Cour d'appel de Lyon, 4 décembre 2012, n° 12/00847

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 4 déc. 2012, n° 12/00847
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/00847
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 23 janvier 2012, N° F10/03041

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/00847

G

C/

SA TISSERAY & CIE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 24 Janvier 2012

RG : F 10/03041

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2012

APPELANTE :

F G

née le XXX à XXX

XXX

XXX

69300 CALUIRE-ET-CUIRE

comparant en personne, assistée de Me Thérèse CHIRCOP de la SELARL CHIRCOP-CHARTIER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA TISSERAY & CIE

MME Z A, Directeur administratif et financier (pouvoir)

XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de la SELARL REQUET CHABANEL SELARL (Me Frédéric CHAUTARD), avocats au barreau de LYON substituée par la SELAFA REQUET CHABANEL (Me Stéphanie DUBOS), avocats au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Septembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Décembre 2012, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Par lettre du 27 juillet 1990, la S.A. TISSERAY & Cie a engagé F G à compter du 29 août 1990 en qualité de 'employée service fabrication’ (position non cadre), moyennant un salaire mensuel brut de 9 800 F pour 39 heures hebdomadaires de travail.

Le contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de l’industrie textile.

En dernier lieu, F G était classée au coefficient 240 et percevait un salaire mensuel brut de 2 520,12 € (prime d’ancienneté incluse) pour 39 heures hebdomadaires de travail, outre une prime annuelle de mérite et résultat fixée à 2000 € en 2009.

Après avoir d’abord recouru à des mesures de chômage partiel et de réduction de la durée du travail, la S.A. TISSERAY & Cie a décidé en 2010 de supprimer 9 emplois sur 36 :

—  1 poste d’échantillonneuse et 3 postes d’employés de service de fabrication dans le service de fabrication,

—  1 poste d’assistante commerciale,

—  1 poste de comptable au service comptabilité,

—  1 poste de styliste dans le bureau de style,

—  2 postes à temps partiel de secrétaires standardistes au standard.

La S.A. TISSERAY & Cie a convoqué F G le 11 février 2010 en vue d’un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié son licenciement pour motif économique par lettre recommandée du 22 février 2010.

Le 3 mars 2010, F G a accepté la convention de reclassement personnalisé.

Par lettre recommandée du 5 mars 2010, F G a demandé communication des critères d’ordre des licenciements et fait valoir son droit au bénéfice de la priorité de réembauche.

Par lettre recommandée du 16 mars 2010, la S.A. TISSERAY & Cie a fait savoir à la salariée qu’elle avait appliqué les critères légaux, rappelés d’ailleurs par la convention collective nationale de l’industrie textile, à savoir :

— charges de famille,

— difficultés identifiées de reclassement,

— ancienneté,

— qualité professionnelles,

en appliquant le barème suivant :

Charges de famille : 1 point par enfant + 1 point pour parent isolé

Ancienneté :

0 à 2 ans 0 point

3 à 9 ans 1 point

10 à 19 ans 2 points

20 ans et plus 3 points

3. Difficultés de réinsertion :

+ de 50 ans 1 point

handicap 2 points

4. Qualités professionnelles :

qualité du travail 1 à 3 points

polyvalence 1 à 3 points

adaptabilité 1 à 3 points

langue 1 à 3 points

maîtrise outil informatique 1 à 3 points

qui avait donné pour F G le résultat suivant :

charges de famille 2

ancienneté 2

qualités professionnelles 5

difficultés de reclassement 1

soit 10 points.

F G a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon le 30 juillet 2010.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l’appel interjeté le 31 janvier 2012 par F G du jugement rendu le 24 janvier 2012 par le Conseil de prud’hommes de LYON (section industrie) qui a :

— dit et jugé que la S.A. TISSERAY & Cie a respecté la législation du travail en matière de licenciement économique,

— dit et jugé que la S.A. TISSERAY & Cie a respecté les critères d’ordre dans le cadre du licenciement économique,

— en conséquence, débouté F G de l’ensemble de ses prétentions,

— débouté la S.A. TISSERAY & Cie de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 11 septembre 2012 par F G qui demande à la Cour de :

A titre principal :

— constater, dire et juger que le licenciement économique d’F G est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire :

— constater, dire et juger que la S.A. TISSERAY & Cie a fait une application irrégulière des critères d’ordre du licenciement qu’elle a au surplus déterminé dans des conditions irrégulière,

Dans tous les cas :

— condamner la S.A. TISSERAY & Cie à verser à F G la somme de 76 464,00 € (24 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ou encore pour non-respect des critères d’ordre de licenciement,

— condamner la S.A. TISSERAY & Cie à verser à F G la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 11 septembre 2012 par la S.A. TISSERAY & Cie qui demande à la Cour de :

— confirmer le jugement entrepris,

— dire et juger le licenciement pour motif économique d’F G justifié,

— dire et juger que les critères d’ordre ont été respectés,

— débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la salariée au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur le motif économique du licenciement :

Attendu qu’en application des dispositions combinées des articles L 1233-3 et L 1233-16 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le motif économique ou de changement technologique invoqué par l’employeur, à savoir des difficultés économiques, des changements technologiques, la cessation d’activité de l’entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité et leur incidence sur l’emploi du salarié ;

Qu’en l’espèce, il résulte de la lettre de licenciement, qui vise la suppression de neuf postes et ajoute 'votre poste est concerné par cette mesure', que le poste d’F G était supprimé ; que cette lettre est donc suffisamment motivée ;

Qu’F G ne remet pas en cause la réalité des difficultés économiques mises en avant pour supprimer son poste ; qu’elle soutient cependant que la société TISSERAY est 'totalement défaillante’ dans la preuve d’une recherche de reclassement spécifique à la salariée ; qu’il apparaît en réalité que l’appelante fait une confusion entre le reclassement interne et le reclassement externe en faisant peser sur l’employeur au titre du second les obligations afférentes au premier ; que le reclassement interne n’aurait pu être recherché qu’au sein de la filiale de la S.A. TISSERAY & Cie, la société TISSERAY PACIFIC, immatriculée au registre du commerce de Hong Kong pour une activité d’intermédiaire de commerce ; qu’il est cependant établi que cette filiale n’emploie aucun salarié ; que les articles 14 et 15 de la convention collective nationale de l’industrie textile prévoient, dans les conditions qu’ils déterminent, la saisine des commissions paritaires de l’emploi lorsque des licenciements collectifs pour motif économique posent un problème de reclassement ; que cette saisine n’est cependant obligatoire qu’en cas de licenciement de plus de dix salariés occupés dans le même établissement ; que le 28 janvier 2010, la S.A. TISSERAY & Cie a saisi l’Union inter-entreprises textile Lyon et Région (UNITEX) qui lui a répondu le 29 mars seulement ; que le même jour, elle a également interrogé ses fournisseurs, les sociétés Tissage Blanc et Teinturerie de la Turdine, qui n’ont pas répondu ; que la S.A. TISSERAY & Cie n’était pas tenue de surseoir au licenciement d’F G en attendant une hypothétique réponse de sociétés avec lesquelles aucune possibilité de permutation du personnel n’est alléguée et a fortiori démontrée ; que l’employeur a respecté son obligation de reclassement ;

Qu’en conséquence, le jugement qui a débouté F G de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être confirmé ;

Sur les critères d’ordre de licenciement :

Attendu que selon l’article L 1233-5 du code du travail, lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que ces critères prennent notamment en compte :

— les charges de famille, en particulier celles des parents isolés,

— l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise,

— la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés,

— les qualités professionnelles appréciées par catégorie ;

Qu’aux termes de l’article 54 de la convention collective nationale de l’industrie textile, les licenciements s’opéreront dans chaque catégorie suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et conformément au règlement intérieur, compte tenu à la fois des charges de famille, de l’ancienneté de service dans l’établissement et des qualités professionnelles, cet ordre n’étant pas préférentiel ;

Qu’en l’espèce, l’application de ces critères aux employés de fabrication a conduit la S.A. TISSERAY & Cie à attribuer à ces derniers les points suivants :

G

C

Breymand

Cuissard

Mirande

Situation familiale

2

2

1

0

2

Ancienneté

2

2

1

3

2

Difficultés de réinsertion

1

0

0

0

0

Qualités professionnelles

— qualité du travail

— polyvalence

— adaptabilité

— langue

— outil informatique

5

2

1

1

0

1

13

3

3

3

1

3

8

3

1

1

0

3

6

1

1

1

2

1

12

3

2

3

1

3

10

Licenciée

17

Maintenu

10

Licencié

9

Licencié

16

Maintenue

Qu’au regard du critère des qualités professionnelles, qui s’est avéré discriminant, la S.A. TISSERAY & Cie a comparé entre eux les employés de fabrication, qui constituaient une catégorie pour l’application des critères d’ordre ; qu’elle a ainsi correctement mis en oeuvre les principes fixés par la convention collective nationale de l’industrie textile ; que la définition d’un ordre de licenciement impliquant une comparaison des salariés, le minimum de points attribué à tel d’entre eux pour ses qualités professionnelles n’implique aucune insuffisance sur ce plan et n’est pas inconciliable avec l’octroi de primes de mérite ; que X Y, 'supply chain manager', a reconnu à F G, dans une attestation du 20 janvier 2011, des qualités de conscience professionnelle ; qu’en revanche, comme B I, commercial/chef de service, son responsable hiérarchique a souligné la faiblesse de ses capacités d’adaptation et sa propension à se cantonner aux tâches qu’elle maîtrisait ; que B I a relaté que la formation dispensée à l’appelante sur plusieurs mois pour la faire évoluer vers le suivi de la fabrication de produits confectionnés avait dû être interrompue à la demande de la salariée qui avait souhaité réintégrer ses anciennes fonctions ; que selon X Y, celle-ci avait plus de difficultés que ses collègues à gérer seule ses plannings ; que contrairement à B C, elle avait besoin d’aide pour mener à terme les dossiers difficiles, par manque de pugnacité et de réactivité ; que D E, responsable de production aux Teintureries de la Turdine, a attesté dans le même sens en septembre 2012 ; que selon ses dires, F G renonçait rapidement en présence de dysfonctionnements (retard, problème de qualité, réclamation d’un client), préférant laisser à sa hiérarchie le soin de les résoudre ; qu’au contraire, B C, qui est désormais son interlocuteur, gère avec lui les problèmes inhérents aux commandes de la S.A. TISSERAY & Cie, qui ne remontent pas systématiquement à X Y ; que ce dernier a encore mentionné que la salariée avait des difficultés à appréhender le nouveau schéma de fonctionnement informatique ; que l’employeur a communiqué les éléments objectifs sur lesquels il s’était fondé pour pondérer les qualités professionnelles d’F G, notamment au regard de la polyvalence et de l’adaptabilité particulièrement requises dans un contexte de difficultés économiques imposant à l’entreprise d’évoluer pour se maintenir sur un marché compétitif ;

Que l’article 54 de la convention collective applicable n’exige pas que les critères qu’il détermine soient pris en compte par l’employeur à égalité ; qu’il suffit, comme en l’espèce, que la totalité des critères conventionnels soient pris en compte ; qu’il était donc loisible à la S.A. TISSERAY & Cie de privilégier le critère des qualités professionnelles ; qu’au demeurant, si celle-ci n’avait privilégié aucun critère et attribué trois points au maximum pour chacun d’eux, les cinq employés de fabrication auraient obtenu :

C : 6,6 points

MIRANDE : 6,4 points

G : 6 points

CUISSARD : 4,2 points

BREYMAND : 3,6 points ;

Que les mêmes salariés auraient été licenciés ;

Que la société intimée s’est conformée aux obligations résultant des articles L 1233-5 du code du travail et 54 de la convention collective nationale de l’industrie textile ;

Qu’en conséquence, F G doit être déboutée de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts, fondée sur les irrégularités commises tant dans la détermination que dans l’application des critères d’ordre des licenciements ; que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l’appel régulier en la forme,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne F G aux dépens d’appel.

Le greffier Le Président

S. MASCRIER D. JOLY

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