Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 15 juin 2021, n° 18/03211

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 15 juin 2021, n° 18/03211
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 18/03211
Décision précédente : Tribunal d'instance de Vienne, 28 juin 2018, N° 1118000012
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03211 – N° Portalis DBVM-V-B7C-JTXL

VL

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Federico STEINMANN

la SELARL EUROPA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 15 JUIN 2021

Appel d’un jugement (N° R.G. 1118000012)

rendu par le Tribunal d’Instance de VIENNE

en date du 29 juin 2018

suivant déclaration d’appel du 17 Juillet 2018

APPELANTS :

M. A X

né le […] à TUNIS

de nationalité française

[…]

[…]

Mme B C épouse X

née le […] à VERSAILLES

de nationalité française

[…]

[…]

représentés et plaidant par Me Federico STEINMANN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

M. D Y

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Mme E F épouse Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et plaidant par Me Laurence BELIN, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 mai 2021, Madame LAMOINE, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Les époux B C et A X sont propriétaires, à […], d’une propriété bâtie contiguë de celle des époux E F et D Y. L’accès à leur propriété se fait par un chemin longeant la propriété Y.

Les époux Y sont propriétaires de deux chiens de race border collie.

Par acte du 19 décembre 2017, les époux X, qui se plaignent de nuisances résultant d’aboiements et de comportements agressifs des deux chiens, ont assigné les époux Y devant le tribunal d’instance de Vienne pour les voir, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, condamner sous astreinte de 50 € par jour de retard à faire cesser le trouble par la pose d’un grillage de 2 m de haut en amont de la haie de cyprès, et les voir condamner au paiement :

• de dommages-intérêts pour leur trouble de jouissance d’un montant mensuel courant à compter d’octobre 2015 et jusqu’à cessation complète du trouble,

• de dommages-intérêts au titre de leur préjudice moral et pour résistance abusive,

• d’une indemnité de procédure.

Les époux Y se sont opposés aux demandes, et ont réclamé reconventionnellement la condamnation des époux X à leur payer des dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral et pour procédure abusive, ainsi qu’une indemnité de procédure

Par jugement du 29 juin 2018, le tribunal a :

• débouté les époux X de l’intégralité de leurs demandes,

• débouté les époux Y de leurs demandes,

• dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles,

• dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au Greffe en date du 17 juillet 2018, les époux X ont interjeté appel de ce jugement.

Une mesure de médiation a été décidée par arrêt du 9 avril 2019, après accord des parties. Elle s’est soldée par un échec.

Par conclusions n° 3 notifiées le 26 avril 2021, les époux X demandent à la cour de confirmer le jugement déféré seulement en ce qu’il a débouté les époux Y de leurs demandes, mais de l’infirmer sur le surplus, et de :

• dire et juger que les nuisances subies par eux constituent un trouble anormal de voisinage,

• condamner les époux Y, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à faire cesser le trouble au moyen de la pose d’un grillage de 2 m de haut en amont de la haie de cyprès leyland,

• condamner les époux Y à leur payer :

• 150 € par mois en réparation de leur préjudice de jouissance à compter d’octobre 2015 et jusqu’à cessation complète du trouble,

• 3 000 € à titre dommages-intérêts au titre de leur préjudice moral,

• 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

• 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• les condamner aux dépens comprenant les frais d’huissiers au titre de 6 constats dressés entre le 9 octobre 2017 et le 15 janvier 2020.

Ils font valoir :

• que les relations de voisinage avec les époux Y ont été bonnes au départ,

• que les choses ont changé à partir de 2014 et 2015, moment où les époux Y ont acquis deux chiens border collie qui se sont montrés tout de suite très agressifs,

• qu’eux-mêmes ont tenté de trouver une solution amiable sans résultat,

• qu’ayant été convoqués sur une plainte des époux Y qui s’estimaient harcelés, ils

• se sont vu conseiller de contacter une association l’APRESS afin de trouver une solution amiable, que suite à l’intervention de cette association, les époux Y ont nié les problèmes, mais finalement ont fait installer un grillage opaque de seulement 1,20 mètres de haut le long de la clôture, au lieu de l’installer le long de leur haie de cyprès,

• que cette solution s’est révélée inefficace, les chiens continuant de s’approcher de la clôture et de les agresser par leur comportement et leurs aboiements, jusqu’à ce que Mme X se fasse mordre par l’un des chiens le 15 août 2016,

• que le chien Jersey a alors été placé sous surveillance vétérinaire, et qu’un rapport d’évaluation comportementale du 9 septembre 2016 l’a classé en niveau de risque 2 sur 4, le chien manifestant un comportement méfiant notamment envers les personnes inconnues, étant difficile à contraindre et présentant un danger dans certaines situations (peur, contrainte, irritation),

• qu’un haut grillage provisoire de chantier en plastique a été mis en place en retrait de la clôture, mais qu’il s’est à nouveau révélé inefficace, les chiens passant dessous,

• qu’ils justifient, par plusieurs procès-verbaux de constats d’huissiers, que les chiens de leurs voisins aboient de façon continuelle et sont agressifs dès qu’on approche de la clôture séparative, de sorte que le trouble qui leur est causé est insupportable.

Les époux Y, par dernières conclusions n° 2 notifiées le 12 avril 2021, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré seulement en ce qu’il a débouté les époux X de leurs demandes, mais de l’infirmer en ce qu’il a rejeté les leurs et de condamner les époux X aux dépens et à leur payer les sommes de :

• 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

• 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

• 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

• qu’ils n’ont jamais contesté le fait que leurs chiens, lorsqu’ils sont dehors et que du monde passe dans la rue, puissent aboyer,

• qu’il s’agit d’une situation parfaitement normale et classique sans qu’il soit établi que les aboiements seraient permanents ou que les chiens auraient un comportement agressif, et que cela engendrerait une nuisance grave pour le voisinage,

• qu’ils produisent notamment des constats de policiers municipaux qui témoignent que les chiens ne sont pas particulièrement agressifs,

• que les rapports du vétérinaire et de l’éducateur canin suite à la morsure de Mme X révèlent que, si le chien a mordu, c’est qu’il avait été excité ou mis en état de peur, de contrainte ou d’irritation,

• que les procès-verbaux de constats produits sont inopérants, dès lors que l’huissier n’a, à chaque fois, pas mesuré les décibels, qu’il ne peut donc être considéré que le bruit est gênant,

• que le fait qu’un des huissiers qualifie leurs chiens de « féroce » est incompréhensible alors que plusieurs témoignages montrent leur absence d’agressivité et leur caractère sociable,

• que ce sont, en réalité, les époux X qui les agressent et les harcèlent notamment au sujet des chiens, suite à quoi ils ont eux-mêmes contacté, dès février 2016, l’association APRESS,

• qu’ils ont eux-mêmes pris toutes mesures utiles en posant un grillage de 2 mètres sur lequel ils ont apposé un brise-vue, après avoir proposé la construction d’un mur de deux mètres qui n’avait pas été accepté par les époux X,

• que ces derniers entretiennent de mauvais rapports de voisinage y compris avec d’autres personnes.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 4 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

C’est après un examen circonstancié des éléments du dossier et par des motifs pertinents que le tribunal a débouté les époux X de leurs demandes, faute de preuve suffisante de l’existence d’un trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

En effet, si les époux X versent aux débats des procès-verbaux de constat faisant état d’aboiements et d’un comportement agressif des chiens aux abords du muret et du grillage de clôture entre leur propriété et celle des époux Y, plusieurs attestations de voisins immédiats des époux Y, parmi lesquels Mme Z dont la propriété est contiguë à la leur, font état d’un comportement normal des chiens qui n’aboient pas de manière continue et ne se montrent pas particulièrement agressifs.

En outre, le gendarme agent de police judiciaire ayant effectué l’enquête suite à la morsure dont Mme X a été victime en 2017 écrit dans son procès-verbal de synthèse qu’au cours de plusieurs patrouilles, il s’était rendu devant le domicile des époux Y, et avait constaté que les chiens ne 'gueulaient’ (sic) pas systématiquement devant sa présence, et qu’ils n’avaient pas de comportements agressifs. Il indique avoir effectué une enquête de voisinage dans le cadre de laquelle les voisins rencontrés ont déclaré ne pas être importunés par les chiens des époux Y.

Deux agents de la police municipale de Seyssuel attestent dans le même sens, en précisant que, venu sur les lieux en 2016 dans un esprit de conciliation suite à une plainte pour aboiements, l’un d’eux s’était assis sur le mur de clôture et que les chiens des époux Y ne lui avaient pas aboyé dessus ; ils ajoutent n’avoir reçu aucune plainte de voisinage concernant une gêne qui serait occasionnée par ces chiens.

Ils confirment que M. et Mme Y avaient proposé d’ériger un mur sur leur propriété pour diminuer les nuisances sonores mais que ce projet, qui nécessitait l’accord des époux X, n’avait pu aboutir.

Le vétérinaire chargé d’effectuer l’évaluation comportementale du chien Jersey suspecté d’avoir mordu Mme X a conclu, quelques jours après cet incident, à un niveau de risque de 2/4, soit l’existence d’un danger concernant certains types de personnes ou certaines situations ce qui ne caractérise pas un risque majeur ou permanent, la chienne Lipton ayant été, quant à elle, classée par le même vétérinaire en risque 1/4 soit celui des chiens 'ne présentant pas de risque particulier de dangerosité en dehors de ceux inhérents à l’espèce canine'.

Les époux Y versent encore aux débats un bilan comportemental des deux chiens réalisé par un éducateur canin le 28 novembre 2018. Celui-ci conclut, après un examen du comportement ainsi que de l’environnement des deux chiens que ceux-ci ont une bonne base d’éducation, qu’ils sont sous contrôle en intérieur et en extérieur, que la chienne Lipton n’aboie que par excitation dans le jeu par petits moments, que le chien Jersey manifeste une petite peur des inconnus, un besoin de contrôler et protéger son territoire et peut aboyer lorsqu’il y a du passage dehors.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments l’absence de preuve d’inconvénients dépassant ce qu’on doit normalement supporter de ses voisins, les attestations et procès-verbaux de constats plus récents versés aux débats par les époux X depuis le prononcé de la décision déférée n’apportant pas d’éléments factuels nouveaux ou différents par rapport à ceux qu’ils avaient produits en première instance.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les époux X de toutes leurs

demandes.

Les époux Y n’établissent pas l’existence d’un abus dans l’exercice par les époux X d’une voie de droit.

Il n’est pas davantage fait la preuve de l’exercice d’un comportement harcelant de leur part ayant généré un préjudice moral pour les époux Y.

Sur les demandes accessoires

Les époux X, qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en leur faveur.

Il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des époux Y.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne in solidum les époux X à payer aux époux Y la somme de 1 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne in solidum les époux X aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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