Cour d'appel de Grenoble, 26 novembre 2015, n° 13/03905

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 26 nov. 2015, n° 13/03905
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 13/03905
Décision précédente : Tribunal de commerce de Gap, 6 juin 2013, N° 11/004659

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 13/03905

AME

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Emmanuelle PHILIPPOT

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

la SCP DENIAU ROBERT

LOCATELLI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 26 NOVEMBRE 2015

Appel d’une décision (N° RG 11/004659)

rendue par le Tribunal de Commerce de Gap

en date du 07 juin 2013

suivant déclaration d’appel du 29 Août 2013

APPELANTE :

SARL Y B prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me AUDEOUD de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

INTIMÉE :

SA ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me BAESA du cabinet RUBIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTERVENANT :

SA EDF-ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

XXX

XXX

Représentée par Me Mylène ROBERT de la SCP DENIAU ROBERT LOCATELLI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me LEONETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,

Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Octobre 2015

Madame ESPARBÈS, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,


0------

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 16 octobre 2008, un agent assermenté X (gestionnaire du réseau de distribution publique d’énergie électrique, chargé notamment d’assurer les opérations de comptage) a constaté une double fraude sur le compteur électrique et le disjoncteur de la SCI Z, qui loue ses locaux à la société Y B (même gérant) pour l’exploitation d’une activité de remise en état et revente de véhicules industriels et matériels de travaux publics.

Son relevé contradictoire et son procès-verbal ont relaté':

— d’une part, sur le compteur situé en limite séparative du fonds, dépourvu du scellé capot, l’une des trois vis d’excitation du compteur était dévissée ce qui avait pour effet d’empêcher l’enregistrement d’une partie de la consommation réelle,

— et d’autre part, le disjoncteur situé à l’intérieur de l’habitation, non pourvu de scellé, était déplombé et sur-calibré à 24 kva 40 ampères au lieu des 12 kva 20 ampères souscrit au contrat de fourniture ce qui avait pour effet de modifier la puissance de l’installation.

Une facture rectificative datée du 14 novembre 2008 a été adressée par EDF, fournisseur d’énergie chargé notamment de la facturation, à la SCI pour la période du 16 octobre 2003 au 16 octobre 2008 et un montant de 10.816,80 euros correspondant à une consommation évaluée à 89.392 kWh.

Invoquant un piratage de son compteur par un chalet voisin avec plainte déposée contre X le 17 novembre 2008 par M. Y son gérant, la SCI a refusé de procéder au paiement, en dépit des avis de X mentionnant sa nécessité pour la poursuite de la diffusion de l’énergie.

Une première coupure d’électricité le 5 mars 2009 a donné lieu à rétablissement le 16 mars 2009 après désistement dans le cadre d’une première procédure en référé.

Une seconde coupure d’électricité le 27 septembre 2011 a donné lieu au prononcé d’une ordonnance de référé du 3 octobre 2011, condamnant X à rétablir l’énergie sous astreinte, ce qui a été fait le 7 octobre 2011.

Pour obtenir l’indemnisation de son préjudice résultant des deux coupures d’énergie, étant précisé que c’est la SCI et non la société locataire qui assume la charge des consommations

électriques, Y B a fait assigner X par exploit du 28 novembre 2011 devant le tribunal de commerce de Gap.

X a appelé EDF en garantie par exploit du 15 mai 2012.

Par jugement du 7 juin 2013, en déboutant la société Y B de ses demandes eu égard au défaut de justificatifs de son préjudice, le tribunal a déclaré recevable X en son appel en garantie contre EDF et a ordonné un sursis à statuer quant au mérite de la réclamation d’EDF concernant sa facturation de redressement du 14 novembre 2008 dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Le premier juge a par ailleurs condamné Y B à payer une indemnité de procédure de 500 euros à EDF outre charge des entiers dépens.

Y B a interjeté appel le 29 août 2013 à l’encontre de X qui a, à son tour, assigné EDF par acte du 3 janvier 2014.

Par conclusions du 8 septembre 2015, au visa de l’article 1382 du code civil, la SARL Y B a sollicité en substance':

— de constater l’existence de coupures d’électricité intempestives et les manquements commis par X,

— de condamner X à lui verser la somme de 17.964,36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi outre intérêts au taux légal,

— ainsi que la somme de 3.381,43 euros au titre des frais engagés aux fins de rétablissement de l’électricité,

— et une indemnité de procédure de 2.500 euros avec charge des dépens,

— sauf à prononcer les condamnations conjointes également à l’encontre de EDF si la Cour considérait que celle-ci est à l’origine des coupures.

Par écritures du 29 janvier 2014, au visa du décret n°2008-780 du 13 août 2008 relatif aux impayés d’électricité, X a sollicité':

— de juger que EDF est à l’origine des deux coupures d’électricité et qu’elle-même ne peut être tenue responsable du préjudice allégué par Y B,

— en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné EDF à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

— et de condamner tout succombant à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre charge des entiers dépens.

Par conclusions du 2 septembre 2015, EDF a requis':

— la confirmation de la décision dont appel en ce qu’il a débouté Y B de ses demandes,

— sa réformation en ce qu’elle a ordonné un sursis à statuer quant au mérite de la réclamation d’EDF concernant sa facturation de redressement, pour débouter Y B de toutes ses demandes non fondées,

et, statuant de nouveau,

— de juger qu’EDF n’a aucun lien de droit avec Y B, que la facture de redressement est bien fondée, que s’appliquent en l’espèce les conditions générales de vente et les conditions contractuelles,

— de juger qu’elle n’a commis aucune faute et aucun manquement contractuel permettant à Y B tiers au contrat de solliciter une quelconque réparation sur la base de l’article 1382 du code civil,

— de condamner X à la relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

— subsidiairement, si la Cour devait prononcer une quelconque condamnation à l’encontre d’X, de débouter Y B de ses demandes dès lors qu’elle ne justifie pas de son préjudice,

— à titre infiniment subsidiaire, si la Cour estimait devoir accorder une réparation, de ramener à de plus justes proportions les sommes réclamées,

— et de condamner Y B à lui payer 4.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, avec charge des entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 8 octobre 2015.

MOTIFS

Il est constant qu’un tiers au contrat peut invoquer sur le fondement délictuel un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

En l’espèce, il est aussi établi que Y B a subi deux coupures d’électricité pour un total de 23 jours, ces coupures étant du fait d’X intervenu sur la demande d’EDF à raison du non paiement de la facture rectificative due par la SCI.

Au soutien de sa demande d’indemnisation à l’encontre du distributeur d’électricité, Y B invoque la faute de X voire de EDF ayant consisté à décider d’une coupure brutale d’électricité, ce qui ne pouvait selon l’appelante se justifier par le non-paiement de la facture réclamée à la SCI, consommateur qui l’avait contestée et pour laquelle plainte a été déposée'; que les éléments de l’enquête pénale, dont les résultats n’ont été transmis que le 18 novembre 2014, tendent à confirmer les soupçons qui s’étaient portés sur les ex-voisins de M. Y, à savoir le couple De Blash et Pasture qui exploitaient le restaurant la Cumbia situé à proximité des locaux de la SCI et relié par un fil électrique découvert sous le chalet jusqu’au compteur ; que X devrait se retourner contre ces gérants du restaurant, à l’encontre desquels l’enquête devrait se poursuivre ; qu’aucune créance certaine et exigible de X ne pouvait autoriser de telles coupures.

X proteste à juste titre, en soulignant d’une part que le fait de la coupure incombe à EDF, chargée de la facturation et autorisée par l’article 1 alinéa 2 du décret du 13 août 2008 à procéder à la coupure d’énergie pour non-paiement de facture, et d’autre part qu’il n’est pas allégué de panne relative au réseau ou à la mauvaise qualité de distribution, événements qui seuls pourraient engager sa responsabilité.

EDF conteste également, de façon pertinente, devoir répondre d’un quelconque manquement à l’égard de Y B, en avançant en premier lieu que la rétrocession d’énergie, de la part de la SCI titulaire du contrat d’abonnement à Y B, est interdite, et en second lieu

que l’interruption de l’électricité à l’égard de la SCI ne peut être fautive puisqu’elle se justifie par son non-paiement de la facture, chiffrée sur la base du calcul du volume non enregistré du fait de la double fraude constatée selon une méthode reposant sur une comparaison avec les quantités mesurées sur des périodes similaires et à défaut par analogie avec celle d’un profit similaire, méthode qui ne peut être contestée.

Elle ajoute, ce que la Cour retient également, que si M. Y suppose un vol d’énergie au détriment de la SCI par une intervention sur son compteur situé en double face avec celui du chalet voisin, cette fraude n’est actuellement pas démontrée par la seule découverte d’un fil électrique tiré depuis ce chalet jusqu’au compteur, étant noté qu’il est attesté dans la procédure pénale que, le jour du constat du 16 octobre 2008, aucun branchement frauduleux n’avait été constaté. En tous cas, il reste que c’est bien le compteur de la SCI, qui en est responsable, qui a bénéficié des consommations non enregistrées, et par ailleurs que la fraude a aussi été révélée sur le disjoncteur situé à l’intérieur des locaux.

En aucun cas, le recours contre les éventuels auteurs d’un vol d’électricité, s’ils sont révélés par l’enquête pénale, n’incombe à X ou EDF. Il revient plutôt au seul titulaire de l’abonnement, qui doit au préalable acquitter le coût de la fourniture d’énergie délivrée au compteur concerné.

Dans cet état, puisque rien ne justifie un sursis à statuer, dès lors que contrairement à l’appréciation du premier juge EDF ne réclame pas paiement de sa facture rectificative (la SCI n’est pas dans la cause), il est jugé qu’aucun manquement contractuel n’est démontré à l’encontre de X ou EDF, et partant toute responsabilité même délictuelle est exclue à l’endroit de Y B.

L’appelante est par conséquent déboutée de ses demandes d’indemnisation et il est dit n’y avoir lieu ni à dire que la facture de redressement est bien fondée, ni à condamnation de X ou/et de EDF.

Enfin, les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de Y B, qui s’acquittera en outre d’une indemnité de procédure à l’égard des deux intimés.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau,

Déboute la SARL Y B de ses demandes,

Condamne la SARL Y B à verser à X et EDF, chacune, une indemnité de procédure de 1.000 euros,

Dit que les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de LA SARL Y B.

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Grenoble, 26 novembre 2015, n° 13/03905