Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 4 février 2021, n° 18/04622

  • Notaire·
  • Acquéreur·
  • Acte·
  • Habitation·
  • Sociétés·
  • Permis de construire·
  • Construction·
  • Certificat d'urbanisme·
  • Biens·
  • Vendeur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 4 févr. 2021, n° 18/04622
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/04622
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, 16 mai 2018, N° 14/03973
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/04622 – N° Portalis DBVX-V-B7C-LZAQ

Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 17 mai 2018

RG : 14/03973

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 04 Février 2021

APPELANTE :

SCP AI – I – M – TILL

devenue la SELAS H I, P Q R N T AF ET H J NOTAIRES ASSOCIES

[…]

[…]

Représentée par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, toque : 654

INTIMES :

Mme AJ AK AL AM AN EPOUSE DE D E

[…]

[…]

Non constituée

M. U V DE D E

[…]

[…]

Non constitué

SCP C-O AG-AH ET Z A notaires associés venant aux droits de la SCP B C-O.

[…]

[…]

Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

SAS F G

[…]

[…]

[…]

Représentée par la SCP REFFAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de l’AIN

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 11 Juin 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Novembre 2020

Date de mise à disposition : 7 janvier 2021 prorogée au 28 janvier 2021, prorogée au 18 février 2021 avancée au 4 février 2021, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Françoise CLEMENT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Anne WYON, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Annick ISOLA, conseiller

Arrêt Rendue par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. et Mme de D E ont acquis le 30 août 2012 une maison située à Crozet (pays de Gex) auprès de la société F G, promoteur immobilier, au prix de 263'000€.

L’acte authentique a été établi par deux études de notaires, la SCP AI-I-M-N, notaire du vendeur et la SCP B C-O, notaire des acquéreurs, Me C-O étant la rédactrice de l’acte.

Les époux De D E ont déposé le 19 décembre 2012 une demande de permis de construire en vue d’une rénovation et d’une extension de la maison. Leur demande a été rejetée au

motif que l’habitation existante avait été édifiée sans autorisation d’urbanisme préalable.

Ils ont fait assigner le vendeur et les deux études de notaires devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, qui par jugement du 17 mai 2018, les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes dirigées contre la société F G, a débouté cette société de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, a condamné les époux De D E à payer à la société F G une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, a dit que les deux SCP notariales avaient manqué à leur obligation de conseil et les a condamnées in solidum à payer aux époux De D E la somme de 65'000 euros en réparation de leur préjudice et celle de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La SCP AI-I-M-N a relevé appel de cette décision par déclaration du 25 juin 2018.

La déclaration d’appel a été signifiée aux époux de D E par actes d’ huissier de justice délivrés le 2 août 2018 en étude pour chacun des époux.

La SCP C-O AG-AH et Z A notaires associés venant aux droits de la SCP B C-O a également relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 juin 2018.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 décembre 2018 et qui ont été signifiées aux époux par acte d’huissier de justice remis à Mme de D E en personne le 20 décembre 2018 et à domicile pour son mari à la même date, la SCP AI-I-M-N fait valoir que les acquéreurs ne lui ont fait part à aucun moment de leur projet de rénovation. Elle précise que par courrier du 17 juin 2013, la commune a fait savoir aux acquéreurs que la société F G aurait été informée que la construction existante autorisée était un garage, qui avait fait l’objet d’un agrandissement et d’un changement de destination non autorisé.

Elle fait valoir qu’elle était le notaire du vendeur, que les acquéreurs disposaient de leur propre notaire, qu’elle se devait d’assurer l’efficacité juridique de son acte, ce qui a été le cas en l’état des informations sur les intentions des acquéreurs dont elle disposait. Elle soutient qu’elle n’était pas tenue de conseiller les acquéreurs.

Elle indique s’être fait remettre un certificat d’urbanisme avant la signature du compromis de vente et avoir pris connaissance du permis de construire délivré le 20 août 1968 par la commune de Crozet concernant une maison individuelle d’une surface habitable de 80,07 m² ainsi qu’un permis de construire en date du 16 mars 1970 pour la construction d’un garage-cellier annexe à l’habitation.

Elle précise qu’elle n’avait pas l’obligation d’annexer ces permis de construire à l’acte de vente puisqu’ils avaient été délivrés plus de 10 ans avant celle-ci, que l’immeuble a été détenu pendant 33 ans par les époux X qui l’ont cédé le 24 août 2012 à la société F G et que dans l’acte de cession du 30 août 2012 comme dans celui du 24 août précédent, la société venderesse déclarait qu’il n’y avait eu aucune opération de construction depuis 10 ans.

Elle indique n’avoir commis aucune faute et affirme qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas pris en compte les intentions des époux de D E de procéder à la rénovation et à l’agrandissement de la maison dans la mesure où elle ignorait qu’ils avaient un tel projet.

Elle conclut à l’infirmation du jugement et au rejet des prétentions des époux de D E E.

Elle ajoute que l’ensemble des préjudices des époux de D E E trouvent leur

source dans les man’uvres de la société F G et dans la rétention des informations que celle-ci tenait de la commune. Elle conteste le montant de la somme allouée par le tribunal aux époux de D E au titre de la perte de chance, conclut au rejet du surplus de leurs demandes (travaux de démolition, travaux de surélévation, perte de valeur du bien, frais d’expertise, perte de jouissance, préjudice moral) et conclut au débouté des demandes dirigées à son encontre et à la condamnation des époux de D E à lui payer 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2018 et signifiées aux époux de D E par acte d’huissier de justice du 14 décembre 2018 remis en étude, la SCP C-O et Z fait observer que les époux de D E E exercent la profession de gardiens de propriétés privées et avaient parfaitement conscience de faire l’acquisition d’un bien consistant en une ancienne maison de gardien détachée d’une propriété. Elle ajoute qu’ils n’ont pas évoqué leur souhait de réaliser une extension de l’immeuble acquis, évoquant seulement la rénovation du bien, de sorte que le notaire n’avait pas l’obligation de rechercher des informations sur la situation urbanistique du tènement immobilier, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.

Elle précise que l’ensemble des diagnostics rendus obligatoires ont été fournis, que la déclaration préalable a été délivrée de même qu’un certificat de non-opposition.

Elle conclut au débouté des demandes formées par les époux de D E et sollicite leur condamnation à lui verser une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec distraction au profit de la SAS Tudela & associés, avocats, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le4 décembre 2018 et signifiées aux époux de D E E par acte d’huissier du 19 décembre 2018 remis en étude, la société F G rappelle avoir été attraite en cause d’appel par la SCP AI-I-M-N qui s’est pourtant abstenue de relever appel des dispositions du jugement qui la concernent. Elle sollicite la confirmation de la décision critiquée et la condamnation de la SCP AI-I-M-N à lui verser 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux de D E n’ont pas constitué avocat en cause d’appel.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 11 juin 2019.

MOTIVATION

— sur les dispositions du jugement relatives à la société F G

La SCP AI-I-M-N qui a déclaré former appel à l’encontre de la société F G n’inclut pas dans le périmètre de sa saisine de la cour les dispositions du jugement relatives à cette société. La SCP C-O et Z n’a pas formé appel à l’encontre de la société F G.

La cour n’est en conséquence pas saisie des dispositions du jugement concernant la société F G.

— sur la responsabilité des notaires qui ont reçu l’acte

Au titre de son devoir d’information, le notaire est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention

de manière complète et circonstanciée sur la portée et les effets de l’acte, ainsi que sur les conséquences et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique.

En l’espèce et ainsi que l’a énoncé à juste titre le tribunal, il n’est nullement établi par les époux de D E que ceux-ci avaient informé les notaires de leur projet d’extension de l’immeuble qu’ils envisageaient d’acquérir.

Toutefois, il ressort des conclusions de la SCP AI-I-M-N que le bien acquis par les époux de D E était une partie d’une parcelle plus vaste vendue par Mme Y à la société F G. Cette parcelle d’une superficie initiale de 27 ares comprenait une maison à usage d’habitation et un bâtiment annexe (acte de vente du 24 août 2012 entre Mme Y et F G).

La SCP AI-I-M-N s’est procuré les permis de construire délivrés par la commune le 20 août 1968 pour la maison individuelle et le 16 mars 1970 pour la construction d’un 'garage-cellier annexe à l’habitation'.

Le rapprochement des actes montre sans ambiguïté que la partie de la parcelle acquise par les époux de D E supportait initialement un garage et non une maison d’habitation.

Quand bien même la société F G a déclaré qu’aucune construction n’avait été effectuée sur ce tènement immobilier depuis 10 ans, il résulte des mentions des actes qu’un 'garage cellier’ constitutif d’une annexe à une habitation, dont la construction avait été autorisée le 16 mars 1970, est devenu un bâtiment à usage d’habitation entre le 24 août 2012, date de la vente Y-F G et le 30 août 2012, date de la vente F G-de D E E.

L’acte authentique de vente n’est pas versé aux débats. Toutefois, ceci est confirmé par la mention figurant dans l’acte de prêt consenti aux acquéreurs par la Caisse d’Epargne et reçu par la SCP B-C-O, le 30 août 2012. Aux termes de cet acte, les époux de D E E ont déclaré que les sommes qu’ils avaient empruntées étaient destinées à financer un 'bâtiment à usage d’habitation’ situé à Crozet (Ain), […].

La transformation au fil des actes du garage-cellier en bâtiment d’habitation, qui ressortait sans ambiguité des actes en possession des notaires, leur imposait d’éclairer les acquéreurs sur la situation du bien immobilier vendu au regard des règles d’urbanisme, et ce quelles qu’aient été les intentions des acquéreurs ou, par la suite, de leurs ayant-droits quant à la réalisation de travaux sur le bâtiment.

En l’espèce et ainsi que l’a énoncé à juste titre le tribunal, il n’est nullement établi par les époux de D E E que ceux-ci avaient informé les notaires de leur projet d’extension de l’immeuble qu’ils envisageaient d’acquérir.

Toutefois, ce bien immobilier ne pouvait faire l’objet d’une rénovation que dans le volume existant et son implantation ne respectait pas les règles du plan d’occupation des sols, de sorte qu’il ne pouvait être agrandi sans démolition de l’existant et reconstruction en conformité avec les règles du POS.

À supposer que leur profession de gardiens de propriété privée leur ait permis de déceler qu’ils devenaient propriétaires d’une annexe transformée en habitation, les époux de D E ne pouvaient en déduire qu’ils se trouveraient dans l’impossibilité d’effectuer des travaux de rénovation de leur bien.

Or le notaire, qu’il soit rédacteur ou participe à une vente authentique est tenu, au titre de son devoir de conseil, de solliciter un certificat d’urbanisme destiné à vérifier les caractères du bien vendu au regard des règles applicables à la construction et d’attirer l’attention des acquéreurs sur les caractéristiques du bien vendu qui sont susceptibles d’avoir des conséquences préjudiciables à court ou à long terme. En l’espèce, le certificat d’urbanisme a été obtenu par le notaire du vendeur mais les

caractères du bien vendu n’ont fait l’objet d’aucune vérification alors que les mentions des actes successifs étaient contradictoires, ce qui ne pouvait pas échapper aux notaires, tant celui du vendeur que celui de l’acquéreur. Il incombait en conséquence aux deux études de procéder aux investigations nécessaires pour apporter aux acquéreurs une information complète sur la situation du bien immobilier au regard des possibilités de rénovation notamment.

Le manquement des deux SCP notariales à leur devoir d’information et de conseil est dès lors parfaitement établi.

Les premiers juges ont considéré pertinemment que ce manquement a privé les époux de D E d’une chance d’avoir connaissance d’éléments susceptibles de remettre en cause leur consentement à l’acquisition d’un immeuble qu’ils n’ont pu rénover et qu’ils ont dû démolir puis reconstruire.

C’est pourquoi le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a condamné in solidum les SCP notariales à verser aux époux de D E en réparation de leur préjudice une somme de 65 000 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé dans ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SCP AI-I-M-N devenue la SELAS H I, P Q R N T AF et H J notaires associes, et la SCP C-O AG-AH et Z A notaires associés venant aux droits de la SCP B C-O seront condamnées in solidum aux dépens d’appel.

Les demandes relatives à l’article 700 seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort :

Rappelle que la cour n’est pas saisie des dispositions du jugement relatives à la société F G ;

Confirme le surplus du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 17 mai 2018 dans toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SCP AI-I-M-N devenue la SELAS H I, P Q R N T AF et H J notaires associes, et la SCP C-O AG-AH et Z A notaires associés venant aux droits de la SCP B C-O aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Reffay & Associés, avocat, sur son affirrmation de droit.

Le Greffier Le Président

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 4 février 2021, n° 18/04622