l’indemnité amiable supplémentaire de départ allouée ( doublement du montant de l’indemnité de départ en retraite) par la société Valeo à chacun de ses anciens salariés au titre de l’ACAATA;

que le jugement du conseil de prud’hommes doit donc être réformé en ce sens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

ORDONNE la disjonction de l’instance.

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble en date du 18 avril 2011, en ce qu’il s’est déclaré compétent pour examiner la demande et sur le principe de l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété et de réparation du bouleversement dans les conditions d’existence.

LE REFORME POUR LE SURPLUS.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS à payer à Monsieur C I J X la somme de 12000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété et du bouleversement dans les conditions d’existence.

CONDAMNE la SAS VALEO EQUIPEMENTS ELECTRIQUES MOTEURS à payer à Monsieur C I J X la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA CONDAMNE également en tous les dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LIOTARD GAZQUEZ, président, et par Madame ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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