Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 7 janvier 2020, n° 17/02343

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 7 janv. 2020, n° 17/02343
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 17/02343
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valence, 6 avril 2017, N° F15/01187
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

VC

N° RG 17/02343

N° Portalis DBVM-V-B7B-JANA

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELAS FOLLET RIVOIRE

Me Philippe GOURRET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JANVIER 2020

Appel d’une décision (N° RG F 15/01187)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VALENCE

en date du 07 avril 2017

suivant déclaration d’appel du 04 Mai 2017

APPELANTE :

SARL DISTRINOV, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Eric RIVOIRE de la SELAS FOLLET RIVOIRE, avocat postulant au barreau de VALENCE substitué par Me Laura COURTOT, avocat au barreau de VALENCE,

et par Me Fabienne NASICA, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIME :

Mme B X

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Philippe GOURRET, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Octobre 2019,

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, assisté de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 07 Janvier 2020.

Exposé du litige :

Mme X a été embauchée par la SARL DISTRINOV le 2 septembre 2013 en qualité de déléguée pharmaceutique en contrat à durée indéterminée.

À compter du 5 juin 2015, elle bénéficie de prescriptions médicales de repos continu.

Le 3 septembre 2015, Mme X est licenciée, son employeur « en raison de ses absences répétées et prolongées rendant nécessaire son remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise ».

Mme X a saisi le conseil des prud’hommes de Valence en date du 1er décembre 2015 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement en date du 7 avril 2017, le conseil des prud’hommes de Valence a :

' dit que le licenciement notifié à Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse

' condamné la SARL DISTRINOV à payer à Mme X les sommes suivantes :

'12.222 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

'1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

' débouté les parties du surplus de leurs demandes

' condamné la SARL DISTRINOV aux dépens de l’instance

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception le 12 avril 2017.

La SARL DISTRINOV a interjeté appel de la décision en sa globalité par déclaration en date du 4 mai 2017.

Par conclusions récapitulatives n°2 en date du 17 octobre 2019, la SARL DISTRINOV demande à la cour d’appel de :

' Infirmer le jugement de départage du 7 avril 2017 du Conseil de Prud’hommes de Valence.

Statuant de nouveau,

' Dire et juger fondé en tout point de fait et de droit le licenciement de Mme X.

' Dire et juger dépourvu de tout fondement de droit et de fait les nouvelles demandes de Mme X en matière d’indemnité de préavis et de congés payés afférents.

Ce faisant,

' Débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes en licenciement abusif.

' Recevoir la société DISTRINOV en ses demandes reconventionnelles.

Y faisant droit,

' Condamner Mme X à payer à la société DISTRINOV la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

' Condamner Mme X aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse en date du 5 septembre 2017, Mme X demande à la cour d’appel de :

' Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Valence en ce qu’il a décidé que le licenciement de Madame B X était sans cause réelle et sérieuse.

' Y ajoutant, condamner la Société DISTRINOV à payer à Madame B X les sommes et indemnités suivantes :

' 12 222 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 6 111 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 611,10 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

' 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

' La condamner aux dépens s’il y a.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2019 et l’affaire a été fixée à plaider le 21 octobre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Le délibéré est fixé au 7 janvier 2020 par mise à disposition au greffe.

SUR QUOI :

Sur le bien-fondé du licenciement :

Le droit applicable :

Si l’absence d’un salarié pour maladie ne peut justifier son licenciement, les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par son absence prolongée ou ses absences répétées en raison de sa maladie peuvent constituer une cause de licenciement si elle rend nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé. La lettre de licenciement doit mentionner la perturbation du fonctionnement de l’entreprise et la nécessité du remplacement définitif du salarié.

Les moyens des parties :

La salariée soutient :

' que la maladie n’est pas un motif de licenciement sauf inaptitude physique constatée par le médecin du travail et sous réserve de respecter les règles spécifiques par le Code du travail;

' que s’agissant du motif fondé sur les absences de la salariée, la lettre de rupture ne répond pas aux exigences jurisprudentielles

' que le licenciement du salarié n’est possible que si le fonctionnement de l’entreprise est perturbé et si le remplacement définitif du salarié malade est rendu nécessaire, l’employeur ne faisant pas la preuve de la désorganisation de l’ensemble de l’entreprise puisque son poste de délégué pharmaceutique n’est pas, à la différence d’un poste de pharmacien ou d’un médecin, un poste stratégique, ni un poste pivot, ne visitant que 8 pharmacies par jour et l’employeur appartenant à un grand groupe pharmaceutique; elle ajoute que si l’employeur évoque, « l’absence de fonctionnement satisfaisant du service », il n’est pas fait mention d’une perturbation au niveau de l’entreprise ni démontrée la désorganisation de l’entreprise par ses absences.

' que son remplacement définitif suppose l’embauche d’un salarié sous contrat à durée indéterminée, soit pour occuper le poste du salarié licencié, soit pour occuper celui d’un autre salarié de l’entreprise muté au poste du salarié licencié et que la Société DISTRINOV ne démontre pas l’avoir remplacé durant son congé maladie de trois mois, en incluant d’ailleurs la période estivale où les délégués pharmaceutiques à l’instar des salariés de DISTRINOV ou de ceux du Groupe, bénéficient de congés payés pendant quelque 3 à 4 semaines.

L’employeur fait valoir en réponse :

' que l’absence répétée et prolongée (soit 80 jours d’absence) de Mme X a bien perturbé l’entreprise et non uniquement son secteur d’activité puisque, du fait de cette absence, la société DISTRINOV ne pouvait honorer ses obligations contractuelles vis-à-vis de son partenaire, la société PHARMINOV, qui elle-même manquait à sa propre obligation contractuelle vis-à-vis du client EG LABO et que le secteur de Mme X n’ayant pu être visité, il est resté libre à la concurrence.

' que le remplacement temporaire de Mme X sans aucune visibilité de la date de sa reprise, était impossible au regard des formations nécessaires à une parfaite maîtrise des médicaments vendus.

'que son remplacement définitif a bien été opéré, M. Z ayant été embauché par la société DISTRINOV dans le cadre du même contrat pour le laboratoire EG LABO et sur le même secteur géographique afin de présenter et promouvoir les génériques du client EG LABO. L’employeur indique que c’est en effet la société PHARMINOV qui publie les annonces et sélectionne les candidats répondant aux exigences du poste à pourvoir pour les sociétés du groupe en demande de recrutement. Elle soutient que le remplacement de Mme X a été opéré dans un délai raisonnable puisque M. Z a été engagé en contrat à durée indéterminée en remplacement de Mme X un mois après son licenciement, ce qui est raisonnable, compte tenu du délai de recrutement.

Sur ce,

Aux termes de la lettre de licenciement de Mme X en date du 3 septembre 2015, « il n’est pas possible compte tenu des caractéristiques de votre poste de délégué pharmaceutique, du caractère par nature inopinée de ses absences et de la taille de notre entreprise, de procéder, à chaque arrêt de travail, à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir le fonctionnement satisfaisant du service. Par ailleurs votre absence pour maladie non professionnelle depuis le 5 juin 2015, soit une durée totale de 92 jours, nous est particulièrement préjudiciable vis-à-vis de notre partenaire à qui nous devons prendre des résultats nuls sur un secteur complet est dorénavant vacants.' La situation est donc intenable pour notre société puisque vous nous avez déjà adressé cinq arrêts travail sans que nous puissions savoir quand vous allez reprendre vos fonctions.' Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de vos absences répétées et prolongées qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise. »

Il est de principe que la lettre de licenciement doit mentionner la perturbation du fonctionnement de l’entreprise engendrée par les absences du salarié et non uniquement celle du service assuré par celui-ci.

En l’espèce, l’employeur mentionne de manière suffisamment détaillée dans la lettre du licenciement l’existence de difficultés résultant des absences prolongées de la salariée dans sa relation avec son partenaire sur un secteur géographique particulier, soit celui sur lequel opérait Mme X en sa qualité de délégué pharmaceutique auprès des officines du secteur Ardèche et Drôme conformément à son contrat travail (sur 33 secteurs géographiques) mais également que le remplacement définitif de la salariée est nécessaire pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise.

S’agissant de la réalité du dysfonctionnement de l’entreprise du fait des absences répétées de Mme X, l’employeur justifie que la mission du délégué pharmaceutique étant de promouvoir auprès des officines pharmaceutiques la vente de produits du laboratoire EG LABO et que durant les 92 jours d’absences, la salariée n’a pu assurer cette mission auprès du réseau de pharmacien qui par ailleurs était visité par les représentants de laboratoires concurrents.

L’employeur justifie par ailleurs du remplacement définitif de la salariée par la production d’un contrat à durée indéterminée entre M. Z et la SARL DISTRINOV en qualité de délégué pharmaceutique sur le même secteur géographique à compter du 5 octobre 2015, soit un mois après le licenciement de Mme X, qui constitue un délai raisonnable eu égard à la procédure de recrutement ; le fait que son recrutement ait été opéré par une autre structure appartenant au même groupe étant inopérant, le contrat de travail étant bien signé avec la SARL DISTRINOV.

Le licenciement de Mme X est donc bien fondé sur une cause réelle et sérieuse par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :

Le droit applicable :

Pour les travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi, notamment reconnu handicapé par la CDAPH, que l’employeur soit ou non assujetti à cette obligation, la durée du préavis de licenciement est doublée sans pouvoir dépasser trois mois même si le salarié n’a pas révélé son handicap avant la notification du licenciement. La décision d’un salarié de porter à la connaissance de l’employeur ou du médecin du travail sa qualité de handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi ne résultant que d’une démarche volontaire personnelle.

Le salarié se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter son préavis dont il n’a pas été dispensé par l’employeur, en raison d’une maladie ou d’un accident non professionnel ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice de préavis.

Les moyens des parties :

Mme X soutient qu’elle bénéficiait avant son embauche du statut de travailleur handicapé reconnu par la CDAPH de la Drôme et qu’elle n’avait aucune information obligatoire à livrer à son employeur à ce sujet, le salarié ne pouvant pas être privé des avantages octroyés aux salariés handicapés licenciés au motif qu’il n’a pas fourni d’information préalable sur son état de santé ou son handicap qu’il n’a pas à révéler.

L’employeur fait valoir en réponse qu’il s’agit d’une nouvelle demande en appel et que les dispositions légales ou conventionnelles n’imposent pas le règlement d’un préavis lorsque le salarié n’est pas en mesure d’effectuer ce préavis du fait de son arrêt maladie et qu’il n’a pas été dispensé d’activité, le fait que Mme X ait été placée en arrêt maladie durant ses trois mois de préavis ne pouvant être imputable à la société.

Sur ce,

La décision de Mme X de ne pas porter à la connaissance de son employeur, son statut de travailleur handicapé avec obligation d’emploi, lui appartient et ne peut porter atteinte à son droit au préavis de licenciement doublé.

Toutefois s’il résulte des éléments du débat qu’aucune indemnité compensatrice de préavis n’a été réglée à Mme X, Mme X ne démontre pas que la SARL DISTRINOV l’ait dispensée de son obligation d’exécuter son préavis. Compte tenu de ses arrêts maladie pendant cette période et donc de l’impossibilité d’exécuter son préavis, Mme X ne pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis. Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de condamner Mme X partie perdante, aux entiers dépens.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE LA SARL DISTRINOV recevable en son appel,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y Ajoutant:

DIT que le licenciement de Mme X est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE Mme X de sa demande au titre de l’indemnité de compensatrice de préavis,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

DIT n’y avoir à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme X aux dépens en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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