Cour d'appel de Grenoble, 16 novembre 2016, n° 14/05354

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 16 nov. 2016, n° 14/05354
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/05354
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 19 octobre 2014, N° F13/00346

Sur les parties

Texte intégral

PS

RG N° 14/05354

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le

:

la SELARL GERBI

Me X Y

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU MERCREDI 16 NOVEMBRE 2016

Appel d’une décision (N° RG
F13/00346)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de
GRENOBLE

en date du 20 octobre 2014

suivant déclaration d’appel du 18 Novembre 2014

APPELANTE :

Madame Z A

née le XXX à XXX)

XXX

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Hervé GERBI de la SELARL GERBI, avocat au barreau de
GRENOBLE

INTIMEE :

SAS OSIATIS FRANCE immatriculée au RCS de Versailles, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié XXX

XXX

XXX

représentée par Me X
Y, avocat au barreau de LYON substitué par Me Olivia
HEILPERN, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme B C, Présidente,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

M. Philippe SILVAN, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme D E,
Greffière placée déléguée à la Cour d’Appel de
Grenoble.

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2016,

Monsieur Philippe SILVAN a été entendu en son rapport.

Les parties ont été entendue en leurs conclusions et plaidoiries

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 16 Novembre 2016.

L’arrêt a été rendu le 16 Novembre 2016.

Exposé du litige :

Selon contrat à durée indéterminée du 02 janvier 2001, Madame A a été engagée en qualité de technicien de télémaintenance par la société
Samse avec reprise d’ancienneté au 10 octobre 2000.
Courant 2006, son contrat de travail a été transféré à la société Osiatis France, devenue la société
Econocom Osiatis France, société spécialisée dans les prestations de service informatique.

Madame A a été placée en arrêt maladie de novembre 2009 à septembre 2012.

Le 28 août 2012, le médecin du travail a estimé qu’elle pourrait reprendre son poste d’informaticienne à temps partiel thérapeutique à mi-temps, en demi-journée, sur des missions sédentaires.

Le 05 octobre 2012, le médecin du travail l’a déclarée apte à la reprise dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique par demi-journées travaillées en horaires de jours sur le poste proposé (technicien helpdesk) sur une durée limitée à deux mois de façon à permettre une progressivité dans la reprise d’activité.

Madame A a repris le travail en octobre 2012.

Le 15 novembre 2012, le médecin du travail a déclaré Madame A apte sur son poste aménagé en mi-temps thérapeutique, a estimé que la reprise à temps plein envisageable à partir du 20 novembre 2012 et a indiqué que Madame A devait être revue en janvier 2013.

Le 22 janvier 2013, le médecin du travail a conclu que le poste de technicien helpdesk ne pouvait être poursuivi sans risque d’altération de la santé de Madame A, qu’une recherche d’un poste

d’informaticienne à temps plein, sédentaire et permettant une activité sans rythme contraint était à effectuer et que Madame A devait être revue en mars 2013.

Madame A a été placée à nouveau en arrêt maladie du 28 janvier au 22 juillet 2013.

Le 22 juillet 2013, Madame A a été victime d’un malaise au volant de son véhicule alors qu’elle venait de quitter les locaux de la société Econocom
Osiatis France pour se rendre à son domicile.
Elle a été placée en arrêt de travail à compter de cette date. Ce malaise a fait l’objet de sa part d’une déclaration d’accident du travail.

Le 06 mars 2013, Madame A a saisi le Conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 08 octobre 2013, la CPAM de l’Isère a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du 22 juillet 2013.

Au terme de deux visites médicales de reprises des 03 et 17 décembre 2013, le médecin du travail a déclaré Madame A inapte à son poste et estimé qu’elle serait apte à un poste sédentaire et sans rythme de travail contraint.

Le 31 mars 2014, la société Econocom Osiatis France a procédé au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame A.

Le 05 août 2014, la commission de recours amiable a reconnu le caractère professionnel de l’accident du 22 juillet 2013.

A l’issue des débats devant le Conseil de prud’hommes, Madame A a demandé de :

à titre principal,

' prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul et, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité pour licenciement nul et, à défaut, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de préavis, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents,

à titre subsidiaire,

' déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour violation de l’obligation de consulter les délégués du personnel et de l’obligation de reclassement,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de préavis, d’indemnité compensatrice de préavis, des congés afférents et de rappel de salaire,

en tout état de cause,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour préjudice lié au manquement par l’employeur à son devoir de prévention et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 20 octobre 2014, le Conseil de prud’hommes de
Grenoble a :

' débouté Madame A de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail,

' dit que son inaptitude était d’origine non-professionnelle et que la procédure de licenciement pour inaptitude est régulière,

' déclaré fondé le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame A,

' débouté Madame A de ses demandes à ce titre,

' condamné la société Econocom Osiatis France à payer à Madame A les sommes suivantes:

' 2 867,79 bruts, outre intérêts de droit à compter du 11 mars 2013, à titre de rappel de salaire,

' 1.000,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

' débouté Madame A du surplus de ses demandes,

' débouté la société Econocom Osiatis
France de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée aux parties les 25 et 27 octobre 2014.

Madame A a fait appel de ce jugement le 18 novembre 2014.

Au terme des débats et de ses conclusions du 11 août 2016 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Madame A demande de :

' annuler le jugement déféré,

' à défaut, en tout état de cause,

' le réformer en totalité à l’exclusion du rappel de salaire alloué pour la période du 17 janvier au 03 mars 2014,

' dire que la société Econocom Osiatis France, en la maintenant au poste de travail qu’elle occupait en dépit de l’inaptitude médicalement constatée le 22 janvier 2013, a commis une faute suffisamment grave et circonstanciée pour que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail,

' dire que son maintien au poste de travail qu’elle occupait postérieurement au 22 janvier 2013 est directement à l’origine de l’arrêt maladie du 28 janvier 2013,

' dire qu’elle a été victime, du 07 au 28 janvier 2013, d’une situation de harcèlement moral suffisamment grave et circonstanciée pour que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail,

' dire que ce harcèlement moral est directement à l’origine de l’arrêt de travail observé par celle-ci à compter du 28 janvier 2013,

' constater que l’arrêt de travail en date du 22 juillet 2013 est considéré comme en lien avec un accident du travail,

' dire que l’inaptitude qui en découle doit être déclarée d’origine professionnelle,

A titre principal, sur la résiliation judiciaire du contrat de travail,

' prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec effet au jour de l’arrêt à intervenir,

' dire que cette résiliation judiciaire ainsi prononcée produit les effets d’un licenciement nul et, à défaut, d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer les indemnités suivantes :

' une indemnité conventionnelle de licenciement de 6.677,63 soit (2.000,79 salaire mensuel brut) / 4 x (13,35 années d’ancienneté),

' une indemnité compensatrice de préavis, et congés payés y afférents de 4.001,58 (2.000,79 x 2 mois), outre la somme de 400,01 au titre des congés payés y afférents,

' une indemnité pour licenciement nul et à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse :
24.009,48 ,

à titre subsidiaire, sur le licenciement prononcé le 03 mars 2014,

' dire que la société Econocom Osiatis France a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

' dire que la société Econocom Osiatis France a failli à son obligation de consulter les délégués du personnel,

' dire que la société Econocom Osiatis France a failli à son obligation de reclassement,

en conséquence,

' déclarer le licenciement prononcé le 03 mars 2014 sans cause réelle et sérieuse,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer:

' une indemnité de licenciement doublée : 13.355,27 ,

' une indemnité compensatrice de préavis de 4.001,58 (2000,79 x 2 mois), outre la somme de 400,01 au titre des congés payés y afférents,

' une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 24.009,48 ,

' 2.867,79 au titre du rappel de salaire,

dans tous les cas,

' condamner dans tous les cas la société Econocom
Osiatis France à lui payer:

' la somme forfaitaire de 5.000,00 au titre du préjudice lié au harcèlement moral lui-même,

' la somme forfaitaire de 5.000,00 au titre du préjudice lié au manquement, par l’employeur, à son devoir de prévention,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui remettre, sous astreinte de 100,00 par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, son certificat de travail et son attestation Pôle Emploi,

' condamner la société Econocom Osiatis France à lui payer la somme de 3.300,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de sa demande en annulation du jugement du Conseil de prud’hommes, elle reproche à la juridiction de première instance, d’une part, d’avoir insuffisamment motivé sa décision en ce qu’elle retient que la société Econocom Osiatis France a pris les mesures nécessaires pour adapter le poste de travail aux préconisations de la médecine du travail, que les agissements reprochés par Madame A à son employeur au titre de sa demande sur le harcèlement moral était justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, que son inaptitude n’était pas d’origine professionnelle et que l’employeur s’est valablement acquitté de son obligation de reclassement et, d’autre part, d’avoir violé la loi en retenant qu’il ne pouvait être reproché à la société
Econocom
Osiatis France de n’avoir pas tenu compte des avis médicaux, que dans son avis du 22 janvier 2013 le médecin du travail n’avait pas entendu prononcer une inaptitude, en écartant l’existence d’un harcèlement moral, en lui refusant de lui accorder les règles protectrices relatives aux accidents du travail, en retenant que son inaptitude est d’origine non-professionnelle et que l’employeur s’était acquitté de son obligation de reclassement.

Au soutien de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, elle reproche à la société
Econocom Osiatis France, d’une part, la méconnaissance d’un avis d’inaptitude du médecin du travail et, d’autre part, des faits de harcèlement moral.

Concernant le premier grief, elle expose que dès le 28 août 2012, elle a été déclarée apte par la médecine du travail mais qu’aucun poste ne lui a été confié avant le 22 octobre 2012, que, contrairement aux préconisations du médecin du travail, elle n’a été affectée à un poste helpdesk seulement le 07 janvier 2013 puisque, antérieurement, elle s’est trouvée en intermission à domicile, puis elle a été affectée à un poste en back office sans réception d’appel et, enfin, à un poste en écoute téléphonique en binôme, qu’ainsi, pendant quatre mois son employeur ne l’a pas affecté à un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail, que malgré l’avis d’inaptitude du 22 janvier 2013 retenant que le poste de technicien helpdesk ne pouvait être poursuivi sans risque d’altération de sa santé et par lequel le médecin du travail constatait l’existence d’un danger immédiat, elle a été maintenue à son poste et qu’à supposer que cet avis ne constitue pas un avis d’inaptitude, il appartenait à la société Econocom Osiatis France de prendre en compte les propositions du médecin du travail.

Concernant le second grief, elle affirme que la société Econocom Osiatis France n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail portant sur son affectation au poste helpdesk, qu’elle a fait l’objet d’une surveillance constante de la part de son supérieur hiérarchique, que ce dernier a mené à son égard une politique de déstabilisation, à savoir le reproche d’une connexion tardive de son téléphone alors que celle-ci était imputable à la défaillance du système informatique, le reproche de solliciter trop souvent son entourage alors qu’un encadrement était présent pour répondre à ses interrogations, l’évaluation erronée de ses dossiers, l’imputation de pauses excessives et l’accusation implicite du vol d’une petite cuillère dans le bureau d’une collègue et qu’elle a été maintenue au poste helpdesk malgré l’avis d’inaptitude du 22 janvier 2013.

Elle soutient que son inaptitude est d’origine professionnelle au motif que le malaise dont elle a été la victime le 22 juillet 2013 trouve sa cause dans les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’entretien de reprise de travail avec son supérieur hiérarchique et au cours duquel elle a fait l’objet d’un choc émotionnel important.

Elle en déduit que la société Econocom Osiatis
France se devait de procéder à la consultation des délégués du personnel prévue par l’article L.
1226-10 du Code du travail.

Elle reproche par ailleurs à la société
Econocom Osiatis France d’avoir manqué à son obligation de reclassement en se bornant à lui proposer des postes sans tenir compte des préconisations du médecin

du travail et de n’avoir ainsi entrepris aucun effort pour lui présenter un poste adapté à ses capacités.

A l’issue des débats et de ses conclusions des 11 juillet et 08 septembre 2016 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Econocom
Osiatis France demande de :

' confirmer le jugement déféré,

' dire que l’avis du médecin du travail du 22 janvier 2013 n’est pas un avis d’inaptitude,

' constater qu’elle n’a pas méconnu ses obligations en la matière,

' constater l’absence de harcèlement moral et d’un manquement de sa part à son obligation de sécurité de résultat,

' déclarer infondée la demande de Madame A en résiliation judiciaire de son contrat de travail,

' constater le caractère non-professionnel de l’inaptitude de Madame A,

' constater la régularité de la procédure,

' constater le respect de l’obligation de reclassement,

' déclarer fonder le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,

en conséquence,

' débouter Madame A de ses demandes,

' condamner Madame A à lui payer 3.000,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime que le jugement du Conseil de prud’hommes critiqué par Madame A est parfaitement motivé et que la juridiction de première instance a fait une application conforme de la loi aux faits litigieux.

Concernant la violation des préconisations des médecins du travail, elle fait valoir qu’elle n’a jamais méconnu les préconisations du médecin du travail, que Madame A a été convoquée dès le 30 août 2012 à un entretien en vue d’anticiper au mieux son retour dans l’entreprise, que dans l’attente d’une mission conforme aux préconisations médicales, Madame A a été placée en intermission, que Madame A n’a pas contesté cette affectation, que la médecine du travail a validé l’affectation de Mdame A au poste de back office helpdesk, que l’avis du médecin du travail du 22 janvier 2013 ne constitue pas un avis d’inaptitude mais bien un avis d’aptitude, qu’elle était fondée à attendre le mois de mars 2013 afin de connaître la position définitive de la médecine du travail et que dès la réception de l’avis du 22 janvier 2013, elle a planifié une étude de poste compatible avec l’état de santé de Madame A.

Concernant le harcèlement moral, elle soutient que les éléments produits aux débats par Madame A sont insuffisants pour rapporter la preuve de faits constitutifs d’un harcèlement, que lors de la réunion du 23 janvier 2013, Madame A n’a jamais invoqué l’existence d’un harcèlement moral, de brimades, pressions psychologiques ou propos diffamatoires ou vexatoires, que l’employeur est libre d’évaluer ses salariés, de leurs faire des observations, de vérifier la qualité de leur travail et de leur suggérer des améliorations et que Madame A a toujours été suivie par le médecin du travail qui l’a déclarée apte.

Elle estime que l’inaptitude de Madame A est d’origine non-professionnelle aux motifs qu’elle n’a jamais eu connaissance de l’origine professionnelle, même partielle, de l’accident du 22 janvier 2013, qu’à cette date, Madame A était toujours placée en arrêt de travail d’origine non-professionnelle et ce depuis l’année 2009, que l’avis d’inaptitude du médecin du travail ne mentionne aucune lien entre l’état de santé de Madame A et l’accident du 22 janvier 2013 et que cet accident constitue un accident de trajet ne pouvant être assimilé, en droit du travail, à un accident du travail.

Elle indique enfin qu’elle s’est valablement acquittée de son obligation de reclassement par la recherche de postes disponibles au sein de ses établissements et la consultation du médecin du travail qui n’a émis aucune observation particulière sur les postes proposés à Madame A.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement :

Il ressort du jugement déféré que le Conseil de prud’hommes, après avoir estimé que l’avis médical du 22 janvier 2013 ne constituait pas un avis d’inaptitude, que la société Econocom Osiatis France avait systématiquement pris des mesures suite aux avis de la médecine du travail pour permettre à Madame A de reprendre le travail dans le respect des préconisations médicales, que la société
Econocom Osiatis France avait échangé régulièrement avec le médecin du travail sur la situation de la société Econocom Osiatis France, que les agissements invoqués par Madame A étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement, que l’évaluation de Madame A ne comprenait aucun propos irrespectueux, méprisant ou vexatoire et que l’accident du 22 juillet 2013 a eu lieu alors que Madame A se trouvait en arrêt de travail pour des motifs non-professionnels, a retenu que la société Econocom Osiatis France avait pris les mesures nécessaires pour adapter le poste de travail de Madame A aux préconisations de la médecine du travail, que les agissements reprochés à la société Econocom
Osiatis France au titre du harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs, que l’inaptitude de la société Econocom Osiatis France n’était pas d’origine professionnelle et que l’employeur avait valablement exécuté son obligation de reclassement.

Ainsi, le Conseil de prud’hommes a clairement indiqué les motifs soutenant sa décision et s’est parfaitement acquitté de son obligation de motivation. Ce grief ne peut être retenu à XXXXXXXXX.

Par ailleurs, la violation de la loi par la juridiction de première instance ressort du pouvoir de réformation de la cour d’appel et ne constitue pas en conséquence un motif d’annulation.

Madame A sera par conséquent déboutée de sa demande en annulation du jugement du Conseil de prud’hommes de Grenoble du 20 octobre 2014.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme A et le harcèlement moral :

Il est de jurisprudence constante que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement grave de l’employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, Madame A a été placée en arrêt de travail à compter du 27 novembre 2009.

Le 28 août 2012, le médecin du travail a estimé que, pour une date de reprise prévue le 3 septembre 2012, Madame A pourrait reprendre son poste d’informaticienne à à mi-temps thérapeutique, en demi-journée, sur des missions sédentaires.

Le 31 août 2012, Madame A a bénéficié d’un entretien annuel d’évaluation prévoyant la reprise d’activité en mode tutorat et doublon.

Du 03 septembre au 21 octobre 2012, Madame A a été affectée en « intermission » à son domicile.

Le 26 septembre 2012, le Directeur d’agence de la société Econocom Osiatis France a informé ses collaborateurs de la reprise d’activité de Madame A et leur a adressé la fiche de poste de cette dernière prenant en compte les préconisations de la médecine du travail et sa position de mi-temps thérapeutique.

Le 28 septembre 2012, le médecin du travail a estimé que cette fiche de poste paraissait correspondre globalement aux préconisations qu’il avait émise.

Le 05 octobre 2012, le médecin du travail a déclaré Madame A apte à la reprise dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique par demi-journées travaillées en horaires de jours sur le poste proposé (technicien helpdesk) sur une durée limitée à deux mois de façon à permettre une progressivité dans la reprise d’activité.

Du 22 octobre 2012 au 12 décembre 2012, Madame A a été affectée au service desk mutualisé
Rhône-Alpes. Elle effectuait en moyenne 3 actions par jour et occupait le reste du temps une position en back office.

Le 15 novembre 2012, le médecin du travail a déclaré Madame A apte sur son poste aménagé en mi-temps thérapeutique, a estimé que la reprise à temps plein envisageable à partir du 20 novembre 2012 et a indiqué que Madame A devait être revue en janvier 2013.

A compter du 12 décembre 2012, Madame A a été affectée au service helpdesk Sodexo. Elle a notamment travaillé une semaine en binôme et bénéficié de deux semaines de congés payés.

Le 22 janvier 2013, le médecin du travail a conclu que le poste de technicien helpdesk ne pouvait être poursuivi sans risque d’altération de la santé de Madame A, qu’une recherche d’un poste d’informaticienne à temps plein, sédentaire et permettant une activité sans rythme contraint était à effectuer et que Madame A devait être revue en mars 2013.

Madame A a été placée à nouveau en arrêt maladie à compter du 28 janvier 2013.

Le 27 février 2013, une réunion a été organisée entre la responsable des ressources humaines de la société Econocom Osiatis France, deux supérieurs hiérarchiques directs de Madame A et le médecin du travail pour rechercher au profit de Madame A un autre poste sédentaire sans rythme contraint et procéder à une étude de son poste de travail actuel.

Le 19 mars 2013, le médecin du travail a indiqué à la société Econocom Osiatis France que le poste helpdesk n’était pas compatible avec l’état de santé de Madame A et préconisé un poste sédentaire, sur l’agglomération de Grenoble, en horaires de journée et avec une activité moins asujettie à des contraintes de temps.

Le 22 juillet 2013, Madame A a été victime d’un malaise alors qu’elle venait de quitter les locaux de la société Econocom Osiatis France pour se rendre à son domicile. Elle a été placée en arrêt de travail à compter de cette date. Ce malaise a fait l’objet de sa part d’une déclaration d’accident du travail.

Il en ressort clairement que la société Econocom
Osiatis France, informée de l’état de santé de Madame A, a pris les mesures nécessaires, en liaison constante avec la médecine du travail,

pour réintégrer Madame A au sein de l’effectif de l’entreprise. Eu égard aux préconisations de la médecine du travail dans ses avis du 28 août et 05 octobre 2012, le placement de Madame A en position d’intermission à son domicile, en vue d’élaborer un poste de travail conforme aux prescriptions médicales, apparaît justifié.

Par ailleurs, la société Econocom Osiatis France s’est assurée d’une progressivité dans la charge de travail de Madame A par la mise en 'uvre d’un tutorat ou d’un binôme, d’une position en back-office ou encore d’une charge de travail allégée pendant les premiers jours.

De surcroît, il ressort de l’intitulé de l’avis médical du 22 juillet 2013 que celui-ci a été qualifié d’avis d’inaptitude par le médecin du travail. Cette qualification a été confirmée par le médecin du travail dans un certificat du 08 mars 2013. Dès lors, Madame A ne peut valablement soutenir que cet avis médical constituerait en réalité un avis d’inaptitude médicale ni faire grief à la société Econocom
Osiatis France de ne pas l’avoir immédiatement retiré de ce poste.

Enfin, alors que Madame A se trouvait toujours en arrêt maladie au mois de février 2013, la société Econocom Osiatis France a organisé une nouvelle réunion avec le médecin du travail pour déterminer un nouveau poste de travail au profit de Madame A et procéder à une étude de son poste de travail actuel.

Le grief tiré par Madame A d’une violation par la société Econocom Osiatis France des préconisations du médecin du travail ne peut en conséquence fonder la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par Madame A.

L’article 1152-1 du Code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il a été retenu que la société Econocom
Osiatis France avait respecté les préconisations de la médecine du travail concernant l’affectation de Madame A au poste helpdesk suite à son retour d’arrêt maladie.

Madame A et la société Econocom Osiatis France versent aux débats:

— un courriel adressé à Madame A le 07 janvier 2013 et faisant le point à la suite d’une réunion d u m ê m e j o u r r e l a t i v e à l a p r e s t a t i o n d e M a d a m e B o n f i l s : c e c o u r r i e r r e l è v e q u ' u n approfondissement de la connaissance opérationnelle contextuelle reste acquérir ce qui semble normal, qu’un encadrement est présent pour répondre à ces interrogations, qu’elle rencontre des difficultés concernant la qualification des incidents et qu’elle a une bonne maîtrise concernant la distinction de certains champs,

— un second courriel du 15 janvier 2013 lui rappelant la formule à utiliser en qualité de phrases d’accueil téléphonique, la nécessité de se déconnecter lors de ses pauses déjeuner et, enfin, d’assurer le bon fonctionnement de son téléphone dès huit heures,

— un compte rendu de réunion de prestations d’assistance technique du 23 janvier 2013 faisant état chez Madame A de difficultés de prise en compte du phrasé d’accueil, de dossiers insuffisamment qualifiés, de boucles persistantes et fixant comme objectif l’amélioration de la qualité des dossiers, la diminution du nombre de boucles et une attention aux heures de connexion du téléphone, ce compte rendu évalue à 12/36 la prestation de Madame A et estime que sa prestation n’est pas adaptée concernant le savoir-faire, les compétences techniques, la qualité des résultats des réalisations, l’autonomie, le relationnel et la communication ainsi que la créativité et la curiosité intellectuelle,

— un courrier circulaire adressé par la société Econocom Osiatis France à l’ensemble de ses salariés le 25 juin 2013 déplorant avoir eu connaissance récemment d’échanges verbaux agressifs et provocateurs entre collaborateurs.

Les deux courriels 17 et 15 janvier 2013 se contente de faire le point de la situation de Madame A ou à lui rappeler certaines règles de travail et ne comporte à son égard aucun propos de nature dévalorisante.

Par ailleurs, il appartient à l’employeur d’apprécier souverainement les capacités professionnelles du salarié. Dans le cas d’espèce, le compte-rendu de la réunion du 23 janvier 2013 évalue la prestation réalisée par Madame A, recueille les observations de la salariée sur celle-ci, prend acte de ses difficultés et formule des propositions pour remédier aux difficultés rencontrées par sa salariée et lui assigne des objectifs qualitatifs. Cette évaluation ne comprend à l’encontre de Madame A aucun terme dévalorisant.

D’autre part, la généralité des termes du courrier du 25 juin 2013 ne permet pas de prouver que Madame A a fait l’objet de la part de ses collègues de propos agressifs ou provocateurs.

Il n’est pas démontré que la société
Econocom Osiatis France a accusé implicitement Madame A du vol d’une petite cuillère dans le bureau d’une collègue.

Enfin, il a été relevé qu’il ne pouvait être reproché à la société Econocom
Osiatis France d’avoir maintenu Madame A à son poste de travail malgré l’avis médical du 22 janvier 2013.

Les faits de harcèlement moral reprochés par Madame A à la société
Econocom Osiatis France ne sont par conséquent pas établis.

Le jugement déféré, en ce qu’il a débouté Madame A de ses demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en dommages et intérêts pour harcèlement moral sera par conséquent confirmé.

Sur le licenciement pour inaptitude :

Le 22 juillet 2013, Madame A a été victime d’un malaise au volant alors qu’elle rentrait de la société Econocom Osiatis France à son domicile. Cet incident a fait l’objet d’une déclaration d’accident de trajet.

Au terme de deux visites médicales de reprises des 03 et 17 décembre 2013, le médecin du travail a déclaré Madame A inapte à son poste et estimé qu’elle serait apte à un poste sédentaire et sans rythme de travail contraint.

Le 31 mars 2014, la société Econocom Osiatis France a procédé au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame A.

Il n’est pas contesté que tous les arrêts maladie de Madame A sont fondés sur une origine non-professionnelle. Par ailleurs, à l’exception du témoignage de sa mère, qui se contente de reprendre la narration de Madame A sur la journée du 22 juillet 2013, et s’avère dépourvu de toute force probante dès lors qu’elle n’a pas personnellement assisté aux faits qu’elle relate, Madame A ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer que le malaise du 22 juillet 2013 trouve sa cause, même partiel, dans le comportement de son employeur lors de l’entretien du 22 juillet 2013. Enfin, le médecin du travail n’a relevé aucun lien de causalité entre l’activité professionnelle de Madame A et son inaptitude médicale. Madame A ne peut en conséquence prétendre que son inaptitude est d’origine professionnelle et qu’il incombait à son employeur de solliciter préalablement à son licenciement l’avis des délégués du personnel.

Par ailleurs, la société Econocom Osiatis France verse aux débats:

— les courriers qu’elle a adressé les 21 janvier et 04 février 2014 à ses divers établissements par lesquels elle leur a communiqué le curriculum vitae de Madame A et précisé que celle-ci était apte à un poste sédentaire et sans rythme de travail contraint,

— les réponses négatives de certains établissements,

— la liste des postes disponibles au sein de l’entreprise qu’elle a adressée le 27 janvier 2014 à la médecine du travail,

— la même liste adressée le même jour à Madame A et dont les postes disponibles (ingénieur réseaux, ingénieur système Unix et
Sécurité, Ingénieur ou analyste d’exploitation, intégrateur d’applications ou packageurs, technicien réseau, ingénieur messagerie, administrateur réseaux, manager, technicien helpdesk, techniciens de maintenance, technicien de supervision, intégrateur packageur, ingénieur commercial infogérance, expert technique, ingénieur avant-vente, assistante de gestion), compte tenu des fonctions exercées, ne correspondaient pas aux impératifs d’un poste de travail sédentaire et sans rythme de travail contraint tel que prescrit par la médecine du travail.

La société Econocom Osiatis France démontre ainsi qu’elle s’est ainsi valablement acquittée vis à vis de Madame A de son obligation de reclassement.

Le jugement déféré, en ce qu’il a débouté Madame A de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul ou, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de ses demandes connexes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de préavis, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents sera par conséquent confirmé.

Sur le rappel de salaire :

La société Econocom Osiatis France ne conteste pas ce chef de jugement qui sera par conséquent confirmé.

Sur le surplus des demandes :

Enfin Madame A, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer 500,00 à la société Econocom
Osiatis France au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE Madame A recevable en son appel,

DÉBOUTE Madame A de sa demande en annulation du jugement du Conseil de prud’hommes de Grenoble du 20 octobre 2014,

CONFIRME en sa totalité le jugement déféré,

CONDAMNE Madame A à payer à la société Econocom Osiatis France la somme de 500,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE Madame A aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de
Procédure Civile.

Signé par Madame B
C, Présidente, et par Madame D E,
Greffière placée déléguée à la Cour d’Appel de
Grenoble, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Grenoble, 16 novembre 2016, n° 14/05354