Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 7 janvier 2020, n° 17/02470

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 7 janv. 2020, n° 17/02470
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 17/02470
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montélimar, 2 avril 2017, N° 15/00045
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PS

N° RG 17/02470

N° Portalis DBVM-V-B7B-JAY4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Typhaine ROUSSELLET

Me Annette PAUL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JANVIER 2020

Appel d’une décision (N° RG 15/00045)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 03 avril 2017

suivant déclaration d’appel du 11 Mai 2017

APPELANTE :

Mme F X

de nationalité Française

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Typhaine ROUSSELLET, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Marie-Pierre PESENTI de la SELARL ALCYA CONSEIL, avocat plaidant au barreau d’AVIGNON

INTIMEE :

SA ETABLISSEMENT SAISSE ET FILS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Annette PAUL, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Octobre 2019,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller chargée du rapport, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, et en présence de M. Victor BAILLY, juriste-assistant, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 07 Janvier 2020.

Exposé du litige :

Selon contrat à durée déterminée du 9 octobre 2008, Mme X a été engagée en qualité d’employée de bureau par la SA Etablissement Saisse & fils (ci-après la société ETS). La relation de travail s’est poursuivie sous la forme d’un contrat à durée indéterminée à compter du 29 janvier 2009. Au dernier état de la relation de travail, elle exerçait les fonctions de secrétaire commerciale, statut cadre.Au terme d’un avenant du 4 septembre 2014, ses horaires de travail ont été modifiés sur sa demande.

Mme X a été placée en arrêt de travail à compter du 5 janvier 2015. Le 18 janvier 2015, Mme X a déposé plainte pour harcèlement moral à l’encontre de son employeur.

Le 2 février 2015, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Montélimar sollicitant d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur au motif que ce dernier l’aurait harcelée.

La plainte déposée le 18 janvier 2015 par Mme X a fait l’objet d’un classement sans suite par le procureur de la République de Valence le 8 mars 2016.

Mme X a fait l’objet d’une visite médicale de pré-reprise du 6 juin 2016 puis d’une visite médicale de reprise du 23 juin 2016 à l’issue de laquelle elle a été déclarée inapte à tous les postes dans l’entreprise.

Le 2 août 2016, Mme X a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 3 avril 2017, le conseil de prud’hommes de Montélimar a :

— jugé que la société ETS n’a commis aucun acte de harcèlement moral envers Mme X,

— rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts de l’employeur et la déclare infondée,

— jugé que le licenciement de Mme X repose bien sur une cause réelle et sérieuse résultant de son inaptitude médicalement constatée non imputable à la société ETS,

— jugé que Mme X n’était pas en état d’accomplir son préavis,

— débouté en conséquence Mme X de l’ensemble de ses demandes et de ses demandes de rappel de primes de bilan et de fin d’année ainsi que des congés payés afférents,

— débouté Mme X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société ETS de sa demande reconventionnelle basée sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme X aux dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties les 5 et 6 mai 2017.

Mme X a interjeté appel de la décision le 11 mai 2017.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 21 août 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme X demande de :

— l’infirmer dans toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau, prononcer à titre principal la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ETS,

— à titre subsidiaire, juger que le licenciement du 2 août 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’inaptitude étant la conséquence du comportement fautif de la l’employeur,

— condamner dans les deux cas la société à lui verser les sommes suivantes :

'

7 103,76 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

'

710,37 € bruts au titre des congés payés afférents,

'

25 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'

7 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du comportement fautif de

l’employeur,

'

100 € bruts à titre de rappel de prime de bilan,

'

10 € bruts au titre des congés payés afférents,

'

500 € bruts à titre de rappel de prime de fin d’année,

'

50 € bruts au titre des congés payés afférents,

'

2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au terme des débats et de ses conclusions du 6 septembre 2017 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société ETS demande de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 3 avril 2017,

— en conséquence, débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner la salariée à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 septembre 2019. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Sur ce :

sur la résiliation judiciaire du contrat de travail:

le droit applicable:

Il est de jurisprudence constante que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement grave de l’employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et que, lorsque le salarié a été licencié en cours d’instance, la décision de résiliation judiciaire prend effet à la date de la rupture du contrat de travail.

moyens des parties:

A l’appui de sa demande, Mme X fait grief au conseil de prud’hommes d’avoir cantonné son analyse à la seule qualification de faits de harcèlement moral alors que le périmètre des griefs qu’elle forme à l’égard de son employeur est beaucoup plus large et reproche à ce dernier des sanctions prohibées en raison de la diminution par moitié de primes, le retrait de tâches à son retour d’un arrêt de travail en février 2014, une communication régulièrement violente de la part de son directeur général et des faits de séquestration dont elle a été victime le 3 décembre 2014. Elle soutient par ailleurs que ces faits ont porté atteinte à son état de santé et que d’autres salariés ont été victimes de faits de harcèlement moral au sein de la société ETS.

De son coté, l’employeur soutient que Mme X n’a pas été victime de faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise aux motifs que les témoignages qu’elle verse aux débats sont de complaisance, qu’elle n’a pas été séquestrée au sein de l’entreprise, qu’elle n’a pas fait l’objet d’une communication violente de la part de sa direction, que ses fonctions n’ont pas été modifiées et qu’elle n’était la seule salariée dont les primes ont baissé.

Sur quoi:

Au terme de ses dernières écritures, Mme X a précisé que sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail n’était pas fondée sur l’allégation de faits de harcèlement moral commis à son encontre par son employeur mais qu’elle était motivée par divers manquements commis par ce dernier suffisamment graves de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail. Il n’y a donc pas lieu à rechercher si les éléments constitutifs du harcèlement moral sont réunis.

Concernant la diminution des primes, il n’est pas contesté par la société ETS que les primes de bilan et de fin d’année, versées à Mme X aux mois de novembre et de décembre de chaque année, ont

diminué de moitié puisque la première prime, d’un montant de 200 € en 2011, 2012 et 2013 et la seconde de 1 000 € en 2012 et en 2013, sont respectivement passées à 100 € en novembre 2014 et à 500 € en décembre 2014.

La société ETS, qui soutient que Mme X n’était pas la seule salariée à voir diminuer ses primes, verse aux débats un tableau récapitulatif indiquant que les deux directeurs généraux de la société et le dirigeant de celle-ci n’ont perçu aucune prime de bilan ou de fin d’année pour les années 2014 et 2015 et que les comptes courant d’associés n’ont pas été rémunérés en 2014 et 2015, ses comptes de résultats afférents aux exercices clos au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014 révélant un bénéfice de 77 966 € en 2012, de 9 782 € en 2013 et une perte de 331 066 € en 2014 ainsi que les bulletins de paie de Mme Y et de M. Zenardi, tous deux manutentionnaires, mentionnant une baisse notable des primes de bilan et de fin d’année entre 2013 et 2014.

Cependant, le premier tableau, établi par la société ETS, n’est corroboré par aucun élément de preuve extrinsèque de nature à en vérifier la véracité et s’avère en conséquence dépourvu de toute force probante par application du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Par ailleurs, la production de bulletins de paie afférents à deux salariés, alors que l’entreprise compte plus d’une trentaine d’employés, ne s’avère pas suffisamment complète pour démontrer que la baisse de prime subie par Mme X est objectivement fondée. Ce grief s’avère en conséquence établi.

Concernant le retrait des fonctions, il ressort tant de l’attestation de Mme A-B, assistante qualité, versée aux débats par Mme X que de l’audition de cette salariée par la gendarmerie de Buis-Lès-Baronnies, que Mme A-B a déclaré que M. Jean-H I, directeur général de la société ETS, attribuait des tâches de Mme X à sa fille J I, en charge dans la société des fonctions ordonnancement et lancement. La généralité de ce témoignage ne permet pas de se convaincre d’un retrait significatif des attributions de Mme X au profit de la fille du directeur général de la société. Au contraire, Mme Z, responsable administrative de la société ETS, entendue par la gendarmerie de Buis-Lès-Baronnies, a témoigné qu’il s’agissait pour M. I d’apprendre toutes les facettes du métier à sa fille. Ce grief n’est donc pas établi.

Concernant la communication violente, dans le cadre de la procédure d’enquête diligentée par la gendarmerie de Buis-Lès-Baronnies, divers salariés ou anciens employés de Mme X ont témoigné du caractère emporté du directeur général de la société. Ainsi, Mme Z a indiqué qu’il avait un caractère impulsif, Mme A-B l’a qualifié d’impulsif, de lunatique, et d’agressif, M. Bourguignon a exposé qu’il était agressif, moqueur, imbu de sa personne et violent verbalement avec les employés tandis que M. Pélissier a relaté qu’il possédait « un sacré caractère ».

S’agissant particulièrement de la situation de Mme X, Mme A-B, entendue par les gendarmes, a affirmé que, depuis septembre-octobre 2014 les relations entre M. I et Mme X étaient tendues, qu’en effet le directeur général n’avait pas apprécié sa demande de changement d’horaires, que M. I lui répondait de manière agressive alors qu’elle l’interrogeait calmement et poliment sur des questions relatives au travail, qu’il ne lui parlait presque plus et, qu’au lieu de lui remettre un document de la main à la main, il le jetait sur son bureau de façon violente.

Par ailleurs, Mme X verse aux débats les témoignages de Mme A-B et M. K L qui témoignent, pour la première, que M. I n’avait pas apprécié la demande de changement d’horaires formée fin août 2014 par Mme X et qu’à compter de cette date son attitude avait changé à l’égard de cette salariée, qu’il était devenu agressif, qu’il lui criait dessus ou qu’il jetait des documents, sans un mot, sur son bureau alors qu’elle était présente et, pour le second, que depuis fin 2014, il avait constaté à plusieurs reprises que M. I s’emportait facilement en criant sur Mme X et, plus généralement, les employés de l’entreprise.

De son coté, la société ETS produit aux débats les témoignages de Mme C, responsable

management qualité, Mme Z, responsable administrative, et M. Saisse, comptable, qui témoignent respectivement:

— qu’elle n’a pas été témoin d’altercations et que lorsque M. I doit intervenir, il le fait avec la fermeté nécessaire d’un directeur d’entreprise,

— qu’il n’y a pas eu d’altercation entre M. I et Mme X,

— qu’il n’y a pas eu d’altercation et que, lors de la constatations d’erreurs commises, il avait des reproches qui étaient justifiés mais sans autre.

S’il est constant que certains témoins de Mme X ont été opposés à la société ETS dans le cadre de procédure prud’homales, la réitération de leurs déclarations, précises et détaillées, dans le cadre de leur audition par les services de gendarmerie de Buis-Lès-Baronnies démontre clairement, de manière générale, un comportement emporté de M. I à l’égard des salariés de l’entreprise et, concernant le cas particulier de Mme X, un changement d’attitude à son encontre suite à sa demande en changement d’horaires caractérisé par un comportement verbalement agressif ou encore le jet de documents sur son bureau. Ce grief s’avère en conséquence établi.

Concernant les faits de séquestration, Mme X verse aux débats la lettre recommandée avec accusé de réception qu’elle a adressée le 1er décembre 2014 à son employeur pour obtenir des explications sur la réduction de moitié de sa prime de bilan. Il est constant que le 3 décembre 2014, une réunion de service s’est tenue en présence, notamment, de M. Jean-H I et Mme X.

En revanche, les parties s’opposent sur le déroulé et l’issue de ladite réunion.

En effet, la société ETS verse aux débats les témoignages de M. Jean-H I et de Mme Z, responsable administrative, selon lesquels, pour le premier, la réunion en question a duré environ une heure dans un contexte calme et serein et, pour la seconde, que M. I avait évoqué les problèmes et anomalie qui avaient été constatés dans l’entreprise et qu’il n’avait pas eu de séquestration de Mme X de la part de M. Georges I.

De son coté, Mme X produit à l’instance l’audition de Mme D et de Mme A-B par les gendarmes de Buis-Lès-Baronnies qui ont déclaré devant les services d’enquête, pour la première, que la réunion du 3 décembre 2014 faisait suite au courrier de Mme X relatif à la baisse sa prime, que M. Jean-H I s’était senti trahi par cette démarche, qu’il aurait souhaité qu’elle lui en parle directement, qu’au cours de cette réunion des reproches sur les erreurs commises par Mme X dans son travail, qu’elle n’avait jamais constaté ces erreurs à son niveau et que Mme X était effondrée et, pour la seconde, que, le 3 décembre 2014, au soir, elle avait eu Mme X au téléphone, que celle-ci était en pleurs et démoralisée, qu’elle lui avait dit que les dirigeants de la société ETS l’avaient bloqué dans la salle de réunion en ne la laissant pas sortir et qu’ils lui avaient fait des reproches injustifiés sur son travail.

Elle verse en outre aux débats :

— le témoignage de M. Housseman, conseiller du salarié, relatant que le 3 décembre 2014, vers 18 heures, il avait reçu un appel téléphonique de Mme X qui était en panique et lui avait indiqué que son patron l’avait enfermé dans une salle de réunion avec d’autres membres de la direction et qu’il lui avait crié dessus pour avoir osé écrire une lettre par lequel elle demandait des renseignements sur une prime,

— un certificat médical du docteur E indiquant avoir examiné le 3 décembre 2014 Mme X laquelle présentait un état anxio-dépressif sévère, réactionnel, avec tremblement, inhibition et peur panique,

— un SMS qui lui a été adressée par Mme Z le 3 décembre 2014 à 20 h 43 et par lequel celle-ci lui indique qu’elle a besoin de décompresser, que son licenciement n’est pas à craindre à son avis et qu’il faut se méfier des décisions hâtives prises sous le coup de la colère.

Contrairement aux affirmations de la société ETS, il ressort clairement des éléments qui précèdent, et notamment, du SMS du 3 décembre 2014, rédigé immédiatement après les faits en question, qui démontre que la réunion s’est pas tenue dans les conditions de calme et de sérénité invoquées par l’employeur, de l’examen le même jour de Mme X par un médecin qui a constaté son état de panique et de l’audition précise et détaillée de Mme Z devant les services de gendarmerie, que la réunion du 3 décembre 2014 était motivée par le courrier de Mme X relatif au paiement de la prime de bilan, qu’à cette occasion des reproches ont été faits sur la manière de servir de Mme X, qu’il n’est pas possible de déterminer la nature de reproches ainsi formulés à l’égard de Mme X ni leur réalité et, enfin, que ces reproches ont été formulés dans un contexte tellement agressif que Mme X a été contrainte de consulter un médecin à l’issue de celui-ci et qu’une des personnes présentes lors de cet entretien a pris attache avec cette dernière pour la rassurer.

En revanche, en l’absence de témoin direct pouvant attester que Mme X a été retenue contre son gré par l’employeur dans cette salle de réunion il ne peut être retenu qu’elle a fait l’objet, au sens des dispositions de l’article 224-1 du code pénal, de faits de séquestration.

Il résulte de ce qui précède qu’à compter de la fin du mois d’août/début du mois de septembre 2014, suite à la volonté de Mme X de changer d’horaires de travail, l’attitude du directeur général de la société a changé à son égard, que ce changement de comportement s’est caractérisé par des propos agressifs à son encontre ou encore le jet de documents sur son bureau sans lui parler, que, sans motif légitime, Mme X a vu réduire de moitié ses primes de bilans et de fin d’année 2014 et que lors d’un réunion du 3 décembre 2014, motivée par sa demande d’explication sur la réduction de sa prime de bilan, elle s’est vue violemment reprochée des griefs injustifiés sur sa prestation de travail.

Mme X démontre en outre que le comportement de son employeur a eu des répercussions sur son état de santé caractérisées par un état anxio-dépressif sévère, réactionnel, avec tremblement, inhibition et peur panique constaté le 3 décembre 2014, une symptomatologie psychique constatée le 22 décembre 2014 et qu’elle a imputé à une situation professionnelle conflictuelle et un arrêt de travail motivé à compter du 14 janvier 2015 par un état anxio-dépressif.

Ces faits, qui ont porté atteinte à la rémunération de Mme X et à sa santé psychique constituent des manquements graves de la société ETS à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Mme X est en conséquence bien fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société ETS dont il conviendra de fixer la date au 2 août 2016.

Les derniers bulletins de paie de Mme X mentionnent que la société ETS fait l’objet d’un code NAF 4646Z, soit le commerce de gros de produits pharmaceutiques et médicaux. La société ETS, qui soutient qu’elle a pour activité la fabrication et la commercialisation d’épices et d’aromates à destination de sociétés agro-alimentaires, ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à remettre en cause les mentions des bulletins de paie de Mme X. Cette dernière est en conséquence fondée à revendiquer l’application de la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaires du 1er juin 1989.

Il n’est pas contesté que le salaire moyen de Mme X lors de son licenciement était de 2 367,92 €. Elle est en conséquence fondée à solliciter la somme de 7 103,16 € au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis, outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, compte tenu de l’ancienneté de Mme X dans l’entreprise, de sa rémunération, de sa situation de famille, à savoir la présence d’un jeune enfant, et de la circonstance que, si elle a

retrouvé rapidement un emploi salarié, elle a néanmoins subi une baisse de salaire, le préjudice qu’elle a subi au titre de la rupture de son contrat de travail sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 23 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice à raison de la perte de son emploi.

sur le surplus des demandes :

Il a été retenu que les manquements de l’employeur avaient altéré la santé psychique de Mme X. La dégradation de son état de santé pendant l’exécution de son contrat de travail qui a nécessité un suivi médical au long cours avec soutien psychologique et traitement médicamenteux, justifie de lui allouer à titre distinct la somme de 7 000 € en réparation du préjudice ainsi subi.

Par ailleurs, il a été retenu que la société ETS avait réduit, sans motif légitime, les primes de bilan et de fin d’année versées à Mme X. Cette dernière est en conséquence bien fondée à réclamer la condamnation de la société ETS à lui payer le solde restant dû à ce titre.

Enfin la société ETS, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à Mme X la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme X recevable en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar du 3 avril 2017,

STATUANT à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts de la SA Etablissement Saisse & fils à la date du 2 août 2016,

CONDAMNE la SA Etablissement Saisse & fils à payer à Mme X les sommes suivantes :

—  7 103,76 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  710,37 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  23 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  7 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du comportement fautif de l’employeur,

—  100 € bruts à titre de rappel de prime de bilan 2014,

—  10 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  500 € bruts à titre de rappel de prime de fin d’année 2014,

—  50 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SA Etablissement Saisse & fils aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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