Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 16 septembre 2020, n° 18/01429

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 16 sept. 2020, n° 18/01429
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/01429
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 14 février 2018, N° 16/01321;2020-304
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

N° RG 18/01429 – N° Portalis DBVX-V-B7C-LRTR

X

C/

SASU TARKETT FRANCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 15 Février 2018

RG : 16/01321

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2020

APPELANT :

D X

[…]

[…]

Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON

Me Romain PIOCHEL de la SELARL C.J.A. AVOCATS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,

INTIMÉE :

SASU TARKETT FRANCE

[…]

[…]

[…]

Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Emeric LEMOINE, avocat plaidant au barreau de HAUTS-DE-SEINE

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l’état d’urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l’absence d’opposition des parties et en application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l’article 10 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l’article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 – C3/DP/202030000319/FC.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— I J, présidente

— Evelyne ALLAIS, conseiller

— Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Septembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen ;

Signé par I J, Président et par G H, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur D X a été embauché le 4 juin 2012 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée par la société TARKETT FRANCE, en qualité de chargé d’affaires ventes directes, statut cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l’industrie textile.

Le 25 janvier 2016, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 10 février 2016.

Le 3 mars 2016, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec dispense d’exécuter son préavis d’une durée de trois mois.

Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de LYON le 1er avril 2016. Il sollicitait en dernier lieu de voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ainsi que de voir condamner la société TARKETT FRANCE à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de primes de vente, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il réclamait en outre la remise de ses documents de rupture sous astreinte, le remboursement par l’employeur des allocations chômage dans la limite de six mois d’indemnisation ainsi que l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 15 février 2018, le conseil de prud’hommes, dans sa formation paritaire, a:

— dit que le licenciement de Monsieur X par la société TARKETT FRANCE reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

— condamné la société TARKETT FRANCE à payer à Monsieur X les sommes suivantes:

• 2.009 euros à titre de rappels de salaire sur primes de vente outre 200,90 euros au titre des congés payés afférents,

• 1.600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné à la société TARKETT FRANCE la remise à Monsieur X des documents de fin de contrat rectifiés en fonction du jugement,

— ordonné l’exécution provisoire pour l’ensemble du jugement,

— rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées,

— débouté Monsieur X du surplus de ses demandes,

— débouté la société TARKETT FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société TARKETT FRANCE aux dépens.

Par déclaration du 28 février 2018, Monsieur X a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées le 30 juillet 2018, Monsieur X demande à la Cour de:

— infirmer partiellement le jugement, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— dire que son licenciement est sans cause réelle ou sérieuse,

— fixer à la somme de 4.015 euros bruts son salaire mensuel moyen,

— condamner la société TARKETT FRANCE à lui payer les sommes suivantes:

• 48.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

• 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— condamner la société TARKETT FRANCE au remboursement des allocations chômage qui lui ont été versées dans la limite de six mois d’indemnisation ainsi qu’aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 18 juillet 2018, la société TARKETT FRANCE demande à la Cour de:

— confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a condamnée à payer à Monsieur X un rappel de primes de vente outre les congés payés ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter Monsieur X de ces demandes,

— condamner Monsieur X à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Monsieur X aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 avril 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur le licenciement:

Selon l’article L.1235-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il ressort de la lettre de licenciement que la société TARKETT FRANCE reproche à Monsieur X:

— des insuffisances à la fois quantitatives et qualitatives en ce qui concerne les visites aux clients,

— des insuffisances en matière de négociation des contrats commerciaux,

— des insuffisances dans l’actualisation de la base de données commerciales,

— un défaut de suivi de l’activité commerciale.

Monsieur X fait valoir que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis, que si l’employeur lui reproche principalement de ne pas avoir assurer le suivi et la traçabilité de ses interventions, il n’avait pas d’obligation contractuelle particulière sur ce point, que son licenciement est dès lors sans cause réelle et sérieuse.

La société TARKETT FRANCE réplique que le salarié avait de graves insuffisances dans différents domaines, qu’elle a attiré l’attention du salarié sur les insuffisances considérées mais que le salarié n’a fait aucun effort pour y remédier, que le licenciement est donc bien fondé.

Monsieur X travaillait sous la responsabilité hiérarchique de Monsieur Y, directeur de la région centre-est.

Si le contrat de travail ne précise pas les fonctions de Monsieur X, il ressort d’un document interne à la société, daté de 2014 et intitulé 'matrice de compétences des chargé(e)s d’affaires’ que le salarié avait, en qualité de chargé d’affaires, les missions principales suivantes:

— hiérarchiser les affaires commerciales et générer de nouvelles opportunités,

— développer une connaissance approfondie des besoins des clients pour stimuler les actions commerciales,

— influencer et vendre,

— développer des relations clients efficaces,

— tirer profit des dynamiques des équipes commerciales.

Monsieur X a été licencié pour différentes insuffisances dans le cadre de ses fonctions.

insuffisances en ce qui concerne les visites aux clients:

Suivant écrits de décembre 2016, sauf un non daté, les représentants des sociétés COURBIERE &FILS, TAPIS FRANCOIS et ESPACE REVETEMENTS AU SERPENT, sociétés clientes de la société TARKETT FRANCE, font état d’une relation commerciale peu satisfaisante avec Monsieur X, se traduisant notamment par un nombre insuffisant de visites ou une absence de visite.

Toutefois, ces écrits sont contredits par ceux de dix autres sociétés clientes, lesquelles témoignent au contraire de leur satisfaction quant au travail de Monsieur X. En outre, Monsieur X montre que par courriel du 11 janvier 2016, il avait informé Monsieur Y de ce qu’il était dans l’attente de ses instructions pour intervenir ou pas auprès de la société TAPIS FRANCOIS, soulignant que cela 'faisait plus de six mois'. Enfin, l’employeur ne démontre pas que le salarié avait d’obligation contractuelle particulière quant au nombre ou à la forme des visites faites aux trois sociétés clientes considérées. Aussi, l’insatisfaction de ces sociétés quant au travail de Monsieur X n’est pas suffisante pour établir un manquement fautif à l’encontre du salarié.

Par ailleurs, il résulte d’attestations rédigées respectivement les 20 et 21 décembre 2016 par Messieurs Z et Y qu’un plan d’action avait été mis en place afin de développer le marché de la société TARKETT FRANCE avec le client CDR, que ce plan d’action impliquait trois chargés d’affaires, Messieurs A, Z et X et devait permettre une présence et des visites plus fréquentes auprès de ce client, qu’après une présentation commune chez CDR en avril 2015, il n’y a pas eu de visite hebdomadaire de Monsieur X à ce client de mai à fin septembre 2015, contrairement à ce qui avait été prévu.

Néanmoins, l’employeur ne prouve pas le caractère obligatoire des visites hebdomadaires de Monsieur X au client CDR de fin mai à septembre 2015, étant observé au surplus que dans un courriel du 16 septembre 2015, Monsieur Y ne demande au salarié pour CTR que 'une visite hebdomadaire et/ou contact avec l’un des ATC ou directement avec E F.'
L’insuffisance des visites de Monsieur X à la société CTR n’est donc pas établie, aucune autre pièce n’étant invoquée par l’employeur à l’appui de ce grief.

insuffisances en matière de négociation des contrats commerciaux:

Un échange de courriels internes des 2 et 3 décembre 2015 fait apparaître que Monsieur X a demandé au service marketing de procéder à une remise de prix pour le client PARQUETSOL alors qu’il lui incombait d’y procéder, sous réserve de l’accord de son supérieur hiérarchique.

Toutefois, il ressort des explications de Monsieur X, non contestées par l’employeur, que compte tenu de l’importance du marché considéré (50.000 m² de stratifiés), le salarié avait besoin de l’aide du service marketing pour chiffrer cette remise. Par ailleurs, suite au refus du service marketing d’effectuer cette remise le 2 décembre 2015, il s’est immédiatement adressé à Monsieur Y afin d’en discuter. L’employeur ne démontre donc pas au vu du seul échange de courriels précité les insuffisances de Monsieur X en matière de négociation commerciale, le salarié produisant au contraire plusieurs courriels professionnels de 2015 et 2016 révélant ses qualités dans ce domaine.

Le grief n’est pas établi.

insuffisances dans l’actualisation de la base de données commerciales:

Par courriel du 4 juin 2015, Monsieur B, directeur CRM&Pricing Director, a signalé à Monsieur Y le mauvais comportement de Monsieur X au cours d’une formation de deux jours, se traduisant par un caractère désagréable et méprisant ainsi qu’un manque de présence.

Par ailleurs, l’employeur produit différents courriels de Monsieur Y rappelant à Monsieur X la nécessité d’actualiser la base de données commerciales CRM.

Toutefois, ces pièces ne prouvent pas que Monsieur X procédait à une actualisation insuffisante de cette base de données. Au surplus, le salarié montre que la nouvelle base de données commerciales CRM était affectée de dysfonctionnements fréquents et que l’ensemble des salariés faisaient l’objet de rappels à l’ordre de la part de Monsieur Y quant aux saisies à effectuer sur ce logiciel.

Le grief n’est pas établi.

défaut de suivi de l’activité commerciale:

Les échanges professionnels entre Messieurs Y et X ne mettent pas en évidence l’absence de suivi de l’activité commerciale imputée au salarié. En outre, l’employeur ne prouve pas que le salarié a manqué à des instructions précises de sa part sur ce point.

Le quatrième grief n’est pas établi.

Les insuffisances reprochées à Monsieur X n’étant pas établies,, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, le salarié qui a une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur C avait 33 ans et une ancienneté de 3 ans et 8 mois dans l’entreprise au moment du licenciement. Il pouvait prétendre à un salaire mensuel brut moyen de 4.015 euros, rémunération variable comprise. Il ne justifie pas de sa situation d’emploi depuis cette date.

Au vu de ces éléments, la société TARKETT FRANCE sera condamnée à payer à Monsieur X la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour du licenciement jusqu’à la présente décision, dans la limite de 3 mois.

sur le rappel de primes de vente:

Monsieur X fait valoir qu’il bénéficiait d’une rémunération variable, versée trimestriellement sous forme de prime de ventes, qu’il n’a pas perçu de prime de ventes pour le premier trimestre 2016 alors qu’il était encore en activité à cette période, qu’il est bien fondé à réclamer la totalité de cette prime de ventes, en l’absence de justification par l’employeur de ce que cette prime n’est pas due.

La société TARKETT FRANCE réplique que Monsieur X ne justifie pas qu’elle lui est redevable d’une prime de ventes pour le 1er trimestre 2016.

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en ce qui concerne la prime sur ventes. Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur ce point, en relevant que l’employeur ne justifie pas en cause d’appel des objectifs fixés au salarié pour l’année 2016 et ne démontre donc pas qu’il n’était pas redevable de la prime trimestrielle sur ventes de mars 2016, en l’absence de fixation de ces objectifs.

La société TARKETT FRANCE, partie perdante dans le cadre du recours, sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur X la somme de 1.400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée par le jugement.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

L’INFIRME sur ce point,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que le licenciement de Monsieur X est sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société TARKETT FRANCE à payer à Monsieur X la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que les sommes allouées supporteront, s’il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

ORDONNE, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société TARKETT FRANCE des allocations de chômage versées à compter du jour du licenciement jusqu’à la présente décision, dans la limite de 3 mois;

CONDAMNE la société TARKETT FRANCE à payer à Monsieur X la somme de 1.400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

CONDAMNE la société TARKETT FRANCE aux dépens d’appel

Le Greffier La Présidente

G H I J

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