Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 13 décembre 2011, n° 10/04155

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. b, 13 déc. 2011, n° 10/04155
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 10/04155
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, 9 mai 2010, N° 2008/02453

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 10/04155

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 10 mai 2010

XXX

RG :2008/02453

X

C/

B

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 13 Décembre 2011

APPELANT :

M. G L M X

né le XXX à SAINT-JULIEN-EN-GENEVOIS (74160)

XXX

74160 SAINT-JULIEN-EN-GENEVOIS

représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour

assisté de la SELARL BLOISE, avocats au barreau de l’Ain

INTIMEE :

Mme E B

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Jean-louis VERRIERE, avoué à la Cour

assistée de Me Carole DELAY, avocat au barreau de l’Ain

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 20 Septembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Novembre 2011

Date de mise à disposition : 13 Décembre 2011

Audience présidée par Michel FICAGNA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Jean-Jacques BAIZET, président

— Agnès CHAUVE, conseiller

— Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Début avril 2006, Monsieur G X a confié une jument lui appartenant dénommée Lady Horn à Madame A B, éleveur, propriétaire d’un étalon dénommé Fazur Mail, en vu de parvenir à la naissance d’un poulain destiné à Madame A B, moyennant un prix payé par elle de 6000 euros.

Postérieurement aux saillies dites naturelles «monte en main», pratiquées les 5, 7 et 9 avril 2006, la jument a présenté des troubles nécessitant son transfert à la clinique de l’école nationale vétérinaire de LYON le 15 avril 2006, où elle décédait un mois après.

Reprochant à Madame A B des négligences à l’origine du décès de la jument, Monsieur G X a, par acte en date du 31 juillet 2008, fait assigner Madame A B devant le Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Madame A B a sollicité avant-dire droit une expertise en écriture pour déterminer l’auteur de certaines mentions apposées sur une pièce produite par Monsieur G X en cours d’instance, et sur le fond a conclu au rejet des demandes de ce dernier .

Le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE par jugement en date du 10 mai 2010 a :

— débouté Madame A B de sa demande d’expertise,

— débouté Monsieur G X de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ,

— condamné Monsieur G X aux dépens.

Le tribunal a qualifié de «'contrat de service'» les relations entre les parties et a jugé que Monsieur G X n’apportait pas la preuve d’une faute contractuelle de Madame A B ayant provoqué le décès de sa jument.

Monsieur G X a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 8 juin 2010. Par ses conclusions en date du 28 mars 2011, il demande à la cour :

— d’ordonner avant dire droit une expertise vétérinaire pour déterminer si les saillies se sont déroulées dans les règles de l’art et déterminer si Madame A B a commis des fautes,

— de condamner Madame A B à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique outre celle -de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral,

à titre subsidiaire, si la présente juridiction estimait qu’aucune faute ne pouvait être relevée à l’encontre de Madame A B :

— de condamner celle-ci à lui payer la somme de 5.000 euros au titre du solde restant dû au titre du contrat,

— de condamner Madame A B à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Il soutient que la mort de la jument est directement liée aux saillies organisées par Madame A B .

Il reproche à Madame A B de ne pas avoir voulu entraver la jument, d’avoir organisé une saillie naturelle «monte en main» en attachant la jument à un mur, et de ne pas avoir respecté sa volonté d’être présent lors de la saillie pour calmer la jument en cas de necessité.

Il reproche également à Madame A B d’avoir attendu 4 jours avant de faire hospitaliser la jument et ainsi de ne pas avoir apporté à l’animal les soins nécessaires.

Madame A B au terme de ses conclusions en date du 2 février 2011, demande à la cour :

— de débouter Monsieur G X de sa demande d’expertise,

— de confirmer le jugement entrepris,

à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la demande de Monsieur G X ,

— et de condamner Monsieur G X à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le contrat conclu entre elle et Monsieur G X ne peut s’analyser en un contrat de dépôt mais en un contrat de location avec saillie et donc de contrat de service, et qu’il incombe à Monsieur G X en application de l’article 1147 du code civil d’apporter la preuve de ce qu’elle n’aurait pas respecté son obligation de moyen .

Elle indique qu’une saillie n’est pas un acte anodin, que le risque zéro n’existe pas et que l’aléa doit être pris en considération; qu’en l’espèce, elle a organisé les saillies dans les règles de l’art, qu’elles se sont parfaitement déroulées, sans aucun incident, que son étalon ne présentait aucune anomalie ni problème de santé et qu’elle n’a commis aucune négligence.

Elle fait valoir également qu’elle a immédiatement alerté le vétérinaire dès qu’elle a constaté que l’état de santé de la jument était fragilisé et que le vétérinaire est intervenu immédiatement .

Elle indique avoir suivi scrupuleusement les préconisations de ce dernier et avoir prodigué à la jument les soins nécessaires en temps utile jusqu’à son transfert à la clinique de l’école vétérinaire dont elle a payé les frais.

Enfin, elle fait fait valoir que la jument peu avant qu’elle ne lui soit confiée avait été traitée médicalement pour une infection .

MOTIFS

Sur la demande d’expertise

Monsieur G X sollicite pour la première fois en appel, 5 ans après le décès de l’animal, une expertise afin de déterminer si la saillie s’est déroulée dans les règles de l’art et si Madame A B a commis des fautes.

L’expertise ne peut suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Cette mesure d’instruction sur pièces ne pourrait qu’aboutir à des hypothèses .

Il convient dès lors de rejeter cette demande.

Sur la qualification juridique du contrat et la charge de la preuve

Les deux parties sont d’accord sur les prestations réciproques des deux parties.

Monsieur G X produit d’ailleurs un projet de contrat non régularisé, mais qui précise l’objet du contrat.

C’est à juste titre que les deux parties ont indiqué dans leurs écritures que le contrat qui les liait était un contrat de location dit «'location de ventre'».

En effet, au vu des prestations réciproques, Madame A B a loué la jument de Monsieur G X, la location portant sur la fonction poulinière de l’animal ( « le ventre »).

La saillie de la jument correspond à un usage de la jument conforme à la « destination de la chose louée », au sens de l’article 1728 du code civil, et non pas à une « prestation de service » fournie par Madame A B au profit de Monsieur G X .

Dans le « contrat de saillie », c’est le propriétaire de la jument qui rémunère le propriétaire de l’étalon, alors qu’en l’espèce c’est Madame A B, propriétaire de l’étalon qui règle un prix à Monsieur G X.

Ainsi les relations contractuelles entre les parties sont régies par les dispositions relatives au contrat de louage.

A ce titre, au terme de l’article 1732 du code civil applicable également aux locations de choses mobilières et donc aux locations d’animaux, le preneur :

«'répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.'»

En conséquence, il appartient à Madame A B d’apporter la preuve que la perte de la jument pendant la période de location, n’est pas consécutive à une faute de sa part.

Sur l’éventuelle faute imputable à Madame A B

1) Sur la cause du décès de la jument

Madame I J, vétérinaire appelée par Madame A B le XXX, soit 2 jours après la dernière des trois saillies pratiquées les 5, 7, et 9 avril 2006 déclare :

«' J’atteste que le XXX, avant la fouille rectale, je n’ai pas vu de saignement, de la vulve ou du rectum, je n’ai pas vu de blessures externes ni internes tant qu’on peut voir sans spéculum'»

Ainsi, il apparaît que la jument ne présentait pas de trace de traumatisme consécutif aux saillies pratiquées.

Par ailleurs, les examens pratiqués les 16 et 18 avril 2006 à la clinique de l’école vétérinaire de LYON ont révélé :

«'une masse importante à environ 30 cm des marges de l’anus, mesurant environ 30 cm de longueur et 15 cm de largeur, entourant le rectum ( ') compatible avec un hématome infecté ou un abcès puis une plaie paracervicale, dorsale et une autre latérale.'»

La conclusion clinique de l’école vétérinaire, après autopsie, est la suivante :

«'Abcès paravaginaux et pararectaux ayant entraîné des adhérences entre le colon et les organes pelviens.

«'Rupture du colon flottant probablement secondaire à ces adhérences'».

Au terme d’un courrier en date du 9 août 2006, le professeur C D, chef de département à l’école nationale vétérinaire de LYON, a précisé :

«' Je pense que la conclusion est très claire : les abcès qui impliquent les tractus digestifs et génital qui sont mitoyens ont engendré des coliques qui secondairement ont induit la rupture.

«'Je préciserai de plus que quand vous avez à faire à des parois intestinales enflammées et adhérentes à des abcès , il y a fragilisation de ces parois.

«'Le Docteur Y précise que l’examen gynécologique pratiqué avant la saillie ne mentionnait aucune anomalie, les lésions du tractus génital et les abcès consécutifs ne peuvent donc être que postérieurs à cet examen du 15 mars.'»

Cette conclusion établit que le décès de la jument est dû a des lésions génitales et des abcès consécutifs qui ont provoqué des coliques .

Cependant, il n’est pas mis en évidence au terme de cette conclusion l’existence d’un lien entre l’apparition des lésions et des abcès et les saillies organisées par Madame A B.

2) Sur le choix de la technique utilisée

Madame A B produit les attestations de quatre propriétaires de juments qui lui ont confié leur animal et qui attestent du professionnalisme de Madame A B et de leur satisfaction concernant les précautions prises par elle pour sauvegarder l’intégrité physique des juments et des étalons.

Madame A B justifie par les pièces qu’elle produit que la saillie naturelle «monte en main» est une technique qu’elle organise fréquemment et qu’elle maîtrise totalement.

Monsieur G X produit lui-même de la documentation professionnelle commentant le regain d’intérêt pour la saillie naturelle «monte en main» , pour laquelle il a donné son accord à Madame A B.

De surcroît le choix de la saillie naturelle « monte en main » était bien adapté au caractère de la jument Lady Horn réputée difficile et à laquelle il était préférable de laisser toute liberté de refuser la saillie .

3) Sur le déroulement des saillies

Madame A B produit l’attestation de Monsieur Z, unique témoin direct des trois saillies pratiquées sur la jument par l’étalon Fazur Mail et qui déclare que la jument a été calme, qu’elle a été désinfectée, que sa queue a été bandée et que les saillies se sont très bien déroulées, sans aucun incident.

L’absence de Monsieur X lors des saillies a été sans incidence .

Madame A B produit également un certificat indiquant que son étalon à la date du 10 mars 2006 était exempt de maladie contagieuse.

4) Sur le défaut de soins

Il est établi par le compte rendu de l’école nationale vétérinaire de LYON et par l’attestation de Madame I J, vétérinaire, que la jument a été examinée par elle dès le XXX et que la jument a ensuite été transférée le 15 avril 2006, en urgence à la clinique vétérinaire de l’école nationale vétérinaire de LYON , où elle a été soignée pendant 1 mois.

Le compte rendu de l’école vétérinaire ne fait aucune réserve sur une éventuelle tardiveté de la prise en charge.

5) Conclusion sur la responsabilité

Madame A B rapporte la preuve que le décès de la jument est dû à l’apparition de lésions génitales et d’abcès dont les causes sont indéterminées, qu’elle avait toutes les compétences pour organiser des saillies naturelles «monte en main», que les saillies se sont déroulées avec l’accord du propriétaire, sans incident et que la prise en charge vétérinaire de la jument à compter de l’apparition des troubles a été rapide et diligente.

En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur G X de sa demande d’indemnisation.

Sur le règlement du solde de la facture

En application de l’article 1722 du code civil, si pendant le bail la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié.

En l’espèce, le contrat s’est trouvé résilié à la date de la mort de la jument .

En conséquence, en l’absence de stipulations contractuelles particulières, la demande de Monsieur G X tendant à obtenir le paiement de l’intégralité du montant de la location, est mal fondée .

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement déféré ,

y ajoutant,

Déboute Monsieur G X de sa demande d’expertise,

Déboute Monsieur G X de sa demande en paiement du solde de la location de l’animal ,

Condamne Monsieur G X à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

Condamne Monsieur G X aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître VERRIERE , avoué,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 13 décembre 2011, n° 10/04155