Cour d'appel de Grenoble, 4 juin 2015, n° 11/01817

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Cloix Mendès-Gil · 25 novembre 2022

Cet article constitue le deuxième article #2 du cycle sur l'échec du projet informatique (et comment l'éviter !). De nombreux outils juridiques peuvent être mis en place afin d'encadrer l'exécution d'un contrat informatique : cahier des charges, PAQ, pénalités de retard. Toutefois de tels outils juridiques peuvent être considérés avec un prisme négatif par les opérationnels : le contrat[1] peut devenir principalement un moyen de pression du client sur le prestataire. Or, cet état d'esprit ne doit pas être celui des contrats pour lesquels l'obligation de collaboration est fondamentale …

 

www.cblawparis.com · 10 juillet 2015

Fournisseurs de logiciel et sociétés de conseil en solution informatique attention à quoi vous vous engagez, même en l'absence de convention. Dans une affaire jugée récemment par la Cour d'Appel de Grenoble (CA. Grenoble, 4 juin 2015, n°2009J386), la société CIMM Franchise qui exploite un réseau de 120 agences immobilières, a commandé à la société de conseil E-Développement Conseil la création d'un logiciel afin de faire évoluer la gestion de ses biens immobiliers. La conception du logiciel a été confiée par E-Développement Conseil à la société 3C Evolution. Il doit être précisé qu'aucun …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 4 juin 2015, n° 11/01817
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 11/01817
Décision précédente : Tribunal de commerce de Grenoble, 31 mars 2011, N° 2009J386

Texte intégral

RG N° 11/01817

JLB

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP LECLERE & LOUVIER

la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC

Me Marie-France RAMILLON

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUIN 2015

Appel d’une décision (N° RG 2009J386)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 01 avril 2011

suivant déclaration d’appel du 13 Avril 2011

APPELANTE :

SARL CIMM FRANCHISE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me LOUVIER de la SCP LECLERE & LOUVIER, avocat au barreau de GRENOBLE constitué aux lieu et place de la SCP CALAS Jean et Charles, en qualité d’avoué à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011

INTIMÉES :

SAS 3C EVOLUTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par la SELARL DAUPHIN&MIHAJLOVIC, en qualité d’avoués à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011 puis en qualité d’avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me QUENARD de la SELARL OSTIAN – COOK – QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE

SARL E-DÉVELOPPEMENT CONSEIL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me RAMILLON, en qualité d’avoué à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011 puis en qualité d’avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mai 2015

Monsieur BERNAUD, Conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,


0------

La société CIMM FRANCHISE,qui exploite un réseau de 120 agences immobilières franchisées, a souhaité faire évoluer son logiciel de gestion des biens immobiliers .

Selon proposition commerciale acceptée du 23 février 2007 elle a confié une mission d’audit à la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL , qui aux termes d’un rapport déposé le 6 avril 2007 a proposé trois scénarios possibles.

La société CIMM FRANCHISE a opté pour la création d’un logiciel spécifique, dont elle a confié le développement à la société 3C EVOLUTION.

La société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL a été chargée du pilotage du projet.

Les missions confiées à ces deux prestataires informatiques n’ont pas été formalisées par des contrats écrits. De la même façon aucun cahier des charges exprès n’a été rédigé, ni validé par les parties.

Le développement du projet est notamment retracé dans les comptes rendus de réunions établis à compter du mois de mai 2007.

Au cours de la première réunion qui s’est tenue le 25 mai 2007 il a été notamment décidé de l’objectif, du contenu du projet et d’un planning d’exécution fixant au mois de janvier 2008 la livraison de la version commerciale du logiciel.

En juin 2008 le logiciel «'CIMMLOG'» développé par la société 3C EVOLUTION a été déployé auprès de 18 agences pour la réalisation de tests.

Selon la société CIMM FRANCHISE ces tests auraient révélé de nombreux dysfonctionnements, qui auraient été confirmés par un

rapport d’audit du cabinet Ateliers X/ITG en date du 6 janvier 2009.

La société CIMM FRANCHISE a finalement fait l’acquisition en mars 2009 d’un logiciel standard.

Par acte d’huissier du 18 mai 2009 elle a fait assigner les sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL en résolution des contrats conclus entre les parties aux torts des prestataires informatiques, en remboursement des sommes versées (42'362,08 € et 42'039,40 €) et en paiement de dommages et intérêts (129'706 €).

Les sociétés défenderesses ont formé une demande reconventionnelle en paiement de leurs factures impayées (76'455,72 € pour la société 3C EVOLUTION et 21'492,12 € pour la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL ).

Par jugement du 1er avril 2011 le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la résiliation des contrats aux torts partagés de toutes les parties et a débouté celles-ci de l’ensemble de leurs demandes.

La SARL CIMM FRANCHISE a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 13 avril 2011.

Par arrêt avant dire droit du 29 mars 2012 la présente cour a ordonné une expertise confiée à M. Y Z avec mission:

de déterminer les besoins de la société CIMM FRANCHISE, de donner son avis sur la nature et l’étendue des missions confiées, de procéder à un essai de fonctionnement du logiciel CIMMLOG en tentant dans la mesure du possible de se replacer dans l’environnement de l’année 2008, de donner son avis sur la qualité technique de la conception et de la structure du logiciel,de rechercher l’existence de dysfonctionnements et de se prononcer sur leur gravité,de donner son avis sur la pertinence des conclusions de l’audit réalisé par le cabinet X/ITG ,de se prononcer sur le caractère opérationnel ou non du logiciel au moment de son déploiement dans 18 agences du réseau CIMM IMMOBILIER et de déterminer le cas échéant la nature et la durée des travaux restant à exécuter pour parvenir à une finalisation complète de l’application.

L’expert désigné a rapidement fait connaître à la cour qu’il n’était pas en mesure de mener à bien sa mission au plan technique à défaut de disposer d’éléments suffisants pour déterminer les besoins du client et l’étendue des missions confiées et en raison de l’impossibilité de reconstituer l’environnement informatique de l’époque, dont notamment les bases de données des sites Internet de publication d’annonces immobilières, sauf pour un coût prohibitif.

En accord avec les parties il a donc été mis fin à la mesure d’instruction, ce qui a conduit l’expert à déposer son rapport en l’état.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 17 février 2014 par la SARL CIMM FRANCHISE qui demande à la cour, par

voie de réformation du jugement, de prononcer la résiliation des contrats aux torts exclusifs des sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL, de condamner la société 3C EVOLUTION à lui payer la somme de 42'362,08 € en remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, de condamner la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL à lui payer la somme de 42'039,40 € en remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, de condamner solidairement les sociétés intimées à lui payer la somme de 151'274,24 € à titre de dommages et intérêts, outre indemnité de procédure de 10000 €, et de débouter les sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles aux motifs':

qu’il est de principe que le vendeur d’un logiciel standard ou spécifique, mais aussi le prestataire informatique chargé du développement d’une application particulière, sont tenus de garantir la conformité du produit aux besoins exprimés par le client, même en l’absence de cahier des charges,

qu’il s’agit d’une obligation de résultat emportant présomption de responsabilité,

que la même obligation pèse sur le prestataire s’agissant du respect des délais de livraison convenus,

qu’en l’espèce seule une version test a pu être déployée auprès de 18 agences avec six mois de retard, étant observé qu’elle n’a pas accepté le report des délais qu’elle a au contraire subi,

que de graves dysfonctionnements, ainsi que l’absence de nombreuses fonctionnalités, ont en outre rendu impossible l’utilisation du logiciel,

que notamment les passerelles vers les sites commerciaux, qui constituaient une fonctionnalité de base, n’ont pas été mises en place, ce qui entraînait une absence totale de publicité sur Internet,

que l’absence de cahier des charges est imputable aux prestataires informatiques, qui dans le cadre de leur obligation de conseil et de renseignements lui devaient assistance, étant précisé que les comptes-rendus de travail sont particulièrement précis et détaillés sur ses besoins,

que les graves manquements imputables à la société 3C EVOLUTION justifient la résolution du contrat aux torts exclusifs de cette dernière et la restitution des sommes versées,

que la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL , qui avait reçu une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de gestion du projet de développement du nouveau logiciel, a également gravement manqué à ses obligations en sélectionnant un développeur ne possédant manifestement pas les qualifications requises, en ne rédigeant pas de cahier des charges, en ne formalisant pas les documents contractuels avec les différents intervenants et en se retirant prématurément dès l’apparition des nombreux dysfonctionnements après les tests,

qu’elle a subi un préjudice financier caractérisé notamment par le fait qu’elle a dû recourir aux services d’un autre prestataire informatique pour assurer le support de son ancien logiciel et qu’elle a dû mobiliser du

personnel supplémentaire,

qu’il a été également gravement porté atteinte à son image commerciale auprès des franchisés de son réseau,

que s’il devait être jugé que les manquements invoqués n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la résolution des contrats, les inexécutions contractuelles justifieraient néanmoins l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1147 du Code civil et le rejet des demandes reconventionnelles en paiement du solde des factures impayées sur le fondement de l’exception d’inexécution.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 10 avril 2014 par la SAS 3C EVOLUTION qui s’oppose à l’ensemble des demandes formées par la société CIMM FRANCHISE , qui par voie d’appel incident sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 76'455,72 €, outre intérêts et dommages et intérêts pour résistance abusive (10000 €) et qui en tout état de cause prétend obtenir une indemnité de procédure de 3000 € aux motifs':

que la preuve des dysfonctionnements allégués n’est nullement rapportée alors que 90 écrans ont été validés au cours de la réunion qui s’est tenue le 28 septembre 2007, que la société CIMM FRANCHISE a expressément reconnu que le logiciel fonctionnait pleinement dans 18 agences (mail du 29 août 2008) et que les passerelles vers les sites Internet, qui étaient une demande complémentaire de la société CIMM FRANCHISE, étaient en cours de finalisation lorsque les relations contractuelles ont été rompues ,

que le rapport d’audit non contradictoire est dépourvu de toute valeur probante, puisque le technicien s’est borné à reprendre les éléments qui lui ont été communiqués par la société CIMM FRANCHISE ,

que les bugs dénoncés par les agences ne sont pas plus probants alors qu’ils résultaient pour la plupart d’erreurs de manipulation,

que l’expert judiciaire désigné par la cour n’a pas été en mesure de donner des éléments caractérisant une quelconque défaillance de sa part,

que le préjudice allégué n’est en toute hypothèse pas justifié alors notamment qu’il n’est pas établi que des frais de personnel spécifiques ont été exposés,

qu’ayant rempli ses obligations contractuelles elle est fondée à demander le paiement du solde de ses factures s’élevant à la somme de 76'455,72 €.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 10 janvier 2012 par la SARL E-DEVELOPPEMENT CONSEIL qui s’oppose à l’ensemble des demandes formées par la société CIMM FRANCHISE, qui par voie d’appel incident sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 21492,12 €, outre intérêts à compter du 24/12/2008 et dommages et intérêts pour résistance abusive (5000 €) et qui en tout état de cause prétend obtenir une indemnité de procédure de 3000 € aux motifs':

qu’elle n’a pas été chargée d’une mission de gestion du projet, mais d’une prestation en régie qui a pris fin au cours du mois de juin 2008,

que la preuve des manquements invoqués à son encontre n’est pas rapportée alors que le rapport d’audit non contradictoire du cabinet X/ITG ne prend pas en compte de nombreux éléments(documents, méthodologie etc..) et fait état de désordres superficiels et insignifiants, que les écrans et les fonctionnalités du logiciel ont été validés par la société CIMM FRANCHISE, que le planning d’exécution n’était pas contractuel et correspondait à des hypothèses de travail émises au cours des premières séances, que c’est sur son conseil que la société CIMM FRANCHISE a recruté un web- master dans le but de reprendre en interne les missions qui lui avait été initialement confiées et que les dysfonctionnements allégués concernant le développement des passerelles avec les logiciels tiers sont postérieurs à la fin de sa mission,

qu’elle n’a pas plus manqué à son obligation de conseil alors qu’elle n’a pas elle-même préconisé l’option choisie (développement d’un logiciel spécifique) qui a été négociée directement entre les sociétés CIMM FRANCHISE et 3C EVOLUTION , que la société CIMM FRANCHISE a choisi elle-même de confier le développement du projet à la société 3C EVOLUTION avec laquelle elle était préalablement en relation pour le développement de son site Internet,

qu’elle ne peut être tenue pour responsable de la mise en exploitation prématurée du logiciel qui n’était pas encore finalisé,

que sa facture du 2 juillet 2008, établie au titre de prestations non contestées réalisées au cours du premier semestre de l’année 2008, n’a pas été payée.

MOTIFS DE L’ARRET

Faisant suite à sa proposition commerciale du 13 février 2007, la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL a établi le 6 avril 2007 un bilan du logiciel existant de gestion des biens immobiliers en portefeuille, à l’issue duquel elle a proposé à la société CIMM FRANCHISE trois scénarios consistant d’une part en une «'évolution douce'» du logiciel en place, d’autre part en une redéfinition de l’architecture et de l’ergonomie du logiciel et de troisième part en un changement pur et simple d’outil au moyen de l’acquisition d’une licence.

La société CIMM FRANCHISE a opté pour la création d’un logiciel spécifique, dont le développement a été confié à la société 3C EVOLUTION .

Aux termes du compte rendu de la réunion de travail du 25 mai 2007 il a été indiqué que l’objectif était de réaliser une réécriture complète du logiciel de gestion des biens immobiliers destiné à remplacer pour l’ensemble du réseau le logiciel actuel et que la refonte du site Internet «'calitimmo'» devait être menée en parallèle.

Le planning d’exécution contenu dans ce document prévoyait la livraison d’une version commerciale du logiciel en janvier 2008.

Un document de travail établi le 10 juillet 2007 par la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL a notamment défini les objectifs, le

périmètre fonctionnel du logiciel , les fonctionnalités attendues et le planning d’exécution.

Aux termes de cette étude, que la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL qualifie elle-même de «'document de travail évolutif qui se situe à mi-chemin entre une expression du besoin et un cahier des charges'», il est indiqué que le produit sera déployé dans l’ensemble du réseau dans le courant du mois de décembre 2007 et que la version commerciale pourra être diffusée après quelques mois d’utilisation.

Le 1er octobre 2007 la société 3C EVOLUTION a transmis à la société CIMM FRANCHISE une proposition financière de développement listant les fonctionnalités incluses dans le nouveau logiciel et prévoyant un déploiement complet au 31 mars 2008.

Les comptes rendus de Réunions de travail, qui ont été rédigés entre le 25 mai 2007 et le 11 juillet 2008, établissent que le développement du logiciel s’est poursuivi pendant toute cette période et qu’à cette dernière date, loin d’être finalisé, le produit nécessitait encore de nombreux aménagements s’agissant notamment des fonctions «'pige', agenda, messagerie, saisie des biens, rapprochement, communication et publicité et sorties'».

Le logiciel a finalement été déployé auprès de 18 agences pour la réalisation de tests dans le courant du mois de juin 2008.

Il résulte des courriels adressés par une dizaine d’agences pilotes au cours des mois d’août, septembre, novembre et décembre 2008 que des dysfonctionnements importants compromettaient la bonne utilisation du logiciel s’agissant notamment des passerelles Internet et de la géolocalisation des biens qui ne fonctionnaient pas, ainsi que de l’impression des fiches et de l’enregistrement des données,qui comportaient de nombreuses erreurs.

À cet effet la cour observe qu’il est soutenu à tort que les passerelles vers les sites commerciaux Internet auraient fait l’objet d’une commande supplémentaire en fin de développement du produit, alors qu’il est démontré au contraire, sans discussion possible, que cette fonctionnalité était prévue dès l’origine.

C’est ainsi que :

— le bilan d’audit du logiciel existant établi le 6 avril 2007 par la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL révèle que les agences du réseau attendaient une «'intégration automatique des piges » dans le cadre de la fonction de gestion des prospects, ce qui démontre que cette fonctionnalité existait déjà, même si elle méritait d’être développée et améliorée,

— l’annexe 1 de ce bilan, qui dresse à titre de comparaison un état des fonctionnalités du logiciel «'pericles'» présent sur le marché, fait apparaître très clairement que cet outil offrait un intégration des piges et une multi diffusion dans près d’une vingtaine de portails et sites Internet, ce qui confirme que cette fonction était pleinement inscrite dans le périmètre fonctionnel général du produit souhaité par le client,

— le courriel que la société 3C EVOLUTION a adressé le 10 mai 2007 à la société CIMM FRANCHISE , comportant le chiffrage du coût de l’opération de « re- développement », mentionne

expressément que la prestation offerte comprend la « gestion de la pige » et la «'publication vers les médias »,

— surtout, le document de travail établi le 10 juillet 2007 par la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL , constituant selon celle-ci une ébauche de cahier des charges, prévoit au titre des fonctionnalités attendues « l’intégration des annonces dans divers portails Internet( se loger. Com, 123 Immo ou explorimmo par exemple) et l’interconnexion avec des systèmes d’information externes sans nécessité d’une «'ressaisie d’informations »,

— les comptes rendus de travail des 11 juillet 2007, 25 juillet 2007 et 21 septembre 2007 attestent enfin sans aucune ambiguïté que dès cette époque la société 3C EVOLUTION a travaillé sur la gestion de la prospection via des prestataires Internet et que l’accent a été mis sur les transferts externes vers les portails commerciaux en ligne.

Les nombreux dysfonctionnements, bugs et absence de fonctionnalités, dont les agences se sont plaintes après le déploiement effectué en juin 2008 et qui ont donné lieu à plusieurs lettre de protestation motivées de la part de la société CIMM FRANCHISE , ont été mis en évidence par la société RBS à l’occasion d’un test réalisé le 6 novembre 2008 à la demande du donneur d’ordre.

Selon ce professionnel il est manifeste que la validation des données saisies par l’utilisateur est absente, ce qui ne permet pas à l’application de garantir l’intégrité des données existantes, tandis qu’au vu de la structure même de l’application il semble difficile d’améliorer la fiabilité de l’outil.

Le rapport d’audit beaucoup plus complet rédigé le 6 janvier 2009 par le cabinet de consultant indépendant JB Conseil/ITG, bien que n’indiquant pas avec une clarté suffisante la nature et le coût des remèdes proposés, est venu confirmé le test et le bien-fondé des plaintes émanant des agences utilisatrices en concluant notamment à :

— l’absence de définition stable du périmètre fonctionnel et technique du projet,

— la mauvaise intégration du logiciel dans l’environnement Internet et dans l’environnement informatique de la société CIMM FRANCHISE ,

— la détermination insuffisante de l’architecture du système,

l’impossibilité de déployer en l’état le produit dans les 140 agences.

Bien que non contradictoire, ce rapport d’audit, qui a toutefois été réalisé avec son accord dans les locaux de la société 3C EVOLUTION, confirme que le développement du logiciel n’a pas pu être réalisé dans les délais convenus et que sur deux aspects essentiels tenant à la fiabilité de l’enregistrement des données et aux passerelles directes vers les portails commerciaux le produit n’était toujours pas opérationnel à la fin de l’année 2008.

La preuve est dès lors suffisamment rapportée d’un manquement patent de la société 3C EVOLUTION à son obligation de résultat de délivrer dans les délais convenus une solution informatique répondant aux besoins de son client.

Il résulte en effet des comptes-rendus de réunions de travail, ainsi que des multiples doléances exprimées par les agences

pilotes, qui ont été corroborées par les deux rapports d’audit, que de nombreux mois après la date de livraison stipulée (mars 2008) le logiciel «'CIMMLOG'» présentait de graves défaillances interdisant tout déploiement dans l’ensemble du réseau, étant observé que la société 3C EVOLUTION n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation, selon laquelle les désordres constatés auraient pour origine des erreurs de manipulation et un défaut de formation du personnel, dont il doit au contraire être observé qu’il utilisait habituellement un logiciel de même nature offrant des fonctionnalités analogues.

Touchant à la fonction essentielle de communication directe avec les sites Internet commerciaux et portant atteinte à la fiabilité et à la sécurisation des données saisies, les insuffisances du logiciel, qui n’ont pas pu être corrigées malgré un dépassement important des délais prévus, caractérisent un manquement grave du développeur à ses obligations en ce qu’elles privaient notamment les agences d’un support majeur de diffusion des annonces immobilières.

Cette incapacité de la société 3C EVOLUTION à mener à bien le projet dans des délais compatibles avec les contraintes d’exploitation de la société CIMM FRANCHISE justifie que soit prononcée la résolution du contrat de développement du logiciel aux torts exclusifs du prestataire.

La société 3C EVOLUTION sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement du solde de ses factures et, par voie de réformation du jugement, condamnée à rembourser les acomptes versés (42'362,08 euros), qui ont été acquittés en pure perte puisque après l’abandon pur et simple de la solution informatique «'CIMMLOG'» la société CIMM FRANCHISE a dû faire l’acquisition d’un logiciel standard présent sur le marché.

La société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL a pour sa part gravement manqué à son obligation de conseil en ne procédant pas à un appel d’offres avant de sélectionner le développeur, dont elle n’a pas vérifié qu’il disposait de l’expérience et des compétences requises dans le domaine spécifique des logiciels de gestion de biens immobiliers.

À cet effet il sera observé que le fait que la société 3C EVOLUTION ait préalablement réalisé avec succès le nouveau site Web de la société CIMM FRANCHISE ne garantissait nullement que ce prestataire disposait d’une qualification suffisante pour procéder à la réécriture complète d’un logiciel de gestion complexe, ainsi qu’à la mise en place d’un intranet.

La société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL a manqué par ailleurs à son obligation d’assistance en ne formalisant pas en amont un cahier des charges précis exprimant l’ensemble des besoins du client, avec pour conséquence un dépassement très important du délai de livraison dès lors que les besoins ont dû être définis progressivement au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Sa mission de pilote du projet lui faisait enfin obligation d’accompagner le maître d’ouvrage et le développeur jusqu’à la fourniture d’une solution opérationnelle, ce qu’elle n’a pas fait, puisqu’elle s’est retirée prématurément au moment des tests en agence sans pouvoir justifier au plan contractuel que le mois de juin 2008 constituait le terme de son intervention.

Il résulte au contraire de sa proposition de convention cadre du 27 mai 2005 qu’elle devait assurer « un accompagnement opérationnel »,ce qui implique nécessairement que sa mission couvrait toute la période de développement jusqu’à la mise en exploitation effective après tests et corrections.

Ces manquements graves, qui ont directement contribué à l’échec du projet, justifient également que soit prononcée à ses torts exclusifs la résolution de la convention la liant à la société CIMM FRANCHISE .

Elle sera par conséquent de la même façon déboutée de sa demande en paiement du solde de ses factures (21'492,12 euros) et condamnée à la restitution des sommes déjà versées en pure perte ( 42'039,40 euros).

C’est en revanche à tort que la société CIMM FRANCHISE sollicite le paiement de dommages et intérêts supplémentaires, à défaut de preuve rapportée d’un préjudice financier et d’image.

Elle ne démontre pas en effet qu’elle aurait fait l’économie de frais d’hébergement et de maintenance internet à compter du mois de juin 2008 si la solution «'CIMMLOG'» avait été opérationnelle dès cette époque.

Elle n’établit pas par ailleurs que des dépenses supplémentaires de personnel ont été engagées, puisqu’il était prévu depuis l’origine (compte rendu de réunion du 25 mai 2007) que plusieurs de ses salariés et de ses agences faisaient partie de «'l’équipe projet'» et que la société E-DEVELOPPEMENT CONSEIL lui avait recommandé d’embaucher un responsable informatique pour lui succéder, étant observé que rien ne permet d’affirmer que l’achat et la mise en place d’un logiciel standard n’aurait pas eu le même coût salarial.

Elle ne justifie pas enfin d’un préjudice indemnisable au titre de l’atteinte prétendue à son image auprès des agences franchisées, alors que seules les agences pilotes, qui ne lui ont à aucun moment retiré leur confiance, ont subi les désagréments de l’échec du projet «'CIMMLOG'».

Enfin, ayant choisi de faire procéder à un audit amiable non contradictoire à une époque où une expertise judiciaire aurait pu utilement être mise en place, elle conservera la charge de l’étude réalisée par le cabinet Ateliers X/ITG.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante.

Succombant au principal les sociétés intimées seront déboutées de leur demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.

…/…

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Prononce la résolution des conventions de développement et de pilotage du projet «'CIMMLOG'» aux torts exclusifs des sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL ,

Condamne la SAS 3C EVOLUTION à payer à la SARL CIMM FRANCHISE la somme de 42'362,08 euros en remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance,

Condamne la SARL E-DEVELOPPEMENT CONSEIL à payer à la SARL CIMM FRANCHISE la somme de 42'039,40 euros en remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance,

Déboute les sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL de leurs demandes reconventionnelles en paiement du solde de leurs factures d’honoraires,

Déboute la SARL CIMM FRANCHISE de sa demande en paiement de la somme de 151'274,24 € à titre de dommages-intérêts,

Condamne in solidum les sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL à payer à la SARL CIMM FRANCHISE une indemnité de 3000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

Dit n’y avoir lieu à dommages intérêts pour résistance abusive,

Condamne in solidum les sociétés 3C EVOLUTION et E-DEVELOPPEMENT CONSEIL aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame DESLANDE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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