Cour d'appel de Grenoble, 23 octobre 2014, n° 14/04780

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 23 oct. 2014, n° 14/04780
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/04780
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valence, 27 février 2013, N° F11/00616

Texte intégral

RG N° 14/04780

AR

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE Y

CHAMBRE SOCIALE

XXX

ARRÊT DU JEUDI 23 OCTOBRE 2014

Appel d’une décision (N° RG F11/00616)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 28 février 2013

suivant déclaration d’appel du 8 mars 2013

APPELANTE :

Société EMIN LEYDIER, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social se situe au

XXX

XXX

Représentée par Monsieur Vincent CHAPELLE, Directeur des opérations, assisté par Me DEGUERRY, avocat au barreau de LYON,

INTIMES :

SYNDICAT CGT DES PAPETERIES EMIN LEYDIER, pris en la personne de son représentant légal

Usine de Z

A

XXX

Représenté par M. CHAULIEU, délégué syndical, assisté de Me BARADEL, avocat au barreau de LYON

Monsieur B X

XXX

XXX

Représenté par Me BARADEL, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Gilberte PONY, Présidente,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 mai 2014,

Madame RAULY a été entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2014, prorogé au 2 octobre 2014, au 9 octobre 2014 puis au 23 Octobre 2014.

RG 14/4780 AR

La société EMIN LEYDIER a pour activité la fabrique de papiers et de cartons ondulés. Elle exploite plusieurs établissements, dont une usine située à Z (26), qui emploie environ 300 salariés.

Sont applicables la convention collective de production de papiers et cartons et ses annexes .

Les machines d’activité de production fonctionnent en continu, et les salariés qui y sont affectés sont répartis en 5 équipes travaillant en 3/8 suivant les horaires suivants :

—  4h/ 12 h

—  12 h/20 h

—  20 h/ 4h.

Les équipes « tournent » par cycle de 5 semaines : tous les salariés concernés travaillent donc, chaque mois, du matin, d’après-midi et de nuit en alternance. Ces salariés assurent ainsi, par factions successives, la marche des installations en continu, et sont donc couramment appelés des « factionnaires ».

B X, qui est un des « factionnaires » travaillant pour la société EMIN LEYDIER, a saisi le 29 juillet 2011 le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir notamment la condamnation de cette dernière à lui payer :

— des rappels de salaires au titre :

> d’heures de travail effectivement accomplies mais non rémunérées ;

> de majoration de salaires pour des heures de nuit ;

> de primes d’ancienneté ;

— des dommages et intérêts au titre de la non prise de repos compensateurs obligatoires pour travail de nuit.

Le syndicat C.G.T. des papeteries EMIN LEYDIER est intervenu à la procédure et a demandé la condamnation de la société EMIN LEYDIER à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession.

Le conseil de prud’hommes en départage a rendu sa décision le 28 février 2013.

Il a condamné la société EMIN LEYDIER à payer à B X les sommes suivantes :

1.512,97 € à titre de rappel de salaire pour le temps de travail des factionnaires

151,29 € au titre des congés payés afférents

2.484,48 € à titre de rappel de salaire pour la majoration des heures de nuit

248,45 € au titre des congés payés afférents

1.882,08 € à titre de dommages et intérêts pour la non attribution de contreparties en repos au travail de nuit

150 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

et a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le conseil de prud’hommes a également déclaré recevable l’intervention du syndicat C.G.T. des papeteries EMIN LEYDIER et a condamné la société EMIN LEYDIER à lui payer la somme de 10 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession outre 30 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires et condamné la société EMIN LEYDIER aux dépens.

La Cour a été saisie par l’appel interjeté le 08/03/2013 par la société EMIN LEYDIER.

La société EMIN LEYDIER , appelante, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de débouter le salarié de ses demandes et de condamner le salarié aux dépens.

Sur le décompte du temps de travail , la société EMIN LEYDIER rappelle que :

— l’article L 2122-2 du code du travail permet l’organisation de la durée de travail en cycle de travail ;

— la société EMIN LEYDIER et plus particulièrement le site de Z connaît une organisation du travail par factions de 8 heures ;

— il est apparu nécessaire pour l’entreprise comme pour les partenaires sociaux, de définir un taux horaire sur la base du volume horaire de travail dans l’année afin de déterminer le salaire de base permettant de calculer la rémunération des heures supplémentaires éventuelles ;

— l’indication d’un volume d’heures mensuelles n’est intervenue que dans le seul but de vérifier le respect du temps de travail tel que défini par le code du travail, ce taux qui est inchangé sur les mois de l’année et d’année en année n’évolue que dans le cadre des revalorisations annuelles ou dans le cadre de divers accords qui se sont appliqués depuis 1988 jusqu’à l’accord du 24 mars 2006 voté à la majorité par les salariés ;

— l’accord du 24 mars 2006, jamais dénoncé et voté à la majorité détermine un volume d’heures travaillées annuellement passant de 1471 h à 1543h (augmentation de 4,9% de l’horaire et de 4,9% du salaire).

Elle soutient que :

— chaque salarié travaille 193 jours – 5 jours de RTT + 4 jours de renfort = 192 jours x 8 heures + 7 h de solidarité = 1543 heures par an ;

— l’examen de chaque situation individuelle montre que les heures effectuées annuellement par chacun des salariés est bien conforme au nombre d’heures indiqué ;

— rien ne justifie que soit mise en 'uvre une méthode de calcul différente de celle fixée par l’accord du 24 mars 2006 déterminant le travail en un cycle d’une année au sein de la société, accord qui a repris la pratique de l’entreprise depuis 1982 ;

— subsidiairement, si la cour faisait droit aux demandes, elle devrait prendre en compte non pas le salaire moyen revendiqué par les salariés mais le salaire de base qui doit servir de référence.

Sur la prime d’ancienneté : la société EMIN LEYDIER soutient que ;

— la société applique l’article 38 de la convention collective et son annexe II : l’assiette de calcul de la prime est l’indice 100, sans aucune référence à un salaire minimum en fonction du poste occupé ;

— la jurisprudence de la cour de Caen invoquée n’est pas susceptible de s’appliquer ici, la société EMIN LEYDIER étant affiliée à une organisation patronale signataire de la convention collective à la différence de l’entreprise visée dans cet arrêt, laquelle ne pouvait se prévaloir des annexes catégorielles de la convention collective, et d’autre part aucune référence à un salaire minimum n’existant dans la convention collective

— l’indice 100 est toujours l’indice de référence pour le calcul de cette prime, (cf avenant du 27 janvier 1993, puis les avenants postérieurs de 2001 et 2009) ;

— la commission d’interprétation paritaire qui s’est réunie le 9 juin 2011 a signé (sauf CGT) un procès-verbal dont il ressort que le calcul de la prime se fait sur la base de 589,06 euros ce qui le réfère à l’indice 100.

Sur le travail de nuit : elle allègue que :

s’agissant du rappel de salaire :

— les partenaires sociaux ont prévu à l’ article 13 de la convention collective, une autre période que celle visée par le législateur, la majoration s’appliquant « aux factionnaires dont l’horaire de travail comporte une faction encadrant ou partant de minuit », ce qui n’est pas le cas de la faction 4h-12h pratiquée dans la société ;

— l’accord d’entreprise du 15 novembre 1995 est antérieur à la définition du travail de nuit par le législateur (loi du 9 mai 2001), et fait donc référence à l’article 13 de la convention collective, appliqué pendant 15 ans sans difficulté ;

— subsidiairement, si l’analyse des salariés devait être retenue, il conviendrait de faire une stricte application de l’article L 3122-29 du code du travail fixant le travail de nuit entre 21 h et 6 h et d’ordonner, dans la limite de la prescription quinquennale, le remboursement de la majoration indûment accordée sur la 1re heure de la faction 20h/4h.

S’agissant des repos compensateurs :

— pour le site de Z, les partenaires sociaux avaient considéré que le personnel bénéficiait déjà d’une compensation financière de 22 % supèrieure de plus de 5 points par rapport au dispositif conventionnel et d’une compensation en repos grâce à un horaire moyen de 31,75h (passage de 35 à 33,5 puis à 31,75 h sans perte de salaire) ;

— la durée de 20 minutes de repos a été déterminée arbitrairement et fait référence à un accord qui n’a jamais été signé et qui ne concerne pas la société EMIN LEYDIER ;

— c’est donc au regard de l’éventuel préjudice subi par les salariés que doit statuer la cour ;

— pour les autres salariés du groupe travaillant de nuit, le repos compensateur est de 1,33 % du temps de travail, soit une journée de repos pour 75 factions de nuit (mais ces salariés ne bénéficient pas d’une réduction d’horaire à 33,75 h, travaillant 35 h/semaine), de sorte que le calcul devrait être fait sur cette base pour les heures réellement effectuées de nuit, ce qui reviendrait à allouer à M. X, la somme de 1.899,95 €.

B X, intimé, demande à la cour de :

— condamner la société EMIN LEYDIER à lui payer :

2.587,89 € à titre de rappel de salaire pour le temps de travail des factionnaires

258,79 € au titre des congés payés afférents

4.249,64 € à titre de rappel de salaire pour la majoration des heures de nuit

424,97 € au titre des congés payés afférents

6.836,30 € à titre de rappel de prime d’ancienneté

683,63 € au titre des congés payés afférents

5.794,96 € à titre de dommages et intérêts pour non attribution de contreparties en repos au travail de nuit

500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il expose que :

— le décompte du temps de travail en faction résulte d’accords d’entreprise, successivement modifiés depuis la réduction du temps de travail de 1982, dont le dernier en date applicable est un accord RTT signé le 24 mars 2006 pour l’établissement de Z, et qui s’est substitué au précédent, appliquant certains postulats liés au nombre d’heures ou de semaines travaillées chaque année, ce qui conduit à rémunérer les factionnaires 144,37H chaque mois ;

— cependant, l’organisation syndicale CGT s’est aperçue que ce faisant, les factionnaires n’étaient, au final, pas rémunérés du total des heures de travail réellement effectuées sur l’année, qui s’établit à 146H mensuelles.

Sur le décompte du temps de travail : il soutient que :

— chaque factionnaire devra bien faire, sur l’année : 219 + 5 ' 26 ' 5 = 193 factions travaillées ;

— l’accord de 2006 fixe en outre le temps de travail annuel à 1543 H et précise que cela correspondait, en 2006, à une augmentation du temps de travail effectif de 4,9 % , ce qui porterait le temps de travail effectif moyen à 33H18 hebdomadaires et à 144,37 H mensuelles ;

— les salariés doivent effectuer 5 et non 4 journées de renfort ;

Les 219 factions à faire par chacun chaque année correspondent en réalité à un temps de travail mensuel moyen de 146H, et non de 144,37H, soit un écart de 1,63 H faites et pourtant non payées ;

— c’est dans la traduction du nombre d’heures annuelles faites en moyenne mensuelle que l’application de l’accord d’entreprise aboutit à une situation illégale, et qu’elle devra être écartée par la Cour pour retenir les 146H mensuelles qui résultent de la démonstration faite par les salariés ;

— les propres récapitulatifs de l’employeur, en cause d’appel, démontrent que les factionnaires ont, sur les dernières années, travaillé au-delà de ce qui leur a été payé. EMIN LEYDIER revendique 1543 heures payées par an (conclusions adverses page 11), mais ses propres pièces (n° 28 à 30), qui sont le récapitulatif des factions réalisées par chacun des demandeurs entre 2010 et 2013, prouvent que les factionnaires travaillent régulièrement au-delà ;

— il est dû de ce chef, à chacun, un rappel de salaire correspondant à 1,63H par mois sur toute la durée de travail en continu, dans la limite de 5 ans.

Sur le travail de nuit : il fait valoir que :

— tous les factionnaires de l’usine, répartis en 5 équipes, s’inscrivent nécessairement dans le cadre du travail de nuit puisqu’elle fonctionne à flot continu, 365 jours sur 365, selon un rythme en 3 x 8. Ainsi sur une année, chaque salarié fait 73 factions de nuit (20H/4H) avec 7H de nuit ' soit au total 657 heures dans l’année sur les plages horaires du travail de nuit, très au-delà des seuils légaux ; ni la convention de branche applicable ni aucun accord d’entreprise ou d’établissement ne prévoit une autre période, et c’est donc la seule plage horaire qui s’applique ;

— un accord d’entreprise du 15 novembre 1995 fixe les majorations pour heures de nuit du personnel de fabrication en non stop à 22%, sans autre condition ;

— aucun texte applicable ne fixe en revanche de contreparties en repos, alors qu’elles sont obligatoires aux termes de l’article L3122-39 précité ;

— lorsque la convention collective ne définit pas la période nocturne ouvrant droit à compensation salariale, il convient alors de retenir la définition du travail de nuit fixée par le législateur au jour où le juge statue ;

— dès l’entrée en vigueur de la loi sur le travail de nuit, c’est la définition légale en vigueur qu’il fallait retenir pour déterminer les heures ouvrant droit à l’application de ces majorations conventionnelles ;

— la société ne majore les heures de nuit que pour la première équipe (elle rémunère au taux majoré les 8 heures effectuées entre 20H et 4H) ;

— pour celles-ci, il ne saurait être question de revenir sur la majoration de l’heure travaillée de 20H à 21H, qui résulte d’une application volontaire de l’entreprise puisque rien ne l’y obligeait légalement ;

— la société ne verse aucune majoration pour les 2 premières heures de la faction suivante alors que ces heures sont des heures de nuit ;

— la restriction stipulée par l’article 13 de la convention collective n’est pas reprise dans les accords propres à l’entreprise, puisque l’accord d’entreprise EMIN LEYDIER du 15 novembre 1995, le seul dont les demandeurs revendiquent l’application, et jamais dénoncé, prévoit pour le personnel en faction une majoration des heures de nuit sans autre condition.

Sur les repos compensateurs : il atteste que :

— l’octroi d’un repos est toujours obligatoire, les majorations de salaire ne pouvant s’y substituer ' ce que rappelle la circulaire d’application DRT n°2002-09. Or, les salariés de la société EMIN LEYDIER qui travaillent en faction, donc habituellement de nuit, ne bénéficient d’aucune contrepartie en repos ;

— les factionnaires (à tout le moins à une certaine période), ont effectué de nombreuses heures de travail de nuit, en bénéficiant d’une majoration seulement partielle de ces heures, et en étant privés du repos obligatoire qui devait les accompagner ;

— leur préjudice, évident, doit être réparé par l’allocation de dommages et intérêts pouvant être objectivement évalués par référence à la durée de 20 minutes, appliquée aux factions de nuit réalisées sur l’année.

Sur la prime d’ancienneté : il explique que :

— l’article 38 de la CCN du 20 janvier 1988 prévoit des pourcentages calculés sur le salaire minimum conventionnel du poste, 'en fonction de la durée du travail effectif de l’intéressé, toutes les heures étant comptées au taux normal’ ;

— les entreprises de la branche ont choisi de se référer à une valeur de base minimale, qui sert ensuite au calcul des primes dues pour chacun en fonction de son coefficient. La difficulté vient de ce que depuis un avenant du 27 janvier 1993 conclu au niveau de la branche pour réviser le système de classification, et 'revaloriser les salaires minima conventionnels et notamment ceux correspondant aux classifications les moins élevées', le coefficient 100 qui servait de base n’existe plus : le plus bas niveau de la classification conventionnelle est désormais le coefficient 125 ;

— les partenaires sociaux en ont tiré les conséquences puisque l’article 8 de l’avenant de 1993, qui traite précisément de la prime d’ancienneté, ne se référait plus expressément à ce coefficient 100, disparu, pour maintenir seulement la règle de proportionnalité en ces termes : 'le calcul de la prime d’ancienneté et de l’avantage pécuniaire nuit est effectué sur la base d’une valeur hiérarchisée, définie pour 39H par semaine ';

— dès cette date, la référence à une base 100, maintenue dans les pratiques, appliquée par la société EMIN LEYDIER, et même conservée dans certains textes conventionnels postérieurs, est devenue obsolète ;

— il ne saurait être question d’y voir un usage, comme l’a suggéré en défense la société EMIN LEYDIER, puisque celui-ci serait alors plus restrictif que l’accord collectif, qui lui est supérieur dans la hiérarchie des normes ;

— les dispositions conventionnelles, qui persistent à se référer à un indice 100 disparu, doivent donc être interprétées par le juge en respectant l’intention des négociateurs, puisqu’il ne peut être recouru au 'salaire minimum conventionnel du poste’ tel que visé par l’article 38 de la convention collective, qui n’existe pas ;

— les partenaires sociaux de la branche ont même adopté en 2009 un nouvel avenant aux classifications, étendu le 15 février 2011, qui supprime pour l’avenir toute référence au salaire minimum du poste au profit d’une seule et unique référence à 'une base d’une valeur arrêtée pour un salarié à temps plein', fixée à l’occasion de la négociation annuelle de branche sur les minima, et en l’état à 589,06 € pour un coefficient 100 ;

— c’est ce dernier point que les demandeurs considèrent non seulement inapplicable et particulièrement défavorable, compte tenu de la disparition du point 100 dans les grilles de salaire et de son blocage à une valeur qui n’a pas évolué depuis 10 ans, mais surtout illégal ;

— la société EMIN LEYDIER doit être suivie lorsqu’elle indique appliquer l’article 38 de la convention collective et jusqu’à la signature de l’avenant du 17 juin 2009, étendu en 2011, cette disposition se référait précisément « au salaire minimum conventionnel du poste » ;

— les partenaires sociaux ont été amenés à donner leur propre interprétation sur la difficulté posée pour le calcul de la prime d’ancienneté, du fait de la référence à des minima conventionnels et de la disparition du coefficient 100. Cet avis, qui n’est pas unanime et auquel le syndicat CGT, largement représenté dans la branche, est opposé, ne lie aucunement la Cour d’appel de Y ;

— les salariés ne demandent pas un calcul sur le minimum conventionnel du poste, mais l’application de la même règle de trois que retient la société EMIN LEYDIER, à ceci près que la valeur de référence ne sera pas celle du coefficient 100, mais du coefficient 125.

DISCUSSION

Sur l’intervention du syndicat

Attendu que l’intervention du syndicat CGT n’a pas été critiquée en cause d’appel ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déclarée recevable ;

Sur le temps de travail

Attendu que l’article 5 de l’accord d’entreprise du 24 mars 2006 organise le temps de travail des salariés factionnaires ;

qu’il prévoit la création de 5 équipes renforcées sur un cycle de 5 semaines, au lieu de 6 précédemment, soit 219 factions par an et 5 rappels par an pour doubler l’équipe sur les arrêts d’entretien programmés ;

qu’il précise que sur ce planning, chaque salarié dispose annuellement de 26 jours de congés payés et de 4 jours de RTT auquel il convient d’ajouter un jour de RTT supplémentaire pour le passage des consignes, les temps d’habillage et de douche ;

qu’il en déduit que 'de ce fait, le temps de travail annuel effectif moyen est porté de 1471 heures ( 1464 heures depuis 2000 + 7 heures de jour de solidarité) à 1543 heures’ ; que 'le temps de travail hebdomadaires effectif moyen de chaque salarié est donc de 33H18 mn et le temps de travail mensuel de référence est de 144,37 H’ ;

Attendu que l’accord mentionne que 1543 heures de travail annuel correspondent à un temps de travail mensuel de référence de 144,37 h ;

Mais attendu que le salarié prétend que le temps de travail mensuel de référence est de 146 heures puisque chaque salarié est censé effectuer par an 219 factions de 8 heures chacune, soit 1752 heures ; que la moyenne mensuelle s’établit donc à 1752 heures : 12 mois = 146 heures et non 144,37 comme indiqué par erreur dans la convention ;

Attendu que ce calcul est erroné dans la mesure où il conduit à rémunérer comme temps de travail les 7 heures de solidarité alors qu’il n’est pas contesté qu’elles sont comprises dans le temps de travail annuel et ne sont pas rémunérées ; qu’en effet, si l’on déduit ces 7 h des 1752 heures invoquées, la moyenne mensuelle n’est pas de 146 heures ainsi qu’il est soutenu mais de 1752-7=1745 h /12 = 145,41 heures ;

Attendu que calcul ne peut donc être pris en considération ;

Attendu que les parties sont d’accord pour considérer que chaque salarié doit réellement effectuer 193 factions soit 1543 heures de travail par an si l’on tient compte de la journée de solidarité qui réduit une faction à 7 heures ;

Attendu que M. X qui ne procède pas au calcul des heures effectivement réalisées ne conteste pas le décompte de l’employeur selon lequel il a travaillé :

— en 2010 : 194 factions

— en 2011 : 192 factions

— en 2012 : 194 factions

— en 2013 : 194 factions

soit au total sur 4 ans : 6188 heures alors qu’il n’aurait dû effectuer que 6172 heures ;

qu’il en résulte qu’il a travaillé 16 heures en sus des 1543 heures de travail par an définies par l’accord collectif ;

qu’il doit par conséquent lui être payé la somme de :

16 h x 16,33 € (taux horaire au 31.01.2013 ancienneté comprise) soit la somme de 261,28 € outre congés payés afférents de 26,12 € ;

qu’il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur au paiement des sommes ci-dessus ;

Sur le travail de nuit.

Sur les majorations de salaire.

Attendu que le personnel en équipe travaille en 5 équipes renforcées sur un cycle de 5 semaines, selon un rythme en 3 x 8 par roulement aux horaires suivants :

—  4h/ 12 h

—  12 h/20 h

—  20 h/ 4h ;

Attendu qu’alors que la législation antérieure retenait la plage horaire 22 heures ' 5 heures, la loi du 9 mai 2001 a élargi la définition du travail de nuit en situant celui-ci entre 21 heures et 6 heures du matin ; qu’ ainsi, aux termes de l’article L3122-29 du code du travail :

'Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit.

Une autre période de neuf heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures incluant, en tout état de cause, l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période mentionnée au premier alinéa par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement.

A défaut d’accord et lorsque les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l’inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’il en existe" ;

Attendu qu’il résulte de cet article que le travail de nuit s’effectue dans la tranche horaire définie par un accord collectif applicable à l’entreprise mais incluant, en tout état de cause, l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures ;

que l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures doit impérativement être considéré comme du travail de nuit nonobstant toute disposition contraire ;

Attendu qu’il résulte de l’article L 3122-39 du code du travail que «'Les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale'»

qu’il en résulte que seule la contrepartie sous forme de repos est imposée par la loi ;

Attendu que l’accord d’entreprise du 15 novembre 1995 antérieur à la définition du travail de nuit par le législateur , fait référence à l’article 13 de la convention collective qui s’applique aux factionnaires dont l’horaire de travail comporte une faction ' encadrant ou partant de minuit’ et fixe les majorations pour heures de nuit du personnel de fabrication en non stop à 22%, supérieure de plus de 5 points par rapport au dispositif conventionnel, sans autre condition ;

Attendu que cette définition n’a pas été remise en cause par la définition légale qui comprend la tranche horaire 21h-6h ;

Attendu que si le travailleur de nuit doit bénéficier d’une contrepartie en repos, il ne peut cependant bénéficier d’une compensation financière que si des dispositions conventionnelles le prévoient ;

que la contrepartie salariale n’étant pas obligatoire, elle doit rester cantonnée aux dispositions conventionnelles et à la plage horaire prévue et négociée par les partenaires sociaux, à savoir la tranche horaire 20h-4h ;

qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter le salarié de toute demande à ce titre ;

Sur le repos compensateur

Mais attendu que la contrepartie sous forme de repos étant imposée par la loi, cette contrepartie et elle seule, devra être étendue à la plage horaire correspondant à la nouvelle définition du travail de nuit (21 heures ' 6 heures) ;

Attendu que 'la contrepartie dont bénéficient les travailleurs de nuit est prévue par la convention ou l’accord mentionné à l’article L. 3122-33 du code du travail’ ;

Attendu que l’accord collectif du 24 mars 2006 a prévu que les salariés factionnaires travaillent à raison de 1543 heures par an, alors que le personnel non cadre hors continu travaille 1599,22 heures par an au sein de l’établissement de Champlain mais ne prévoit pas de repos compensateurs spécifiques au travail de nuit ;

que cette absence de repos compensateur entraîne nécessairement un préjudice pour les salariés ;

Attendu que s’agissant de l’évaluation de ce préjudice, le salarié sollicite la confirmation de la décision entreprise sur l’évaluation des dommages-intérêts par référence à la durée de 20 minutes un temps envisagée, appliquée aux factions de nuit réalisées sur l’année , à savoir la somme de 5.794,96 € à titre de dommages et intérêts pour non attribution de contreparties en repos au travail de nuit ;

Attendu que l’employeur qui fait valoir que les salariés ne peuvent revendiquer des dommages-intérêts calculés sur la base d’un accord qui n’a jamais été signé et qui ne concerne pas la société EMIN LEYDIER se réfère à un accord qui ne concerne que la division emballage et n’est pas davantage applicable aux salariés des papeteries et à la société EMIN LEYDIER ;

Mais attendu que l’évaluation du préjudice du salarié faite par référence à un temps de 20 mn sur les 540 mn composant chacune des 73 factions de nuit effectuées annuellement n’apparaît pas excessive ;

que le décompte effectué par le salarié sur cette base de calcul n’a pas été contesté ; qu’il convient par conséquent d’y faire droit ;

Sur la prime

Attendu que l’article 38 de la convention collective de l’industrie des papiers cartons du 20 janvier 1998 (dans sa version applicable jusqu’en mars 2011) énonce : « Tout salarié comptant au moins 3 ans d’ancienneté bénéficiera d’une prime d’ancienneté, qui sera calculée par application des pourcentages figurant dans le tableau ci-dessous :

Après 3 ans '…. 3%

Après 6 ans ''. 6%

Après 9 ans ''. 9%

Après 12 ans '.. 12%

Après 15 ans '…15%

Ces pourcentages seront calculés sur le salaire minimum conventionnel du poste, en fonction de la durée du travail effectif de l’intéressé, toutes les heures étant comptées au taux normal ».

Attendu que les premiers juges ont justement constaté que les partenaires sociaux ont décidé que la valeur minimale horaire de 17,10 F correspondait à la base 100 soit le minimum conventionnel du plus petit coefficient appliqué au sein de la société EMIN LEYDIER ; que celle-ci a calculé l’assiette de la prime d’ancienneté sur la base d’un coefficient 100 régulièrement revalorisé et fixé en 2011 à la somme de 589,06 € en la majorant selon une règle de 3 en fonction du coefficient des salariés ;

Attendu que si l’indice 100 a disparu, les partenaires sociaux ont continué à se référer à la base 100 fixée à 589,06 € ; que M. X qui estime qu’elle est devenue obsolète reconnaît d’ailleurs que la référence à une base 100, a été maintenue dans les pratiques, et même conservée dans certains textes conventionnels postérieurs ;

que les partenaires sociaux ont d’ailleurs dressé un procès-verbal d’interprétation signé le 15 juin 2011 par quatre syndicats sur 5 au terme duquel ils considèrent qu’il convient de continuer de se référer à cette base pour le calcul de la prime ;

que c’est donc à juste titre et pour des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande à ce titre ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que l’équité commande de confirmer les dispositions du jugement entrepris sur l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer au salarié la somme supplémentaire de 50 € pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Sur les demandes du syndicat

Attendu qu’il y a lieu de confirmer la somme allouée au syndicat au titre du préjudice porté à l’ensemble de la profession ;

qu’il en sera de même pour ce qui concerne les frais irrépétibles exposés par le syndicat CGT;

qu’il convient en outre d’allouer une nouvelle somme de 30 € pour les frais exposés en cause d’appel ;

Sur les dépens

Attendu que l’intégralité des dépens y compris les frais relatifs à la procédure de médiation sera mise à la charge de l’employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du conseil des prud’hommes du 28 février 2013 en ce qu’il a :

— déclaré recevable l’intervention du syndicat CGT des papeteries EMIN LEYDIER condamné la société EMIN LEYDIER à payer au syndicat CGT les sommes de 10 € à titre de dommages-intérêts et 30 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté B X de sa demande au titre de la prime et condamné la société EMIN LEYDIER à payer à B X des dommages-intérêts pour non attribution de contreparties en repos au travail de nuit, sauf à parfaire cette somme ;

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne la société EMIN LEYDIER à payer à B X les sommes de :

—  261,28 à titre de rappel de salaire

—  26,12 € au titre des congés payés afférents

—  5.794,96 € à titre de dommages et intérêts pour non attribution de contreparties en repos au travail de nuit

— Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Y ajoutant,

— Condamne la société EMIN LEYDIER à payer à B X la somme de 50 euros pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

— Condamne la société EMIN LEYDIER à payer au syndicat CGT la somme de 30 € pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la société EMIN LEYDIER aux dépens qui comprendront les frais de médiation ;

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame PONY, Présidente, et Madame ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Grenoble, 23 octobre 2014, n° 14/04780