Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 2 mai 2017, n° 15/09196

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. b, 2 mai 2017, n° 15/09196
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/09196
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 22 novembre 2015, N° 13/10429
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/09196 Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 23 novembre 2015

RG : 13/10429

XXX

Y

Y

C/

SA X

Société GENERALI

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON 1re chambre civile B ARRET DU 02 Mai 2017 APPELANTS :

Mme C Y

XXX

XXX

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assistée de Me Sandra BELLIER, avocat au barreau de LYON

M. E Y

XXX

XXX Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assisté de Me Sandra BELLIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

X, SA, représentée par son dirigeant légal demeurant audit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par l’AARPI CABINET CHOULET AVOCATS, avocats au barreau de LYON

La Société GENERALI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis

XXX

XXX

défaillante

Le RSI REGION RHONE-ALPES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis

XXX

XXX

défaillante

******

Date de clôture de l’instruction : 06 Octobre 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mars 2017

Date de mise à disposition : 02 Mai 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Françoise CARRIER, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

— F G, conseiller

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l’audience, F G a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Leïla KASMI, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L’AFFAIRE

M. E Y, chef d’entreprise, a souscrit le 22 août 2002 auprès de la société X une police «garantie des accidents de la vie» couvrant notamment «les accidents médicaux» définis comme étant «les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d’un accident médical, c’est à dire résultant d’un acte ou d’un ensemble d’actes de caractère médical, ayant eu sur vous des conséquences dommageables pour votre santé, anormales et indépendantes de l’évolution de l’affection dont vous étiez atteint et de votre état antérieur».

Le contrat mentionne que sont exclus de la garantie : «les dommages subis à l’occasion d’activités professionnelles».

Le 4 février 2008, M. Y en soulevant un carton dans le cadre de son travail, a présenté un lumbago aigu et une sciatique gauche hyperalgique.

Un scanner réalisé, le 4 mars 2008, a mis en évidence une : discopathie dégénérative étagée, une saillie paramédiale gauche en L4/L5, et surtout, en L5/S1 la présence d’une hernie discale associée à une arthrose postérieure.

Une intervention chirurgicale a été pratiquée le 17 mars 2008 aux fins de traitement.

Au cours de cette opération, une brèche durale et un hématome à l’origine d’une fibrose sont apparus.

Malgré une reprise chirurgicale qui a eu lieu le 27 mars 2008 suivie de nombreux traitements, M. Y a continué de souffrir au niveau du dos et du membre inférieur gauche.

M. Y n’a pu reprendre ses activités processionnelles et ses deux sociétés ont fait l’objet de procédures de liquidation judiciaire.

La société X a versé le 11 mars 2010 à son assuré une provision de 2000 € et a désigné un expert en la personne du docteur Z qui a conclu que M. Y a été victime d’un accident médical non fautif et a fixé le déficit fonctionnel permanent à 12% en droit commun, pour tenir compte des seules conséquences des aléas thérapeutiques rencontrés, à l’exception de Ia pathologie lombaire initiale.

La société X a fait une offre transactionnelle à M. Y, lequel l’a refusée.

Par actes des 18 juillet, 3 et 23 novembre 2011, M. Y a assigné la société X, la société Générali et l’organisme Régime Social des Indépendants (RSI) du Rhône devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, afin de voir ordonner une expertise médicale et une expertise comptable.

Par ordonnance du 24 janvier 2012, le juge des référés a fait droit aux demandes et désigné le professeur Fessy au titre de l’expertise médicale et M. A au titre de l’expertise comptable.

Le Professeur Fessy a rendu un rapport aux termes duquel il a conclu à l’existence d’un accident médical non fautif et a fixé le déficit fonctionnel permanent en résultant à 10%.

Par actes des 2 et 5 août 2013, M. et Mme Y ont assigné la société X, la société Générali prise en qualité de mutuelle, et le Régime Social des Indépendants devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d’indemnisation de son préjudice dans le cadre de la garantie souscrite.

La société X a conclu au débouté au motif que les séquelles actuelles de M. Y s’expliquent exclusivement par l’évolution prévisible de son état antérieur ou, à tout, le moins, résultent exclusivement de l’accident du travail survenu le 4 février 2008, exclu de la garantie

Par jugement réputé contradictoire du 23 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a:

— débouté M. et Mme Y ;

— condamné M. et Mme Y à payer à la compagnie X la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. et Mme Y aux dépens avec droit de recouvrement direct dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme Y ont relevé appel de ce jugement.

Ils demandent qu’il plaise à la cour :

«Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et jugeant à nouveau :

In limine litis :

*Prononcer la nullité de la clause d’exclusion de garantie concernant l’exclusion des conséquences subis à l’occasion d’activités professionnelles,

*Dire et juger que M. E Y a été victime d’un accident médical non fautif,

*Constater que M. E Y a souscrit auprès de la société X un contrat d’assurance qui le garanti des préjudices subis à raison d’un accident médical non fautif,

*Constater que M. Y justifie d’un rapport d’expertise judiciaire et de deux rapports d’expertise amiables concluant à l’existence d’un accident médical non fautif et des préjudices imputables à ce seul accident médical non fautif,

*Dire et juger que M. Y est donc bien fondé à solliciter l’indemnisation des préjudices imputables à l’accident médical dont il a été victime,

*Constater que ces préjudices ont été évalués par deux experts judiciaires,

en conséquence,

A titre principal :

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 16 400 € à titre d’indemnisation du préjudice relatif à l’incapacité permanente résultant d’un accident médical,

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 6 000 € à titre d’indemnisation du préjudice relatif aux souffrances endurées résultant d’un accident médical,

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 1 000 € à titre d’indemnisation du préjudice esthétique résultant d’un accident médical,

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 5 000 € à titre d’Indemnisation du préjudice d’agrément résultant d’un accident médical,

*Condamner la société X à payer les sommes suivantes:

*à M. Y la somme de 24 300 € au titre de la perte de valeur des parts sociales de la société A2I

*à Mme Y la somme de 2 700 € au titre de la perte de valeur des parts sociales de la société A2I

*à M. Y la somme de 71 922,60 € au titre de la perte de distribution de bénéfices subi au niveau de la société A2I

*à Mme Y la somme de 7 991,40 € au titre de la perte de distribution de bénéfices subi au niveau de la société A2I.

*à M. Y la somme de 138 654 € au titre de la perte de dividendes sur la société Muroise Construction

*à Mme Y la somme de 15 406 € au titre de la perte de dividendes sur la société Muroise Construction

*à M. Y au titre de la perte de revenus 2008-2010 la somme de 30 724 €

*à M. Y la somme de 209 505,75 € au titre de la perte de revenus futurs.

*à M. Y la somme de 60 000 € au titre des pertes de droits à la retraite

A titre subsidiaire,

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 27 961 € au titre de la perte de revenus 2008-2010 après défalcation de la pension pour inaptitude au métier versé par le RSI

En tout état de cause :

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 4 750 € à raison des frais d’expertises à la charge de M. Y

*Condamner la société X à payer à M. Y les frais médicaux qui seront liquidés au montant des créances des organismes sociaux

*Condamner la société X à payer à M. Y la somme de 30 000 € au titre de la résistance dilatoire et au manquement à l’obligation de bonne foi».

Ils soutiennent :

In limine Litis

— que les dommages subis par M. Y dont il sollicite l’indemnisation sont les dommages directement Imputables au seul accident médical non fautif dont il a été victime, – que la cour pourra déclarer, la clause d’exclusion de garantie, concernant les accidents de travail, nulle et inopposable à M. Y,

— que M. Y remplit les conditions posées par le contrat d’assurance,

— que l’accident médical qui a eu lieu lors de la chirurgie, à savoir la brèche durale et l’hématome, n’est pas une évolution normale de la hernie discale et a causé des préjudices en créant un hématome source de nouvelles atteintes du nerf sciatique source de vives douleurs dans la jambe, la sciatalgie,

— que les experts ont conclu à l’absence d’imputabilité à l’état antérieur des séquelles de sciatalgies présentées suite à l’accident médical non fautif,

— qu’ils sont bien fondés à solliciter l’indemnisation de leurs préjudices,

— que la clause aux termes de laquelle :

«L’indemnisation des préjudices indemnisables au titre du présent contrat est proposée sur la base des évaluations réalisées, dans la limite de 1 000 000 d'€ par victime et par évènement garanti. Elle intervient déduction faites des prestations de caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux et de prévoyance», est vague et ambigüe, et ne détermine pas «la notion de prestation à caractère indemnitaire versée par les organismes sociaux» ni les règles et la méthodologie d’imputation,

— que cette est donc inopposable à l’assuré,

— qu’il verse aux débats le montant de la pension invalidité qu’il touche mais qui ne saurait être défalquée compte tenu du caractère ambigüe et de l’imprécision de la clause du contrat d’assurance qui apparaît illégale dans un contrat d’assurance de personne.

La société X demande à la cour

À titre principal,

— de dire et juger injustifié et infondé l’appel intenté par les consorts Y à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 23 Novembre 2015,

— de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

— de rejeter la demande de nullité de la clause d’exclusion au titre des dommages causés par les accidents du travail formulée pour la première fois devant la cour d’appel et dans tous les cas,

— de dire et juger que les séquelles actuelles de M. Y s’expliquent exclusivement par l’évolution prévisible de son état antérieur ou, à tout, le moins, résultent exclusivement de l’accident du travail survenu le 4 février 2008,

en conséquence,

— de rejeter l’ensemble des demandes formulées par M. Y à son encontre, les préjudices subis n’entrant pas dans le cadre de la garantie contractuelle ;

À titre subsidiaire,

— de rejeter ou réduire sensiblement les demandes indemnitaires présentées par M. Y à la lecture du rapport comptable de M. B et des explications données dans les présentes conclusions et, dans tous les cas, limiter les demandes indemnitaires à la somme de 13 500 € en application de la définition contractuelle du préjudice d’ «incidence professionnelle» mais également au regard des règles applicables en matière de réparation du préjudice corporel,

— de rejeter la demande au titre d’une soi-disant résistance dilatoire ;

Dans tous les cas

— de condamner M. Y à verser à X une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance distraits de droit au profit de Me Choulet, avocat.

Elle soutient :

— que les opérations d’expertise ont permis de se convaincre que le préjudice allégué est en réalité en lien de causalité direct, certain et exclusif non pas avec la survenue d’un accident médical non fautif (c’est à dire une brèche dure mère et un hématome) mais bien avec l’état de santé antérieur du patient caractérisé par 35 années d’exercice professionnel dans le bâtiment que l’expert Fessy n’a d’ailleurs pas hésité à qualifier de «lourd passé professionnel»,

— que l’état antérieur du patient était déjà caractérisé par des douleurs au niveau du dos ( lumbago) et des douleurs au niveau du membre inférieur gauche (sciatalgie hyperalgique),

— qu’à l’issue des deux interventions chirurgicales, M. Y présente encore des douleurs au niveau du dos et au niveau de la jambe gauche,

— que pour la lombalgie la douleur du bas du dos, la lombalgie chronique, doit être considérée comme relevant de l’état antérieur et n’est pas imputable à un quelconque accident médical, même non fautif,

— que pour la sciatalgie, l’expert tente d’expliquer que cette dernière, pourtant pré-existante à l’intervention chirurgicale relèverait d’un accident médical non fautif et non de l’état antérieur du patient au motif qu’il s’agit là d’une évolution tout à fait anormale,

— qu’en présence d’un état antérieur, qui, même en l’absence de geste opératoire, aurait naturellement évolué pour son propre compte, le dommage né au cours de l’intervention chirurgicale ne doit pas être analysé comme un aléa thérapeutique mais comme un «échec thérapeutique»,

— que tant la lombalgie que la sciatalgie, qui préexistaient à l’intervention chirurgicale, constituent une évolution prévisible ou possible du «lourd passé professionnel» et, par conséquent, la cour d’appel rejettera l’ensemble des demandes indemnitaires formulées à l’encontre de X dès lors que le contrat «Garanties des accidents de la vie» ne prend en charge que les accidents médicaux ayant eu des conséquences anormales et indépendantes de l’état antérieur de l’assuré,

— que les préjudices sont en lien de causalité exclusif avec un accident du travail survenu le 4 février 2008,

— que la demande de nullité de l’exclusion de garantie est nouvelle en cause d’appel,

— que les préjudices indemnisables sont prévus contractuellement,

— que l’incidence professionnelle est définie comme la répercussion de l’incapacité permanente sur l’activité professionnelle entraînant, après la consolidation, une perte de revenue définitive,

— que les préjudices suivants doivent être rejetés : perte de valeur des parts sociales de la société A2I, perte de distribution des bénéfices subi au niveau de la société A2I et perte de distribution des bénéficies sur la société Muroise Construction, – que les demandes de M Y concernant les autres postes de préjudices seront ramenés à de plus justes proportions,

— que le contrat «Garantie des Accidents de la Vie» revêt un caractère indemnitaire et qu’il intervient déduction faite des prestations de caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux et de prévoyance conformément aux stipulations des conditions générales :

— qu’aucune indemnité ne peut être versée à Mme Y qui n’est pas l’assurée.

L’organisme RSI et la société Generali n’ont pas comparu, bien que régulièrement assignées par actes des 15 janvier 2016 et 10 mars 2016, délivrés à des personnes habilitées à recevoir les actes.

En conséquence, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de la clause d’exclusion relative au dommages subis à l’occasion d’activités professionnelles

Ce moyen de nullité répond à une demande d’exclusion de garantie formée par la société X. Elle est donc nécessairement recevable.

Cette clause est parfaitement lisible, claire et précise. Elle figure dans un paragraphe intitulé: «les exclusions» en très gros caractères suivi du sous-titre encadré : «votre contrat ne couvre pas les dommages suivants:»

En conséquence, la demande d’annulation est mal fondée.

Sur le droit à garantie

M. Y a souscrit un contrat « Garantie des Accidents de la Vie » aux termes duquel sont garantis les dommages corporels résultant d’accidents médicaux et définis comme "ayant eu sur vous des conséquences dommageables pour votre santé, anormales et indépendantes de l’évolution de l’affection dont vous étiez atteints et de votre état antérieurs'

Il résulte de l’expertise qu’à la suite d’une intervention chirurgicale subie le 17 mars 2008 pour traiter une hernie discale, il est survenu un accident médical, consistant en une brèche durale avec un hématome justifiant une reprise chirurgicale le 27 mars 2008.

Selon l’expert judiciaire, les séquelles de M. Y consistent en des lombalgies et une sciatalgie du membre gauche. Il indique :

«Le patient a bénéficié d’une cure de hernie discale. Habituellement, cette chirurgie nécessite au moins trois mois d’arrêts de travail, dans les suites normales d’une telle chirurgie. En cas de travail manuel, cette durée peut être prolongée. On considérera dans le cas présent que le délai d’évolution normale était de trois mois chez un patient qui utilise la voiture, qui fait des visites de chantier, mais qui n’a pas réellement de travail de manutention. Hélas, l’évolution ne va pas être normale et au-delà de trois mois, le patient va présenter une évolution anormale.

Il existe deux aspects dans cette évolution anormale :

XXX

— La sciatalgie résiduelle. En ce qui concerne la lombalgie chronique, il s’agit d’une évolution classique après toute chirurgie de hernie discale. En effet, la cure de hernie discale vise à lever la compression sur la racine en enlevant le disque. Cette chirurgie ne répare pas le disque et fait le lit de la lombalgie chronique. Dans le cas présent, il existe un état antérieur qui est lui aussi responsable de la lombalgie chronique. Dans ces conditions, la douleur du bas du dos, la lombalgie chronique, doit être considérée comme relevant de l’état antérieur et n’est pas imputable à un quelconque accident médical, même non fautif. Si bien que tout ce qui relève de la lombalgie chronique relèvera de l’état antérieur et ne sera pas indemnisable.

En ce qui concerne la sciatalgie résiduelle, il s’agit d’une évolution tout à fait anormale. Normalement, la cure de hernie discale lève la sciatalgie et il n’y a plus la douleur dans le membre inférieur.

Dans le cas de M. Y, elle persiste. Il s’agit toutefois d’une évolution possible, mais pas normale.

Il est donc important de se référer à la définition contractuelle qui nous est donnée Les accidents médicaux sont garantis, c’est-à-dire : «les conséquences des dommages corporels subis par vous à la suite d’un accident médical c’est-à-dire résultant d’un acte ou d’un ensemble d’actes de caractère médical, ayant eu sur vous des conséquences dommageables pour votre santé, anormale et indépendante de l’évolution de l’affection dont vous étiez atteints et de votre état antérieur».

L’expert considère qu’il y a eu des conséquences dommageables de l’acte médical réalisé.

Ces conséquences dommageables résultent d’une évolution anormale de l’acte chirurgical. Il ne s’agit pas au sens du terme d’un accident médical, mais d’une évolution vers une fibrose, qui est le fait de facteurs liés au patient et en partie liés à la reprise chirurgicale (qui est un véritable accident médical non fautif).

Dans ces conditions, l’expert estime que cette évolution anormale relève d’un accident médical non fautif au sens juridique du terme et justifie indemnisation».

Il résulte de ces conclusions que la sciatalgie résulte d’un accident médical et avant cet accident médical, d’une pathologie et non d’un dommage subi à l’occasion «d’activités professionnelles».

Cet accident médical a eu sur M. Y des conséquences dommageables pour sa santé, anormales et indépendantes de l’évolution de l’affection et de son état de santé antérieur.

En conséquence, le jugement sera réformé.

Sur l’indemnisation

sur la demande de Mme Y

Le contrat garantit : «les conséquences des dommages corporels subis par vous…».

Mme Y n’ayant pas subi de dommages corporels elle ne peut solliciter une indemnisation au titre du contrat.

sur les préjudices de M. Y

L’expert judiciaire a conclu de la manière suivante :

— consolidation : 31 juillet 2009, (âge de l’assuré 48 ans)

— Dans ces conditions, on considéra que du 18 juin 2008 au 31 juillet 2009, le patient a été en arrêt de travail pour moitié du fait de l’accident médical non fautif, l’autre moitié résultant de l’état antérieur. – Le patient au-delà de la consolidation n’a pas repris son activité professionnelle. Là encore, les pertes de salaires sont liées pour moitié à l’accident médical non fautif et pour moitié à l’état antérieur.

Il n’est pas possible de préciser les prestations à caractère indemnitaire puisque les données n’ont pas été fournies par la caisse.

— déficit fonctionnel permanent : 10%. Les lombalgies ne sont pas imputables. Elles ne donnent pas lieu à indemnisation.

— À partir de la consolidation, le patient doit être considéré comme inapte à toute activité professionnelle. Il ne peut pas conduire longtemps. Il ne peut pas se déplacer aisément sur un chantier. Se déplacer sur un chantier revêt aujourd’hui un caractère de dangerosité. Dans ces conditions, on estimera que l’inaptitude professionnelle résulte à la fois de la lombalgie chronique et de la sciatalgie chronique. Cette inaptitude professionnelle résulte donc pour moitié de l’accident médical non fautif

— souffrances endurées : évaluées à 3/7 (trois sur sept).

— préjudice esthétique : 0,5/7 (zéro virgule cinq sur sept).

— Le patient fait état de l’impossibilité de se livrer à ses activités de loisirs, la marche, la chasse aux champignons et la pêche. Ceci résulte pour moitié de l’accident médical non fautif et pour moitié de l’état antérieur.

— pas eu nécessité de recours à tierce personne.

— Il faut envisager pour l’avenir des frais médicaux : Ketoprofene et Actiskénan sont un traitement de fonds de la sciatalgie chronique et résultent de l’accident médical non fautif. Il faut prévoir un traitement à vie

— La rééducation relève de la lombalgie et ne doit pas être indemnisée.

Au vu de ces conclusions acceptées par les parties, il convient de liquider les préjudices de M. Y de la manière suivante, en reprenant les postes de préjudices indemnisables tels que définis au contrat:

— incapacité permanente : 10 %

Il sera retenu un montant de 1 640 € le point, soit une somme de 16 400 €

— incidence professionnelle «définie comme la répercussion de l’incapacité permanente sur l’activité professionnelle entraînant après consolidation une perte de revenu définitive».

Compte-tenu de cette définition, ne peuvent être retenus :

— les pertes de revenus avant consolidation,

— la perte de valeur des parts sociales de l’entreprise A2I.

Sur les pertes financières sur les travaux non réalisés par la société A2I :

M. Y soutient qu’il a perdu une chance de percevoir une «distribution de bénéfices» car la société Muroise de construction dont il était le gérant «prévoyait» de confier à la société Entreprise générale A2I des travaux qui auraient permis une «distribution de bénéfices».

Cependant, il résulte des pièces produites qu’en 2007, cette société a réalisé une perte de 36 499 € rendant hypothétique toute distribution de bénéfice, étant relevé que ses capitaux propres étaient de -27 363 €.

Cette demande sera rejetée.

Sur les pertes de revenus sur les opérations non réalisées par la société Muroise Construction

De même M. Y soutient qu’il a perdu en tant qu’associé une chance de percevoir «une distribution de bénéfices» en raison des opérations en cours.

Toutefois, il apparaît qu’en 2007, cette société a réalisé une perte de 681 640 € faisant suite à une perte en 2006 de 697 311 € , rendant très hypothétique une distribution de bénéfices, étant relevé que les capitaux propres de cette société étaient de -667 389 € .

Cette demande sera donc rejetée, le préjudice n’étant pas démontré.

Sur la perte de rémunération après consolidation

sur l’inaptitude à tout emploi :

L’expert a retenu que M. Y est inapte à toutes professions.

Or, il résulte des pièces du dossier, qu’il a été reconnu par le RSI en «incapacité au métier» et non pas en «invalidité à toutes professions» .

D’ailleurs, M. Y a continué à percevoir des rémunérations significatives pour sa gérance entre 2008 et 2010, ce qui établit qu’il a pu exercer une activité professionnelle.

Il sera rappelé que le taux d’incapacité imputable à l’accident médical est modéré (10 %).

L’expert comptable indique d’ailleurs, que selon lui, M. Y peut «tout de même, avec difficultés, retrouver un emploi rémunéré».

En conséquence, il convient de retenir un abattement de 30 % sur les perte de revenus, comme proposé à juste titre par cet expert.

sur la déduction des prestations des prestations à caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux et de prévoyance :

Il conviendra également de déduire les indemnisations perçues au titre de la rente invalidité versée par l’organisme social RSI, ainsi que le contrat le prévoit explicitement par la mention en caractères gras et très apparents :

«L’indemnisation des préjudices indemnisables au titre du présent contrat est proposée sur la base des évaluations ainsi réalisées, dans la limite de 1 000 000 € par victime et par événement garanti. Elle intervient toujours déduction faite des prestations à caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux et de prévoyance».

sur le montant :

Selon le rapport d’expertise comptable, le montant des rémunérations annuelles moyennes s’élevait à 27 333 €, soit 2 253 € par mois.

M. Y perçoit une rente invalidité de 500,18 € nets depuis le 1er juin 2010. Il a également perçu des rémunérations au titre de sa gérance, ainsi que cela résulte de l’annexe 1 du rapport d’expertise comptable.

Ainsi son préjudice s’élève à :

— du 31 juillet 2009 au 31 décembre 2009 :

rémunération attendue : 2 253 X 5 = 11 265 €

rémunération gérance perçue : 16 110 X5/12 = -6 712 €

perte : 4 553 €

— du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 :

rémunération attendue : 27 333 €

rémunération gérance perçue : -18 000 €

rente (du 1er juin au 31 déc) = : 500 X 6 = -3 000 €

perte = 6 333 €

— années 2011 a 2016

rémunération attendue : 27 333 € X 6 = 163 998 €

rémunération gérance perçue : 0 €

rente = : 500 X 12 = 6 000 €

perte = 157 998 €

— année 2017 au jour de l’arrêt (4 mois)

rémunération attendue : 27 333 € X 4/12 = 9 111 €

rémunération gérance perçue : 0 €

rente (du 1er janv au 30 avril) = : 500 X 4 = -2 000 €

perte = 7 111 €

— années suivantes jusqu’à la retraite à 60 ans

Il convient de capitaliser le revenu perdu selon le barème de capitalisation gazette du palais 2016, pour un homme de 56 ans.

rémunération perdue :

22 333 € X 3,814 = 85 178 €

à déduire rente : 6 000 X 3,814 = -22 884

soit : 62 294 €

total : 4 553 € + 6 333 € + 157 998 € + 7 111 € + 62 294 € = 238 289 €

Rémunération d’un co-gérant :

Il résulte de l’expertise que M. Y a rémunéré un co-gérant à hauteur de 37 438 € en 2009, soit de la consolidation au 31 déc : 37 438 X 5/12 = 15 599 € .

Cette dépense constitue bien une répercussion de l’incapacité permanente et doit être retenue.

Incidence sur la retraite :

M. Y ne produit aucune évaluation de cette perte de droits, qui n’est pas même justifiée en son principe dès lors qu’il a été admis en invalidité pour inaptitude au métier.

Cette demande non justifiée sera rejetée.

récapitulatif incidence professionnelle

Le total de l’incidence professionnelle s’élève donc à : 238 289 € + 15 599 € = 253 888 €

Le préjudice étant imputable à 50% à l’accident médical non fautif.

Compte-tenu de l’abattement de 30%, il sera retenu une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle de :

253 888 € X 50% = 126 944 €

126 944 – ( 126 944 X 30%) = 88 861 €

— préjudice esthétique

Evalué à 0,5 sur 7 pour une légère boiterie, il sera alloué une indemnisation de 1 000 € .

— préjudice d’agrément

Le contrat définit ce préjudice comme l’impossibilité ou la difficulté pour la victime de se livrer à certaines activités ou loisirs habituels et entraînant de ce fait une diminution des plaisirs de la vie.

L’expert ayant retenu une telle impossibilité il convient d’allouer à ce titre une indemnisation de 1 500 € , soit 750 € au titre de la seule sciatalgie.

— souffrances endurées suite aux blessures corporelles résultant de l’accident

Evaluées à 3/7 par l’expert, il convient de fixer ce préjudice à la somme de 5 000 € .

Sur les frais d’expertise

Ces frais doivent être prise en compte dans les dépens.

Sur la demande tendant à voir condamner la X à «règler la créance des organismes sociaux» M. Y ne saurait se substituer aux organismes sociaux pour obtenir le paiement de frais que ces derniers ont avancé.

Sur la demande de dommages et intérêts pou résistance dilatoire

Cette demande est nécessairement mal fondée dès lors que la société X a obtenu gain de cause en première instance.

Sur l’exécution provisoire du «jugement»

Cette demande est sans objet devant la cour.

Sur la demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts au jour de l’assignation

La condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

— Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme C Y de toutes ses prétentions,

Le réformant pour le surplus et statuant de nouveau,

— Déboute M. E Y de sa demande d’annulation de la clause d’exclusion relative aux dommages subis à l’occasion d’activités professionnelles et de la clause «maximum de garantie par sinistre»,

— Condamne la société X à payer à M. E Y au titre de la police d’assurance «accidents de la vie» la somme totale de 112 011 €, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et capitalisation de droit pour ceux dus pour plus d’un an,

— Déboute M. E Y de sa demande de prise en charge des frais médicaux liquidés au montant des créances des organismes sociaux, tendant à voir condamner la X à «règler la créance des organismes sociaux, aux fins de dommages et intérêts pour résistance dilatoire et d’exécution provisoire,

— Condamne la société X à payer à M. E Y la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société X aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise ordonnée en référé, distraits au profit de Me Laffly lexavoué sur son affirmation de droit,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 2 mai 2017, n° 15/09196