Cour d'appel de Lyon, 5 novembre 2013, n° 10/06088

  • Bâtiment·
  • Sociétés·
  • Ouvrage·
  • Peinture·
  • Sous traitant·
  • Responsabilité·
  • Filtre·
  • Eaux·
  • Vider·
  • Titre

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 5 nov. 2013, n° 10/06088
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 10/06088
Décision précédente : Tribunal de commerce de Saint-Étienne, 5 juillet 2010, N° 2009/3

Texte intégral

R.G : 10/06088

Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 06 juillet 2010

RG : 2009/3

SARL A B ET COMPAGNIE

C/

SAS BATIMENT ET C D

SARL E F

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 05 Novembre 2013

APPELANTE :

SARL A B ET COMPAGNIE

prise en la personne de son gérant en exercice

XXX

XXX

Représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 938)

Assistée de Me Eric FUMAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEES :

SAS BATIMENT ET C D

représentée par ses dirigeants légaux

XXX

XXX

42160 SAINT-CYPRIEN

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)

Assistée de Me Laure CAVROIS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SARL E F

représentée par ses dirigeants légaux

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAUFUME – SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Assistée de Me Martine MARIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 24 Juin 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Septembre 2013

Date de mise à disposition : 05 Novembre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— G H, président

— Dominique DEFRASNE, conseiller

— Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Marine DELPHIN-POULAT, greffier

A l’audience, G H a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par G H, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La SARL A B a confié à la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE D la réalisation d’une fosse dans une cabine de peinture, suivant devis accepté en date du 16 septembre 2005 d’un montant de 49.226,91 € TTC.

Ces travaux ont été réalisés fin 2005 et début 2006.

En raison d’un problème d’étanchéité de la fosse, la société BÂTIMENT ET GÉNIE D a proposé l’exécution d’un cuvelage avec du SIKATOP 145, suivant devis du 3 février 2006 et la société A B, après discussion, a accepté cette prestation pour le prix de 1.901,64 € TTC.

Le cuvelage a été sous traité à la société E F.

La société A B ayant refusé de régler cette prestation, la société BÂTIMENT ET GÉNIE D a obtenu auprès du président du tribunal de grande instance de Y, suivant ordonnance du 22 janvier 2007, l’injonction de payer la somme principale de 1.901,64 €.

La société A B a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 17 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Y a ordonné une expertise confiée à monsieur X en mettant la consignation à la charge de la société BÂTIMENT ET C D mais la mesure d’instruction n’a pu être réalisée faute de consignation par cette société.

Devant le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE, devenu compétent en suite de la réforme de la carte judiciaire, la société A B a sollicité la condamnation de la société BÂTIMENT ET C D à lui payer la somme de 32.335,06 € TTC au titre des travaux de réfection de la fosse ainsi que 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

La société BÂTIMENT ET GÉNIE D a appelé en garantie en tant que de besoin la société E F.

Par jugement du 6 juillet 2010, le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE a confirmé l’ordonnance d’injonction de payer du 22 juin 2007 en condamnant la société A B à régler à la société BÂTIMENT ET C D la somme de 1.901,64 € outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2007, débouté la société A B de ses prétentions, mis hors de cause la société E F et condamné la société A B à payer à la société E F la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 6 août 2010, la société A B a interjeté appel du jugement.

Par conclusions déposées dans le cadre de la mise état le 24 novembre 2010, la société A B sollicitait la désignation d’un expert aux fins notamment, de vérifier l’existence des désordres affectant les travaux réalisés par les sociétés BÂTIMENT ET C D et E F, de donner un avis sur les préjudices subis par elle, et de proposer un compte entre les parties.

Par ordonnance en date du 8 mars 2011, le conseiller de la mise en état désignait monsieur I Z en qualité d’expert avec une mission complète.

Ce dernier déposait son rapport le 12 avril 2012.

L’expert considère que si la fosse en elle-même n’appelle pas de remarques particulières, le travail effectué par le sous-traitant E F, lui, est affecté de désordres sous forme d’infiltrations d’eau rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Les eaux de la nappe phréatique pénètrent dans les cuves ce qui indique que les désordres constatés proviennent d’un défaut d’étanchéité de l’ouvrage.

Au lieu d’assurer l’étanchéité de cette fosse, la société E en assurait simplement l’imperméabilisation avec absence de préparation du support et application d’une seule couche du produit SIKATOP 145 au lieu des deux préconisées par le fabriquant du produit.

Le cout des travaux de reprise est compté pour 25.000 € HT.

Chargé de fournir tous éléments sur les préjudices subis par le maître de l’ouvrage, l’expert retient les postes suivants :

— coût du changement des filtres 2.000€

— pertes d’heures d’utilisation de la cabine de peinture 41 813 €.

Sur cette base, au principal, et si l’on devait considérer que le bâtiment a fait l’objet d’une réception tacite, l’appelant demande à la cour de condamner la société BÂTIMENT ET C D à indemniser la société A B de l’intégralité de ses préjudice sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code D à hauteur des sommes suivantes :

—  25.000 € : travaux de réfection

—  33.029 € : arrêt de la cabine de peinture pendant le temps de réfection

—  50.496 € : perte d’utilisation de la cabine depuis sa livraison

—  8.736 € : perte de salaire pour le gérant à gérer ce sinistre

—  2.000 € : surcoût des filtres sur une période de 5 ans.

Si l’on devait considérer que le bâtiment n’a pas été réceptionné, sur le fondement des dispositions des articles 1147 et 1382 du code D, il y aurait lieu de condamner in solidum les sociétés BA TIMENT ET C D et E F à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices à hauteur des mêmes sommes, outre prise en charge des frais d’expertise et 6.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’opposé, la société BATIMENT ET C D SAS, en l’absence de réception des travaux et à tout le moins en l’état de la connaissance des désordres qu’en avait le maître de l’ouvrage lors de la prise de possession de cette fosse, prie la cour de rejeter la demande présentée par la société A B sur le fondement de la garantie décennale.

Sur le plan contractuel, il conviendrait de constater que la société BÂTIMENT ET C D n’a commis aucune faute et, en conséquence, rejeter toutes les demandes présentées à son encontre par la société A B sur ce fondement de la responsabilité contractuelle.

Il y aurait lieu, au contraire, de constater que les désordres sont exclusivement imputables à la société E F et, en conséquence, de la condamner seule à payer à la société A B le coût des travaux de reprise de l’étanchéité estimés à 25.000 € HT par l’expert judiciaire.

A titre subsidiaire, si par impossible la cour retenait en tout ou partie la responsabilité de la société BÂTIMENT ET C D, il y aurait lieu de condamner la société E F à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour retenait en tout ou partie la responsabilité de la société BATIMENT ET C D et décidait de procéder à un partage de responsabilité, il conviendrait encore de dire que la part de responsabilité de la société BÂTIMENT ET C D ne pourrait être supérieure à 20%, et celle de la société A B inférieure à 20%.

En tout état de cause, il conviendrait de rejeter les autres demandes du maître de l’ouvrage qui ne seraient pas justifiées.

De son coté, la société E F demande à la cour d’opérer un partage de responsabilité entre les sociétés A B, BÂTIMENT ET C D et E F en imputant un part de responsabilité équivalente entre les sociétés BÂTIMENT ET C D et E F. Il y aurait, selon elle, un concours de fautes à l’origine des désordres, la société E F ne pouvant pas dans ce contexte être déclarée seule responsable. Un partage de responsabilité devrait être opéré, la A B ayant une part de responsabilité pour n’avoir pas clairement précisé le type de cuvelage souhaité.

Sur le montant des réparations, les postes de préjudice suivants sont réfutés :

— temps de travail des salariés affectés à la cabine peinture durant les travaux,

— perte de marge brute durant les travaux,

— temps passé par le gérant pour gérer le sinistre.

Il conviendrait enfin de réduire l’indemnisation sollicitée au titre de la perte d’heures d’utilisation de la cabine peinture et du temps passé pour vider la fosse et de partager les dépens selon la même règle que pour le partage de responsabilité.

SUR QUOI LA COUR

L’ouvrage en forme de cuvelage n’a pas été réceptionné au sens des dispositions des articles 1792 et suivants du code D et il n’a pas été payé spontanément.

Il n’y a donc pas eu de réception et donc de départ de la responsabilité décennale des constructeurs.

Les parties sont donc restées dans les rapports contractuels des articles 1134 et 1147 du code D pour ce qui concerne la société BÂTIMENT et C D et dans le domaine de la faute civile en ce qui concerne le sous traitant sans lien de droit avec le maître de l’ouvrage.

Il convient en ce domaine de rechercher la faute commise par le titulaire du marché ou son sous traitant qui devait fournir un ouvrage exempt de vices au maître de l’ouvrage.

Clairement, dans un rapport parfaitement circonstancié que nul ne remet en cause, monsieur l’expert judiciaire Z a mis en évidence les fautes commises par le sous traitant qui a confondu travail d’étanchéité et travail d’imperméabilisation, le premier consistant à empêcher la pénétration d’eau venant de l’extérieur vers l’intérieur de la fosse alors que le second vise à empêcher la fosse de se vider de l’eau qu’elle contient.

A l’évidence, s’agissant d’un travail en sous-sol devant permettre à des ouvriers de travailler par en dessous sur des pièces posées sur la dalle de ce garage, le sous traitant dont c’est le métier que d’étanchéifier des parois, ne pouvait se méprendre sur le sens du travail qui lui était demandé qui permettait par ce cuvelage d’éviter des remontées de la nappe phréatique dans cette fosse et laissait la possibilité aux peintres de travailler au sec.

Il ne pouvait à l’évidence s’agir de transformer cette fosse en piscine en empêchant l’eau qui y aurait été déversée de s’échapper dans le sol…

Monsieur Z a encore noté que ce travail déjà non conforme à ce qui avait été commandé avait au surplus été délibérément mal exécuté par une absence de préparation des fonds et l’apposition d’une seule couche du produit SIKATOP au lieu des deux préconisées par le fabriquant et payées par le client final.

Le comportement de la société E F apparaît donc largement fautif, les fautes par elle commises étant à l’origine exclusive du désordre constaté, aucune faute ne pouvant être reproché au maître de l’ouvrage qui n’ était pas tenu de faire appel à un maître d’oeuvre d’exécution en l’état de la présence à ses cotés de la société BÂTIMENT et C D, spécialisée dans ce genre de construction, et aucune faute encore ne pouvant être reprochée à cette dernière qui facturait au maître de l’ouvrage la mise en place de ce travail de cuvelage sur la base du bon produit et des justes quantités à mettre en oeuvre.

Dans les rapports entre la société B et les sociétés BATIMENT et C D d’une part, la société E F d’autre part, il convient de parvenir à une condamnation à réparation in solidum des deux.

Dans les rapports entre la société titulaire du marché et son sous traitant, les fautes commises dans le choix du produit appliqué et dans la mise en oeuvre des matériaux étant à reprocher exclusivement à ce dernier, il convient de dire et juger que la société E F devra relever et garantir la première de l’intégralité des condamnations à suivre.

Sur le montant des réparations, nul ne remet en cause le coût des réparations comptées pour 25.000 € HT par l’expert judiciaire.

Il convient d’y ajouter en accord avec monsieur Z la somme de 2.000 € au titre du changement des filtres.

La fosse a en réalité été utilisée pendant toute la période litigieuse de l’établissement des éléments de preuve puisque l’ eau qu’elle contenait a été régulièrement pompée.

On ne peut donc soutenir qu’il y a eu perte sèche de ce chef pour l’entreprise du fait de l’impossibilité d’user de cette fosse. La somme de 50.496 € sollicitée au titre de la perte d’heures d’utilisation de la cabine de peinture apparaît largement excessive et sans rapport avec la réalité du préjudice subi.

Ainsi toutes causes confondues, eu égard malgré tout à la gène évidente occasionnée par cette présence importante d’eau en fond de fosse, soit plus de 70cm de hauteur à certains moments, la somme de 10.000 € apparaît de nature à réparer la réalité du préjudice ainsi causé.

Par contre, effectivement les deux cabines de peinture devront être arrêtées pendant environ un mois correspondant au temps des travaux. Pour autant, la demande présentée de ce chef à hauteur d’une somme de 33.029 € apparaît outrée dans la mesure où les employés pourront être employés à d’autres taches et les travaux réalisés au moins partiellement pendant la période de fermeture de l’entreprise durant les congés d’été.

Là encore, toutes causes confondues, la cour a les éléments suffisants pour fixer le montant des réparations à la somme de 10.000 €.

Il convient encore d’y ajouter la somme de 3.000 € au titre du temps perdu à vider les fosses par les employés de l’entreprise et 2.000 € au titre de la perte de temps du dirigeant à gérer ce sinistre.

Il convient d’y ajouter une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens comprenant le coût de l’expertise.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau,

Sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1147 et 1382 du code D condamne in solidum la société BÂTIMENT ET C D SAS et la société E F SARL à réparer l’entier dommage causé à la société A B SARL par suite de la défaillance du système d’étanchéité de la fosse de sa cabine de peinture.

Les condamne sous cette solidarité à payer au maître de l’ouvrage les sommes de :

—  25.000 € HT outre TVA au titre des travaux de réfection

—  10.000 € au titre de l’arrêt de la cabine de peinture pendant les travaux de réfection

—  10.000 € au titre de la perte d’utilisation de la cabine depuis sa livraison

—  3.000 € au titre de la perte de salaire des employés distraits à vider la fosse

—  2.000 € au titre de la perte de temps du dirigeant

-2.000 € au titre des changements de filtres

—  3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans les rapports entre la société BÂTIMENT et C D et la société E F, condamne celle-ci à relever et garantir la première de l’intégralité des condamnations mises présentement à sa charge.

Les condamne sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise judiciaire avec leur prise en charge finale par la société E F dans ses rapports avec la société BATIMENT ET C D, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, 5 novembre 2013, n° 10/06088