Cour d'appel de Metz, 5 juillet 2016, n° 15/01491

  • Opposition·
  • Indépendant·
  • Créance·
  • Prix de vente·
  • Notaire·
  • Fonds de commerce·
  • Nullité·
  • Créanciers·
  • Prescription·
  • Distribution

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Metz, 5 juill. 2016, n° 15/01491
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 15/01491

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 16/00336

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : 15/01491

(3)

Z

C/

Organisme CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS (RSI CENTRE)

COUR D’APPEL DE METZ

1eRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 JUILLET 2016

APPELANT :

Maître C Z

XXX

XXX

Représentant : Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

INTIMEE :

Organisme CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS (RSI CENTRE), prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentants : Me Djaffar BELHAMICI, avocat au barreau de METZ, avocat postulant, et Me GARNON, avocat au Barreau de STRASBOURG, avocat plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller

Madame BOU, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Y

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 10 Mai 2016

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 05 Juillet 2016.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant deux actes authentiques reçus le 20 mai 2011 par Maître C X, notaire associé de la société civile professionnelle C X et C Z, A B et son épouse, I J, ont vendu d’une part à la SCI Hydro Lorrain une centrale hydroélectrique située sur la commune de Frauenberg et d’autre part à la société Alphasol le fonds industriel de production électrique constitué par l’exploitation de cette centrale.

Par acte d’huissier de justice signifié le 1er juillet 2011 au domicile élu de la société Alphasol, en l’étude de Maîtres X et Z, la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants (ci-après la Caisse) a formé opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce à A B au motif d’une créance en principal de 15 554,95 euros, représentant selon l’acte extrajudiciaire des dettes en recouvrement.

Reprochant au notaire d’avoir, en méconnaissance des articles 1242 du code civil et L 141-16 du code de commerce, accepté de se dessaisir des causes de l’opposition entre les mains du vendeur et d’avoir ainsi commis une faute au sens de l’article 1382 du code civil dont le préjudice est équivalent à la perte de sa créance, la Caisse a, par acte d’huissier du 29 septembre 2014, fait assigner C Z devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin de le voir condamner, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :

* 15 787,82 euros avec intérêts légaux à compter du 1er juillet 2011 en ordonnant la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’une année ;

* 5 000 euros à titre de dommages intérêts complémentaires outre intérêts à compter du jugement ;

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

C Z n’a pas constitué avocat bien qu’il ait été assigné à personne.

Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a statué ainsi :

'Déclare la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants recevable et partiellement bien fondée en son action ;

Déclare Me C Z seul et entièrement responsable de sa faute à l’égard de la demanderesse ;

Dit que Me C Z reste détenteur à l’égard de la seule demanderesse du prix de vente du fonds de commerce à concurrence de 15.787,82 euros jusqu’à l’issue de la procédure de distribution qu’il appartiendra à la partie la plus diligente d’ouvrir, le tout à titre de réparation de la perte de créance subie par la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants ;

Condamne Me C Z à payer à la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants la somme d’un montant de 2.500,00 euros ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement à concurrence de la totalité des créances en ce y compris, celles de frais et dépens ;

Déboute la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires aux précédentes dispositions ;

Condamne Me C Z aux dépens de la présente instance à concurrence de 80 % et la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants au reliquat de 20 %'.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que la preuve de l’existence d’une vente du fonds de commerce de A B à la société Alphasol était rapportée et que la totalité du prix avait été versée au vendeur par C Z, nonobstant la notification de l’opposition. Néanmoins, il a relevé que l’opposition n’avait pas pour effet d’attribuer au créancier opposant le prix ou la partie du prix de vente du fonds mais d’ouvrir une procédure de distribution de ce même prix, soit à l’amiable, soit par voie de justice. Il en a déduit que la Caisse n’avait subi qu’une perte de chance de participer utilement à la distribution du prix et que son préjudice n’était donc pas égal à la perte du capital lui-même, ce d’autant que le tribunal a retenu que la Caisse ne justifiait pas du caractère certain, liquide, exigible et définitif de créance alors que celle-ci était contestée par son assuré.

Il a considéré que pour garantir la meilleure réparation de la perte subie, il convenait de rétablir chacune des parties dans la situation qui était la sienne avant la commission du fait dommageable et a donc statué ainsi qu’il a été dit. Il a par ailleurs estimé que le préjudice accessoire allégué par la Caisse relevait de l’indemnisation au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration de son avocat remise le 5 mai 2015 au greffe de la cour d’appel de Metz, C Z a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions de son avocat du 6 octobre 2015, C Z demande à la Cour de :

'- Faire droit à l’appel de Maître C Z ;

— Infirmer le jugement entrepris ;

— Constater que l’opposition à prix de vente de fonds de commerce du 1er juillet 2011 est nulle et de nul effet ;

— Constater la prescription de la créance alléguée par la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) ;

— Constater le caractère incertain de la créance invoquée par la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) et, en conséquence, dire et juger que la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) est sans qualité pour agir en son opposition ;

— Dire et juger que Maître Z, en sa qualité de successeur de Maître X, n’a commis aucune faute en ne réglant pas les montants figurant dans l’opposition à la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE), faute pour l’opposition d’être régulière et d’emporter attribution de son montant au créancier opposant ;

— Subsidiairement : constater que la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) ne démontre pas le préjudice allégué ;

— En conséquence : Débouter la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) de ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de Maître C Z ;

— Très subsidiairement : dire et juger que la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) ne peut prétendre qu’à une perte de chance de recouvrer les sommes en cause, et ce, à hauteur de 10 % des sommes réclamées, à supposer le quantum de son opposition établi ;

— En tout état de cause, débouter le RSI de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de Maître Z ;

— Eu égard aux circonstances de la cause, condamner la Caisse Régionale Du Centre Du Régime Social Des Indépendants (RSI CENTRE) aux entiers dépens d’Instance et d’appel et à verser à Maître C Z la somme de 6000 € au titre de l’article 700 du CPC'.

A titre préliminaire, C Z fait valoir qu’il est recherché en paiement en sa qualité de successeur de C X et que les actes ont été reçus et suivis par ce dernier, aujourd’hui retraité, qui, en tant que tel, est personnellement responsable des actes qu’il a reçus. Il en déduit que dans l’hypothèse d’une confirmation de sa responsabilité, C Z, en sa qualité d’associé devra en assumer sa part au titre de la contribution financière.

Il soutient en premier lieu que l’opposition est nulle. Il relève que le fonds en cause n’est pas un fonds de commerce mais un fonds industriel et, se prévalant de l’article L 141-14 alinéa 2 du code de commerce, invoque la nullité de l’opposition pour ne pas contenir les causes de la créance, C Z estimant que la mention de 'dettes en recouvrement’ est insuffisante. Il prétend que cette nullité est d’ordre public, sans qu’il soit besoin d’un grief. Il déduit de la nullité de l’opposition que la demande à son égard est sans objet.

Il argue ensuite de la prescription de la créance de la Caisse. Il relève à cet effet que les sommes visées semblent des cotisations santé pour A L et que ce type de créance se prescrit par 5 ans, en application de l’article 2277 du code civil et de l’article L 244-11 du code de la sécurité sociale, à compter de l’expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure. Il ajoute que l’opposition n’interrompt pas la prescription.

Il fait encore valoir que la créance n’est pas certaine, soulignant qu’elle n’est constatée par aucun titre et que les cotisations ne concernent pas l’épouse de A L, co-venderesse du fonds. Il ajoute qu’aucune instance n’a été engagée par la Caisse. Or, il soutient que le créancier opposant doit justifier d’une créance certaine, à défaut de quoi il est sans qualité pour agir et la créance ne peut faire l’objet d’une opposition.

Il prétend que c’est sans faute qu’il n’a pas adressé les fonds à la Caisse puisque l’opposition n’emporte pas attribution de son montant au créancier opposant, de surcroît en présence d’une contestation expresse de la part du vendeur. Il relève également que la Caisse reste taisante quant aux modalités de recouvrement de sa créance auprès de A L et qu’elle n’a jamais invoqué l’impossibilité pour elle de recouvrer les sommes qui lui sont prétendument dues. Il note qu’aucune contrainte n’a été délivrée et que si la Caisse a été négligente, cette responsabilité lui incombe. Il estime que tout au plus, la Caisse pourrait faire valoir une perte de chance de ne pas recouvrer sa créance, à supposer celle-ci certaine, non prescrite et l’opposition valable, du fait du versement du prix entre les mains du vendeur, mais que faute de justifier de l’impossibilité de recouvrer les sommes en cause et de la moindre assignation en justice à cette fin, sa demande ne pourra qu’être rejetée.

Par conclusions de son avocat du 16 octobre 2015, la Caisse demande à la Cour de :

'Vu l’article 1382 du Code Civil ;

Vu l’article 1242 du Code Civil ;

Vu les articles L141-15 et suivant du Code de Commerce ;

— Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants recevable et bien fondée en son action ;

— Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré Maître C Z seul et entièrement responsable de sa faute à l’égard de la demanderesse ;

En conséquence :

Sur appel incident :

— Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit que Maître Z restait détenteur à l’égard de la seule demanderesse du prix de vente du fonds de commerce à concurrence de 15.787,82 € ;

— Condamner Maître C Z à payer la somme de 15.787,82 € outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure, subsidiairement de l’assignation ;

Subsidiairement :

— Confirmer le jugement du 10 février 2015 en toutes ses dispositions ;

Dans tous les cas :

— Condamner Maître C Z à payer la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC au titre de l’instance d’appel ;

— Condamner Maître C Z aux entiers frais et dépens, au titre de l’instance d’appel.

— Débouter Maître C Z de l’ensemble de ses fins et conclusions'.

La Caisse relève liminairement que C Z a été destinataire de l’opposition et que celui-ci lui a confirmé par mail avoir demandé à A B de lui adresser le montant correspondant à sa créance. Elle en déduit que le notaire est pleinement responsable des manquements constatés.

Elle conteste la nullité de l’opposition en considérant que les causes de celle-ci sont bien précisées, alléguant au surplus le défaut de qualité de C Z pour invoquer une éventuelle irrégularité.

Elle estime produire les justificatifs de sa créance, à savoir le relevé de compte et les mises en demeure correspondant aux différents appels de cotisation adressées au débiteur. Elle argue de l’effet interruptif de la prescription de ces mises en demeure ainsi que de l’opposition. Elle fait valoir que c’est en raison de l’engagement de C Z pris par mail selon lequel le redevable s’acquitterait de sa dette qu’elle n’a pas délivré de contrainte de sorte qu’elle estime que l’appelant est mal fondé à se prévaloir de l’absence de titre. Elle prétend qu’en lui envoyant ce mail, C Z a commis une faute lui ayant occasionné un préjudice équivalant au montant de sa créance, si la Cour devait retenir la prescription de celle-ci.

Elle soutient que le séquestre n’a pas à se faire juge de la validité des oppositions pratiquées et qu’en l’espèce, C Z ne devait pas s’immiscer dans le litige opposant A B à la Caisse mais garder les sommes consignées par devers lui.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2016.

MOTIFS DE L’ARRET

Il convient de remarquer à titre liminaire que C Z fait valoir que C X est personnellement responsable des actes qu’il a reçus mais n’invoque pas cette argumentation au soutien d’une fin de non-recevoir ou comme défense au fond puisqu’il n’en tire aucune conséquence quant à la demande de la Caisse. Il n’y a donc pas lieu de l’examiner.

Sur la nullité de l’opposition

Selon l’article L 141-14 du code de commerce inclus dans le chapitre relatif à la vente du fonds de commerce, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications visées à l’article L 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par simple acte extrajudiciaire, opposition au paiement du prix. L’opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds. Le bailleur ne peut former opposition pour loyers en cours ou à échoir, et ce, nonobstant toutes stipulations contraires. Aucun transport amiable ou judiciaire du prix ou de partie du prix n’est opposable aux créanciers qui se sont ainsi fait connaître dans ce délai.

Il convient de noter que selon l’acte authentique du 20 mai 2011, la vente porte sur le fonds comprenant l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, l’achalandage y attachés, sur l’usage des locaux dans lesquels le fonds est exploité, sur le bénéfice des différents contrats d’exploitation de l’eau et avec EDF et sur le mobilier et matériel, ustensiles et outillages. Il s’agit donc bien de la vente d’un fonds de commerce.

Tout intéressé peut se prévaloir de la nullité prévue par la disposition précitée.

Ainsi, C Z peut invoquer la nullité de l’opposition pour non respect des prescriptions susvisées.

Mais force est de constater que l’opposition mentionne qu’elle est délivrée pour une somme en principal de 15 554,95 euros correspondant à des dettes en recouvrement et le coût de l’acte d’opposition de 232,87 euros. L’opposition énonce donc le chiffre et les causes de la créance.

En outre, en vertu de l’article 649 du code de procédure, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. Et il résulte de l’article 114 alinéa 2 du même code que la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public, étant observé que la nullité en cause n’est même pas d’ordre public.

Or, en l’occurrence, C Z ne justifie, ni même n’argue d’un quelconque préjudice lié à l’irrégularité alléguée.

En conséquence, il doit être débouté de sa demande de nullité de l’opposition.

Sur la prescription de la créance et le défaut de qualité à agir de la Caisse du fait du caractère incertain de la créance

Il résulte de l’article L 141-14 du code de commerce que la créance fondant l’opposition doit être certaine, au moins dans son principe.

Cependant, le notaire entre les mains duquel l’opposition a été signifiée n’est pas le débiteur du créancier à l’origine de l’opposition.

Il convient en outre de souligner que l’article L 141-16 du code de commerce prévoit que si l’opposition a été faite sans titre et sans cause et à défaut d’instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal de grande instance à l’effet d’obtenir l’autorisation de toucher son prix, malgré l’opposition, c’est-à-dire d’obtenir la main levée de l’opposition.

Il suit de là que le notaire auquel a été signifiée une opposition au paiement du prix de vente n’a ni à apprécier, ni à contester le bien-fondé de l’opposition au motif de sa prescription ou de son caractère incertain mais doit seulement informer le débiteur des recours possibles qui lui sont ouverts par les articles L 141-15 et L 141-16 du code de commerce afin de toucher le prix, le notaire ayant pour obligation de garder les fonds dans l’attente de l’issue d’une éventuelle mainlevée.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande portant sur la prescription et sur le défaut de qualité à agir de la Caisse en son opposition du fait du caractère incertain de la créance.

Sur la responsabilité du notaire et le préjudice

L’opposition prévue par l’article L 141-14 du code de commerce constitue une mesure conservatoire qui prolonge l’indisponibilité du prix. Elle a pour but de faire défense au séquestre de se dessaisir des fonds et de permettre au créancier opposant de faire valoir ultérieurement ses droits dans une distribution du prix, étant souligné que, comme déjà énoncé, le notaire auquel a été signifiée une opposition n’a pas à apprécier le bien-fondé de celle-ci et que l’éventuel doute qu’il peut avoir sur ce point ne saurait donc l’autoriser à verser le produit de la vente entre les mains du vendeur.

Par suite, commet une faute et engage sa responsabilité à l’égard du créancier opposant sur le fondement de l’article 1382 du code civil le notaire qui, nonobstant une opposition au paiement du prix de vente, se dessaisit du prix au profit du vendeur.

Or, en l’espèce, tel est bien le cas. En effet, il résulte de la lettre de A B en date du 21 novembre 2012 adressée à la Caisse que la totalité du prix de vente a été versée par le notaire entre les mains de A B en dépit de l’opposition préalablement notifiée par la Caisse.

La Caisse verse aux débats le décompte de sa créance et les mises en demeure adressées à A B entre les 12 janvier 2009 et 9 février 2012 dont il résulte que la créance litigieuse correspond à diverses cotisations sociales appelées en raison de l’activité de production et de distribution électrique développée par A B, ce pour les années 2007 au premier trimestre 2011. Au moment de l’opposition faite le 1er juillet 2011, les cotisations portaient donc sur des périodes récentes de sorte que les délais de prescription invoqués n’étaient pas encore écoulés. Par ailleurs, selon l’appelant, A B a contesté la créance de la Caisse au motif que l’activité de la centrale hydroélectrique avait suspendu son activité pendant presque un an. Or, outre que ce motif ne saurait fonder le défaut de paiement de cotisations dues pour plusieurs années, la suspension d’activité alléguée n’est étayée par aucun élément. Ainsi, la Caisse justifie de l’existence et du bien-fondé de sa créance au moment de l’opposition.

Il convient d’observer également qu’aucune autre opposition n’a été faite sur le prix de vente et que la totalité de celui-ci a été versé à A B, ce qui prouve l’absence de tout autre créancier de ce dernier ayant pu percevoir le prix ou réduire les droits de la Caisse dans le cadre de la procédure de distribution qui avait vocation à intervenir.

Enfin, la circonstance que la Caisse ne justifie pas de démarches en vue de recouvrer sa créance auprès de A B et de l’impossibilité d’obtenir son paiement auprès de celui-ci est indifférente dès lors qu’il est reproché au notaire d’avoir privé la Caisse du paiement de sa créance par les voies réservées aux créanciers opposants.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la Caisse justifie bien de la réalité du préjudice subi par elle du fait de la faute commise par le notaire et que ce préjudice n’est pas une perte de chance mais un préjudice entièrement consommé et réalisé.

En conséquence, C Z doit être condamné à payer à la Caisse la somme de 15 787,82 euros. S’agissant d’une somme allouée à titre de dommages et intérêts, elle portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application du principe posé à l’article 1153-1, alinéa 2, du code civil.

Sur les dommages et intérêts complémentaires

A défaut de moyen développé à l’encontre de la disposition du jugement ayant débouté la Caisse de cette demande qu’elle ne réitère d’ailleurs pas à hauteur d’appel, cette disposition sera confirmée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

C Z, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, débouté de toute demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la Caisse la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement étant confirmé sur ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

— dit que C Z reste détenteur à l’égard de la seule demanderesse du prix de vente du fonds de commerce à concurrence de 15 787,82 euros jusqu’à l’issue de la procédure de distribution qu’il appartiendra à la partie la plus diligente d’ouvrir, le tout à titre de réparation de la perte de créance subie par la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants ;

— débouté la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants de sa demande en paiement de la somme de 15 787,82 euros ;

— condamné C Z aux dépens à concurrence de 80 % et la Caisse Régionale du Centre du Régime Social des Indépendants au reliquat de 20 %'.

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

CONDAMNE C Z à payer à la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants les sommes de :

—  15 787,82 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

—  1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE C Z aux dépens.

Le présent arrêt a été prononcé publiquement le 05 Juillet 2016, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Mme Y, Greffier, et signé par eux.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Metz, 5 juillet 2016, n° 15/01491