Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 14 novembre 2017, n° 16/06051

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 14 nov. 2017, n° 16/06051
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/06051
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, 25 mai 2016, N° 16/00035
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/06051 Décision du

Tribunal de Grande Instance de Villefranche sur Saône

Référé

du 26 mai 2016

RG : 16/00035

SCI FRANCE IMMOBILIER

C/

X

X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2017

APPELANTE :

SCI FRANCE IMMOBILIER

représentée par ses dirigeants légaux

[…]

[…]

Représentée par la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL LYON, avocat au barreau de LYON (toque 215)

Assistée de Me Pascal ULINE, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Mme Z X

[…]

[…]

Représentée par la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON (toque 538)

M. A X

[…]

[…]

Représenté par la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON (toque 538)

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 04 Octobre 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Octobre 2017

Date de mise à disposition : 14 Novembre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Agnès CHAUVE, président

— B C, conseiller

— Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Marine DELPHIN-POULAT, greffier

A l’audience, B C a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur et madame X sont propriétaires depuis 1991 d’un appartement au troisième et dernier étage d’un immeuble en copropriété situé […] à […]

Depuis de nombreuses années, il existait au-dessus de cet appartement des combles appartenant à la SCI M&M et le 17 mars 2009, l’assemblée générale des copropriétaires a autorisé cette SCI à procéder à des travaux d’aménagement de ces combles en vue d’y créer un appartement.

Le 20 octobre 2009, la SCI M&M a vendu les combles à la SCI FRANCE IMMOBILIER qui a repris pour son compte le projet de transformation des locaux et fait réaliser les travaux courant 2010 et début 2011.

L’appartement créé a été donné en location.

Les époux X se sont plaints alors d’importantes nuisances sonores occasionnées par l’occupation courante du logement situé au-dessus du leur.

Ils ont régularisé une déclaration de sinistre auprès de leur assureur qui a mandaté un expert technique pour évaluer les nuisances et leurs causes puis, faute d’intervention de la SCI FRANCE IMMOBILIER, ils ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE aux fins d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 22 mai 2014, monsieur Y a été désigné en qualité d’expert. Cet expert a déposé son rapport le 21 mai 2015.

Par acte d’huissier du 09 février 2016, monsieur et madame X ont fait assigner la SCI FRANCE IMMOBILIER, à nouveau, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE pour la voir condamner sous astreinte à faire réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire et pour avoir paiement d’une provision à valoir sur leur préjudice de jouissance.

Par ordonnance du 26 mai 2016, le juge des référés a :

' condamné la SCI FRANCE IMMOBILIER à effectuer les travaux d’isolation phonique préconisée par l’expert Y, à ses frais, sous peine d’astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la notification de la décision,

' condamné la SCI FRANCE IMMOBILIER à payer à monsieur et madame X la somme de 19.440 € à titre d’indemnité provisionnelle au titre de leur préjudice de jouissance,

' condamné la SCI FRANCE IMMOBILIER à payer à monsieur et madame X la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' dit que la SCI FRANCE IMMOBILIER supportera à titre provisoire la charge des dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise.

Le 02 août 2016, la SCI FRANCE IMMOBILIER a interjeté appel de cette décision.

L’appelante demande à la cour :

' d’infirmer l’ordonnance querellée,

' statuant à nouveau, de débouter les époux X de l’ensemble de leurs prétentions,

' de condamner les époux X aux dépens, y compris les frais d’expertise, ainsi qu’au paiement de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

' qu’elle a réalisé les travaux de transformation des greniers en appartement dans les règles de l’art, n’ayant pas pu couler une dalle sur le plancher compte tenu de son poids trop important,

' qu’elle n’a pas négligé la situation des époux X,

' que le bâtiment est un bâtiment ancien non soumis à une quelconque réglementation acoustique et qu’elle n’est pas responsable du manque éventuel d’exigences de la copropriété lors de l’autorisation de travaux de 2009,

' que les mesures de l’expert judiciaire sont approximatives,

' qu’il n’est pas rapporté la preuve ni de l’importance invoquée des bruits ni de leur caractère anormal, les experts eux-mêmes n’ayant rien constaté de tel,

' qu’il n’est pas non plus démontré le non-respect par elle des obligations imposées par l’assemblée générale des copropriétaires,

' qu’en conséquence, aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé.

Monsieur A X et madame Z X demandent de leur côté la cour :

' de confirmer l’ordonnance querellée sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués en réparation de leur préjudice de jouissance,

' statuant à nouveau, de condamner la SCI FRANCE IMMOBILIER à leur payer la somme de 43.200 € de ce chef,

' de condamner la SCI FRANCE IMMOBILIER aux dépens ainsi qu’au paiement en cause d’appel de la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

' que ni le respect éventuel des dispositions légales ou réglementaires concernant les normes acoustiques, ni l’absence d’exigences normatives à cet égard ne sont de nature à exclure l’existence d’un trouble manifestement illicite,

' que l’autorisation de travaux donnée en 2009 par l’assemblée générale des copropriétaires était subordonnée à la réalisation d’une chape isolante et plus généralement à la garantie de la tranquillité des occupants de l’immeuble,

' que ces obligations n’ont pas été respectées par la SCI FRANCE IMMOBILIER,

' qu’il est reproché à l’appelante, non pas à proprement parler, des troubles anormaux de voisinage mais le fait que des nuisances sonores empêchent la jouissance de leur bien immobilier,

' que ces nuisances sonores sont importantes ainsi que l’a constaté l’expert judiciaire,

' qu’ils sont ainsi victimes d’un trouble manifestement illicite caractérisé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l’article 809 du code de procédure civile permet au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et aussi, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, d’accorder une provision au créancier ;

1/ Sur la demande d’exécution forcée des travaux

Attendu, en l’espèce, que les époux X se plaignent d’un trouble manifestement illicite résultant de nuisances sonores qui empêchent la jouissance de leur bien immobilier, par le fait d’une isolation insuffisante du plancher du logement au-dessus réalisé par la SCI FRANCE IMMOBILIER ;

Qu’ils n’invoquent pas, à l’appui de leur action, le trouble anormal de voisinage ;

Attendu qu’au vu des constatations de l’expert Y, la SCI FRANCE IMMOBILIER a mis en 'uvre un plancher en bois léger avec un remplissage d’une couche de cellulose d’ouate et les mesures acoustiques effectuées mettent en exergue une insuffisance marquée de l’isolement aux bruits d’impact pour les basses fréquences, essentiellement les octaves centrées sur les fréquences 63 à 125 Hz et aussi de l’isolement aux bruits aériens, pour les octaves centrées sur 63 Hz et 125 Hz ;

Que l’expert met en cause, pour ces fréquences basses, la faible masse volumique du plancher auquel s’ajoute un environnement constitué de parois légères (placoplâtre) directement fixées au plancher bois et favorable aux transmissions latérales ;

Qu’il estime que l’intimité du logement des époux X vis-à-vis du logement loué par la SCI FRANCE IMMOBILIER n’est pas suffisamment assurée, seule la partie côté rue pouvant bénéficier d’une occupation paisible ;

Qu’il préconise la reprise complète du plancher actuel avec la mise en 'uvre d’un plancher flottant sur lambourdes acoustiques disposant de plots dont la fréquence de résonance sera comprise entre 8 et 10 hertz afin de filtrer les fréquences graves et très graves ainsi qu’une structure multi-parois avec doublage efficace pour les aériens, intégrant une ou deux couches de laine minérale de forte densité, outre un relevé périphérique soigné afin d’éviter tout contact avec le plancher des autres éléments du bâtiment ce, dans une fourchette de prix de l’ordre de 300 à 600 € le mètre carré ;

Attendu que si l’expert judiciaire n’a pas retenu la solution d’une chape bétonnée, telle que préconisée initialement par l’assemblée générale des copropriétaires, il convient néanmoins de constater que la SCI propriétaire s’était engagée lors de cette assemblée à garantir au maximum la tranquillité des occupants (isolation des sols et des murs) et qu’elle devait préalablement soumettre le descriptif des travaux à l’architecte de l’immeuble aux fins d’un contrôle d’exécution et de bonne fin, ce qui n’a pas été respecté ;

Attendu que s’agissant de l’absence de réglementation acoustique applicable à l’immeuble ancien, il sera relevé, comme le premier juge, que le trouble manifestement illicite ne se limite pas au non-respect d’une norme légale ou réglementaire et peut résulter, plus simplement, du non respect des droits des personnes ;

Attendu qu’il est démontré que la construction par la SCI FRANCE IMMOBILIER d’un logement sans isolation phonique suffisante est génératrice pour les époux X, dans la jouissance de leur propre logement, d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser par l’exécution des travaux adéquats ;

Que l’ordonnance querellée sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné la SCI FRANCE IMMOBILIER à réaliser, à ses frais et sous astreinte les travaux d’isolation phonique préconisés par l’expert judiciaire, sauf pour la cour à impartir à la SCI un délai raisonnable de six mois pour effectuer ces travaux ;

2/ Sur la demande de provision

Attendu qu’il ressort de l’expertise que le trouble de jouissance occasionné par les bruits d’impact (pas, chutes d’objets, glissements) et les bruits aériens affectent principalement la partie cour du logement des époux X, comprenant la cuisine, une chambre, la salle de bain, les toilettes et le couloir ;

Que l’obligation à réparation de ce préjudice par la SCI FRANCE IMMOBILIER n’est pas sérieusement contestable ;

Que les écritures des parties révèlent que le logement situé au-dessus de l’appartement des époux

X a été occupé à partir de septembre 2011 par des locataires successifs avec ou sans famille et que les lieux ne sont plus loués depuis septembre 2016 ;

Attendu que les époux X évaluent leur préjudice de jouissance sur la base de la valeur locative de leur appartement et que le premier juge a relevé à bon droit qu’un taux de 100 % ne pouvait être retenu dès lors qu’une partie seulement de cet appartement était impactée par les nuisances ; qu’au demeurant, la fréquence et l’importance de ces dernières étaient nécessairement variables ;

Attendu qu’en considération de ces éléments, la cour estime devoir faire droit à la demande provisionnelle de réparation formée par les époux X, à hauteur de 12.000 € ;

3/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les dispositions de l’ordonnance de référé concernant les dépens et les frais irrépétibles de première instance doivent être confirmées ;

Que la SCI FRANCE IMMOBILIER supportera les dépens d’appel et sera tenu de régler en cause d’appel aux époux X la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance querellée, sauf sur les modalités de l’exécution forcée et sur le montant de la provision,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI FRANCE IMMOBILIER à effectuer les travaux d’isolation phonique préconisés par l’expert, à ses frais, dans un délai maximum de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai, sous peine d’astreinte de 75 € par jour de retard, pendant 3 mois,

Condamne la SCI FRANCE IMMOBILIER à payer à monsieur A X et à madame Z X, ensemble, la somme provisionnelle de 12.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Condamne la SCI FRANCE IMMOBILIER à payer à monsieur A X et à madame Z X, ensemble, la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI FRANCE IMMOBILIER aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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