Cour d'appel de Grenoble, 16 juin 2016, n° 14/03748

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 16 juin 2016, n° 14/03748
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/03748
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 6 juillet 2014, N° 13/00333

Sur les parties

Texte intégral

MD

RG N° 14/03748

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Laure GERMAIN-PHION

Me Colette CHAZELLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2016

Appel d’une décision (N° RG 13/00333)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 07 juillet 2014

suivant déclaration d’appel du 24 Juillet 2014

APPELANT :

Monsieur Y Z

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SA MEDIAPOST, prise en la personne de son représentant légal et dont le siège se situe au :

XXX

XXX

comparante en la personne de Madame ARDOUREL, assistante RH et assistée de Me Colette CHAZELLE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Gilberte PONY, Présidente,

Mme A B-C, Conseiller,

M. Philippe SILVAN, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Avril 2016,

Madame A B-C a été entendue en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2016.

L’arrêt a été rendu le 16 Juin 2016.

RG 14/3748 MD

Monsieur Y Z a été embauché en qualité de distributeur à partir du 21 février 2011 par la société MEDIAPOST dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé à hauteur de 65 heures mensuelles moyennes avec une variation de plus ou moins 21 heures.

Ses fonctions consistent à préparer des prospectus publicitaires qu’il doit distribuer dans les boîtes aux lettres des particuliers sur des secteurs déterminés.

Suivant avenant au contrat de travail du 31 octobre 2011, la durée du travail a été portée à 86,66 heures par mois.

Le 1er février 2012, Monsieur Y Z a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire.

Le 2 mars 2012, un avertissement lui a été notifié pour non respect des délais de distribution et défaut de distribution.

Entre temps, le 22 février 2012, Monsieur Y Z a été victime d’un accident du travail (élongation du tendon fléchisseur du 4e doigt de la main gauche en soulevant un paquet de prospectus). Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’ISERE au titre de la législation sur les risques professionnels. Son état de santé a été déclaré consolidé le 15 juillet 2013.

Le 1er mars 2013, Monsieur Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de GRENOBLE en résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant notamment l’absence de paiement de l’intégralité des heures effectuées et la violation de l’obligation de sécurité de résultat.

Suivant avis du 7 mars 2013, le médecin du travail l’a déclaré inapte à la reprise à son poste en précisant qu’il pourrait occuper un poste sans manutentions ni manipulations répétées.

Le 22 mars 2013, le médecin du travail a confirmé l’inaptitude dans les termes suivants : « inapte à la reprise à ce poste et à tout poste comportant des manutentions et des manipulations répétées. »

Par décision du 2 décembre 2013, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement de Monsieur Y Z en sa qualité de salarié protégé compte tenu de la tardiveté de la consultation des délégués du personnel et de l’absence de recherche sérieuse de reclassement.

Le 23 janvier 2014, Monsieur Y Z a été élu délégué du personnel suppléant.

Par jugement du 7 juillet 2014, le conseil de prud’hommes de GRENOBLE a débouté Monsieur Y Z de l’ensemble de ses demandes.

Le 24 juillet 2014, il a interjeté appel de ce jugement.

Par lettre du 23 septembre 2014, Monsieur Y Z a fait valoir ses droits à la retraite. Il a quitté l’entreprise en date du 31 octobre 2014.

Monsieur Y Z demande à la Cour de :

— infirmer le jugement,

A titre principal :

— prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

— condamner la société MEDIAPOST à lui verser la somme de 27.001,75 € à titre de rappels de salaire et la somme de 2.700,17 € au titre des congés payés afférents,

Subsidiairement :

— condamner la société MEDIAPOST à lui payer les sommes suivantes :

—  6.233,01 € brut à titre de rappels de salaire du 21 février 2011 au 22 février 2012 et la somme de 623,30 € au titre des congés payés afférents,

—  6.819,37 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour la période comprise entre le 22 février 2012 et le 7 mars 2013,

—  11.749,52 € brut à titre de rappels de salaire du 7 mars 2013 au 31 octobre 2014 et la somme de 1.174,95 € au titre des congés payés afférents,

En tout état de cause :

— annuler l’avertissement notifié le 2 mars 2012 et condamner la société MEDIAPOST à lui payer la somme de 1.000 € en réparation du préjudice subi,

— condamner la société MEDIAPOST à lui payer :

— la somme de 5.120,40 € net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

— la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation de sécurité de résultat,

— la somme de 5.000 € net en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement,

— requalifier le départ volontaire à la retraite de Monsieur Y Z en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul,

— condamner la société MEDIAPOST à lui verser les sommes suivantes :

—  625,82 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  1.706,08 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 170,60 € brut au titre des congés payés afférents,

—  8.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement nul,

—  17.921,40 € net à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

—  2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société MEDIAPOST aux dépens.

La société MEDIAPOST demande à la Cour de :

— confirmer le jugement rendu le 7 juillet 2014,

— débouter Monsieur Y Z de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

La modulation du temps de travail permet à une entreprise de prévoir un aménagement des horaires de travail en fonction de l’activité de l’entreprise.

Lorsque la modulation du temps de travail est prévue par un accord collectif, cet accord doit prévoir les conditions et délais de prévenance de chaque salarié.

En l’espèce, le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Monsieur Y Z prévoit qu’il est soumis à l’accord de modulation du temps de travail du 22 octobre 2004 et précise que :

— un calendrier indicatif indiquant la répartition du temps de travail sur l’année sera communiqué au salarié au moins 15 jours avant le début de chaque période de modulation,

— chaque semaine, il sera remis au salarié le nombre d’heures précis pour la semaine suivante.

La société MEDIAPOST ne produit aucun planning indicatif indiquant la répartition du temps de travail sur l’année et ne justifie a fortiori pas de sa communication à Monsieur Y Z.

Si les plannings hebdomadaires sont effectivement produits et comportent la signature de Monsieur Y Z, aucune date de remise de ce planning n’y figure.

La seule mention « semaine : 9 / 2011 » portée sur le planning relatif à la période de travail du 28 février 2011 au 1er mars 2011 ne démontre pas sa remise au salarié la semaine précédente puisque la semaine 9 correspond précisément à la période du 28 février au 6 mars 2011. Il en est de même pour chacun des plannings.

Il en résulte que faute pour l’employeur d’avoir notifié un calendrier indicatif de la répartition du temps de travail sur l’année et de remise chaque semaine du programme horaire de la semaine suivante, Monsieur Y Z se trouvait obligé de se tenir à disposition de l’employeur et de ce fait il bénéficie d’une présomption de travail à temps plein.

La société MEDIAPOST ne rapporte pas la preuve que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à disposition de sorte qu’il y a lieu de faire droit à la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Monsieur Y Z est donc fondé à obtenir des rappels de salaire sur la base d’un temps plein du 21 février 2011 au 31 octobre 2014 date de son départ en retraite soit la somme de 27.001,75 € à titre de rappels de salaire et la somme de 2.700,17 € au titre des congés payés afférents conformément à son décompte non contesté en son quantum.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le travail dissimulé

Les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail relatives au travail dissimulé font expressément mention de l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations.

Il a été retenu ci-dessus que l’employeur ne justifie pas avoir respecté les dispositions de l’accord de modulation du temps de travail s’agissant des délais de prévenance à l’égard du salarié.

Toutefois, cette circonstance ne caractérise pas à elle seule l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations relatives aux déclarations d’emploi salarié.

Il y a lieu de débouter Monsieur Y Z de sa demande d’indemnisation à ce titre et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l’avertissement du 2 mars 2012

En application de l’article L 1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, la société MEDIAPOST a notifié à Monsieur Y Z un avertissement en date du 2 mars 2012.

L’employeur produit les fiches de contrôles faisant apparaître que 21 adresses du secteur confié à Monsieur Y Z dans la tournée du 21 janvier 2012, n’avaient pas été distribuées.

Monsieur Y Z qui invoque l’impossibilité pour lui d’effectuer la totalité du travail demandé en respectant le temps de travail imparti par l’employeur ne conteste pas la réalité des faits reprochés.

Il y a donc lieu de rejeter sa demande d’annulation de l’avertissement du 3 mars 2012 et de confirmer le jugement.

Sur la violation de l’obligation de sécurité de résultat

Monsieur Y Z a été victime d’un accident du travail le 22 février 2012. En soulevant un paquet de prospectus, il s’est coincé l’annulaire de la main gauche provoquant une douleur de l’avant bras.

Il se fonde sur un pré-rapport établi par le cabinet X à la demande du CHSCT en date du 22 octobre 2012 relatif au « projet de mécanisation des poignées » pour invoquer un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat. Il soutient que la société MEDIAPOST l’a exposé à des risques du fait des cadences de travail imposées.

Si ce rapport évoque les difficultés liées à l’activité de distributeur, il ne permet pas de caractériser un manquement de l’employeur ayant un lien de causalité avec l’accident dont Monsieur Y Z a été victime.

Le salarié indique n’avoir reçu aucune formation aux gestes et postures ce qui est contredit par l’attestation de formation « gestes et postures » signée par Monsieur Y Z en date du 16 janvier 2012 soit un mois avant l’accident.

Il convient en conséquence de débouter Monsieur Y Z de sa demande à ce titre et de réformer le jugement sur ce point.

Sur l’obligation de reclassement

En application des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail, en cas d’inaptitude médicale d’un salarié consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, « l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

(') L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »

La société MEDIAPOST produit de nombreux justificatifs de recherche de poste effectuée en interne et sur l’ensemble des sociétés du groupe LA POSTE.

Elle justifie avoir proposé par lettre du 7 mai 2014 à Monsieur Y Z un poste de pilote d’équipe basé sur le site de Vaulx en Velin en indiquant être en attente de l’approbation du médecin du travail sur la compatibilité de ce poste avec l’état de santé du salarié. Monsieur Y Z a refusé cette proposition le 20 mai 2014 pour des motifs personnels.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir que l’employeur a respecté son obligation de reclassement et de débouter Monsieur Y Z de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

Monsieur Y Z a fait valoir ses droits à la retraite par lettre du 23 septembre 2014 en indiquant : « Ne supportant plus ma situation professionnelle tant au niveau de mon reclassement, et la sous estimation de mon temps de travail car elles m’inscrivent dans des difficultés financières et surtout morales. Par conséquent je ne vois pas d’autre solution que de faire valoir mes droits à la retraite (…) ».

Il demande à la Cour de requalifier la rupture du contrat de travail en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il est constant qu’un litige existait entre les parties à la date du départ à la retraite. Toutefois, certains des manquements reprochés à l’employeur n’ont pas été retenus à savoir le travail dissimulé, le manquement à l’obligation de sécurité de résultat et le manquement à l’obligation de reclassement. La demande au titre du rappel de salaire découle de l’inobservation d’une formalité au cours de la relation de travail soit de février 2011 à février 2012 date à laquelle le salarié a été victime d’un arrêt de travail et n’a plus occupé son poste. Ce manquement n’était pas de nature à empêcher la poursuite de la relation contractuelle puisque Monsieur Y Z n’a saisi le conseil de prud’hommes qu’en mars 2013.

Dans ces conditions, il convient de le débouter de sa demande en requalification de la rupture du contrat et de ses demandes indemnitaires.

Il sera alloué à Monsieur Y Z la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Monsieur Y Z de sa demande de rappel de salaire.

Statuant à nouveau,

PRONONCE la requalification du contrat de travail à temps partiel de Monsieur Y Z en contrat de travail à temps plein.

CONDAMNE la société MEDIAPOST à verser à Monsieur Y Z la somme de 27.001,75 € à titre de rappels de salaire et la somme de 2.700,17 € au titre des congés payés afférents.

CONDAMNE la société MEDIAPOST à verser à Monsieur Y Z la somme de1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société MEDIAPOST aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame PONY, Président, et par Monsieur MAHBOUBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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