Cour d'appel de Lyon, 27 mai 2014, n° 13/01143

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 27 mai 2014, n° 13/01143
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/01143
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 14 janvier 2013, N° F11/00353

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/01143

XXX

SARL LILITH

Enseigne PHOENIX INSTITUT DE FORMATION

C/

X

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 15 Janvier 2013

RG : F 11/00353

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 MAI 2014

APPELANTES :

ASSOCIATION CENTRE DE RESSOURCES MOBILITÉ (CRMO)

XXX

01320 SAINT-NIZIER-LE-DESERT

représentée par Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Magali MAURIN de la SELARL LALLEMENT CHRISTIAN, avocat au barreau de LYON

SARL LILITH

Enseigne PHOENIX INSTITUT DE FORMATION

XXX

XXX

représentée par Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Magali MAURIN de la SELARL LALLEMENT CHRISTIAN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Y X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me A B de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/7420 du 28/03/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Mars 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Mai 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, l’association Centre de Ressources Mobilité ayant pour sigle CRMo (l’association) a :

— engagé Mme Y X en qualité d’assistante de gestion pour la période allant du 1er septembre 2009 au 31 juillet 2011, la qualification préparée étant un BTS Comptabilité et Gestion des Organisations au sein de l’organisme de formation Phoenix.

La rémunération mensuelle brute a été fixée à 1 070,16 € pour 35 heures de travail hebdomadaire.

— signé avec la société Lilith exerçant sous l’enseigne institut de formation Phoenix une convention de formation professionnelle, celle-ci rappelant la durée déterminée de 23 mois du contrat de professionnalisation passé entre l’association et Y X, la durée de la formation (1 110 heures obligatoires entre le 23 septembre 2009 et le 29 avril 2011, les journées de cours étant fixées les jeudi et vendredi pour un volume horaire total de 16 heures hebdomadaires).

Parallèlement, le 29 septembre 2009, l’association a conclu avec la société Lilith une convention de mise à disposition en ces termes : 'dans le cadre d’un contrat de professionnalisation visant à la préparation d’un BTS CGO, Y X a été recrutée par l’association CRMo sur un poste d’assistante comptable. Afin d’accroître son expérimentation en entreprise, Y X est mise à disposition de la société Lilith sur son temps de travail non consacré à la comptabilité CRMo pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010'.

Y X a été placée en arrêt de travail du 20 septembre au 30 novembre 2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2010, l’association a informé Y X que l’institut de formation, au regard de ses nombreuses absences ne pouvait plus l’inscrire à l’examen BTS CGO et rompait unilatéralement son contrat de professionnalisation pour inexécution partielle de la formation en application des articles 3 et 9 de la convention de formation professionnelle.

En conclusion, elle lui a indiqué que cette décision l’obligeait à réfléchir aux objectifs et au devenir de son contrat de professionnalisation.

Par courrier du 29 novembre 2010, Y X a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’association en listant divers manquements de sa part :

— absence de fourniture d’un travail en lien étroit avec sa formation du fait de l’affectation à un poste de secrétaire dans la société Lilith pendant un an,

— absence de visite médicale,

— mise à disposition d’une autre société qui l’a utilisée comme salariée et non comme stagiaire et sans aucune fonction en lien avec sa formation,

— demande d’exécution de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées faisant obstacle au suivi de sa formation,

— versement des salaires à des dates variables.

La société lui a répondu par courrier du 7 janvier 2011 en s’étonnant de ses affirmations alors qu’elle lui avait donné à exercer un large éventail de tâches correspondant aux exigences du diplôme préparé, qu’elle comptait de nombreuses absences qui, elle le lui avait signalé, risquaient de peser sur la réalisation de ses projets et qu’enfin, bien qu’en congé de maladie elle était inscrite en CAP Esthétique et en qualité d’auto-entrepreneur 'prothésiste ongulaire’ manifestant son changement d’orientation.

Elle a conclu en indiquant qu’elle enregistrait sa prise d’acte qu’elle considérait comme une démission.

Y X a saisi le conseil de prud’hommes de LYON le 28 janvier 2011 afin de contester la rupture de son contrat et d’obtenir le paiement de rappel d’heures supplémentaires.

Le Conseil de prud’hommes de Lyon, section activités diverses, par jugement rendu par le juge départiteur le 15 janvier 2013, a:

— dit que l’association et la société Lilith étaient employeurs conjoints,

— dit que la rupture anticipée du contrat de professionnalisation était imputable aux manquements des employeurs conjoints.

— condamné solidairement l’association et la société Lilith à lui payer les sommes suivantes :

' 1872,86 € à titre de rappel d’heures supplémentaires et 187,28 € au titre des congés payés afférents avec intérêt de droit à compter de la demande,

' 9 500 € à titre de dommages-intérêts,

' 1 800 € sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991

— ordonné la remise des bulletins de paie pour les mois de septembre et novembre 2010.

— débouté les parties de leurs autres demandes.

— condamné solidairement l’association et la société Lilith aux dépens.

L’association et la SARL Lilith ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 février 2013.

Aux termes de leurs conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales du 25 mars 2014, elles demandent à la Cour de :

— réformer le jugement entrepris,

— dire infondée la demande tendant à leur condamnation solidaire,

— dire infondée la demande relative à un rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents, à titre subsidiaire la minorer,

— rejeter la demande formée par Y X au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée abusive de son contrat, à titre subsidiaire la minorer,

— la condamner à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 25 mars 2014, Y X conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré l’association et la SARL Lilith comme ses co-employeurs et en ce qu’il a dit abusive la rupture anticipée de son contrat de professionnalisation et admis l’existence d’heures supplémentaires. Elle demande sa réformation sur les montants retenus et la condamnation de l’association et de la SARL Lilith à lui payer solidairement, les sommes de :

' 2 211,01 € à titre de rappel d’heures supplémentaires et 221,10 € au titre des congés payés afférents outre les intérêts de droit à compter de la demande,

' 12 000 € nets à titre de dommages-intérêts outre intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir,

Elle sollicite par ailleurs leur condamnation à verser à Me A B, la somme de 4.000 € sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 Juillet 1991.

MOTIFS DE LA DECISION :

La rupture de la convention de formation professionnelle qui lie l’employeur au centre de formation n’a pas pour effet de rompre le contrat de professionnalisation. Ce dernier a été rompu par le courrier de prise d’acte du 29 novembre 2009.

Lorsqu’un salarié rompt le contrat de travail à durée déterminée et qu’il invoque des manquements de l’employeur, il incombe au juge de vérifier si les faits invoqués sont constitutifs ou non d’une faute grave.

Y X a conclu avec l’association un contrat de professionnalisation qui a pour objet de permettre d’acquérir une qualification prévue à l’article L6314-1 du code du travail et de favoriser l’insertion professionnelle. A cette fin, ce contrat associant des enseignements généraux professionnels et technologiques dispensés dans des organismes de formation et l’acquisition d’un savoir faire par l’exercice en entreprise d’activités professionnelles en relation avec la qualification recherchée, l’employeur s’engage à assurer une formation au salarié et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif.

Y X a souscrit ce contrat de professionnalisation pour obtenir un BTS de Comptabilité et Gestion des Organisations qui vise à donner au titulaire du diplôme des connaissances en comptabilité mais également en gestion incluant divers aspects de la vie d’une entreprise ou d’une association et comprenant notamment la gestion des paies, la relation client, l’utilisation des bases de données et des logiciels professionnels…

C’est donc à tort qu’elle se plaint de ne pas avoir exercé un travail en lien avec la qualification recherchée et avoir dû exercer des tâches de secrétariat et d’assistante de direction.

En effet, les trois attestations qu’elle verse en ce sens sont assez vagues en ce qu’elles affirment qu’elle ne faisait pas de comptabilité au sein de son entreprise, ne s’occupait que des dossiers des stagiaires du centre de formation ou qu’elle ne remplissait que des tâches de secrétaire ou de standardiste, sans que les témoins précisent les éléments fondant leurs affirmations ni les modalités de leur présence à ses côtés pour déterminer aussi précisément son activité.

Les pièces concrètes établies durant la relation de travail – courriel, agendas, livre de comptabilité- montrent au contraire que, conformément au planning établi en novembre 2009, elle était chargée notamment des relances, de la facturation, de la tenue du tableau des anomalies comptables, de l’établissement des paies et de la mise à jour des inscriptions. Sa présence était considérée comme nécessaire lors des réunions avec l’expert comptable.

Il résulte en revanche de ces mêmes pièces que Y X, qui avait passé un contrat de professionnalisation avec l’association a très vite travaillé pour la SARL Lilith, non à titre exclusif comme elle l’indique, mais à titre principal.

En effet, si elle a continué à faire les paies pour l’association jusqu’en juillet 2010, l’association, chargée de sa formation ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, qu’elle y a effectué d’autres tâches. Elle a consacré l’essentiel de son activité à la SARL Lilith sans que soit établie sa connaissance du contrat de mise à disposition convenu (mais non signé) entre cette dernière et l’association.

Or, aucun programme de formation n’a été établi par la société Lilith au sein de laquelle aucun référent n’a été désigné. Il résulte par ailleurs des attestations produites que, mêlant son rôle d’employeur et de formateur, elle a souvent distrait Y X de ses cours en la sollicitant pour des informations, des sorties de dossiers ou difficultés diverses.

Ainsi, Y X, salariée de l’association dans laquelle son tuteur désigné était C D, secrétaire générale, a essentiellement travaillé au profit de la société Lilith dont les locaux étaient situés dans le même immeuble, au même étage que ceux de l’association et dont la gérante était C D.

La confusion des rôles et des interventions ressort de tous les éléments versés aux débats: Y X effectuait des prestations pour l’association et la SARL Lilith sans frontière temporelle déterminée, sans contrôle ni organisation générale de sa formation, et au surplus avec une gêne dans le suivi de sa formation théorique.

C D, son tuteur dans le cadre de l’association, s’est, en qualité de gérante de la SARL Lilith comportée comme son employeur en considérant Y X comme son assistante, en s’inquiétant de la durée de son congé maladie, de l’impact de celui-ci sur sa formation et sur le devenir de son contrat de professionnalisation.

C’est à juste titre que le premier juge a retenu la qualité de co-employeurs des deux structures et a dit fautive leur organisation de la formation, non à raison des tâches confiées, mais du manque de contrôle de celles-ci, de formateur et de respect de la formation théorique, élément essentiel du contrat dont ils étaient garants.

Y X a dressé un tableau relatif au paiement de ses salaires et produit divers chèques corroborant son grief de paiement irrégulier.

Ainsi le salaire du mois d’octobre 2009 a été réglé le 20 novembre, celui de novembre le 21 décembre, celui de décembre le 18 janvier 2010 et celui du mois janvier de façon incomplète le 24 février, un chèque du 24 mars 2010 venant le solder et payer une partie de celui de février.

L’employeur est tenu à un paiement périodique des salaires qui, bien qu’aucun texte ne définisse une date obligatoire, doit intervenir à une date rapprochée de l’échéance. Ici, des dates de paiement varient et conduisent parfois à un intervalle supérieur à un mois.

En cela, l’association a enfreint l’obligation qui lui est faite et adopté un comportement fautif à l’égard du salarié.

Enfin, au titre des manquements invoqués, Y X indique avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Y X produit un décompte hebdomadaire de septembre 2009 à septembre 2010, le cahier récapitulant ses activités journalières et le tableau de sa fréquentation des cours théoriques les jeudis et vendredis. Elle parvient ainsi à la réalisation de 248,08 heures supplémentaires.

L’association et la SARL Lilith n’apportent la justification ni d’un horaire fixe porté à la connaissance du salarié ni d’un mode de contrôle du temps de travail et ne fournissent qu’un planning des jours de présence de Y X qui ne renseigne pas sur les horaires exécutés.

Il convient en conséquence d’admettre la demande de Y X tendant à la reconnaissance de la réalisation d’heures supplémentaires.

Toutefois, sur le nombre d’heures accomplies, cette dernière n’explique pas comment, après prise en compte des erreurs relevées par les intimées et admises figurant sur son premier décompte ( indication d’heures supplémentaires effectuées à l’occasion de 2 jours fériés et chômés), elle parvient à un décompte de 248,08 heures alors qu’elle n’en sollicitait antérieurement, sur la base du même agenda, que 187,28 heures. C’est dès lors ce dernier décompte qui sera retenu sous réserve des rectificatifs suivants :

— suppression des heures supplémentaires mentionnées pour les 14 et 14 juillet 2010,

— suppression des heures supplémentaires calculées en tenant compte de jours fériés ou jour de repos dans la semaine alors que, sauf usage ou accord collectif, les temps non assimilés à du travail effectif ne sont pas pris en compte.

Le nombre d’heures supplémentaires obtenu est égal à 154,78 heures.

Il n’est par ailleurs pas contesté que Y X a obtenu 6 jours de repos de récupération, les 28,29,30 et 31 décembre 2009 et les 14 mai et 16 juillet 2010, qui doivent venir en déduction des heures dues.

Il convient en conséquence de condamner in solidum l’association et la société Lilith au paiement de la somme de 996,48 € outre 99,64 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera émendé sur le montant retenu.

Les divers manquements de l’employeur relatifs à la formation, au versement irrégulier du salaire et à l’absence de contrepartie à toute les heures supplémentaires sont constitutifs d’une faute grave justifiant la rupture du contrat à durée déterminée à ses torts.

Le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu’il alloué à Y X, qui peut prétendre à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’elle aurait perçues jusqu’au terme du contrat, une somme de 9 500 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des heures supplémentaires et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne in solidum l’association Centre de Ressources Mobilité et la société Lilith à payer à Y X la somme de 996,48 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 99,64 € au titre des congés payés afférents,

y ajoutant,

Condamne in solidum l’association Centre de Ressources Mobilité et la société Lilith à payer à Me A B la somme de 2 000 € en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

Les condamne aux dépens.

Le greffier Le Président

S. MASCRIER D. JOLY

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